Prise en charge de certaines communications Interatriales : une CCAM trop restrictive

La version V17 de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) applicable à partir du 19 octobre 2009 (Classification Commune des Actes Médicaux (version 17). www.ameli.fr/accueil-de-la-ccam/index.php ) comporte dans le chapitre 4 (appareil circulatoire) de nouveaux actes classant, mais aussi des modifications d’actes classant de la version V10 datant de septembre 2007. Cette classification sert à établir les honoraires pour les interventions réalisées dans les cliniques privées et le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI) et sa tarification des séjours hospitaliers dans le cadre de la Tarification à l’Activité (T2A) dans les hôpitaux publics.

Dans le chapitre 04.06.04.01 consacré aux actes thérapeutiques sur les cloisons du coeur pour malformation congénitale à l’étage atrial, on note une modification de l’acte classant DASF004 (figure 1) et l’apparition d’un nouvel acte classant DASF005 (figure 2). Avec la précédente nomenclature, il n’était pas possible de distinguer dans les statistiques du PMSI les actes relatifs à la fermeture percutanée d’une communication inter auriculaire (CIA) de type ostium secundum, des actes relatifs à la fermeture percutanée d’un foramen ovale perméable (FOP). On estime par les données du PMSI, à environ 1200 en 2007, le nombre de fermetures percutanées de communications interatriales (CIA + FOP) en France.

Figure 1 : ancien et nouvel acte classant DASF004 de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) ————–

Figure 2 : nouvel acte classant DASF005 de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM)

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On ne peut que souscrire à l’inscription d’un nouvel acte classant reconnaissant ainsi une pratique thérapeutique appliquée et permettant aussi d’avoir des statistiques fiables sur une activité donnée. Le nouvel acte DSF005 s’applique à la fermeture percutanée d’un FOP avec pour seule indication autorisée le syndrome platypnée-orthodéoxie qui correspond à l’agrandissement d’un FOP banal préexistant par une modification des rapports anatomiques entre la cloison interauriculaire et les structures adjacentes (aorte initiale, médiastin, appareil pulmonaire, coupole diaphragmatique, foie …). Il en résulte un shunt droit-gauche parfois important responsable d’une hypoxémie sévère non améliorée par l’oxygénothérapie. Malgré l’absence d’études randomisées dans le cadre de cette pathologie encore sous-estimée mais qui reste rare (moins de 150 cas par an en France), la communauté médicale reconnaît le bénéfice clinique d’une fermeture percutanée du FOP associé à un syndrome platypnée-orthodéoxie. La sévérité de ces patients avec une polypathologie nécessitant une prise en charge multidisciplinaire a été reconnue par une augmentation significative du tarif de l’acte par rapport à la version précédente de la CCAM.

La modification de l’intitulé d’un acte classant déjà existant n’est pas une chose fréquente lorsque l’on suit l’évolution des différentes versions de la CCAM. Cela a été le cas pour l’acte classant DASF004 consacré à la fermeture d’une communication interatriale par voie veineuse transcutanée. Il a été rajouté la ligne à l’exclusion de la fermeture d’un foramen ovale perméable sans autre modification majeure du texte. A signaler cependant que la prévention d’accident vasculaire cérébral ou transitoire est devenue la prévention d’accident vasculaire cérébral transitoire (erreur de retranscription ?). On comprend la volonté des tutelles de différencier les actes thérapeutiques percutanés liés aux CIA et ceux liés aux FOP. Néanmoins, la séparation réalisée dans la nouvelle CCAM ne semble pas tenir compte de certaines situations cliniques qui vont être délicates à gérer par les praticiens concernés. Par ailleurs, il aurait été judicieux de modifier d’autres aspects de l’ancien acte classant DASF004 comme le fait que l’acte ne puisse être facturé qu’à certaines conditions. Si le nouvel acte classant DASF004 ne s’adresse qu’aux CIA avec shunt gauche-droit, on ne comprend pas bien la place de la migraine dans le nouveau texte. Il persiste dans la nouvelle formulation de l’acte DASF004 certaines ambiguïtés de l’ancien acte classant, comme la non-possibilité théorique de facturer l’acte en cas de petite CIA suspecte d’embolie paradoxale, alors que les Sociétés Savantes européennes et nord-américaines reconnaissent la fermeture percutanée comme une indication raisonnable dans cette situation clinique (Deanfield J, Thaulow E, Warnes C, et al. Management of grow up congenital heart disease. Guidelines of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2003;24:1035-84. _ Warnes CA, Williams RG, Bashore TM, et al. ACC/AHA 2008 guidelines for the management of adults with congenital heart disease. J Am Coll Cardiol 2008;52:e143-e263.).

Les données actuelles de la littérature ne permettent pas d’étendre les indications de fermeture percutanée à la migraine. Le problème de la prévention d’embolie paradoxale chez les plongeurs reste rare. Aussi, la très grande majorité des indications de fermeture percutanée de FOP sont discutées aujourd’hui dans le cadre d’une prévention secondaire après au moins un accident ischémique cérébral cryptogénique. La lecture de la nouvelle CCAM interpelle à juste titre certains praticiens neurologues et cardiologues qui avaient pris l’habitude de disposer d’une alternative thérapeutique aux traitements médicamenteux par agents anticoagulants ou antiplaquettaires. S’il existe une littérature abondante en faveur d’un lien statistique fort entre la présence d’un FOP (particulièrement la forme associée à un anévrisme du septum interauriculaire) et un accident ischémique cérébral cryptogénique dans une population âgée de moins de 60 ans, il est vrai que nous ne disposons pas aujourd’hui de preuves scientifiques solides sur la supériorité (ou même l’équivalence) du traitement percutané sur les traitements antithrombotiques.

Les communautés neurologiques et cardiologiques sont bien conscientes de la nécessité de mener à terme les études comparatives en cours. Néanmoins, pour de multiples raisons, toutes les études démarrées dans ce domaine ont connu ou connaissent des retards importants dans le rythme des inclusions (O’Gara PT, Messe SR, Tuzcu EM, Catha G, Ring JC. Percutaneous device closure of patent foramen ovale for secondary stroke prevention. A call for completion of randomised clinical trials. J Am Coll Cardiol 2009;53:2014-18.) . Les premiers résultats viendront de l’étude CLOSURE I (910 patients seulement inclus sur 1 600 prévus) sans doute à la fin de l’année 2010. L’étude CLOSE menée en France dans le cadre d’un STIC (Soutien Technologique aux Innovations Coûteuses) a débuté en décembre 2007 avec un projet de 900 inclusions sur deux ans (300 dans un groupe avec antiplaquettaires, 300 dans un groupe avec anticoagulants oraux, 300 dans un groupe avec fermeture percutanée). Moins de 200 patients ont été inclus à ce jour. La grande majorité des signataires de cet article participent à l’étude CLOSE en tant qu’intervenants pour les patients randomisés dans le groupe fermeture percutanée. Ils sont aussi largement sensibilisés au fait d’entretenir une coopération efficace avec les neurologues afin de proposer à tous les patients éligibles de participer à l’étude CLOSE. Cependant, au rythme actuel des inclusions de cette étude, avec un suivi minimum prévu de 3 ans, les premiers résultats sont attendus en 2018.

Il existe des situations cliniques où le praticien peut être amené à proposer une fermeture percutanée en dehors d’un protocole. Les accidents ischémiques cérébraux datant de plus de 6 mois, les jeunes patients souvent réticents à envisager un traitement anticoagulant au long cours, les récidives neurologiques multiples sous traitement médical bien conduit, les récidives d’embolie paradoxale en cas de haut risque de maladie thromboembolique veineuse sont autant de cas qui vont devenir difficiles à gérer en l’état actuel de la CCAM. La HAS s’est prononcée en 2005 (Haute Autorité de Santé (HAS). Avis sur les actes professionnels. Fermeture du foramen ovale perméable, par voie veineuse transcutanée (à l’exclusion de la fermeture de la communication interauriculaire : libellé DASF004). Juillet 2005. www.has-sante.fr ) dans le cadre de l’évaluation des actes professionnels sur la fermeture du FOP par voie percutanée avec un avis favorable sur la création d’un acte classant pour le syndrome platypnée-orthodéoxie et un avis favorable pour la prévention secondaire d’accident ischémique cérébral uniquement en phase de recherche clinique. On peut inclure dans ce dernier intitulé une étude comme CLOSE, mais il ne faut pas oublier l’apprentissage des équipes interventionnelles et l’évaluation des systèmes de fermeture, phases essentielles dans une technique pour sécuriser les gestes.

La CCAM actuelle ne semble pas en adéquation avec certains avis de Sociétés Savantes sur le sujet. Le texte de consensus publié en 2007 (Albucher JF, Chaine P, Mas JL, et al. Consensus sur les indications de la fermeture endovasculaire du foramen ovale perméable après un accident ischémique cérébral. Arch Mal Coeur 2004;100:771-74.) par la Société Française de Cardiologie et la Société Française Neuro-Vasculaire reconnaît qu’elle ne peut émettre de recommandations sur les indications de fermeture percutanée de FOP après un accident ischémique cérébral, en l’absence de données scientifiques suffisantes. Cependant, ce texte cite des situations où une fermeture percutanée pourrait être envisagée (tableau 1).

Tableau 1 : situations cliniques où une fermeture endovasculaire d’un foramen ovale perméable pourrait être envisagée en dehors des cas éligibles à une étude comparative

Dans les recommandations nord-américaines (ACC/AHA) de 2006 (Sacco RL, Adams R, Albres G, et al. Guidelines for prevention of stroke in patients with ischemic stroke or transient ischemic attack : a statement for healthcare professionals from the American Heart Association/American Stroke Association council on stroke. Circulation 2006:113;e409-e449.) , il est indiqué qu’une fermeture percutanée de FOP peut être considérée en cas de récidive neurologique sous traitement médical (classe IIb/niveau C).

En conclusion, les signataires de ce texte souhaitent mettre en avant, suite à la publication de la nouvelle CCAM, les difficultés prévisibles devant certaines situations cliniques avec discussion d’une fermeture percutanée de FOP en prévention neurologique secondaire. Par ce texte, elles interpellent leurs Sociétés Savantes afin que ces dernières engagent une réflexion dans le but de proposer à court-terme aux autorités de tutelle, une proposition argumentée afin de modifier certains intitulés de la nouvelle CCAM concernant la fermeture percutanée des communications interatriales.

Pierre Aubry (Paris), Caroline Bonnet (Dijon), Philippe Brunel (Nantes), Didier Champagnac (Villeurbanne) , Jean-Christophe Eicher (Dijon), Martine Gilard (Brest), François Godart (Lille), Patrice Guérin (Nantes), Jean-Michel Juliard (Paris), Jean-François Piéchaud (Massy), Roland Rossi (Bron), Thierry Royer (Saint-Denis)(gallery)