Menace de court-circuit sur la vie conventionnelle

317 – Quatre plats, plus roboratifs les uns que les autres, constituent le menu de la négociation conventionnelle en cours :

la question tarifaire, avec le « C à 23 € » dont la revendication et la promesse se perdent aujourd’hui dans l’histoire. Des ministres différents l’ont promise avant et après le double scrutin mais sans jamais donner leur « feu vert officiel ». Conséquence : cette non-revalorisation mine la crédibilité des négociateurs plus sûrement que l’empilement d’objectifs comptables d’économies censées « gager » l’augmentation. Aujourd’hui, c’est la crise qui complique la donne, rendant forcément impopulaire une augmentation des médecins pendant que les salariés se retrouvent sous la menace de chômage ;

le CAPI, mine de rien, une authentique révolution culturelle au pays de la Convention. Il prévoit – sous condition d’être préalablement négocié au niveau collectif – l’adhésion individuelle à un Contrat d’Amélioration de Pratiques Individuelles, ouvrant droit à une rétribution « à la performance ». Les syndicats, dans leur ensemble, y consentent du bout des lèvres mais ont laissé la Caisse développer, selon sa mauvaise habitude, une véritable « usine à gaz » qui fera fuir les mieux disposés des généralistes à qui elle s’adresse ;

le contrat de solidarité inter-générationnel, première atteinte, soft, à la liberté d’installation consacrée en 1927 au nom des cinq principes du libéralisme. Il était prévu, à l’initiative de MG-France « amendée » par la CSMF, la souscription de contrats où les médecins installés en zones « sur-dotées » iraient donner un coup de main (PDS, consultations « avancées ») aux confrères de zones « sous-dotées ». Cette solidarité ne serait fondée que sur le volontariat pendant une période probatoire de trois ans avant d’être éventuellement rendue opposable à tous ;

le secteur optionnel, autre « serpent de mer » en gestation depuis plus de quatre ans et, dans une première étape, réservé aux seules spécialités intervenant en salle d’opération : chirurgiens, anesthésistes, obstétriciens… Cette option ne manque pourtant pas d’attraits, permettant à son titulaire un dépassement plafonné/remboursé par les complémentaire sous réserve de pratiquer à 30 % en tarif opposable. Mais voilà, les complémentaires voudraient en assortir le bénéfice au renoncement… ou du moins à l’encadrement du secteur 2 de… tout le monde !

Les deux derniers projets répondent très explicitement à une « commande » de Nicolas Sarkozy qui a mis « la pression » sur les négociateurs, avec obligation de résultat avant la fin de 2008. Sans réponse – hypothèse la plus probable – il se réserve de légiférer par voie d’amendements à la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoires) dont le débat est programmé à l’Assemblée à partir de finjanvier. D’ores et déjà, on voit mal comment il pourrait en aller autrement tant il sera difficile au syndicalisme de se tirer « une balle dans le pied » en renonçant au secteur 2 ou à cette liberté d’installation sans laquelle il serait vain d’espérer attirer des vocations libérales.

Mais, plus encore que le fond, c’est la forme qui apparaît la plus dommageable à la crédibilité de la négociation en cours. L’interventionnisme de l’exécutif politique dans le dialogue des interlocuteurs, légitimes à négocier, n’a jamais été aussi explicite. La position du Président de la République n’a, certes, le défaut de l’hypocrisie mais n’en constitue pas moins une intrusion sur un terrain où les partenaires sont a priori libres de leur ordre du jour et de son issue.

On a peine, par ailleurs, à imaginer que le chantage, relayé par les Caisses selon lequel il appartenait aux spécialités les mieux nanties – radiologues et biologistes – de consentir les sacrifices financiers à même de satisfaire le C à 23 €, n’ait pas été cautionné par Bercy ou plusieurs autres rouages gouvernementaux.

Au-delà du scénario d’ombres chinoises qui se déroule sur la scène conventionnelle, c’est le sort de toute la gouvernance de la médecine libérale qui se joue ces temps-ci. Caisses ou Gouvernement ? Il n’est pas sûr que les médecins aient plus à perdre à se confronter directement à la puissance publique plutôt qu’à ses factotums.