Pr Jacques Beaune : « Un plan coeur s’impose »

337 – Pour quelles raisons la Fédération française de cardiologie (FFC), que vous présidez, ainsi que la Société française de cardiologie (SFC), réclament- elles un « plan Coeur » ? _ Pr Jacques Beaune : Avec 147 000 morts par an et une dépense annuelle de 28 milliards d’euros, les maladies cardiovasculaires sont un fléau social et économique. Ces maladies représentent la première dépense de santé en France, loin devant le cancer qui ne représente que 11 milliards d’euros. Certes, la mortalité par cancer est plus forte – 30 % – mais la mortalité par maladie cardiaque arrive en seconde position avec un taux de 29 %, et laisse loin derrière les autres pathologies. Quant à la morbidité des maladies cardiovasculaires, elle est largement supérieure à celle de la pathologie cancéreuse. Loin de nous l’idée de remettre en question le plan cancer, mais nous estimons que la réalité que recouvrent ces chiffres justifie largement la création d’un plan cancer. Il faut absolument développer la recherche, notamment en épidémiologie et en prévention. En épidémiologie, nous ne sommes pas bons du tout. Par exemple, on ne connaît pas avec précision le nombre annuel d’arrêts cardiaques en France ; on l’évalue entre 40 000 et 50 000, mais sans certitude. Quant à la prévention, il faut absolument la développer. On sait qu’elle est utile. La prévention a un coût, certes, mais moindre que celui de la recherche dans les technologies de pointe. On sait que le rapport coût/efficacité est bon.

Quelles seraient les priorités de ce plan coeur en matière de prévention ? _ J. B. : Une des priorités est la prévention et la gestion de l’arrêt cardiaque. Pour l’instant, il est très mal géré en France, où le taux de survie est de l’ordre de 2 % à 3 % quand dans les pays scandinaves, en Suède, par exemple, il est de 7 %, ou de 30 % à Seattle, aux Etats- Unis. Pourquoi ? Parce que ces pays ont mis en oeuvre un véritable plan national de gestion des arrêts cardiaques avec une formation de la population et des défibrillateurs astucieusement répartis sur le territoire. Un véritable plan de santé publique, pas de soins !

Le tabagisme est la seconde motivation pour un plan coeur. C’est une véritable catastrophe : avec 14 millions de fumeurs réguliers et 6 millions de fumeurs occasionnels, 66 000 décès annuels, le tabac arrive en première position, en termes de morbidité cardiovasculaire. Contrairement aux pays qui ont décrété l’interdiction brutale de fumer, en France, où cette interdiction a mis des années à être totale, on ne peut pas dire qu’elle ait infléchi notablement la courbe des accidents cardiovasculaires. Enfin, une alimentation saine et l’exercice physique constituent la troisième priorité. C’est un enjeu majeur. Si l’on réduisait la consommation quotidienne moyenne par personne de sel en France, qui est actuellement de 8,5 grammes, à 6 grammes, on sauverait entre 10 000 et 15 000 vies et l’on éviterait un nombre considérable d’AVC. La FFC mène déjà beaucoup d’actions – les Parcours du coeur, Donocoeur, des actions de prévention en milieu scolaire, la formation de la population à la gestion de l’arrêt cardiaque en liaison avec la Croix-Rouge et les SAMU – mais c’est insuffisant au regard des besoins de prévention qui sont considérables, et doivent faire l’objet d’une politique générale qui mobilise toute la société. C’est pour cela qu’un d’un plan coeur fédérateur s’impose.

Dans ce plan coeur, quelle serait la place des cardiologues libéraux ? _ J. B. : Essentielle ! Il faut travailler avec eux, bien évidemment. La consultation de prévention que le SNSMCV a mise en place en collaboration avec trois compagnies d’assurance est une excellente initiative, que la FFC a d’ailleurs soutenue, et qui doit avoir toute sa place dans un plan coeur. ■(gallery)

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