Châteauneuf-du-Pape blanc 2005 – Domaine du Vieux Télégraphe, 84370 Bédarrides

La dénomination de Châteauneuf-du- Pape, qui a toujours été très porteuse sur le plan commercial, est parfaitement expliquée historiquement : Clément V dût transférer le Siège de la Papauté de Rome en Avignon en 1309 sous la pression de la Couronne de France « fille aînée de l’église » qui menaçait le Saint Siège d’un schisme. Ce Clément V était probablement un fin oenologue ayant, lors d’un passage dans le Bordelais, contribué à l’élaboration d’un grand vin de Graves, toujours connu sous le nom de « Château Pape-Clément » et il ne lui déplaisait probablement pas de s’installer en Avignon, les vignobles des Côtes du Rhône méridionales ayant déjà une flatteuse réputation. Son successeur, Jean XXII (Jean XXIII est venu beaucoup plus tard !) construisit un grand château dans la localité, pour s’éloigner de l’atmosphère chaude et pesante d’Avignon.

Les Châteauneuf-du-Pape rouges sont universellement reconnus pour leur richesse explosive, leur puissance et leur opulence. Nombreux sont les viticulteurs, parmi les plus de 300 recensés, qui produisent d’excellents vins et, pour certains, d’exceptionnels : Rayas, Beauvastel, Bonneau.

à l’opposé, les Châteauneuf-du-Pape blancs, représentant une production très minoritaire (7 % du total), souffrent d’une certaine déconsidération : vins très corsés, très alcooliques, monolithiques, parfois oxydés par défaut de fermentation malolactique.

Mais il existe de belles exceptions, dont fait partie ce Vieux Télégraphe blanc 2005.

Le domaine du Vieux Télégraphe, conduit depuis plus d’un siècle par la famille Brunier, est actuellement dirigé par Pierre et Frédéric Brunier. La propriété doit son nom au fait que Claude Chappe, inventeur du télégraphe optique, avait installé, fin XVIIIe siècle, un de ses sémaphores sur le plateau de la Crau qui allait être ensuite complanté de vignes par Hippolyte Brunier. Ce plateau bénéficie d’une situation géoclimatique exceptionnelle avec une épaisse couche d’argile très chargée avec les fameux galets roulés qui permettent une concentration dans les sous-sols de la chaleur torride de la journée.

Les raisins sont l’objet de soins méticuleux : ébourgeonnage manuel, vendange au vert, effeuillage permettant des rendements sévèrement contrôlés, les vendanges sont manuelles avec un double tri sévère. Les raisins sont pressurisés pneumatiquement et la fermentation est réalisée pour 60 % en cuves, 40 % en barriques, l’élevage pour partie en cuve, pour partie en barrique.

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L’assemblage très atypique en Châteauneuf-du- Pape blanc comporte peu de roussane (15 %) mais privilégie la clairette (40 %), le grenache blanc (30 %) et un peu de bourboulenc (15 %).

Ce Châteauneuf-du-Pape blanc 2005 est enthousiasmant : ce qui est bien évidemment lié au millésime exceptionnel, mais également et surtout au tour de main expert du vinificateur.

Il exhale de superbes parfums d’agrumes miellées et de fleurs d’acacias, en bouche d’abondantes notes de fruits : poire, ananas. Il recèle un gras et une puissance étonnants pour ce type de vin.

J’ai réussi, dans le même week-end, un accord quasi-parfait avec d’abord des ris de veau truffés légèrement crémés, puis avec un gratin de homard « Prince Wladimir », grâce aussi, il faut le dire, aux talents culinaires de mon épouse.

Ce vin magnifique épousera certainement avec tendresse des plats méditerranéens : coquilles Saint-Jacques provençales, rougets grillés aux herbes, la fricassée de coquillages au thym de Senderens ou des petits chèvres type Banon.

Je pense qu’il ne repoussera pas une quenelle de brochet ou une blanquette de veau et toute préparation à base de truffes.

à signaler que, contrairement à leurs homologues rouges, ces Châteauneuf-du-Pape ne sont pas aptes à un long vieillissement et que la garde ne doit pas excéder 4 ou 5 ans.

« L’usage de vin est affaire de modération. La sobriété n’est pas abstinence, c’est la mesure de cette boisson délicieuse. » (Saint Thomas d’Aquin)(gallery)