Ni « filière », ni « parcours », le « trajet de soins » des diabétiques belges doit devenir un modèle

339 – CardioNews – Normalement l’enquête dite de « représentativité syndicale » devrait rendre son verdict avant quelques semaines et désigner celles des formations syndicales qui seront invitées à la table de négociations de la prochaine convention.

Dans la coulisse, elles ont déjà commencé et les grands thèmes sont d’ailleurs identifiés : les médecins voudront avancer, avant les élections de 2012, sur le terrain des honoraires -et la revalorisation des disciplines cliniques par la future CCAM des actes « cliniques » – tandis que les caisses souhaiteront conforter leur politique de maîtrise qui a permis en 2010, et pour la première fois depuis 1997, de respecter l’ONDAM, objectif de dépenses voté par le Parlement.

Mais le Directeur de l’Assurance Maladie aura aussi à cœur de conforter ses nouvelles ambitions dans ce que les assureurs appellent la « Gestion du Risque », cocktail à base de prévention primaire et secondaire « proactive » et de rationalisation des différents épisodes de la prise en charge. Pour lui, l’enjeu est d’importance car cette mission lui est disputée, sur le terrain, par les nouvelles ARS (Agences Régionales de la Santé) qui l’ont reçue en héritage de la loi HPST. C’est dire si la « maîtrise d’œuvre» de ce bébé conceptuel est l’objet d’un bras de fer entre acteurs : les directeurs d’ARS espèrent y trouver le moyen de démontrer leur capacité opérationnelle à faire « bouger les lignes » entre la ville et l’hôpital, au plus près du terrain.

Pendant que « Rocky », l’omnipotent patron de l’Assurance Maladie, ira puiser dans sa relation privilégiée avec les centrales nationales, une légitimité à jouer un rôle de « HMO » américain, à la fois assureur et opérateur. Et le support de ce conflit est d’ores et déjà connu sous le nom de « Sophia ».

Résumé des épisodes précédents : le Disease Management est, à tort ou à raison, aujourd’hui identifié comme le véritable levier d’une maîtrise intelligente des dépenses de santé. Son « secret » réside dans la capacité collective à anticiper les épisodes d’instabilité des maladies chroniques. Dans l’ordre : diabète, insuffisance cardiaque, asthme, parce qu’il s’agit de trois ALD que l’épidémiologie et le coût rendent de plus en plus lourdes pour la communauté.

Il y a un an, la CNAM a lancé cette initiative dans une quinzaine de départements avec des infirmières se livrant à un véritable « coaching téléphonique » des patients désignés, contre rétribution, par leur médecin traitant. Pour n’avoir pas consenti à s’impliquer, les diabétologues ont, de fait, été exclus du système.

Dans l’insuffisance cardiaque, les cardiologues sont, au contraire, hyperimpliqués. Le Syndicat a tout fait pour faire prospérer l’investissement jadis consenti dans les quelques réseaux ayant réussi à perdurer. D’où le projet METIS (Monitoring Éducatif Télémédical de l’Insuffisance cardiaque et des Syndromes coronariens aigus) développé en Ile de France à l’initiative de Jean-François Thébaut et de quelques confrères franciliens, quand il présidait encore aux destinées du Syndicat.

Cette expérience qui achève sa phase liminaire d’inclusion des 500 premiers patients s’assimile parfaitement à un « Sophia » libéral, avec coaching téléphonique par une infirmière spécialement formée à l’ETP (Éducation Thérapeutique du Patient) et une dose de télémédecine pour surveiller les constantes vitales. Dans un deuxième temps, mais potentiellement dès que possible si la phase-1 s’avère concluante, METIS pourra pousser quelques pseudopodes en province.

L’enjeu de cette affaire, et de son succès attendu, est essentiel car la profession doit y apporter la démonstration de sa capacité à investir cette nouvelle dimension d’une prise en charge, plus globale et plus efficiente, des malades chroniques. Si cette démonstration n’est pas apportée, le terrain sera dégagé pour l’Assurance Maladie devenue libre d’exercer sa tutelle sur les médecins libéraux, à la fois assureur et « opérateur » comme les HMO le font sur les confrères américains hyperpayés pour leur docilité.

Et comme, plus près de nous, le fait déjà l’Assurance Maladie belge (INAMI), évidemment, sur le diabète avec une « Convention diabète », assez originale car impliquant, à parité, le médecin traitant, le spécialiste, la caisse et … le patient qui n’obtient remboursement intégral de ses soins que sous condition d’observance !

A la signature de contrat par lequel il s’engage pour 4 ans à suivre rigoureusement toutes les prescriptions, y compris d’éducation thérapeutique, il reçoit un lecteur de glycémie et un lot de bandelettes et … le planning de ses RV chez le spécialiste et chez le généraliste, les séances chez le diététicien, chez le podologue et l’ophtalmo !

Et c’est le spécialiste qui est désigné organisateur-coordinateur du protocole de soins et « coacheur en chef » pour un forfait annuel de 80 €, comprenant … le dérangement (essentiellement par téléphone) lié à cette charge. Ce que les endocrinologues et/ou cardiologues français font généralement et tous les jours à de multiples reprises … bénévolement.

Ce n’est ni une « filière », bureaucratique par nature, ni un « parcours » d’obédience comptable, mais ce que nos voisins appellent plus prosaïquement un « trajet », balisant donc le chemin du soin. Après « Rien à déclarer » et la prestation du tandem Boon/Poelvoorde, il va devenir encore plus difficile de moquer les Belges !(gallery)