Mondeuse d’Arbin La Brova 2007

C’est une erreur de limiter les vins de Savoie aux blancs acides et fluides d’hiver pour skieurs assoiffés dans les restaurants d’altitude. J’ai, au contraire, choisi l’arrivée de l’été, pour mettre en avant un cru rouge de Savoie : la mondeuse produite sur son terroir vedette d’Arbin par le domaine Louis Magnin, dont j’avais déjà vanté le Chignin Bergeron (Cardiologue n° 345). Ce cépage typiquement et uniquement savoyard descendrait de l’Allobrogica décrite dès l’antiquité par Pline l’Ancien dans le pays des Allobroges (Les Alpes). Et les études génétiques semblent démontrer que cette mondeuse serait une « grand-mère » de la syrah rhodanienne.

Le petit domaine familial Louis Magnin de 8 ha, dans la vallée de la Combe de Savoie, adossé au massif des Bauges qui le protège des vents glacés du climat alpin, est sis sur des coteaux au sol d’éboulis argilo-calcaires, aux terres caillouteuses d’argiles rouges (illites). Il bénéficie d’une exposition sud, sud-est, à une faible altitude de 250 m permettant un microclimat aux influences méditerranéennes qui contribue à la pleine maturité des raisins. Le lac du Bourget, proche, apporte l’humidité nécessaire. En 1978, Louis Magnin succède à son père qui vivait de la polyculture et décide de ne faire que du vin, et, pourquoi pas, de l’excellent. Il va se convertir progressivement à la culture bio, puis biodynamique après un essai concluant, pour dynamiser un sol, où les plantations de Bergeron peinaient à s’implanter. Les vignes plantées à 8 500 pieds/ha sont taillées en gobelet pour les plus vieilles et cordons de Royat palissées sur fil de fer. Tout engrais chimique et antipourriture est banni. Les traitements sont à base de tisanes de plantes, poudre d’argile, bouse de corne de vache, soufre et cuivre à doses infinitésimales.

La mondeuse La Brova est issue d’une sélection de parcelles cinquantenaires, récoltées du fait du caractère tardif du cépage, en fin de vendange en grande maturité. Les vendanges sont manuelles, totalement égrappées, la fermentation naturelle en cuve inox thermorégulée dure 30 jours, le vin bénéficie d’une extraction douce quotidienne par remontage. L’élevage en barriques de chêne s’étend sur 18 mois.

Cette mondeuse La Brova 2007, à la robe rubis pourpre sombre parée d’un violet intense, s’annonce par de séduisants arômes de fleur : violette, pivoine et surtout de fruits rouges et noirs : framboise, cassis, myrtille associés à de prégnantes senteurs épicées, puissantes de poivre noir, plus douces de coriandre et réglisse qui évoquent beaucoup la syrah. La bouche est riche, ample, complexe. Les tanins puissants à la trame encore un peu grenue ne demandent qu’à se fondre et s’intégrer lors de la dégustation des mets complices. La longue finale minérale très aromatique fait apparaître des touches fondues de vanille et de cuir témoignant de la garde de 10 ans.

Mariant la fleur et le feu, pivoine et poivre noir, ce vin démonstratif et exubérant se prête à de nombreux accords culinaires et doit stimuler l’imagination des cuisiniers. Trop jeune, sa rugosité tanique le limite à accompagner les belles charcuteries savoyardes : noix de jambon sec, saucisson au beaufort, au sanglier, saucisses de Diot, caillasse de Savoie, entrées à base de légumes relevés type achards. Mais après quelques années, cette mondeuse va s’épanouir avec les plats en cocotte qui, grâce à leur onctuosité, arrondissent ses tanins : coq au vin, veau Marengo, daube de joue de bœuf, civet de lapin à l’ancienne, tripoux aveyronnais, bien entendu, accompagnés de gratin dauphinois. Généreux avec les plats de ménage, ce vin épousera aussi ceux de la grande cuisine : filets de cannette aux cerises avec purée Robuchon, carré d’agneau de lait fumé au four et crémeux de pistache de Jean Sulpice, pigeonneau rôti, oignons roussis, chénopodes de Maxime Meilleur. Cette Brova, âgée de 10 ans, fera fête aux gibiers à poil : le chevreuil cuit saignant avec une sauce grand veneur bien poivrée, le civet de marcassin ou le rôti de biche. Ce vin est un athlète capable de couvrir l’ensemble du repas, après avoir accompagné certains fromages locaux : tomme de Savoie, Abondance, Tome des Bauges, il terminera la fête en compagnie de desserts chocolatés : cœur fondant, gâteau chocolat noir.

La Brova qui signifie la brave ou la fière, peut être confondue à l’aveugle avec certaines grandes syrahs de la vallée du Rhône, mais comme le déplore Louis Magnin : lorsque le consommateur découvre l’appellation Savoie, l’enthousiasme retombe ! Laissons le viticulteur conclure : « notre recherche constante de la qualité et notre philosophie a conduit à une culture biologique pour le plus grand respect du terroir ».

Mondeuse D’arbin La Brova 2007

Domaine Louis Magnin 73800 Arbin