Urgences : la mission IGA/IGAS est favorable au numéro unique

Le rapport IGA/IGAS favorise la solution d’un numéro d’appel unique, le 112, et le déploiement du 116-117 pour les soins non programmés. Un choix qui divise urgentistes et médecins libéraux.

En février dernier, les ministères de l’Intérieur et de la Santé ont commandé une mission à l’Inspection Générale de l’Administration (IGA) et à l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) pour évaluer la pertinence de la création d’une plateforme commune de réception des appels d’urgence et d’un numéro unique. Avec plusieurs mois de retard, la mission aurait rendu son rapport mi-octobre. Rapport qui reste un peu « l’Arlésienne », puisqu’il n’a pas été rendu public et que seule une « fuite dans la presse » (dans le quotidien L’Opinion) avait révélé l’hypothèse d’une option privilégiant un numéro unique d’urgence – le numéro d’urgence européen 112. On se rappelle que fin septembre, lors du congrès des sapeurs-pompiers de France, Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur, avait fait part de la volonté de l’exécutif de mettre en place un numéro d’urgence unique. Mais c’était peu de temps avant qu’il n’annonce sa démission et, depuis, aucune déclaration de son successeur ou de la ministre de la Santé n’est venue confirmer ou infirmer ses déclarations. 

Une préférence pour la création d’un numéro unique
On en sait davantage aujourd’hui. Non par la publication du rapport, qui n’a toujours pas eu lieu, mais par nos confrères d’APM News qui en ont eu copie. Ce rapport de la mission IGA/IGAS comporte quatre différents scénarios. Le premier consiste à maintenir distincts les actuels numéros 15, 17 et 18, à condition d’un « réel effort de modernisation technique et organisationnel ». Mais cela ne réglerait pas les problèmes de lisibilité du système pour la population et d’absence de filtration des appels « polluants ». La mission estime le bilan avantages/inconvénients « positif », mais l’amélioration du service rendu limitée.
Le deuxième scénario fusionnerait les numéros 17 et 18 dans le 112 mais garderait un numéro 15 distinct. Pour la mission, ce choix aurait l’inconvénient  d’être trop coûteux, trop cloisonnant pour les organisations et d’un gain limité en matière de simplification pour la population. Elle évacue donc ce scénario, tout comme le troisième, qui consisterait à fusionner les 15 et 18 dans le 112, « par généralisation des plateformes communes », au motif qu’il demanderait de gros efforts de développement de ces plateformes et de réorganisation des SAMU, sans pouvoir intégrer le 17, « au moins dans un premier temps ». 
La mission IGA/IGAS indique donc sa préférence pour le quatrième scénario, qui implique la création d’un numéro unique fusionnant le 15, le 17 et le 18 dans le 112, associée à sept plateformes téléphoniques de premier niveau de « débruitage/orientation des appels », également capables de déclencher l’envoi des moyens du Système Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) si nécessaire, « afin de ne pas dégrader la réponse aux urgences vitales et d’homogénéiser la réponse apportée sur l’ensemble des territoires ». 

Le rapport précise que le choix de ce scénario « implique la mise en place d’arbres de décision permettant une évaluation de la gravité de l’appel en quelques questions seulement par l’opérateur » et qu’ « à terme, un système d’aide à la décision utilisant l’intelligence artificielle pourrait être mis en oeuvre en renseignant des données préalablement déterminées relatives au patient à prendre en charge, qui proposerait la conduite à tenir la plus adaptée ». Ce système permettrait d’éviter la « sur-sollicitation des SDIS » et « de garantir une régulation a priori plus fréquente des appels proprement sanitaires ». 

Dans ce quatrième scénario, d’autres numéros d’urgence seraient fusionnés dans le 112 : les numéros relatifs aux centres anti-poison, de toxicovigilance et d’alerte attentat.

Le 112, oui, mais avec le 116-117

Les rédacteurs du rapport estiment que le scénario n° 4 permettrait « une baisse non négligeable du nombre d’appels d’urgence » consécutif au retranchement des appels transitant entre le 15 et le 18 aujourd’hui, de la suppression des appels multiples, et du changement de volumétrie, qui inclut aujourd’hui des appels non décrochés du fait d’erreurs de numérotation ou de saturation des lignes. Le nombre d’appels pourrait ainsi passer de 70 millions (en 2017) à 40 ou 50 millions,  « si le 116-117 (accès à un médecin de garde) est mis en place sur l’ensemble du territoire et étendu fonctionnellement pour recevoir les appels relevant des soins non programmés, et si une démarche pédagogique de communication de grande ampleur est mise en place, dans la durée, sur le bon usage du 112 ».

Une condition qui a de quoi satisfaire les médecins libéraux qui depuis des moins ont fait savoir qu’ils étaient apposés à un numéro unique qui engloberait les appels pour urgences vitales et les appels relevant de la simple permanence des soins. Dernièrement encore, la CSMF vient de réitérer ce point de vue. Elle ne s’oppose pas au regroupement des trois numéros actuels d’appel pour les urgences au profit d’un numéro unique, « à condition que soit créé en parallèle un numéro national unique et spécifique, tel que le 116-117, pour la permanence des soins en médecine générale, en lien avec les structures et associations de permanence des soins de ville ». Aussi la CSMF appelle-t-elle les autorités « à mettre en place des solutions cohérentes, efficaces et coordonnées en distinguant la permanence des soins de ville, des situations d’aide médicale d’urgence pour mieux répondre aux besoins des Français ». Sur la même longueur d’onde, le SML s’est félicité  de la volonté des inspecteurs de l’IGA et de l’IGAS de déployer « le 116-117 pour les soins non programmés en ville », non sans revendiquer au passage des moyens pour la régulation libérale.

Moins favorables sont les réactions des urgentistes. François Braun, président de SAMU-Urgences de France, reste sur sa position de départ, « à savoir un numéro unique santé ». « C’est un scénario qui a été écarté avec la volonté de mettre le 116-117 partout, on reste persuadés que ce n’est pas la meilleure solution. » Pour l’Association des Médecins Urgentistes de France (AMUF), la proposition de créer des plateformes dans 7 supra-régions avec le numéro 112 paraît « complètement ubuesque et ne pas répondre aux besoins de la population dans les territoires ». L’AMUF réaffirme sa conviction que « l’échelon territorial le plus pertinent est le département avec une interconnexion des centres d’appels 15 et 18 assurant une réponse immédiate adaptée aux appelants ». Où l’on voit que la « guerre » des urgences est loin d’être finie…

Reste à attendre à présent la décision que prendra l’exécutif. Mais à en juger par les réactions des uns et des autres, on peut prévoir à l’avance qu’elle ne satisfera pas l’ensemble des acteurs concernés.

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