Refus de soins : l’Ordre présente un premier état des lieux

La Commission d’évaluation des pratiques de refus de soins auprès du Conseil National de l’Ordre des Médecins a rendu son premier bilan à la ministre de la Santé dans lequel il est surtout question du manque de moyens nécessaires à une véritable évaluation de ces pratiques discriminatoires.

La loi de santé de 2016 a confié aux Ordres professionnels la mission d’évaluer « le respect du principe de non-discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins » et de « mesurer l’importance et la nature des pratiques de refus de soins » par les moyens qu’ils jugent appropriés. Toutefois, le ministère de la Santé a fait le choix de créer pour ce faire une commission placée auprès des Ordres et non pas, comme le prévoyait la loi, de confier cette mission directement aux Ordres qu’ils auraient menée en concertation avec les associations de patients. Le Code de la santé publique stipule que pour accomplir cette mission, ces commissions « peuvent notamment recourir à des études, des tests de situation et des enquêtes auprès des patients ». Après analyse des données recueillies, « elles produisent des données statistiques » et « émettent des recommandations visant à mettre fin » à ces pratiques de refus de soins et « à améliorer l’information des patients ». Sur la base de leurs travaux, et après audition des organisations professionnelles représentatives, les commissions doivent remettre un rapport annuel au ministre de la Santé.

Après s’être réunie trois fois l’année dernière et trois fois cette année, la commission auprès du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) a remis son premier rapport à Agnès Buzyn. Lors de ces réunions, elle a entendu une présentation des travaux du Dr Caroline Desprès, médecin de santé publique mais surtout ethno-sociologue auteur de travaux de recherche quant à l’accès aux soins, les refus de soins et renoncements aux soins. 

Le Fonds CMU-C lui a donné des données chiffrées concernant les bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS et leur état de santé, les services du défenseur des Droits ont présenté leurs travaux en cours concernant des outils de détections, d’information et de prévention des refus de soins et enfin, la CNAM lui a transmis son rapport d’activité 2017 relatif à la conciliation. 

Recueillir des données quantitatives et qualitatives
Sur la base de ces sources, qu’a constaté la Commission ? Qu’à côté des situations de refus de soins discriminatoires, « il existe des situations où le médecin indique ne pouvoir donner ses soins » (prise en charge sortant de sa compétence, indisponibilité matérielle, disponibilité topographique, incidents relationnels), et qui « ne constituent pas pour les médecins des refus de soins stricto sensu ». Mais là, les membres de la Commission constatent « qu’ils ne pouvaient aller plus loi dans la typologie des pratiques de refus de soins que de distinguer les difficultés d’accès aux soins des refus de soins discriminatoires donc illégaux ». 

Pour aller plus loin, elle juge « essentiel de recueillir des données quantitatives et qualitatives » mais « ne dispose pas de moyens pour mettre en œuvre par elle-même des études quantitatives », les demandes adressées quant à l’attribution de moyens étant restées sans réponse des deux ministres successives.

Ces réserves étant faites, la Commission auprès du CNOM relève trois principales causes générant des refus de soins discriminatoires : d’une part, la méconnaissance notamment des personnes concernées, de leurs situations et de leurs pathologies, d’autre part, les difficultés de prise en charge de nature financière et administrative, enfin, les difficultés de prise en charge de nature matérielle ou technique. Pour chacune de ces catégories, la Commission émet des propositions susceptibles de prévenir les pratiques de refus de soins. 

Pour lutter contre la méconnaissance, elle recommande notamment l’intégration de modules et de stages dans la formation initiale, d’actions de sensibilisation dans la FMC et le rappel aux médecins des critères d’éligibilité à l’ouverture de droits CMU-C, ACS et AME. 

Concernant les difficultés de nature financière et administrative, la Commission propose, entre autre, la facilitation de l’accès des médecins à l’information quant aux droits de prise en charge ouverts du patient, la création d’une carte AME numérique compatible avec les terminaux de l’Assurance-maladie pour faciliter le travail des professionnels de santé, la simplification et la dématérialisation des demandes d’accès d’ouverture de droits à la CMU-C et à l’ACS,  ou encore l’amélioration de la fiabilité et de la sécurité des paiements aux professionnels dans le cadre du tiers-payant.

En conclusion, « la Commission entend poursuivre ses travaux dans l’attente d’études quant aux pratiques discriminatoires de refus de soins lui permettant la compilation et l’analyse de données statistiques. Elle rapprochera les quelques études qui ont été réalisées par des associations pour structurer une proposition de méthodologie afin de tenter d’élaborer une demande précise de financement ».