Prévenir l’insuffisance cardiaque dès l’adolescence, le pari du Dr Barnabas Gellen

Ayant travaillé sur les formes les plus graves de l’insuffisance cardiaque, le Dr Gellen organise des opérations de prévention auprès des jeunes pour les sensibiliser aux bienfaits d’une bonne hygiène de vie.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Barnabas Gellen, âgé de 51 ans, père de 3 enfants, ce qui a contribué à éveiller mon intérêt pour la prévention chez les jeunes. 

Né et grandi à Budapest, j’ai fait mes études de médecine en Allemagne, et j’ai ensuite été formé en cardiologie au sein de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris). En parallèle, j’ai réalisé une thèse de science à l’Inserm et au Collège de France.

Où exercez-vous et quel type de pratique avez-vous ?

Je suis cardiologue au sein du groupe Elsan, à la polyclinique de Poitiers. J’ai une activité mixte salariée et libérale, avec trois axes majeurs : la prévention / dépistage des maladies et des facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète, cholestérol, tabagisme, sédentarité, obésité, apnée du sommeil) ; l’insuffisance cardiaque ; bilan de l’intolérance / essoufflement anormal à l’effort par un test d’effort avec mesure des échanges gazeux (VO2) et/ou par échocardiographie d’effort.

Pourquoi travailler plus particulièrement sur l’insuffisance cardiaque ?

J’ai été formé au CHU Henri-Mondor et à la Pitié-Salpêtrière à l’insuffisance cardiaque, y compris les formes les plus graves nécessitant une transplantation cardiaque. J’ai été le responsable du plus grand service de réadaptation cardiaque de l’AP-HP situé à l’hôpital Albert Chenevier pendant cinq ans, ce qui m’a permis d’approfondir davantage mes connaissances dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les explorations détaillées de l’intolérance à l’effort et les bénéfices majeurs du réentraînement à l’effort.

Comment est née votre initiative vis-à-vis des collégiens ?

C’est pendant cette période que j’ai réalisé à quel point l’adoption des bonnes habitudes (alimentation équilibrée, activité physique, absence de tabagisme) est importante, et à quel point il est difficile de les modifier à l’âge plus avancé. J’ai pris conscience que l’adoption d’une bonne hygiène de vie doit se faire dans l’idéal au plus jeune âge.

Pouvez-vous présenter votre démarche et comment vous avez pu la mettre en place ?

J’ai motivé la direction de notre établissement à créer une cellule dédiée aux actions de dépistage et de prévention à destination du grand public. Portée par deux animateurs de santé publique, cette cellule nous a permis de monter des actions d’envergure en dehors des murs de l’établissement.

Depuis quatre ans, nous avons établi une collaboration avec le Creps de Poitiers (Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive), qui dispose d’un magnifique site vaste en pleine nature, tout près de Poitiers. Dans le cadre de cette collaboration, nous organisons chaque fin d’année scolaire une journée entière au Creps sous forme de course d’orientation, ce qui motive énormément les jeunes à participer. La Société française de cardiologie, dont je suis un membre très actif, nous soutient financièrement pour porter les frais de transport des élèves en car, et pour pouvoir proposer des prix significatifs de plusieurs centaines d’euros aux classes gagnantes. Le beau cadre, l’action ludique, et les prix créent un environnement très motivant non seulement pour les élèves, mais aussi pour leurs enseignants qui les accompagnent et pour notre équipe. Notre action sur place est encadrée par des stagiaires du Creps qui sont formés à l’organisation des courses d’orientation et à assurer la sécurité des jeunes.

Notre équipe se déplace en amont de chaque action au Creps pour former les stagiaires à la thématique de l’insuffisance cardiaque, et également dans chaque collège participant pour former et sensibiliser les élèves et leurs enseignants pendant 90 minutes à cette maladie.

Comment réagissent les collégiens ?

Les collégiens sont enthousiastes. Ils participent avec plaisir, se laissent porter par l’enjeu de la course et les prix à gagner. A cet âge de début d’adolescence, ils sont encore très accessibles aux messages de prévention, d’hygiène de vie. Les mauvaises habitudes (abandon d’activité sportive, addiction aux écrans, cigarettes) peuvent s’installer notamment à cet âge, d’où notre choix de s’adresser aux élèves de 13-14 ans.

Quels conseils donneriez-vous à vos confrères qui voudraient suivre votre exemple ?

Etant donné que la prévention de l’insuffisance cardiaque et des maladies cardiovasculaires en général, est étroitement conditionnée par la bonne hygiène de vie (activité sportive régulière, alimentation équilibrée, limitation des écrans, absence de tabagisme), et qu’il est beaucoup plus facile d’adopter les bons réflexes en début d’adolescence que de modifier les mauvaises habitudes bien ancrées à l’âge adulte, il paraît pertinent de cibler les jeunes si on souhaite réduire de façon efficace l’incidence de ces maladies.

Les actions à l’intérieur des hôpitaux (par exemple des stands d’information dans les halls d’accueil) resteront toujours d’envergure limitée, avec un public aléatoire et souvent pas ou peu accessible aux messages qu’on souhaite délivrer. Le véritable enjeu d’un travail de prévention efficace à mon sens est de porter les actions à l’extérieur, en s’adressant à un public ciblé et préparé, dans un cadre qui incite à la participation active.

Ces actions complexes ne peuvent pas être préparées et menées seul par le personnel médical/paramédical des établissements. Elles nécessitent une équipe dédiée, formée à la mise en place des actions de prévention. Mon conseil est donc de promouvoir autant que possible la création de cellules dédiées au sein de nos établissements. Ces cellules pourront se charger de toutes les actions tout au long de l’année : octobre rose, mois sans tabac, novembre (cancer de la prostate), dépistage de l’apnée du sommeil, etc.

Propos recueillis par Nathalie Zenou

© ESC

image_pdfimage_print