Saint-Jean Baptiste du Liget

364 – Christian Ziccarelli – A quelques lieues de Loches, au milieu des bois se trouve un joyau de l’art roman Plantagenêt, l’ensemble peint de la chapelle Saint-Jean-du-Liget. Ses fresques ont fait l’objet d’une étude approfondie lors du congrès archéologique de Tours en 1948.

 

DSC02165Un peu d’histoire… 

Le Liget est surtout connu par sa chartreuse dont la charte de « fondation », établie par Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre et comte d’Anjou, remonte à 1178, en expiation du meurtre perpétré sur son ordre de Saint Thomas Becket, archevêque de Canterbury. Ensemble de ruines imposantes siégeant au fond d’une vallée et dominées par un portail monumental du XVIIIe siècle. En fait notre propos, aujourd’hui, concerne une simple chapelle située à une centaine de mètres à l’Ouest de la Chartreuse. Son origine reste floue et toujours l’objet de débats. Les archives font état d’une donation perpétuelle aux frères chartreux vers 1163, sur demande d’Henri II Plantagenêt, d’un endroit appelé « Ligetus » par l’abbé Hervé de l’abbaye bénédictine du Saint-Sauveur de Villeloin, fondée dans les environs de Loches vers 850. Des moines bénédictins souhaitant vivre une vie érémitique plus sévère s’établirent d’abord à cet endroit et seraient à l’origine de la construction de cette chapelle et de sa décoration picturale (vers 1176-1183). Quand on connaît « l’austérité de vie et le souci de virginité totale de l’esprit et des sens, condition et atmosphère d’une contemplation plus pure » on peut en effet douter que les frères chartreux soient à l’origine de cette ornementation. Devenu trop exiguë pour l’exercice de leur culte, ils construiront dans la vallée proche l’église principale du monastère. La dédicace à Saint Jean Baptiste a été faite par l‘évêque de Paris, Eudes de Sully de 1196 à 1208.

 

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Un monument circulaire rappelant le Saint Sépulcre de Jérusalem

Inscrite sur les listes des Monuments historiques dès 1867, elle a fait l’objet d’une vaste restauration extérieure et intérieure en 2007. La chapelle est aujourd’hui réduite au chœur, la nef s’étant effondrée à une date indéterminée.

Tout l’intérêt réside dans les fresques d’une haute valeur artistique. Les scènes se répartissent en panneaux, dont le plus célèbre est la dormition de la vierge. Le premier panneau en entrant représente Jessé brandissant de la main droite un rameau, « radix Jesse », d’où sortira sa descendance. La vierge se dresse en manière de tronc d’où « émerge » le Christ. Juste au dessus un cercle délimite le ciel d’où plongent sept colombes représentant les sept dons du Saint Esprit.

En face est représentée une Nativité selon l’iconographie romane traditionnelle. La Vierge est étendue, Joseph à sa droite, l’Enfant Jésus couché dans le même sens que sa mère, sous le regard bienveillant de l’âne et du bœuf. Sur le panneau suivant une Présentation au temple met en scène la Vierge. Elle tend l’enfant Jésus au vieillard Siméon, les bras couverts d’un voile, une lampe, symbole de la présence divine brûle sur l’autel. Après vient la descente de Croix, Joseph d’Arimathie maintient le corps du Christ pendant que Nicodème retire le clou de sa main gauche. La Vierge mettant le bras droit du Christ tendrement contre sa joue. Le panneau de la résurrection est conforme au récit évangélique, les saintes femmes s’approchent du tombeau vide, l’ange leur annonce que Jésus est ressuscité. Enfin la dormition de la Vierge, les onze apôtres (nommés en lettres blanches sur fond vert) assistent à la mort de la vierge couronnée, étendue sur sa couche, calme et majestueuse. Le visage d’une grande perfection reflète une profonde quiétude. Jean, qui est penché au pied du lit, tient un livre ouvert où est écrit un titre commençant par Beatus. Des anges recueillent l’âme nue de la Vierge en miniature transmise par Jésus.

Dans les embrasures des fenêtres, sont peintes des représentations des Saints (diacres et martyrs, saints abbés et évêques, les Apôtres) et du Christ Pantokrator. L’Apocalypse occupait la coupole aujourd’hui détruite.

Le thème majeur est celui de « l’Incarnation rédemptrice, Dieu s’insère dans une généalogie humaine. Par l’entremise de la Vierge, Dieu s’incarne tel un rameau dans l’arbre de Jessé, d’où naît le Christ ».

Quant à leur datation, elle reste controversée. Pour la plupart des historiens les fresques dateraient de la fin de la deuxième moitié du XIIe siècle.

 

DSC02157 La Dormition de la Vierge, une iconographie d’origine orientale

Aucun personnage du Nouveau Testament ne doit plus à la légende que la Vierge. L’Evangile la laisse à peine entrevoir. Dès les premiers siècles, des textes apocryphes racontèrent sa vie, de son enfance à sa mort et charmèrent le Moyen Age. Le culte de la Vierge qui grandit au XIIe siècle s’épanouît au XIIIe. Les apôtres, qui étaient alors dispersés dans le monde pour y prêcher l’évangile, se sentirent soudain emportés par une force mystérieuse et se trouvèrent réunis dans la chambre de Marie. Marie étendue sur son lit attendait la mort. A la troisième heure Jésus apparut accompagné d’une multitude d’anges. Un dialogue s’engagea entre la mère et le fils « Viens, dit Jésus, Toi que j’ai élue et je te placerai sur mon trône, car j’ai désiré ta beauté » Et Marie répondit « Je viens car il est écrit de moi que je ferai ta volonté » Et ainsi l’âme de Marie sortit de son corps et s’envola dans les bras de son fils. Cette scène d’origine orientale est représentée par les Byzantins dès le XIe siècle. Les apôtres sont rangés autour du lit où repose le corps de la Vierge, Jésus tenant dans ses bras l’âme de sa mère sous la figure d’un petit enfant.

 

Bibliographie

[1] La chapelle Saint-Jean du Liget. Christophe Meunier, éditions Hugues de Chivre. 2011 
[2] Touraine Romane, 3e édition, la nuit des temps. Edition Zodiaque, 1957.

 

Le mot fresque dérive de l’italien « fresco », frais. Connu depuis la plus haute antiquité, elle se compose de trois éléments : 

L’arricio est un crépi à base d’un mélange de chaux, de sable et d’eau que l’on applique sur un support de pierre ou de brique, d’une épaisseur d’environ un centimètre.

L’intonaco supporte l’ensemble de la fresque, il est composé d’une pâte faite de sable fin, de poudre de marbre ou de très fine pouzzolane, de chaux et d’eau. Il passe de l’état d’hydrate de calcium à celui de carbonate de chaux formant une pellicule résistante assurant la cohésion des pigments mélangés à un liant.

– Les couleurs doivent être obligatoirement déposées sur l’intonaco humide et donc frais, prenant leur ton définitif au bout de quelques mois. Les contours des images à réaliser sont le plus souvent dessinés à l’ocre rouge. Lors de la restauration des fresques, on a découvert le Sinopia. Ce dessin préparatoire, avec ébauche de couleur, est appliqué sur l’arricio avec de la terre rouge de Sinope, puis sur l’intonaco.

La technique a fresco exige de maîtriser les surfaces à peindre dans un laps de temps donné, elles sont divisées en fonction des zones accessibles par un échafaudage (pontate) et exécutables au cours d’une journée (giornate).