Naco : « L’antidote est un faux problème »

Drouet Ludovic
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368-369 – L’ANSM, la HAS et la CNAMTS ont présenté un plan qui vise à contrôler la prescription des  nouveaux anticoagulants oraux, les NACO, en se défendant d’arrière-pensée économique mais en mettant en avant la nécessité d’en rappeler le bon usage. Cela vous paraît-il pertinent ?

L. D. : Je n’ai pas de commentaire à faire sur les motivations de ces autorités. Mais cette démarche n’est pas nouvelle. Avant les NACO – qu’il est préférable d’appeler les AntiCoagulantsOraux Directs (ACOD) car ils ne seront pas éternellement nouveaux – nous avons connu des difficultés avec les AVK et l’Agence nationale du Médicament a mené des actions pour essayer de limiter les inconvénients liés à ces molécules. Nous sommes à nouveau devant une situation difficile avec ces nouvelles molécules faciles d’emploi du fait d’un nombre limité d’interactions médicamenteuses et d’une diminution de 30 à 50 % du risque d’hémorragie intracérébrale.

Nous sommes donc face à une classe de médicament qui nous apporte des bénéfices mais qui n’est pas sans risques, notamment en ce qui concerne les risque d’hémorragie générale qui reste du même ordre  qu’avec les AVK. L’efficacité des ACOD est comparable à celle des AVK voire supérieure.

Globalement, ce sont donc des molécules attrayantes sur lesquelles les prescripteurs et les patients se précipitent. Mais on ne doit pas les prescrire à n’importe qui, pas aux populations fragiles, c’est-à-dire les personnes âgées, les patients dont la fonction rénale est altérée et les « petits poids ». Il faut être certain que le diagnostic est bien posé.

Ces nouvelles molécules ont-elles une dangerosité plus grande en cas de mésusage ?

L. D. : Les AVK imposait des tests biologiques réguliers, qui constituaient une surveillance et une technique de rappel au patient des dangers du médicament. Avec les ACOD, la pression sur le patient est moins grande. Il est donc primordial qu’il y ait une éducation thérapeutique du patient au départ et des rappels en cours de traitement. II n’y a pas d’inconvénient à les prescrire si l’on met en place « le service après vente » : poser le bon diagnostic, assurer une bonne prise du médicament et vérifier la fonction rénale.

D’une certaine façon, le bruit fait autour de ces nouvelles molécules est une bonne chose car il permet de faire comprendre aux prescripteurs comme aux patients qu’elles ne sont pas sans risque et d’inciter à une plus grande vigilance.

Les autorités sanitaires mettent en avant l’absence d’antidote des nouveaux anticoagulants oraux. Qu’en pensez-vous ?

L. D. : L’antidote est un faux problème. Des études ont été menées qui ont porté au total sur 100 000 patients dont la moitié étaient sous AVK pour lesquels nous avons des antidotes et l’autre moitié sous anticoagulants oraux directs.

Lorsque des accidents hémorragiques sont survenus, l’antidote n’a été utilisé que dans 50 % des cas et à 50 % mal utilisé ! Les nouveaux anticoagulants vont avoir un antidote, mais il n’est pas sûr qu’il soit bien employé… On fait peur avec cette absence d’antidote mais, encore une fois, c’est une façon de rappeler qu’il ne s’agit pas d’un traitement anodin. Dans la gamme cardiaque, il importe que les anticoagulants soient pris en compte de façon très particulière.

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