Non à la loi de santé [5]

Paris, le 18 décembre 2014.

Chère consœur,

Cher confrère,

Chers amis,

Pour le week-end voici le 5e volet de notre feuilleton où l’on constate que, quel que soit le pouvoir en place, le principe « diviser pour régner » est universellement utilisé, ici pour fragiliser le poids des organisations syndicales nationales. Notre position est claire : la négociation conventionnelle doit rester nationale et les déclinaisons régionales doivent en respecter la lettre. Ne recréons pas des féodalités régionales où le servage pourrait réapparaître.

Quant au DPC, son cheminement chaotique depuis des années est un exemple magistral et caricatural de l’inefficience des pouvoirs publics.

Bonne lecture. Amicalement.

Docteur Eric Perchicot, Président.

Docteur Frédéric Fossati, Secrétaire Général.

 
Téléchargez nos documents pour votre cabinet 

Bandeau Cabinet fermé

Affiche Cabinet fermé

Le projet de loi de santé dénature la pratique conventionnelle et ignore l’organisation du DPC par les médecins libéraux.

Actuellement

Les rapports entre les médecins et l’Assurance Maladie sont régis par une convention d’une durée de cinq ans, d’application nationale.

Elle est le résultat de négociations entre les représentants des caisses et ceux des centrales médicales représentatives (CSMF, SML, FMF, MG-France).

Compte tenu de l’âpreté et de la technicité des discussions, les représentants des médecins sont des responsables syndicaux nationaux, particulièrement compétents, informés et aguerris, et qui ont sacrifié une grande partie de leur activité professionnelle pour le syndicalisme.

Le projet de loi prévoit une régionalisation de la convention

Art. 41-I : « Les conventions nationales …précisent, par un ou plusieurs contrats-type nationaux, les modalités d’adaptation régionale des dispositifs … visant à favoriser l’installation des professionnels de santé ou centres de santé en fonction des zones …

« Elles peuvent prévoir, par les mêmes contrats-type, des modalités d’adaptation régionale d’autres mesures conventionnelles, à l’exception de celles relatives aux tarifs. »

Commentaire

Ces adaptations régionales feraient-elles l’objet d’une déclinaison au niveau de la région des négociations conventionnelles ? Le projet ne le mentionne pas.

Si c’était le cas, il serait sans doute difficile de trouver dans les 13 régions du pays suffisamment de médecins responsables syndicaux de haut niveau ayant les compétences, mais aussi la disponibilité pour mener de telles négociations conventionnelles.

En effet, à la différence des syndicats de salariés, qui bénéficient de fortes subventions versées par l’État et payées par nos impôts, les syndicats médicaux ne peuvent pas rémunérer des permanents disponibles quotidiennement.

En fait, il est probable qu’il n’y aurait pas de négociations. En effet, le projet de loi précise : « Le directeur général de l’agence régionale de santé arrête, dans le respect des contrats-types nationaux, les contrats-type régionaux comportant les adaptations applicables dans la région. »

Ceci laisse donc penser que l’adaptation régionale de la convention serait soumise à la décision arbitraire de l’ARS.

Individualisation des accords conventionnels

Art. 41-II : « Chaque professionnel de santé ou centre de santé conventionné établi dans le ressort de l’agence peut signer un ou plusieurs contrats conformes à ces contrats-type régionaux avec le directeur général de l’agence régionale de santé et un représentant des régimes d’assurance maladie »

Les différents syndicats médicaux se sont toujours opposés à des accords conventionnels individuels en estimant, à juste titre, qu’un accord collectif négocié apporte une meilleure protection.

Le projet de loi programme donc la fin de la pratique conventionnelle. Celle-ci n’a pas toujours eu les résultats espérés, mais elle aura eu le mérite, jusqu’à présent, de maintenir un cadre permettant de formaliser des rapports négociés entre les médecins et l’Assurance Maladie, que l’on veut remplacer par des directives arrêtées par l’ARS.

Étatisation de la convention

Art. 41 III : « Les ministres chargés de la santé et de la Sécurité Sociale peuvent définir conjointement des lignes directrices préalablement aux négociations des accords, contrats et conventions …Le conseil de l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie prend en compte ces lignes directrices ».

Commentaire : jusqu’à présent, le principe des négociations conventionnelles était que l’Assurance Maladie et les médecins sont des partenaires qui définissent ensemble, dans le respect de la loi, les modalités de leurs relations pour les cinq ans de la durée de la convention.

Désormais, ce serait l’État qui fixerait les objectifs de la négociation, avant même que celle-ci ne commence, ce qui la viderait de son sens.

Mainmise de l’Université sur le DPC ?

Actuellement : le DPC (comme autrefois la FMC) des médecins libéraux est organisé par des associations professionnelles nationales (exemple en cardiologie : l’UFCV). Ces associations disposent d’un conseil scientifique et les programmes pédagogiques sont élaborés dans le respect de la liste des orientations nationales fixées par arrêté.

Elles font appel pour les séances de formation à des experts qui sont, bien sûr des universitaires, mais aussi des médecins libéraux, en fonction des sujets traités et des compétences.

Les sociétés scientifiques (exemple, la SFC) composées en majorité d’universitaires, organisent également leurs propres programmes de DPC.

Art. 28-I-4° : « Les universités contribuent par leur expertise scientifique dans le domaine de la formation initiale et continue des professionnels de santé à la dimension pédagogique du développement professionnel continu. »

Il n’est pas question évidemment de mettre en cause l’expertise scientifique de l’université, mais l’on s’étonne de l’absence de mention dans le projet de loi du rôle des associations professionnelles qui, actuellement, ont une expérience et un poids particulièrement importants dans l’organisation du DPC.

Cet « oubli » est-il volontaire ou traduit-il une ignorance de l’existant de la part du Ministère ?

Cette lacune, en tous cas, confirme le peu de considération pour la médecine libérale, qui émane de l’ensemble du projet de loi, et elle est très préoccupante pour l’indépendance de notre formation continue.

Du début à la fin, le projet de loi égrène des dispositions qui, dans leur totalité, programment la destruction de la médecine libérale de proximité telle que nous la connaissons. Cette analyse n’est pas liée à un malentendu, comme le proclame la communication ministérielle, mais simplement le fait d’une lecture attentive du texte.

C’est la philosophie même du projet, étatique et hospitalo-centriste, qui est en cause. Il ne peut donc pas y avoir de simples aménagements, mais une réécriture complète de la loi.

Dr Vincent Guillot

18 décembre 2014.