Non à la loi de santé [2]

Paris, le 9 décembre 2014

Chère consœur,

Cher confrère,

Chers amis,

 

Nous continuons à décliner les articles de la loi de santé en gestation.

Celle-ci est adroitement écrite car elle tisse, entre les articles sur le service territorial de santé au public et ceux sur le service public hospitalier, un ensemble d’obligations et de contraintes qui obligent les établissements privés à passer sous les fourches caudines des Directeurs généraux d’ARS et d’être à la merci de leur bon plaisir.

Nous le réaffirmons : ce projet de loi ne doit pas être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale et être réécrit dans l’esprit de la stratégie nationale de santé.

Bonne lecture.

Amicalement.

 

Docteur Eric Perchicot, Président.

Docteur Frédéric Fossati, Secrétaire Général.

 

Le projet de loi de santé risque d’écarter les établissements privés de la permanence des soins et de la prise en charge des urgences

La situation actuelle

Actuellement, les Français ont le choix, en cas d’hospitalisation, entre un établissement privé ou un établissement public et ceci même en urgence.

En effet, contrairement à ce que prétendent certains, les établissements privés assurent leurs urgences.

C’est ainsi par exemple que, dans les unités de soins intensifs cardiologiques, un cardiologue est présent sur place 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (le code de la santé publique interdit de déléguer la garde à un interne dans une clinique).

Contrairement également à ce qu’affirme régulièrement et sans preuves, la Fédération Hospitalière de France, il n’y a aucune discrimination d’ordre socio-économique. La seule étude sérieuse, qui a concerné 14 000 patients sur six mois, a été publiée en avril 2009 par le contrôle médical de l’Assurance Maladie, à propos de la prise en charge de l’infarctus du myocarde. Elle a conclu que la prise en charge médicale des patients CMU-C est similaire à celle des autres patients et qu’ils sont accueillis dans les mêmes proportions dans les différents types d’établissements de santé y compris les cliniques privées.

 

Attaques contre l’hospitalisation privée

Elles ont déjà commencé ces dernières années avec en particulier :

  • la volonté répétée, dans certaines régions, des ARH, puis des ARS, de supprimer des activités assurées par les établissements privés pour les transférer aux hôpitaux publics (angioplasties coronaires urgentes, rythmologie interventionnelle, USIC, chirurgie cardiaque…) ;
  • la loi HPST qui a privilégié les rapprochements entre hôpitaux publics ;
  • les habitudes de certains SAMU qui dirigent systématiquement les patients vers l’hôpital public, parfois contre la volonté de ceux qui sont déjà suivis dans un établissement privé.

 

Le service public hospitalier instauré par la loi de santé

(Art. L.6112-3 du CSP)

Il organise notamment la permanence des soins, c’est-à-dire la prise en charge des urgences.

Il instaure une inégalité aux dépens des établissements privés :

  • les établissements publics de santé assurent de droit le service public hospitalier ;
  • les établissements privés peuvent demander à y participer, mais après accord de l’ARS, « si leur activité est nécessaire au regard des besoins de la population et de la situation de l’offre hospitalière relevant du service public hospitalier ».

 

TRADUCTION : les établissements privés sont exclus de fait du service public hospitalier sauf carence de l’hospitalisation publique qui sera privilégiée. Ceci implique qu’aucune mission de service public ne leur sera confiée (et notamment la PDSE) avec de grandes difficultés pour obtenir les autorisations d’équipement et d’activités qui seront dévolues en premier au service public hospitalier.

 

 

Contraintes nécessaires à la participation au service public hospitalier

(Art.L6112-2-1 du CSP)

Certaines garanties sont déjà assurées par les établissements privés :

  • accueil adapté et délais de prise en charge en rapport avec l’état de santé,
  • permanence des soins ;
  • égal accès à des activités de prévention et des soins de qualité.

 

D’autres posent problème :

  • absence de dépassements d’honoraires par tous les professionnels de santé qui exercent dans l’établissement (cette obligation ne serait pas opposée aux hôpitaux publics) ;
  • participation des représentants des usagers à la gouvernance de l’établissement ;
  • transmission annuelle à l’ARS du compte d’exploitation.

 

En outre, antérieurement, un établissement privé pouvait assurer une ou plusieurs missions de service public alors que, dorénavant, il devrait assurer le service public hospitalier dans son ensemble, ce qui est beaucoup plus rigide.

 

Mainmise sur la médecine de ville

(Art. 6112-2-III du CSP)

« Ces établissements de santé mettent également en œuvre les actions suivantes :

  1. ils participent à la mise en œuvre du service territorial de santé ;
  2. ils peuvent être désignés par le directeur de l’Agence Régionale de Santé, en cas de carence de l’offre de services de santé…, pour développer des actions permettant de répondre aux besoins de la population ;
  3. ils développent, à la demande de l’Agence Régionale de Santé, des actions de coopérations entre établissements de santé, établissements médico-sociaux et établissements sociaux ainsi qu’avec les professionnels de santé libéraux ; »

TRADUCTION : l’hôpital public va lui aussi, en plus de l’ARS, coiffer la médecine de ville au niveau de chaque territoire de santé. Il pourra même le remplacer en cas de carence. Ce qui revient à dire que le système de santé sera organisé autour de l’hôpital public dont les médecins de ville seront les exécutants ; et la médecine spécialisée de ville disparaît….

Groupements hospitaliers de territoires

(Art. L.6132-1 du CSP).

«I.- Chaque établissement public de santé, sauf dérogation tenant à sa spécificité dans l’offre de soins régionale, adhère à un groupement hospitalier de territoire…

« II. – Le groupement a pour objet de permettre à ses membres la mise en œuvre d’une stratégie commune. Il assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établissements. Chaque groupement élabore un projet médical commun à l’ensemble de ses membres.

TRADUCTION : les hôpitaux d’un même territoire sont obligés de se regrouper autour d’un système d’information et d’une politique d’achat communs et d’un même projet médical. Ceci permettra d’établir qu’ils assurent une large offre de soins qui rendra inutile le recours à l’hospitalisation privée.

Ainsi, la loi donne à l’ARS, et donc à l’État tous les moyens de décider où et quand elle pourra étrangler un établissement privé.

Finalement, le risque pour la population est de perdre le libre choix de son mode d’hospitalisation notamment en cas d’urgence.

 

 

 

Dr Jean-Pierre Binon et Dr Vincent Guillot

9 décembre 2014

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