PACIFIC, un consortium public-privé pour tout savoir de l’IC

Un consortium réunissant Sanofi, Servier, l’AP-HP, l’INSERM et quatre start-ups va mener un projet sur cinq ans pour mieux comprendre l’Insuffisance Cardiaque à Fraction d’Ejection Préservée (ICFEP). 

On a longtemps pensé que l’Insuffisance Cardiaque (IC) était une seule et même maladie. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien et que l’IC est une maladie plurielle, regroupant des patients avec des profils phénotypiques et des comorbidités variés. « On pensait que ce qui marchait avec l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite fonctionnerait aussi en cas de fraction d’éjection préservée, explique le Pr Jean-Sébastien Hulot, cardiologue à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP). Mais non. Il a fallu beaucoup d’années pour s’en apercevoir. » Et si l’IC à fraction d’éjection réduite – environ la moitié des patients souffrant d’IC – est une pathologie « assez bien comprise et prise en charge », « on ne sait pas bien diagnostiquer et pas bien traiter » l’IC à Fraction d’Ejection Préservée (ICFEP) – l’autre moitié des malades.

C’est sur la base de ces constats que s’est constitué le consortium PACIFIC (pour Physiopathologie, Classification, Innovation dans l’Insuffisance Cardiaque) emmené par Sanofi, Servier et l’AP-HP et qui inclut également l’INSERM et quatre start-ups spécialisées dans le numérique, Bioserenity, Casis, Fealinx et Firalis. 

En 2016, les laboratoires font un double constat : aucun traitement n’est vraiment efficace contre l’ICFEP et 8 à 10 milliards d’euros ont été investis par l’industrie pharmaceutique dans des essais cliniques non concluants. « Notre R&D est bloquée. Nous avons besoin de mieux comprendre la maladie pour mieux la traiter », commente le Dr Benoît Tyl, directeur de la recherche translationnelle et clinique cardiovasculaire chez Servier. 

Et pourtant : l’ICFEP touche 13 millions de personnes dans le monde, en France elle représente 50 % des quelque 1,1 million d’insuffisants cardiaques et sa prévalence augmente d’année en année. C’est une maladie grave dont le taux de mortalité s’élève à 25 % trois ans après le diagnostic et à 50 % cinq ans après. Quant à son impact sur les dépenses de santé en France, il n’est pas négligeable, avec un coût annuel d’hospitalisation de 1,1 milliard d’euros.

Recourir à l’Intelligence Artificielle (IA)

Ce partenariat public-privé a donc pour objectif de mieux comprendre l’hétérogénéité des profils des patients, de les stratifier dans des sous-groupes plus homogènes et, grâce aux start-ups, de recourir à des technologies d’Intelligence Artificielle (IA) pour permettre une analyse approfondie des données. Il s’agira notamment d’élaborer un algorithme de diagnostic spécifique (construit par Fealinx), de développer de nouveaux médicaments et de réorienter des médicaments déjà existants vers des sous-populations susceptibles d’en bénéficier.

Le projet doit se dérouler sur cinq ans. 

Après deux ans de discussions pour constituer le consortium, il entre aujourd’hui dans sa phase concrète. Il faudra six mois pour organiser, structurer les procédures et former les équipes. 

Ensuite, deux ans sont prévus pour recruter les patients. C’est à partir des registres de l’AP-HP qu’ils seront identifiés et ensuite inclus dans une étude clinique prospective permettant de collecter des données physiopathologiques lors d’une journée d’hospitalisation. 

L’AP-HP sera le promoteur de cette étude qui sera menée dans cinq établissements parisiens du CHU francilien, l’HEGP, Henri Mondor, Bichat, Lariboisière et la Pitié-Salpêtrière. Une analyse d’imagerie cardiovasculaire sera réalisée (grâce à la technologie de Casis), ainsi qu’une mesure des marqueurs sanguins et urinaires des patients (Avec Firalis) et, pour la première fois, une mesure de la rigidité du muscle cardiaque grâce à un appareil en cours de développement à l’INSERM. 

Les patients seront suivis à domicile au moyen du t-shirt connecté de Bioserenity. Selon le directeur de cette start-up, environ 1 pétaoctet (1 million de milliards d’octets) de données « ultra-qualifiées » sur l’ICFEP sera généré.

Grâce à ce projet, les quatre start-ups pourront développer de nouveaux produits et logiciels et les commercialiser. L’algorithme sera breveté en vue de son internationalisation, avec un accès payant via des licences. Une start-up sera créée pour accompagner le développement et la commercialisation de l’appareil de mesure de la rigidité du muscle cardiaque. 

Le coût de ce projet s’élève à 14 millions d’euros. Il est financé pour moitié par le Programme des Investissements d’Avenir (PIA), piloté par le Secrétariat Général Pour l’Investissement (SGPI) et opéré par la Banque publique d’investissement BpiFrance. L’autre moitié du financement est assurée par les laboratoires et les starts-up.

© Sergey Nivens