Sous la plage, la réforme ?

« Un train peut en cacher un autre », prétend la SNCF hors période de grève. Et si l’inertie apparente de l’actualité médico-sociale cachait la gestation d’une réforme qui ne renierait pas ses ambitions ? Et si un train de mesures avait été subrepticement mis sur rails pour démarrer au beau milieu de l’été ? 

Tandis que le président de l’Ordre s’impatiente, sans doute avec pertinence, mais sur des sujets qui empiètent sur la légitimité syndicale, tandis que l’on attend, pour le courant de l’été, les conclusions des ateliers censés mettre en musique la future stratégie de santé, un document officiel, publié lui en relative discrétion en début de mois, est de nature à exciter la curiosité. 

Il est donc signé du HCAAM – Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie –, un « machin » dont la République est féconde où siègent, à priori, toutes les parties impliquées dans la gestion de la santé et invitées à travailler par consensus. Lequel doit souvent faire défaut, car l’institution ne nous avait pas habitué aux positions les plus courageuses. Or elle vient de commettre, sur 20 pages assez denses (1), une « contribution » invitant les pouvoirs publics à une « stratégie de rupture ». La formule est jolie, les gazettes en ont d’ailleurs fait leurs choux gras sans trop s’aventurer dans le détail. A tort, car c’est une véritable architecture de projet politique qui y est esquissée. Rendez-vous compte, un projet qui ne fait des MSP (Maisons de Santé Pluriprofessionnelles) ni l’alpha du premier recours ou des GHT (Groupement Hospitaliers Territoriaux), ni l’omega du second niveau. 

Ainsi peut-on y lire à propos des médecins spécialistes qu’ils doivent « intégrer une dimension populationnelle et territoriale [et], au-delà de leurs missions d’expertise et de prise en charge spécialisée des patients, contribuer dans leur champ de compétence à la définition des conditions de mise en œuvre des référentiels de prise en charge et d’organisation des relations entre ville et hôpital ainsi qu’avec les autres professionnels. Pour un certain nombre d’entre eux, ils ont un rôle à jouer dans la facilitation de l’accès des patients aux plateaux techniques et aux expertises les plus spécialisées de leur champ. »

Non que le libellé ne contient pas quelques épines irritatives : ainsi s’interroge-t-on sur les rôles et missions des hôpitaux de santé communautaires évoqués pour « mailler le territoire » ; aussi peut-on s’inquiéter du rôle dévolu aux ARS pour piloter une éventuelle réforme quand on veut bien se souvenir qu’elles ont aussi (et surtout) la tutelle de l’hôpital public, et qu’elles se retrouvent dès lors en plein conflit d’intérêts. De même, le sort réservé aux IPA (Infirmières de Pratique Avancée) mériterait-il sans doute plus de réflexion… On ne boudera quand même pas son plaisir et on restera « branchés » tout l’été dans l’attente d’un Plan-Macron d’autant plus paradoxal qu’il ne figurait pas à son programme. 

Ultime suggestion : si un tel plan pouvait prévoir un minimum de moyens fléchés sur la coordination des soins, sans parti-pris « catégoriel », on serait même tentés d’applaudir !

(1) Le document complet est accessible en ligne (moteur de recherche par Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, à la date du 6 juin 2018 ; télécharger l’Avis et non le Rapport de 64 pages)