Madiran Bouscasse 1998 « Coeur de Vieilles Vignes » – Alain Brumont, 32400 Maumusson-Laguian

Mais surtout silence total sur les bienfaits d’une consommation modérée en termes de prévention des maladies cardiovasculaires qui sont reconnus par des études, elles, sérieuses et incontournables. Il est maintenant prouvé que ces effets bénéfiques proviennent de molécules antioxydantes, tel le resveratrol. Nous rappellerons la récente étude néerlandaise, publiée dans le « Journal of Epidemiology and Community Health », portant sur 1 400 hommes suivis sur près de 40 ans, qui démontre que ceux qui ne boivent que du vin, sans dépasser un demi-verre par jour, ont une espérance de vie de 5 ans supérieure à ceux qui ne boivent pas d’alcool du tout, et de 2 ans-et-demi par rapport à ceux qui boivent régulièrement de la bière ou d’autres alcools.

Si l’on considère, à juste titre, que ces actions antioxydantes du vin sont liées essentiellement à leur teneur en tannins, il faudrait privilégier les cépages contenant les tannins les plus riches et les plus puissants ; ce serait alors les Madiran vinifiés principalement à partir du bien nommé tannât. Mais ce cépage, initialement, produisait, du fait cette charge tannique, des vins rudes, rustiques et astringents.

Alain Brumont a donné ses lettres de noblesse au Madiran grâce à une sélection parcellaire rigoureuse, une maîtrise stricte des rendements (sélection de cinq à six grappes par pied et d’une grappe par sarment) et une vinification experte affinée au fil du temps : dégustation des jus, pour réaliser les équilibres et assemblages, chais d’une propreté chirurgicale, dotés des technologies les plus modernes, pigeage exclusif, collections uniquement des jus de goutte, fermentation malo-lactique en barrique de chêne neuf. Avec l’assistance du maître vinificateur, Fabrice Dubosc, il a réussi à dompter ce cépage difficile, pour produire des vins profonds, puissants, mais d’une race et d’une texture impressionnantes.

Alain Brumont propose deux types très différents de Madiran : – le Montus qu’il a élaboré à partir de 1980, pour aboutir à un des plus grands vins rouges Français, ses cuvées spéciales, Prestige, et plus encore, La Tyre, étant régulièrement jugées à l’aune de Château Pétrus ; – le Château Bouscassé est le domaine familial d’Alain Brumont qu’il a progressivement agrandi en défrichant les meilleures parcelles de la crête de Maumusson et qu’il a sublimé grâce à sa science oenologique. Ã l’évidence, le Bouscassé n’a pas la finesse et la suavité du Montus, mais il recèle une corpulence et une charpente qui me plaisent tout particulièrement et qui, à mon avis, permettent des accords gastronomiques aisés et évidents.

Bouscassé se décline en différentes cuvées : Argile rouge, Bouscassé associant 65 % de tannât, des cabernets sauvignon et franc, le fer servadou, vieux cépage traditionnel et la cuvée « Vieilles Vignes », tannât à 100 %, produites à partir de vignes de plus de 50 ans d’âge, dont certaines marcottées, donc préphylloxériques.

Le Madiran 1998 « Coeur de Vieilles Vignes » est une cuvée particulière qu’Alain Brumont a dédiée à son père Alban et qui correspond, selon lui, au summum de ce qui peut se faire sur la croupe d’argile grise de Maumusson. Elle n’a malheureusement été créée que pour ce grand millésime 1998, mais je considère que les Bouscassé Vielles Vignes dans les grandes années, et je vous recommande tout particulièrement le 2005, sont très proches et souvent qualitativement équivalents.

Ce vin, à la robe très sombre, partageant au XIXe siècle avec le Cahors, le surnom plutôt péjoratif de « vin noir », exhale des parfums de fruits noirs, mûre et myrtille, de griotte kirchée, puis des arômes tertiaires de vanille, épices, et en rapport avec son âge : cuir et jus de viande. En bouche : quelle structure ! quelle puissance ! quelle virilité ! C’est le Chabal des vins !

Le Madiran, et tout particulièrement ce flacon, est le compagnon idéal pour la roborative cuisine du Sud-Ouest qui réclame un vin solide, robuste à forte charge tannique (le tannât !), pour atténuer et assimiler le caractère envahissant de la graisse, tandis que le vin désire un partenaire qui gomme son astringence.

Le Bouscassé « Coeur de Vieilles Vignes » s’épanouira avec un confit de canard aux lentilles, un magret de canard ou d’oie et, bien évidemment, tout cassoulet, faisant fi des chicanes locales de Toulouse, Carcassonne ou Castelnaudary. D’autres mariages remarquables s’accompliront avec un agneau des Pyrénées rôti aux herbes et assaisonné aux piments d’Espelette, avec le foie gras de canard chaud et aux haricots noirs pimentés de Philippe Braun (il s’agit d’une des rares situations, où le foie gras accepte de se mesurer à un vin rouge).

Mais, au-delà du régionalisme, ce vin épousera, avec volupté, une daube ou un gibier à poil, type civet de marcassin ou chevreuil mariné. On aurait tort, en fin de repas, de ne pas terminer la bouteille avec des fromages des Pyrénées : Etorki, Oussau-Iraty, Esbareich, surtout si vous les accompagnez de confitures de cerises.

Alors pourquoi ne pas jouer à fond la carte de la prévention : graisse d’oie et vin très tannique, tel le Madiran ? !

à consommer avec modération. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.