Pouilly-Fumé « Pur Sang » 2003 – Didier Dagueneau – 58150 Saint-Andelin

Il nous laissera le souvenir d’une personnalité hors du commun : barbe broussailleuse, cheveux longs, véhément, passionné, parfois agressif, il ne pouvait laisser indifférent : – révolté à l’évidence, pour s’être brouillé avec son père, lui-même vigneron, et s’être installé à son compte, sans aucun appui, refusant tout compromis avec ses confrères viticulteurs de la même appellation ; – révolutionnaire certainement, donnant au Pouilly Fumé une grandeur que personne ne pouvait imaginer, en utilisant l’élevage en fûts de chêne, ce vin de cépage Sauvignon ayant été longtemps réduit à un rôle de p’tit blanc sec de comptoir, Didier Dagueneau, avec d’autres excellents vinificateurs (Le Bardon de Ladoucette, Michel Redde), a impulsé au Pouilly-Fumé une renommée mondiale ; ses bouteilles étaient saisies chaque année avec avidité par les restaurateurs, les cavistes et les connaisseurs de tous les continents ; – provocateur sûrement : n’avait-il pas rebaptisé sa rue du nom de son idole (?) Che Guevara et ne proposait-il pas une cuvée Astéroïde au prix effectivement cosmique de 460 € (la bouteille !) ?

Le qualificatif Fumé des vins de Pouilly serait, pour certains, dû à la fine pruine grise, dont les raisins de Sauvignon se recouvrent, ou pour d’autres, aux arômes de pierre à fusil, terreux et herbacés que l’on retrouve dans ces vins.

Mais, heureusement, ce ne sont pas ces flaveurs que déploient les vins de Didier Dagueneau. La perfection de ses vins n’est pas due au hasard : soins méticuleux de la vigne avec ébourgeonnage réguliers, permettant des rendements faibles : 35 à 40 hl/hectare, vendanges manuelles avec sélections draconiennes, vinification alliant une science oenologique et une intuition incomparables, élevage en demi-muids et petits fûts ovales, spécialement fabriqués à son intention, maîtrise stricte de la température, pour éviter l’interaction entre le vin et le chêne des fûts.

Le Pouilly-Fumé « Pur Sang » 2003 se caractérise par une extraordinaire minéralité, une puissance, une concentration et une profondeur superbes ; des arômes de zestes d’oranges, d’huile d’agrumes, de coing et de noisettes s’entremêlent, sans se heurter. En bouche, on remarque le raffinement, l’onctuosité, mais aussi l’acidité fabuleuse, pénétrante, mais non agressive et la caudalie impressionnante.

La race de ce « Pur Sang » permet des accords gastronomiques remarquables : les poissons nobles de rivière ou lac : brochet, omble chevalier, féra, l’épouseront avec béatitude. Un loup en croûte de sel, des coquilles Saint- Jacques en carpaccio ou en daube façon Ducasse, un saumon à l’aigrelette de Marcon, un filet de sole à l’émulsion de persil de Lameloise, procureront certainement « le coup de foudre ».

Classiquement, les fromages de chèvre secs, tel le crottin de Chavignol, se marient idéalement avec les Sauvignon de Loire, mais il serait dommage de limiter ces accords avec les vins de Didier Dagueneau compte-tenu de leurs prix inhérents à leur qualité et à la demande. Les vins de Didier Dagueneau sont appelés à un long vieillissement, 10 à 15 ans, mais peuvent cependant être appréciés dans leur jeunesse. Étant donné la commercialisation en « flux très tendus », vous ne pourrez acquérir que des vins très jeunes (actuellement le 2006). Oubliez-les dans votre cave !…

Je sais que ses enfants vont reprendre l’exploitation. Souhaitons-leur la même réussite qu’avait connue leur père.

Monsieur Dagueneau, où que vous soyez maintenant, vous pouvez être fier de l’oeuvre accomplie et sachez que vous avez réussi l’impossible avec vos cuvées qui sont, elles, immortelles.