Une réforme des retraites à haut risque pour les médecins 

Nous laisserons aux spécialistes de la chose politique débattre du résultat des élections européennes, déterminer quels en sont les vainqueurs et vaincus, les perspectives d’avenir pour les uns et les autres et pour le pays. Mais sans être grand clerc, un premier enseignement semble s’imposer, la transformation du paysage politique amorcée lors de l’élection présidentielle est confortée par ce scrutin, nous verrons ce qu’il en adviendra dans les prochaines élections dont l’enjeu sera plus local.

Deuxième enseignement, la politique de réforme engagée depuis le début du quinquennat va se poursuivre, ce à quoi nous n’étions plus très habitués tant les derniers présidents de la République avaient coutume d’un changement brutal de cap après deux ou trois ans de mandat. La crise des gilets jaunes, qui coutera plus de 15 milliards d’euros au budget de l’Etat, n’aura eu en la matière aucun impact.

La grande réforme qui se profile, annoncée lors de la campagne présidentielle, est celle des retraites. 

Nul ne peut contester de bonne foi que cette réforme est nécessaire tant le système est devenu illisible, inégalitaire et en grande fragilité économique. 

L ’instauration d’un régime universel de retraite qui remplacera les 42 régimes actuels, restera un régime de répartition où les règles de calcul des droits seront les mêmes pour tous, où chaque jour travaillé sera pris un compte, où chaque euro cotisé vaudra les mêmes droits parait logique et juste. Mais à regarder de plus près ce nouveau régime soulève nombre de craintes et d’interrogations :

  • d’un système aujourd’hui géré par les partenaires sociaux et les assurés se profile celui d’un système géré par l’Etat qui se trouvera ainsi en position de conflit d’intérêt entre une fonction d’opérateur unique (est-ce bien son rôle et sa compétence ?) et de régulateur,
  • difficile de concevoir un système universel tenant compte des spécificités de carrière de certaines professions. Celles des médecins étant plus courtes, la conséquence évidente, sans système correctif, sera la baisse des pensions ou un âge de départ de plus en plus reculé,
  • fixer, comme il est prévu, pour le régime universel un plafond de revenus d’activité à 120 000 € revient à faire disparaitre la CARMF. Ce qui veut dire des années d’effort où les médecins ont réduit leur pouvoir d’achat de 15% depuis 2000 et la confiscation des 7 milliards d’euros de réserves qui avaient été constituées pour passer le choc de la crise démographique,
  • l’avenir de l’Avantage Social Vieillesse (ASV) est également incertain. Sa pérennité peut être compromise, sinon le risque est celui de sa dissolution dans l’ensemble du régime. Or il faut rappeler qu’il représente 35 % de la retraite et qu’il s’agit en fait moins d’une retraite que d’honoraires différés en échange d’une modération du tarif des actes (elle bien réelle !).

A ce stade où beaucoup d’interrogations demeurent encore, le scénario d’une dégradation de la retraite des médecins par un régime qui ne tiendrait compte ni de leurs spécificités, puisqu’il se veut universel, ni de leurs efforts passés est sérieux et préoccupant. 

La morale de la cigale et de la fourmi sera-t-elle inversée par la réforme ? Espérons que non, mais restons vigilants et unis.

Jean-Pierre Binon
Président du SNSMCV

image_pdfimage_print