Simples turbulences avant la tempête estivale

300 – Les signataires de la Convention se sont donc séparés le 17 mars dans la nuit sur un accord a minima. Maîtrise médicalisée ou pas, la négociation butait sur un vil problème comptable. Aux généralistes, on disait – en substance – « OK pour votre C à 23 €, mais en deux étapes, clairement suspendue pour la seconde à un nouveau programme d’économies »… Aux spécialistes, dans l’attente d’une nouvelle tranche de valorisation de la CCAM technique et de quelques mesurettes complémentaires pour les spécialités « perdantes » du parcours… on disait à peu près « OK, mais à enveloppe quasi-constante ! Et commençons par faire baisser les actes “perdants” dans la mécanique de la CCAM pour revaloriser les actes “gagnants” »… Pour les signataires qui n’avaient souscrit au dispositif que contre la promesse de 180 M€ à chacune des trois étapes de « lissage », la couleuvre était difficile à avaler.

Tout cela donne évidemment le piètre sentiment de partenaires sur le point de divorcer… Les amis communs ont évidemment tout mis en oeuvre pour les en empêcher, au premier rang desquels Xavier Bertrand qui n’a pas hésité à reprendre le bleu de chauffe du « mécano de la réforme » pour rabibocher les parties… sous évidente urgence politique. Difficile d’aller aux deux scrutins en étant fâché avec une clientèle aussi influente que la médecine générale ! La photo de famille fut prise au MEDEC, le « salon » de la médecin générale.

Le prochain gouvernement choisira-t-il d’ « opérer à chaud » ?

Ce qui n’empêchera pas la réalité comptable de faire son retour médiatique en juin, donc au tout lendemain des législatives. Car cette partie du calendrier de l’assurance maladie sera respectée, n’en doutons pas ! Elle pré- L voit qu’au 15 juin le Comité d’alerte, constitué de 3 « crânes d’oeuf » ministériels, donne son avis sur la probabilité de respecter, ou non, l’ONDAM 2007. On lui demande de peser son pronostic « au trébuchet », de l’ordre de 3/4 point… Et il ne faut pas oublier que l’ONDAM de la médecine de ville est fixé pour 2007 à + 1,1 % de croissance… Autant dire qu’il a été pratiquement vidé de substance avec les deux épidémies hivernales de grippe et de gastro-entérites. Pas besoin d’être grand clerc pour imaginer ce Comité « donnant du clairon » avant le solstice d’été…

La seule question qui vaille – à laquelle personne n’est évidemment en mesure de répondre car aucun candidat n’a voulu se hasarder sur ce terrain mouvant – est donc la suivante : « comment réagira le gouvernement en place à ce moment-là ? » La réponse dépend évidemment de l’inspiration dudit gouvernement qui n’aura pas les mêmes réponses selon qu’il sera de gauche, de droite ou du centre ou de coalition… En Allemagne où c’est la dernière version qui prévaut, l’élaboration du plan-Merkel n’a pas fait de miracle… Du moins le gouvernement peut-il se permettre d’ignorer les manifestations d’hostilité de l’ensemble des professionnels de santé !

Deux solutions se présentent :

– soit ce gouvernement décide d’opérer à chaud et, pour les médecins, il y a « risque » de renouer avec les affres d’un « plan- Juppé II » sans plus de nuances sémantiques entre maîtrise médicalisée vs comptable. Un gouvernement de Droite peut être tenté de recourir à des solutions plus libérales mais sans doute pas le « secteur 2 généralisé » réclamé par d’aucuns et qui aurait la capacité de provoquer la colère sociale… Le sort des retraites – que le gouvernement, quel qu’il soit, devra affronter à nouveau en 2008 – recèle déjà suffisamment de mèches allumées ;

– le gouvernement peut aussi bien se donner le temps de rechercher une solution moins conflictuelle – elles existent et, à gauche ou à droite, les experts y sont déjà attelés – car ce qu’on attend d’une première année d’exercice du pouvoir, c’est d’abord de ne pas alourdir la dette.

La solidité des alliances à l’épreuve

Mais en tout état de cause, les ultimes conflits de ces dernières semaines laisseront des cicatrices :

– du côte de la Sécu, le mythe de la nouvelle gouvernance a volé en éclat : Xavier Bertrand pourrait même s’entendre reprocher d’avoir « dynamité » la négociation en plaidant prématurément pour « le C à 23 » avant toute expertise (qu’il a demandée bien après son annonce) ;

– du côté médical, la fiction de la maîtrise dite médicalisée a aussi vécu. Comptable ou pas, elle impose aux médecins de gager contractuellement par des économies les augmentations qu’ils revendiquent… Toute entorse à la règle est mise à leur débit ; encore heureux si on leur abandonne la discussion du « curseur » du calendrier ;

– enfin, dernier point – peut-être le plus important – celui des alliances syndicales. Le front commun CSMF-SML résistera-t-il dans l’adversité comme il a réussi à le faire aux affaires ; le gouvernement serait-il tenté par un éventuel retournement d’alliance ? Le fait que les signataires de la Convention aient été désavoués par l’électorat l’an passé n’entame pas leur crédibilité politique mais un nouvel échec conventionnel compromettrait forcément leur stratégie cogestionnaire.

Les hypothèques sont nombreuses… avec une seule certitude pour horizon : les « turbulences » qui ont émaillé les derniers jours de l’hiver ne font que préluder à la zone de tempêtes qui va animer notre été !…

Jean-Pol Durand

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