Mosquée d’Ibn Tûlûn : Le parfait exemple d’architecture sacrée musulmane

325 – Christian Ziccarelli – De forme un carré presque parfait de 162 m de côté, construite en briques et habillée de stuc, ce lieu de prières est composé de cinq nefs délimitées par des piliers de section rectangulaire (bas-relief à décor de feuillages), sans façade intérieure. La toiture est soutenue par des arcs brisés (trois siècles avant leur utilisation par les architectes gothiques de l’Occident !) où court un bandeau de bois sculpté en caractères kûfiques ([Calligraphie kûfique : type d’écriture proportionnée, aux lettres angulaires et rigides, dont le dessin suit toujours la ligne de base. Son origine est faussement attribuée à la ville de Kûfa. Le kûfique a évolué vers des formes de plus en plus ornées, comme le kûfique fleuri.)], transcrivant des sourates du Coran. La chaire à prêcher en bois date du XIIIe siècle. La cour de 92 m de côté bordée, sur les trois autres côtés, d’une double galerie de circulation (128 fenêtres à arcs en stuc ajourées de motifs géométriques et entrelacs végétaux, ornant la partie haute des murs), possède en son centre une fontaine réservée aux ablutions (XIIIe siècle). Lieu de calme, propice à la méditation et au recueillement, merveille d’élégance et de grandeur, conservé dans son esprit originel, son plan en T renversé (nef centrale plus large que les autres), rappelle les premières mosquées mésopotamiennes telles que Samarra (Irak). Pas de façade extérieure, un simple mur aveugle surmonté de merlons entoure le sanctuaire, percé d’une ouverture, passage de la ville profane au lieu sacré. Son minaret sur une surface carrée élève trois étages de surface décroissante, avec une rampe extérieure en colimaçon unique en Egypte.

Une mosquée dérivée de la maison du Prophète Mohamed

Création originale de l’architecture religieuse musulmane, la mosquée de l’arabe masjid (« lieu où l’on se prosterne ») serait, selon les historiographes, dérivée de la maison du Prophète Mohamed à Médine. Restons, toutefois, circonspects sur cette éventualité. Si le terme de mosquée est fréquemment présent dans le Coran, il n’est jamais fait allusion à un type de construction spécifique.

Instaurés très tôt, les caractéristiques du rituel de la prière ([Cinq prières (Salât) obligatoires dés la puberté : matin (après l’aurore), midi, entre 15 et 17h, au crépuscule, de l’entrée de la nuit avant l’aube.)] ont joué un rôle capital dans la conception architecturale propre de la mosquée. Un des cinq piliers de l’Islam (Les cinq piliers de l’Islam sunnite : la profession de foi (chahada), la prière, l’impôt annuel (aumône aux pauvres : le zakat), le jeune diurne du mois du ramadan, le pèlerinage purificatoire à la Mecque (la ‘umra à la Ka’ba, pèlerinage individuel sans date précise, le hajj pèlerinage communautaire du 7 au 10 du mois du l-hijja) au moins une fois dans sa vie si le croyant ou la croyante en a les moyens physiques et matériels.), obligatoire pour tout musulman la prière est un acte privé (le plus souvent à la mosquée de quartier) ou collectif (à la mosquée du vendredi, à midi, réunissant la communauté toute entière et nécessitant alors un espace adapté). Le lieu réservé à la prière est, dans les premiers temps, une salle hypostyle, sans façade intérieure (apparue plus tardivement, de même que les portails). Le nombre de nefs, de largeur égale, est variable. Les supports sont composés de colonnes ou de piliers souvent des réemplois de monuments plus anciens. Le sol est couvert de tapis ou de nattes.

Après l’appel à la prière du vendredi, lancé par le muezzin du haut du minaret, l’ensemble de la communauté se réunit dans le sanctuaire. « Le prophète ou son représentant (éventuellement ses successeurs, les califes, etc.) devenait iman, ou chef de la prière collective. Une khutbah était prononcée, à la fois sermon et acte d’allégeance communautaire à son chef. C’était un moment consacré non seulement à la prière mais aussi à l’annonce de nouvelles, à des délibérations concernant le groupe dans sa totalité et même à la prise de certaines décisions collectives ». L’iman se tient devant les fidèles, près du mur de la Qiblah, proche du mihrab, puis prononce le Khutbah du haut du minbar.

Le minaret, parfois unique, permettant l’appel des croyants à la prière, est une tour élevée, attenante ou non à la mosquée dont la forme est variable selon les régions (carrés et alors calqués sur celles des églises chrétiennes, elles-mêmes inspirées de la tour romaine ou hellénistique, rarement en spirale dont l’origine reste sujette à discussion (anciens ziggourats mésopotamiens, tours de l’Iran sassanide ?).

Le mihrab, une innovation datant de la fin du premier siècle de l’Hégire

Après le minaret, l’élément le plus important de la mosquée est le mihrab, simple niche dans le mur de la Qiblah (direction en arabe), le plus souvent richement décoré. Dirigé vers la Mecque, le mihrab indiquerait la direction de la prière. Comme il n’est pas présent dans les premières mosquées ou peu visible, pour certains savants, il désignerait un emplacement honorifique dans un palais et aurait été introduit dans la mosquée pour indiquer la position du monarque ou de son représentant. Il est cependant difficile de nier son sens liturgique ou symbolique, il pourrait honorer l’endroit où le Prophète se tenait dans sa propre maison pour la conduite de la prière. Le mur de la Qiblah (fond du sanctuaire), vers lequel se prosternent les fidèles, est orienté vers la Ka’ba (petit édifi ce cubique au centre de la mosquée de La Mecque).

Devant le mur de la qiblah, à Cordoue notamment, il existe un espace de protection (contre un éventuel assassinat) réservé au prince : la maqsurah. Le minbar, la chaire à prêcher, dérive du siège à trois niveaux que le prophète employait à Médine. C’est un meuble droit formé d’une succession de marches assez hautes que bordent deux rampes se terminant par une estrade que couronne souvent un baldaquin. Dans la cour de la mosquée une structure, préservée à Damas et recouverte d’un dôme (le bayl al-mal) qui a disparu à Ibn Tûlûn pour laisser la place à une fontaine, abriterait le trésor.

Retenons en terme de conclusion les propos d’Oleg Grabar « Les éléments de la construction et de la composition des premières mosquées (Damas, Cordoue) sont, à première vue, les mêmes que ceux des églises ou d’autres monuments préislamiques ou non islamiques. Ce qui a changé d’abord c’est la séquence des éléments (tours, nefs, colonnes, niches) de telles sortes que trois nefs, parallèles entre elles comme à Damas, ne forment plus une église parce qu’elles ont la même dimension et s’orientent perpendiculairement à l’orientation du bâtiment…, mais la manière dont l’Islam primitif les avait disposées identifiait automatiquement une tour ou une niche comme forme architecturale appartenant à la nouvelle religion ».

Bibliographie (1) O. Grabar. La formation de l’art islamique. Champs Flammarion, 2000 ; 139 – 192 (2) D. Talbot Rice. L’art de l’Islam. Le monde de l’art, librairie Larousse, 1966 (3) P. Sénac. Le monde musulman des origines aux XIe siècle. Armand Colin 2007

|Le site du Caire (en arable Al-Qâhira) porte les traces des divers régimes qui se succédèrent dans la région. Au milieu du VIIe siècle, à la pointe du Nil, se dresse une forteresse byzantine. Ce modeste poste militaire porte un nom prestigieux, Babylone d’Egypte. En fait, l’histoire de la ville débute en 643, deux ans après que les arabes se soient emparés de Babylone, lorsque le général Amr ibn al-Asî édifi a pour ses troupes un campement stable, Fustât. En 751, le gouverneur abbasside Abû ‘Aûn, pour échapper à la ville remuante et marquer l’avènement d’un nouveau califat, installe sa résidence et un camp militaire au nord du noyau originel. Al-‘Askar devient le centre administratif et militaire de la province. En 870, un offi cier turc Ahmad ibn Tûlûn est nommé gouverneur d’Egypte. Profi tant de révoltes locales, il proclame son indépendance et construit une nouvelle citée, al Qatâ’i. Finalement, des princes fatimides venus de l’ifrîqiyya, l’actuelle Tunisie, fondent Al Qâhira, Le Caire.|

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