Les plaintes contre les cardiologues en 2007 : rapport du Conseil Médical du Sou Médical-Groupe MACSF
317 –A – Tendances chiffrées
En 2007, la sinistralité (nombre de dommages corporels déclarés à l’assureur faisant l’objet ou non de plaintes, pour 100 sociétaires) est relativement stable par rapport à 2006 : 1,79 % pour l’ensemble des 117 456 sociétaires (libéraux ou salariés). Derrière cette apparente stabilité des déclarations, on constate une progression des réclamations ou plaintes formalisées d’emblée par les patients et une diminution des déclarations de prudence faites par les sociétaires (avant que les patients ne fassent une réclamation).
Le taux de condamnations dans les procédures civiles au fond continue de progresser passant à 68 % en 2007, contre 62 % en 2006. Le montant moyen des indemnisations par sinistre fautif en juridictions civiles augmente également : 256 000 € contre 255 000 en 2006.
Pour la cardiologie, la sinistralité reste stable également à 2,43 % (soit 60 déclarations pour 3 118 cardiologues sociétaires) contre 2,2 % en 2006 et 2,4 % en 2005.
On dénombre 6 plaintes pénales (sanctions : amendes, peines de prison avec ou sans sursis), 8 plaintes devant le Conseil de l’Ordre (sanctions : avertissements, interdictions d’exercer la médecine), 14 assignations en référé (sanction : indemnisations), 15 réclamations (démarches à la recherche d’un règlement amiable, pouvant évoluer vers une plainte judiciaire) et 15 saisines d’une CRCI : Commission Régionale de Conciliation et Indemnisation des accidents médicaux (sanction : indemnisations). Cette fréquence élevée des saisines de CRCI s’explique soit par le fait que les accidents en cardiologie sont souvent graves (ce qui est une condition nécessaire pour saisir la CRCI), ou parce que les accidents sont majoritairement aléatoires, sans faute (et qu’une indemnisation par la solidarité nationale est alors possible par la procédure CRCI).
B – Analyse des sinistres déclarés en cardiologie
Erreurs diagnostiques (4 dossiers)
C’est un motif relativement peu fréquent de mise en cause des cardiologues, qui disposent d’un arsenal très riche d’explorations diagnostiques. Le non-diagnostic d’une embolie pulmonaire reste un classique pour les cardiologues qui sont sollicités dans les services de chirurgie non cardiologique. Un dossier concerne un retard de 18 mois au diagnostic d’un dysfonctionnement de pace-maker ! Enfin, les cardiologues réalisant des échographies cardiaques en néonatalogie sont exposés dans le diagnostic des cardiopathies congénitales.
Critiques de la prise en charge, la surveillance ou le traitement (28 dossiers)
Malgré un diagnostic fait correctement, il peut être reproché à un cardiologue de gérer un patient de façon inadaptée : – transport non médicalisé (voiture personnelle ou ambulance) pour une hospitalisation dans le cas d’un syndrome coronarien aigu ; – délai pour la réalisation d’une coronarographie ; – délai pour une hospitalisation pour un anévrysme de l’aorte thoracique se fissurant.
La gestion des anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires en péri opératoire (4 dossiers) est malheureusement un motif récurrent de mise en cause des cardiologues depuis plusieurs années. Le cardiologue évalue le risque thrombo-embolique lié à la maladie et explique au patient, au chirurgien ou à l’anesthésiste le rapport bénéfice/risque d’un éventuel arrêt du traitement. Il peut être reproché la stratégie préconisée : type de substitution, surveillance insuffisante, absence de reprise du traitement antérieur. Les conséquences de ces accidents sont souvent lourdes : infarctus du myocarde massif en cas d’arrêt injustifié ou trop précoce des antiagrégants plaquettaires après une angioplastie coronaire, accident vasculaire cérébral après non reprise précoce des AVK sur une ACFA à haut risque (plusieurs millions d’euros, si le handicap nécessite l’intervention d’une tierce personne 24 h/24 h). Dans la pratique, on constate que c’est souvent la mauvaise application de la stratégie par d’autres praticiens qui est à l’origine des accidents.
Une consultation cardiologique pré-opératoire manifestement succincte ou n’envisageant pas d’explorations devant des signes suspects peut aussi être critiquée, surtout si le patient présente un arrêt cardio-respiratoire en per ou post-opératoire, même en l’absence de certitude sur la cause du décès (4 dossiers). Chez un patient devant subir une chirurgie orthopédique du genou, il est critiqué l’absence de recherche d’une artériopathie par le cardiologue, ayant contribué à la survenue d’une ischémie aigue nécessitant une amputation en post-opératoire.
Un cardiologue s’est vu critiqué pour l’indication chirurgicale retenue pour un rétrécissement aortique serrée, au seul motif du décès survenu en post opératoire ! La survenue d’effets indésirables liés à des médicaments (myalgies sous statines et dyspnée asthmatiforme sous bêtabloquant) a fait l’objet de réclamations.
Accidents liés à des procédures invasives
Cardiologie interventionnelle (10 dossiers)
Il a été rapporté 4 dossiers de coronarographies, dont 2 accidents vasculaires cérébraux (un avec cécité) et une insuffisance aortique par lésion d’une sigmoïde provoquée par la sonde de ventriculographie.
Six dossiers concernent des angioplasties coronaires. Trois dossiers sont en rapport avec une blessure coronaire : une dissection extensive aboutissant au décès, une migration d’un ballon lors d’un « kissing balloon » provoquant une perforation avec tamponade, une désinsertion de stent lors d’un guide « trappé », nécessitant un pontage en urgence. Deux autres dossiers sont des infections : un faux anévrysme fémoral se compliquant d’une septicémie à staphylocoque auréus, une endocardite aortique au décours d’une angioplastie par voie radiale (porte d’entrée : lymplangite sur voie veineuse). Il est à signaler depuis quelques années des infections au point de ponction associées à l’utilisation de système de fermeture percutané artérielle avec des conséquences graves : ischémie de membre avec amputation, arthrite de hanche sur prothèse… Dans ces affaires, les experts sont attentifs sur les moyens de prévention (rasage proscrit, douches, badigeonnages antiseptiques) et sur la traçabilité de ces mesures.
Rythmologie interventionnelle (8 dossiers)
Les problèmes liés aux pace-makers peuvent avoir lieu soit à la pose (3) : plaie artérielle nécessitant une reprise chirurgicale, un pneumothorax drainé sans retard, ou un sepsis nécessitant l’explantation du matériel ; soit à distance de l’implantation (3) : rupture de sonde auriculaire 2 ans après l’implantation, micro-déplacement sur une anatomie particulière, ou un défaut de connexion des sondes sur le boîtier.
L’élargissement des indications de rythmologie interventionnelle amène automatiquement une augmentation de la sinistralité. Deux dossiers concernent les ablations par radiofréquence : un décès par hyperexcitabilité ventriculaire et oedème pulmonaire sur ablation d’ACFA (recherche d’un défaut d’information), un problème relationnel au décours d’un succès incomplet d’une ablation d’une voie accessoire.
Explorations habituellement « non invasives »
– Une perforation oesophagienne cervicale haute sur une échographie transoesophagienne. – Chute entraînant une fracture des 2 têtes humérales lors d’une épreuve d’effort sur tapis roulant. Enfin, les cardiologues peuvent faire l’objet aussi de réclamations lors de chute d’une table d’examen, ou dans le cabinet médical !
Conclusions et mesures préventives
On constate que les accidents répertoriés sont souvent la conséquence d’une évolution défavorable d’une pathologie sous-jacente indépendamment de toute faute médicale. Afin d’éviter que les patients ne fassent l’amalgame, il est donc primordial que les cardiologues évaluent précisément l’état cardiologique et informent leurs patients sur la gravité de la maladie et des risques évolutifs avant de leur proposer des soins. Les patients doivent comprendre également les limites thérapeutiques et les risques iatrogènes. Une traçabilité de l’information (note dans le dossier, courriers, document d’information de la SFC) est hautement recommandée pour toutes les procédures invasives, car c’est au médecin qu’il revient de prouver qu’il a informé.
Pour les procédures non urgentes, comme par exemple les ablations par radiofréquence, qui comporte un risque procédural non négligeable, il est important de laisser un délai de réflexion suffisant après une consultation d’information.