Patrick Arnold (Alsace) : l’ETP est un vrai métier que les cardiologues n’ont ni le temps ni les capacités de faire

333 – CardioNews – A 54 ans, Patrick Arnold, déjà trésorier du Syndicat national, vient de prendre la présidence du Syndicat régional d’Alsace. Au sein du réseau Asprema de Mulhouse, puis à l’origine d’une expérience singulière d’ETP, il tire les conséquences d’une récente session organisée par l’UFCV sur le sujet.

Le Cardiologue : Vous participiez il y a quelques jours sous l’égide de l’UFCV à une réunion d’échange sur les expériences d’Éducation Thérapeutique du Patient. Quelles conclusions en tirez-vous ?

Patrick Arnold : J’ai été surpris par la diversité des expériences rapportées dans de nombreuses régions. Mais, avant d’exposer ma propre expérience, je me suis permis un « coup de gueule » à constater que trois des expériences les plus probantes disposaient toutes d’un financement de l’industrie pharmaceutique que l’administration nous présente comme le « grand méchant loup », mais sans nous autoriser de financement alternatif… C’est très hypocrite, et finalement assez vulgaire de sa part, que de nous laisser financer cet ETP par l’industrie comme on a dû le faire depuis des années de la FMC alors que l’une et l’autre sont inscrites dans la loi et devraient donc bénéficier de financements publics. J’ai trouvé Christian Saout, coauteur du rapport qui a amené à cette définition légale, assez désabusé et franchement pessimiste sur le financement public. Il reste, et pour revenir sur cette réunion, qu’il est à la fois rassurant de trouver des gens-moteurs, dans toutes les régions ou presque et… inquiétant, quand le temps devrait être à une généralisation IN-DIS-PEN-SA-BLE.

Un mot sur votre expérience personnelle ?

P. A. : Très peu reproductible parce que reposant sur la reconversion et le travail bénévole d’une collaboratrice, bénéficiaire du plan social de son ancienne entreprise qui l’a rétribuée à ce titre pendant 18 mois. Dans ce cadre, elle a donc pu acquérir une formation initiale à l’éducation des adultes puis suivre des modules spécifiques de l’institut IPCEM : maladie cardiovasculaires, AVK, surpoids/obésité, diabète. J’ai la chance d’avoir pu, dans mon cabinet, la doter d’un bureau modulaire où elle peut à la fois recevoir en individuel, organiser des réunions en petits groupes, organiser des projections, … L’idée est d’identifier des groupes homogènes de patients confrontés au même problème : malades sous AVK maîtrisant mal leur traitement. Je cite cet exemple parce c’était le cas d’un patient sur deux dans ma journée d’hier ! Il lui faut donc successivement mesurer leur niveau de connaissance, ou de méconnaissance, de leur traitement, les regrouper pour une formation « de base » sur le fondement des « 7 règles d’or » de l’AFFSAPS ; les suivre individuellement, de les reprendre éventuellement, pour évaluer par post-test ce qu’ils ont finalement retenu. Elle est en train de développer le module HTA/automesure et mettra l’été à profit pour finaliser celui sur l’insuffisance cardiaque. Ma conviction est que cet investissement, même subventionné, est évidemment hors de portée d’un cabinet individuel ou même d’un groupe « habituel » à trois ou quatre praticiens. Mais je suis également persuadé qu’en revanche, il y a place pour une mutualisation au sein d’une petite structure desservant les besoins d’une dizaine de médecins, cardiologues et, pourquoi pas, médecins généralistes. L’outil doit être mobile, en capacité de passer d’un cabinet à l’autre… Il y a là une voie à explorer parce qu’il est fondamental que cet ETP soit organisé au cabinet du médecin pour bien signifier qu’il s’agit d’une composante de l’acte médical et pas d’une prestation accessoire.

Mais on pourrait aussi bien imaginer que l’ETP soit dispensé par du personnel formé qui deviendrait l’auxiliaire direct du médecin avec qui il pourrait même travailler en binôme … C’est un des enjeux de la mission sur les « nouveaux métiers de la santé » que le ministère vient de confier au député Hénart…

P. A. : Un personnel formé, c‘est évidemment un pré-requis. En tandem avec le médecin, j’ai un peu plus de peine à l’imaginer : à Mulhouse, les neurologues partagent une technicienne qui réalise tous les tests-mémoire qu’ils n’ont pas le temps de pratiquer quand ils en ont évidemment besoin ; les ophtalmologistes sont en voie de faire de même avec des orthoptistes… Les cardiologues ont évidemment besoin de « techniciens en ETP »… 1/ Parce qu’il s’agit d’un vrai métier dont – j’en suis le témoin privilégié – ils n’ont ni le temps ni les capacités de le faire, 2/ C’est un métier utile dès lors qu’il contribue à la prévention des complication et de la iatrogénie générée chez les patients par leur méconnaissance de leur traitement. Le seul problème du cardiologue quand il revoit son patient doit être d’évaluer la connaissance qu’il a de son traitement et de mesurer l’opportunité d’une formation complémentaire, plus ciblée. Je n’ai plus aucun doute sur la nécessité, et l’urgence, de cette réforme !