Méroé, capitale et résidence des Candaces

334 – Christian Ziccarelli – Il faut découvrir les pyramides royales de Méroé à l’approche du crépuscule, au moment où le soleil caresse le sable blond du désert de la Bayouda. Plus pointues et plus petites que les pyramides égyptiennes, leur face Est est généralement précédée d’une chapelle à offrandes.

Les trois grandes nécropoles de Méroé sont au coeur de l’actuel Soudan, en aval de la sixième cataracte du Nil, un peu à l’écart du fl euve, à deux cents kilomètres au nord-est de Khartoum. C’est là que furent inhumés les énigmatiques rois et reines méroïtes.

Si Hérodote est le premier à mentionner Méroé dans ses Histoire au livre II, il faut attendre le récit des grands voyageurs (tel le nantais Frédéric Cailliaud accompagnant l’expédition militaire d’Ismaël Pacha au Soudan) et celui de l’expédition de l’archéologue allemand Richard Lepsius pour redécouvrir cette cité mythique, fascinant l’Occident.

Méroé désigne aujourd’hui trois aires géographiques distinctes : une ville, sa région et l’ensemble de l’empire, délimitées par trois cours d’eau le Nil à l’Ouest, le Nil Bleu au Sud- Ouest et l’Atbara au Nord Est. Outre Méroé, le Soudan réserve au voyageur de nombreuses surprises : le temple d’Amon précédé d’une allée de douze béliers, le « kiosque » romain, le temple d’Apedemak, la chapelle d’Hathor à Naga (N-E de Khartoum), la grande enceinte et le temple d’Apedemak de Moussawarat es- Soufra, le somptueux site du Djebel Barkal et son temple dédié à Amon.

La civilisation méroïtique

Profitant d’une Basse-Égypte en plein déclin, la civilisation méroïtique s’épanouit durant six siècles, d’environ -270 av. J.C. à 320 ap. J.C., date de sa dernière pyramide. Elle n’est en fait que le dernier état d’une culture bien plus ancienne. Le royaume de Kerma (le pays de Koush des textes bibliques, l’Ethiopie des Gréco-Romains) a dominé la région entre 2200 et 1550 av. J.C, avant d’être conquis par les pharaons de la XVIIIe dynastie. Succédant au royaume de Napata (VIe – IVe siècle av. J.C), l’empire de Méroé fut le centre d’une civilisation originale, amalgame des civilisations pharaoniques, grecques, romaines et subsahariennes. Le roi Akamani Ier, fondateur de cette nouvelle dynastie, rompt la tradition en construisant sa pyramide dans le cimetière sud de Begrawija à deux kilomètres de sa capitale Méroé. Le site de Djebel Barkal, situé dans la boucle du Nil, reste le centre religieux majeur des méroïtiques, de même que le Dieu Amon sera la principale divinité du panthéon royal. Mais désormais les divinités locales du royaume de Napata reçoivent un culte dynastique. Le dieu Apedemak à tête de lion est non seulement un dieu guerrier participant au combat mais un dispensateur de vie et de fertilité. Des dieux ou déesses inconnues des Egyptiens accèdent au culte offi ciel : Sébiouméker, Amésémi l’épouse d’Apedemak caractérisée par ses cheveux crépus et des traits négroïdes, les joues tailladées de scarifi cations rituelles.

Le règne des Candaces

Au premier siècle ap. J.C des reines accèdent au trône en tant que monarque à part entière (régnant à l’égal des hommes), portant le titre de Candace (terme signifi ant « femme » ou « soeur »). Un haut fonctionnaire, le surintendant au trésor de l’une d’entre elles, sera le premier non juif à recevoir le baptême chrétien par le diacre Philippe, sur la route de Jérusalem à Gaza (actes des Apôtres). Propagea-t-il dans son pays la foi de son baptême ?

Une écriture spécifique

Elle apparaît à partir du IIe siècle av. J.-C. transcrivant la langue indigène et comportant vingt-trois caractères sous deux formes : l’une hiéroglyphique, réservée à l’usage royal ou cultuel, l’autre cursive, dérivant du démotique employée par toutes les couches de la société. Si l’idiome est lisible, il reste toujours indéchiffrable, seules les inscriptions funéraires sont relativement bien comprises.

La fin de Méroé est encore mal connue. L’empire disparaît au IVe siècle, sous les assauts des tribus nubiennes, les Nobades de l’Ouest, les Blemmyes (les Bedjas – les actuels nomades pillards du désert de l’Est -) et du roi d’Axoum, Ezana, laissant la place aux royaumes chrétiens de Nobatia au nord, de Makouria au centre (capitale Old Dongola), d’Alodia au Sud. ■(gallery)

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