Philippe Lamoureux : « Une stigmatisation de l’industrie sans précédent »

348 – Le Cardiologue : Quelle réflexion générale vous inspire la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire adoptée par le Parlement en fin d’année ?

Philippe Lamoureux : Le Leem a toujours soutenu tous les aspects de la loi qui concernent la sécurité des patients et le renforcement de la transparence. Nous avons donc partagé les objectifs de ce texte, en regrettant néanmoins que les débats aient été l’occasion d’une stigmatisation sans précédent de l’industrie pharmaceutique.

Le Cardiologue : D’une façon générale, la loi accroît les contraintes vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Les conséquences de ces exigences accrues vont-elles entraîner pour les industriels de la santé ?

Ph. L. : Nous souhaitions une réforme euro-compatible, lisible et prévisible. Le renforcement de la transparence représente un énorme travail à effectuer dans des délais exigeants, même si beaucoup d’industriels travaillant aux Etats-Unis sont déjà largement familiarisés avec ce dispositif à travers le Sunshine Act. Certes, les règles d’évaluation évoluent et le cadre juridique change, mais dans la pratique, une partie de ces nouvelles règles est déjà une réalité pour beaucoup d’industriels.

Le Cardiologue : L’instauration par la loi d’un Sunshine Act à la française va-t-elle poser des problèmes aux industriels du médicament pour réunir des experts ?

Ph. L. : Je ne le pense pas. Le texte fait un distinguo très clair entre le conflit d’intérêts et le lien d’intérêt. Un débat a eu lieu pour savoir si devaient être écartés de l’expertise tous les experts liés à l’industrie d’une façon ou d’une autre, et la réponse apportée est plutôt négative. Fort heureusement, on a reconnu que dans certains domaines très complexes, il serait compliqué d’évaluer des produits de haute technicité sans faire appel à des experts très « pointus », qui ont forcément un lien avec l’industrie, puisqu’ils participent à leur développement. Ces liens ne sont pas prohibés. En revanche, il est essentiel qu’ils soient déclarés et connus.

Le Cardiologue : Avez-vous des regrets concernant ce texte de loi ?

Ph. L. : Nous avons deux regrets et un point qui cristallise toute notre vigilance. Nous déplorons, autour de ce texte, une stigmatisation du secteur qui a atteint un degré jamais vu, et qui nous préoccupe. De même, dans la continuité de la loi, nous regrettons un niveau de taxation de l’industrie pharmaceutique jamais atteint lui aussi. Enfin, nous restons très vigilants à ce que le déploiement du texte permette à la France de maintenir une position forte en Europe. Il faut que les patients puissent continuer d’accéder aux produits innovants. Pour cela, la formule « Le doute doit profiter aux patients » ne doit pas s’ériger comme une barrière à ces innovations, mais signifier qu’elles doivent être mises à leur disposition le plus rapidement possible, et dans les meilleures conditions possibles de qualité et de sécurité.