Numerus Clausus : pourquoi la France va manquer de médecins

349 – Le docteur Daniel Wallach, qui a commencé ses études de médecine en 1965, n’a pas eu lui-même à se frotter à ce Numerus Clausus dont il raconte l’histoire. L’ouvrage, préfacé par Gérard Kouchner, directeur de la publication du Quotidien du Médecin, utilise comme seule source bibliographique ce même journal, né en 1971, la même année que le NC instauré alors pour limiter le nombre des futurs médecins.

A partir de là, le pays, qui formait dans les années 1960 environ 8 000 praticiens par an, a autoritairement décidé d’en abaisser régulièrement le nombre jusqu’à un « plancher » de 3 500 pendant plusieurs années.

L’auteur a choisi de scinder son ouvrage en trois parties

L’essentiel du livre est consacré à l’histoire de ce NC qu’il appelle « la planification de la pénurie médicale » ; on aura vite compris que Daniel Wallach est absolument opposé à cette réforme. Liée à l’origine au nombre de postes d’étudiants hospitaliers et plus précisément au nombre de lits présents dans les hôpitaux universitaires, cette mesure, selon lui, ne pouvait qu’aboutir à un déséquilibre puisque l’indexation d’un besoin croissant de médecins à une quantité décroissante de lits ne peut que « mener dans le mur ».

Aux yeux de l’auteur, ce NC revêt en outre un aspect idéologique (certes nié par les autorités de l’époque qui en faisaient une réforme purement technique) et devient rapidement une faute morale, « empêchant à de très nombreux étudiants d’accéder à une profession et une culture que le plus grand nombre s’accorde à placer en haut de l’échelle des valeurs ».

Daniel Wallach aborde ensuite les effets de la réforme du troisième cycle, mise en place dans les années 1980 dans le but apparent de valoriser la médecine générale. De fait, l’avènement de l’internat qualifiant et la suppression des CES vont avoir pour effet de réduire de façon conséquente le nombre des futurs spécialistes ; réforme d’importance qui modifia radicalement le statut de l’interne, transformant du jour au lendemain un jeune médecin hospitalier en étudiant du troisième cycle ; et cela sans revalorisation effective du médecin généraliste : on se souvient par exemple de l’époque des « Canada dry », terme peu flatteur utilisé par certains pour désigner, à leur vif mécontentement, les étudiants nommés internes sans avoir passé le concours. La troisième partie très intéressante également vise à décrire le pouvoir médical dans les hôpitaux, et les différentes formes de mandarinat. Système féodal pour l’auteur, le mandarinat subsiste, ayant résisté aux différentes tentatives de ministres successifs tels Jack Ralite, Michèle Barzach en passant par Georgina Dufoix (que les cardiologues ont eu à fréquenter et à combattre), et bien d’autres.

En conclusion

Ce livre, fort bien documenté même s’il ne se réfère qu’à une seule source (mais quoi de mieux qu’un quotidien spécialisé pour raconter au jour le jour les événements de la profession), se lit facilement tant le style de l’auteur est précis et incisif ; il pourrait devenir un des ouvrages de référence pour tous ceux, médecins ou non, qui s’intéressent à la démographie médicale et, au-delà, à la politique de santé des quarante dernières années ■

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