Pertinence et intelligence

Le glissement n’est pas que sémantique qui a vu la politique de santé passer discrètement du second rang du calendrier à une quasi-priorité politique, affichée le 13 février par le Premier ministre à l’enseigne de la « Stratégie de transformation du système de santé ». Si les mots ont un sens, on passerait donc d’un paradigme un peu ésotérique et lointain… à l’urgence d’une authentique révolution. Et le président l’a répété à la faveur de sa double intervention télévisée, il compte en détailler les dispositions avant l’été.

Le principe de réalité – et le malaise bruyamment exprimé par l’hôpital ou les EHPAD – a donc amené le pouvoir à se pencher sur la « transformation » du système de santé qui n’était nullement au programme du candidat Macron ou de ses députés En Marche. Disons nettement notre crainte d’un calendrier intenable imposé par un exécutif qui ne s’encombre pas des formes habituellement requises par une concertation digne de ce nom.

C’est d’autant plus dommage que la maquette du chantier est intéressante avec 5 « axes » assez convaincants : qualité et pertinence, financement et rémunération, numérique, ressources humaines et formation, organisation territoriale.

Un axe nous intéresse directement : celui de la pertinence et de la qualité, des actes, des soins, des protocoles… Car il nous renvoie au sujet récurrent de l’échocardiographie et aux disparités régionales de pratique que nous oppose la CNAM avec une régularité de métronome, mais sans pouvoir/savoir en corréler les causes.

Si, comme l’hypothèse semble s’en dessiner, notre avis y est requis, nous défendrons donc la formule qui nous est chère, du parcours a priori « protocolisé ». Ce n’est pas à la CNAM de juger ex nihilo de la pertinence médicale de tel ou tel acte  pratiqué à tel ou tel moment, mais à la profession et à la HAS de définir un parcours balisant le « bon usage » a priori de chaque intervention dans chaque situation ; ce qu’on nomme ailleurs une recommandation ou un protocole. A charge pour le praticien d’être toujours, comme dans les anciennes RMO, en capacité de justifier les motifs pour lesquels il aura dérogé à la règle commune.

C’est l’aune de la redéfinition de la pertinence – impérativement remise dans son contexte diagnostique et thérapeutique – que nous jugerons donc de la stratégie sanitaire de l’exécutif. Même si le chantier n’était pas au programme de la majorité sortie des urnes l’an passé, l’intelligence et le pragmatisme ne lui sont pas interdits.

Jean-Pierre Binon
Président du SNSMCV

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