Vouvray demi-sec 2007

Selon la légende, le futur Saint-Martin ermite, puis évêque, aurait rapporté de Pannonie, un pied de vigne (du chenin ?), dont les moines développèrent ensuite la culture, qu’il planta au-dessus de l’abbaye de Marmoutier, qu’il avait créée en 372. Ainsi débute l’histoire du chenin, et de toutes ses déclinaisons, effervescent, sec, demi-sec, moelleux et liquoreux, avec ses succès et ses tragédies.

En effet, ce cépage, capable d’engendrer de grands vins, peut également produire des breuvages lourds ou abâtardis, si on ne soigne pas correctement la vigne en limitant sa vigueur, si on chaptalise le vin ou si on laisse opérer la malo-lactique qui fait chuter les acidités et cette sensation spécifique de « tranchant ». Divers écueils que sait éviter Philippe Foreau, un des maîtres du vignoble vouvrillon, au Clos Naudin.

Créé en 1910, par son grand-père, grâce à l’achat d’anciennes vignes, le Clos Naudin, dès cette époque, vendait directement son vin en bouteilles. Il s’étend actuellement sur 12 ha, exclusivement planté en chenin, situés en Premières Côtes, considérées par beaucoup pour donner les meilleurs crus, à flanc de coteaux dominant la Loire. Les sols, pour la plupart, sont composés d’argiles à silex riches en cailloux appelés ici « perruche ». Le sous-sol, c’est le fameux tuffeau du Turonien chargé en calcaire épais que les vignerons ont creusé, pour en faire leur cave et parfois leur habitation.

Le domaine pratique la sélection massale (1) pour les replantations, mais un tiers des vignes a plus de 40 ans. La culture de type bio ne comporte qu’un seul traitement phytosanitaire de synthèse, uniquement en cas de risque avant la fleur. Le désherbage se fait mécaniquement par labour et décavaillonnage évitant ainsi les herbicides. La lutte contre les parasites utilise la méthode de confusion sexuelle. Tout autre produit chimique, insecticide, engrais est banni. Les vignes plantées à 6 000 pieds/ha sont fortement taillées et ébourgeonnées, pour limiter les rendements à 35 hl/ha.

La production de vins demi-secs et moelleux bénéficie du climat océanique tempéré et de la douceur apportée par la Loire, mais nécessite certaines conditions favorables : automne sec et ensoleillé, vents forts soutenus, pour « sécher » le fruit, afin d’obtenir une maturation optimale du chenin et sa richesse en sucre, dont une partie ne pourra ainsi être fermentée. Ce sucre résiduel déterminera le classement en demi-sec (15 à 30 g), moelleux (30 à 50 g), liquoreux (plus de 50 g). Le botrytis, désiré en Anjou, n’est pas souhaité à Vouvray, en particulier par Foreau. La récolte, obligatoirement manuelle, par tries successives, parfois grain sur grain, permet de sélectionner les différentes cuvées en fonction de leur charge en sucre.

Les raisins sont pressurés pneumatiquement. La vinification naturelle grâce aux levures présentes sur la peau s’effectue en fûts de 300 litres, avec un maximum de 5 % de bois neuf, dans la splendide cave en tuffeau, dont la basse température permet une fermentation lente. L’élevage en fûts, avec un minimum de soufre, ne se prolonge pas au-delà de 6 mois, car le bois, selon Foreau, modifie la personnalité du chenin.

 

Une élégance remarquable

Avec sa robe éclatante jaune or parée de reflets topaze, ce vouvray demi-sec Clos Naudin 2007 est incroyable de densité et de richesse en bouche traduisant une superbe pureté de fruit. Des arômes d’agrumes, orange sanguine, pamplemousse rose, pomelo, rejoints par l’abricot, le chèvrefeuille, le coing et le massepain, envahissent le nez. En dépit de ses notes profondes douces amères de pépins de fruits, il atteste d’une élégance remarquable, et d’un équilibre presque parfait entre fruit et acidité. Cette acidité prégnante presque mordante, colonne vertébrale dirigeante des vins de Foreau, masque les 18 g de sucre résiduel, mais pas cette richesse exotique et cette complexité comparables à un pur-sang retenu dans son paddock. Sa longue finale se distingue par des notes minérales de craie, de gingembre et de douces fleurs d’une persistance proverbiale.

Oui, décidément, Philippe Foreau, gourmet passionné, sait transmettre dans ses vins le bonheur de les projeter dans l’espace qui leur revient : les grandes tables.

 

Un délice pour le cuisine thaï

Ce vin, grâce à son énergie et sa fraîcheur, sans excès de douceur, ses senteurs d’agrume et de coing, convient admirablement à la gastronomie et sublime la cuisine exotique sucrée-salée. Les poissons en sauce : sole à la crème, lotte à l’armoricaine, filets de cabillaud aux agrumes, une pastilla de pigeon ou mieux de poisson, la cuisine thaï, crevettes à l’aigre-douce, un ris de veau croustillant aux écrevisses selon Senderens, l’épouseront avec délice. J’ai un coup de cœur personnel avec deux préparations : le foie gras poêlé au coing et le canard à l’orange.

Bien que les vouvrays moelleux soient les plus adaptés aux desserts, ce demi-sec ne se déplaira pas en la compagnie d’une crème catalane, d’un gâteau aux poires ou d’un soufflé aux coings.

Philippe Foreau résume ainsi sa philosophie : « Boire du vin, au-delà de la gorgée avalée, c’est s’interroger sur les mystères de son goût, c’est comprendre son origine, son cépage, son terroir, c’est deviner les conditions climatiques qu’il a reçues ».

(1) Une technique qui permet de changer un pied de vigne tout en conservant une haute qualité de production, notamment lorsque le vignoble possède de très vieilles vignes de qualité.

 

Vouvray demi-sec 2007 – Domaine du Clos Naudin – 37210 Vouvray

 

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