Véhicules électriques ou l’épreuve de l’environnement

Les détracteurs des véhicules électriques sont formels, ce type de propulsion pollue bien plus qu’une voiture thermique. Vrai ou faux ? Voici des éléments de réponse, le tout étant bien plus complexe que cela. 

Tout d’abord, on ne peut pas considérer la voiture électrique comme « écologique » ni « propre », mais il y a des nuances auxquelles il faut s’adapter. Si l’on part d’un point de vue simple utilisateur, il y a effectivement « zéro émission », mais non « 0 pollution » qui, elle, est délocalisée en amont (fabrication) et en aval (sources et recyclage).

Voici les différents points de la vie d’une batterie :

1. sa source, le lithium ;

2. sa fabrication ;

3. ses sources d’énergie ;

4. son utilisation ;

5. son recyclage.

1. La source de la batterie et ses composants primaires

Même s’il y en a d’autres, le lithium est la matière première utilisée dans les véhicules électriques (mais également dans les batteries d’ordinateurs, de téléphones portables). 0,8 kilo de lithium est produit par seconde dans le monde entier, soit 25 000 tonnes extraites chaque année. (1)

La plus grande partie des réserves de lithium se trouve dans des lacs salés au Chili, en Bolivie et en Argentine, mais aussi au Tibet et en Afghanistan. On déplore ainsi dans ces pays des dégradations environnementales dans les conditions d’extraction, mais aussi dans le traitement (consommation d’eau), la chimie (pollution importante) et la consommation d’énergie (charbon). (2)

2. Fabrication des batteries

Les principaux fabricants de cellules (composants principaux des batteries) sont essentiellement situés en Asie (Corée du Sud, Chine). Ces cellules sont assemblées par tranche (plus il y a de tranches, plus la batterie est puissante) pour former les futures batteries.

3. Les sources d’énergie

Pour être cohérente avec un « zéro émission », l’énergie utilisée devrait provenir de sources renouvelables, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En France, par exemple, la part principale vient du nucléaire  (voir production nette d’électricité). En comparaison, l’Allemagne utilise principalement du lignite et des énergies fossiles (59 %).

La diminution des gaz à effet de serre (GES) reste donc relative selon la source énergétique. Si la recharge utilise comme source des sources non renouvelables, les GES émis lors de sa recharge sont comptabilisés. A l’inverse, si la source  est renouvelable, par exemple l’éolien ou l’hydraulique, le bilan s’en retrouve bien évidemment allégé et l’on rentrerait dans la conversion écologique (baisse des GES de 10 à 24 % par rapport à un véhicule thermique).

4. Utilisation de la voiture électrique

L’impact écologique d’un véhicule électrique dépend principalement de son utilisation. Contrairement à un véhicule classique (thermique non hybride), un VE faisant plus de 200 000 km aura des conséquences moins néfastes sur le climat (diminution de 27 à 29 % par rapport à une voiture essence, et de 17 à 20 % par rapport à un diesel). Par contre, ne faire que 100 000 km réduira considérablement les avantages de l’électrique (entre 9 à 14 % d’impact en moins comparé au thermique).

5. Recyclage des batteries

Une batterie dure en moyenne entre 5 et 10 ans selon l’utilisation si elle n’a pas perdu plus 25 % de sa capacité qui est une exigence pour répondre à une utilisation automobile.

Le recyclage est en plein essor. Le consortium européen ELSA, par exemple, expérimente une solution de stockage d’énergie au sein d’un réseau qui aura pour vocation de produire une solution de stockage qui sera commercialisable à son échéance.

Renault n’est évidemment pas en reste en s’associant avec des sociétés de stockages d’énergie pour la maison comme Powervault, afin de proposer des batteries de véhicules électriques d’occasion qui trouveront une seconde vie (vie temporaire avec recyclage complet) dans l’habitat.  Les batteries des véhicules électriques Renault serviront ainsi au stockage de l’énergie chez les particuliers et dans certaines institutions. Sont tout particulièrement concernées les maisons à panneaux solaires.

Une autre solution est la constitution d’un système de stockage (système E-STOR) pouvant servir de borne de charge rapide, de manière à optimiser le cycle de vie des batteries de seconde vie, dans des zones pas forcément reliées au réseau électrique et qui pourront être alimentées par des énergies renouvelables.

L’utilisation des batteries électriques des véhicules sera ainsi prolongée en tant que système de stockage stationnaire, avant leur recyclage final (d’où l’intérêt ici du principe de location des batteries pour les véhicules électriques).

Une fois que les cellules ne peuvent plus récupérer suffisamment d’énergie, les batteries doivent être extraites par les centres agréés puis collectées et recyclées.

C’est ainsi que commence la récupération des métaux précieux qui permet (entre autres) de diminuer le coût de recyclage des batteries, car la valeur des métaux tels que les terres rares (La, Ce, Nd, Pr), le cobalt, le nickel, le cuivre, l’aluminium, le manganèse… compense une partie du coût de collecte et traitement des batteries et permet dans certaines filières l’autofinancement. La motivation écologique se double d’une motivation économique.

En conclusion

Il est bien sûr évident que les efforts doivent se concentrer sur l’évolution des matières premières, des énergies renouvelables et surtout la stabilisation des procédures d’extraction et de recyclage. Les matériaux de base  sont un point crucial pour l’avenir.

Chaque année, près de 1 300 tonnes de batteries sont jetées. En 2020, ce chiffre devrait passer à 14 000 tonnes, soit dix fois plus.

Le lithium-ion devrait rester prédominant une bonne quinzaine d’années avant un post-lithium vers 2030, mais la production ne satisfera pas, selon les spécialistes du secteur, la révolution électrique promise dans la prochaine décennie. (3)

D’autres solutions existent comme le sodium-ion, sur lequel travaille le réseau de chercheurs français RS2E (4). Ce procédé a l’immense avantage d’être très abondant et donc beaucoup moins coûteux que le lithium. Mais les densités énergétiques encore trop faibles pour des véhicules (uniquement) électriques peuvent suffire  aujourd’hui pour les véhicules hybrides, ou les batteries de démarrage.

La technique métal-air (aluminium/oxygène ou lithium/oxygène) propose une densité énergétique bien supérieure aux lithium-ion. Mais les métaux s’oxydent rapidement, ce qui a pour effet de décharger la batterie. Ils ont également une fâcheuse tendance à se désintégrer et il faut donc remplacer régulièrement les éléments métalliques.

Néanmoins, les véhicules électriques ont un rôle clé à jouer dans l’amélioration de la qualité de l’air, notamment au bénéfice de la santé de chacun en ville en attendant une réelle prise de conscience politique. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, sept millions de véhicules électriques en circulation dans le monde permettraient d’économiser 400 000 barils de pétrole… une paille sur les 95.620.000 de barils  sortis de terre tous les  jours ! La Chine vient d’ailleurs d’annoncer qu’elle interdira les voitures essence et diesel dans les villes dans vingt ans et EasyJet de montrer le développement d’un court-courrier pour des vols adaptés comme Paris-Nice ou Nice-Bordeaux.

La révolution électrique avance à grand pas sur tous les supports.

Pascal Wolff

(1) Il y aurait des réserves de 15 à 17 millions de tonnes de lithium dans le monde selon Renault et 25,5 millions de tonnes selon l’US Geological survey.
(2) http://future.arte.tv/fr/le-lithium-source-dinegalite-et-de-pollution?language=fr
(3) Planetoscope.
(4) Réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie qui rassemble 17 unités de recherche dont le CNRS et le CEA, 15 partenaires industriels et 3 établissements publics.
(5) En 2015 – source Planetoscope.

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