UFCV : Enquête sur le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS)

331 – Soixante treize questionnaires ont pu être analysés sur la pratique quotidienne des cardiologues face au SAOS.

Sur la première étape, face au dépistage proprement dit, les cardiologues répondent présents, puisque la recherche en cours de consultation est faite : souvent pour 59 % d’entre eux, de temps en temps pour 38 % ; seuls 2 % ignorent encore son dépistage.

Les efforts effectués depuis quelques années pour améliorer la connaissance cardiologique face à ce syndrome, fréquemment présent dans leur « patientèle », et source connue d’évolutivité péjorative sur les pathologies cardiovasculaires qu’ils ont à prendre en charge, a donc porté ses fruits.

Une réponse importante dans cette étape de dépistage a été la recherche, via le conjoint, de la présence ou non d’un ronflement dans le cas particulier du syndrome métabolique : il est frappant de constater que 78 % des cardiologues effectuent cette recherche, prouvant leur bonne compréhension de la physiopathologie mise en jeu dans l’élaboration de ce syndrome ou l’obésité abdominale, témoin de l’augmentation de la graisse viscérale (figure 3) est un des signes majeurs du syndrome ; or il a été démontré que l’index d’apnées hypopnées (IAH) caractérisant le SAOS et sa gravité est en relation linéaire non seulement avec l’index de masse corporelle, mais aussi avec la masse graisseuse viscérale déterminée par scanner.

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Dans le dépistage du SAOS, la recherche de « clefs » simples se poursuit : outre la somnolence diurne excessive (SDE) déterminable par le questionnaire d’Epworth, critiquable car non corrélé à l’IAH, ou son évaluation plus rapide par l’interrogatoire déterminant une somnolence légère, moyenne (ne survenant qu’en situation passive), ou sévère (survenant en situation dite « active »), rappelons la recherche d’un tour de cou pathologique (> à 45 cm chez l’homme, > à 42 cm chez la femme), facile à mesurer et qui, lui, est corrélé à l’IAH, le ronflement, et les pauses respiratoires signalés par le conjoint qui sont d’excellents indicateurs de SAOS ; pour terminer une question simple et rapide : celle du délai d’endormissement, lorsqu’il est de quelques minutes… le conjoint vous met rapidement sur la bonne piste !

La suite de l’enquête est intéressante à plusieurs points de vue car elle s’est intéressée à l’estimation « cardiologique » de la prévalence du SAOS dans la population générale ; les réponses montrent : – une surestimation de cette prévalence dans la population masculine : 70 % répondent qu’elle se situe à 8 %, alors qu’elle se situe à 4 %, cette surestimation s’expliquant probablement par le fait que les patients dits « cardiologiques » sont déjà présélectionnés par leur pathologie, sortant du groupe population générale , avec une prévalence du SAOS nettement supérieure la surestimation du SAOS chez la femme est moins grande : 41 % répondent avec justesse 2 %, 41 % donnent l’estimation de 4 %… la bonne nouvelle est que cette pathologie trop longtemps considérée comme exclusivement « masculine » est aujourd’hui bien reconnue par les cardiologues comme concernant également les femmes.

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Pathologies par pathologies, l’enquête s’est penchée sur :

1. L’estimation de la prévalence du SAOS chez l’hypertendu tout venant (figure 1) : seuls 15 % répondent le chiffre de 45 %, la majorité estimant cette prévalence à 20 % ce qui est en dessous de la réalité ; sachant que le groupe des hypertendus est très hétérogène : dans l’HTA résistante 49 % sous estiment fortement cette prévalence à 45 % alors qu’elle atteint 80 % (chiffre reconnu par seulement 8 % des cardiologues interrogés) ; les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) sont donc connues, ce groupe est considéré à juste titre comme ayant une prévalence nettement supérieure aux hypertendus tout venant, mais avec encore une sous-estimation notable ; rappelons à ce sujet le travail récent d’une équipe française qui s’est intéressée à un autre sous-groupe d’hypertendus : ceux qui sont hospitalisés et qui montre une prévalence du SAOS dans ce groupe dépassant les 50 %.

2. La recherche du SAOS en cas d’HTA résistante : la réponse confirme le bon suivi des recommandations de la HAS puisque 98 % des cardiologues interrogés estiment qu’ils faut rechercher un SAOS dans cette situation.

3. La recherche du SAOS en cas d’insuffisance cardiaque : 47 % répondent par l’affirmative ; toute la difficulté actuelle est de positionner correctement cette recherche : – sur une insuffisance cardiaque optimisée en terme de prise en charge (traitement médical aux objectifs, resynchronisation comprise pour certaines insuffisances cardiaques) – avec la limitation due en partie à l’absence de plainte spécifique : l’asthénie majeure étant au premier plan, l’âge avancé de ce groupe de patients et l’absence de preuves irréfutables concernant l’amélioration de la FEVG, preuves attendues par la grande étude en cours SERVE HF effectuée avec une ventilation adaptée aux insuffisants cardiaques, à 2 niveaux de pressions en BIPAP, qui devrait confirmer la preuve du service médical rendu indispensable pour convaincre la communauté cardiologique ; actuellement seule l’amélioration de la qualité de vie est prouvée ce qui est loin d’être négligeable sur la tranche d’âge concernée. Rappelons que la présence d’un SAOS associée à une dilatation de l’oreillette gauche est un facteur de pronostic très péjoratif (figure 5).

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4. La recherche du SAOS en cas de trouble du rythme atrial est effectuée par 59 % des cardiologues de l’enquête, prouvant que l’étude ayant démontré un risque de récidive de FA multiplié par deux en cas de SAOS non traité est connue ; après une réduction de FA , pour réduire le risque de récidive, il faut être sûr de ne pas avoir méconnu un SAOS.

5. La recherche d’un SAOS en cas de dysfonction érectile (DE) n’est effectuée que par 25 % des cardiologues : chacun sait que la DE est le témoin précoce d’une dysfonction endothéliale ; le SAOS est peut-être aussi un marqueur de dysfonction endothéliale ; actuellement des études expérimentales ont montré le lien entre les troubles du sommeil et la DE chez l’animal ; aucune étude chez l’homme, à ma connaissance, n’a établi de lien formel entre les 2 pathologies.

6. La recherche du SAOS en cas de syndrome coronaire aigu (SCA) (fi gure 4) n’est effectuée que par 15 % des cardiologues ce qui est surprenant.

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De nombreuses études ont été publiées sur l’amélioration de la morbimortalité dans ce groupe de patients et ceci à partir d’un SAOS avec un IAH > à 15/h considéré comme un SAOS modéré ; certes les études sont critiquables, effectuées sur de petits effectifs, avec des groupes témoins non strictement superposables, mais la prévalence du SAS de 30 % chez le coronarien tout venant est bien supérieure dans le SCA avec une évolutivité plus rapide de l’athérosclérose lorsqu’au décours d’une angioplastie on laisse un SAOS évoluer avec des épisodes incessants de désaturation nocturne suivis de coups de butoir tensionnels sur une paroi endothéliale en cours de cicatrisation ; la population cardiologique attend avec impatience des études de plus grande envergure sur ce type de population, sachant que la prise en charge de ce facteur de risque évolutif est sûrement une des voies de la recherche actuelle sur l’optimisation de la prise en charge des coronariens.

Le coronarien apnéique est particulier, car souvent non somnolent, en simple surcharge pondérale, avec une histoire coronarienne de poussées évolutives itératives qui doit mettre le cardiologue sur la voie du dépistage du SAOS.

7. La recherche du SAOS en cas de syndrome métabolique est effectué par 82 % des cardiologues, confirmant ce que leur réponse sur le dépistage du ronflement en cas de syndrome métabolique apportait : le lien étroit existant entre le SAOS et le syndrome métabolique en terme de physiopathologie et de complications, avec de nombreux facteurs confondants ; à ce sujet la dernière étude effectuée sur des patients diabétiques de type 2 porteurs d’un SAOS et traités pour leur SAOS comparativement à ceux non traités et montrant une amélioration de l’HbA1c de l’ordre de 1 % va faire réfléchir s’il en était besoin la communauté des endocrinologues comme celle des cardiologues qui connaissent parfaitement le niveau de risque de cette population.

8. Enfi n, la dernière question concernait la recherche d’un SAOS en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) : seuls 34 % effectuent cette recherche, sachant que la prévalence est très variable selon les études mais approche des 50 %, que la présence d’un SAOS est un facteur de mauvais pronostic, qu’enfi n en cas de bilan étiologique négatif sur un AVC, cette recherche aura un intérêt particulier pour prévenir une récidive éventuelle.

Conclusion

Cette enquête ponctuelle effectuée par l’UFCV le 14 décembre 2009 sur le SAOS a l’énorme avantage de confi rmer l’intérêt de la communauté cardiologique pour ce syndrome, sa conviction sur le rôle qu’elle doit jouer dans le dépistage de ce syndrome particulièrement prévalent dans sa salle d’attente, sa compréhension physiopathologique grandissante et la nécessaire collaboration avec les pneumologues qui vont devoir assurer la prise en charge et le suivi de nos patients diagnostiqués comme étant porteurs confi rmés de SAOS, une réfl exion particulière sur le fait que les patients porteurs d’un syndrome métabolique ne sont pas les seuls à être porteurs d’un SAOS, ceci est particulièrement vrai pour les coronariens (figure 2). ■

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