Excellence – Boulaouane 2006

Il est difficile, pour nous oenophiles européens, de se contenter du sempiternel thé à la menthe offert dans les pays du Maghreb, car cette cuisine raffinée épouse, avec volupté, un vin, s’il est bien choisi. Il est une constatation récurrente que les cuisines, dotées d’une forte typicité régionale ou nationale, s’accommodent au mieux de vins de la même provenance. Ainsi, nous pourrons, sans hésitation, marier les plats marocains avec des vins du Maghreb, et encore mieux du Maroc.

L’Afrique du Nord, après la colonisation française, était devenue, jusque dans les années 1960, le deuxième producteur du vin au monde. L’Algérie produisait 16 millions d’hectolitres de vin sur 360 000 hectares, dont la majeure partie était exportée, surtout en France, pour couper, renforcer et bonifier les vins, à l’époque médiocres, du Midi. Le traité d’Evian imposa d’ailleurs à la France un quota déterminé d’importation de vin d’Algérie qui ne fut pas respecté sous la pression des viticulteurs français. L’indépendance des pays du Maghreb, les interdits de la religion musulmane, la fermeture du marché français entraînèrent une baisse massive de la production de vins dans ces pays et une diminution importante de leur qualité, les exportations étant réorientées vers les pays du Nord et de l’Est de l’Europe beaucoup moins exigeants sur la qualité. Mais ces vins méditerranéens ont connu, depuis 10 ans, une révolution qualitative grâce à l’arrivée de producteurs et viticulteurs français attirés par la qualité des terroirs, les coûts productifs très intéressants et les potentialités de développement. Citons, entre autres, Gérard Gribelin, propriétaire de Fieuzal, au domaine de la Zouina au Maroc, l’inénarable couple Magrez – Depardieu au Château Saint-Augustin en Tunisie, le domaine El Bordj en Algérie. Mais, indiscutablement, ce sont les vins du Maroc qui ont le plus bénéfi cié des progrès viticoles : Sahari, Château Roselane, S de Siroua, et aussi Boulaouane.

Le savoir-faire bordelais

Les vins de Boulaouane étaient, depuis de nombreuses années, surtout connus pour leur gris : rosé pâle, puissant et aromatique. Mais cette cave a été reprise en « joint-venture » par la puissante maison bordelaise Castel qui a complètement modernisé les installations et a permis, avec la collaboration de ses oenologues, une progression qualitative remarquable. Les cépages bordelais, Cabernet Sauvignon, Merlot ont été privilégiés aux dépens des cépages méditerranéens plus productifs, mais moins nobles : Cinsault, Carignan, Alicante.

Les Celliers de Boulaouane, sis aux pieds de l’Atlas, produisent maintenant d’excellents vins dans les 3 couleurs : blanc, rosé ou gris, rouge, grâce à des sélections et méthodes culturales adaptées au climat. Les vendanges sont manuelles, les raisins rapidement réfrigérés, la vinifi cation se fait en cuve par gravité. La cuvé spéciale « Excellence », obtenue par un assemblage très précis de Cabernet Sauvignon, Merlot et un peu de Syrah, bénéficie d’un élevage de 6 mois en fûts de chêne. Cette « Excellence de Boulaouane » 2006 fait mirer une belle robe violacée brillante et déploie des arômes de fruits rouges : cerise, framboise, groseille, plus faiblement noirs : cassis. Le nez est finement boisé, vanille, cannelle et il se caractérise par ses arômes tertiaires de « vin de soleil » : eucalyptus, jasmin, muscade. La bouche est ample, pleine, équilibrée avec des tanins bien policés.

Pour en revenir à notre couscous, sur lequel nous aimons faire trôner une belle viande de mouton ou d’agneau : méchoui, mais aussi tranche de gigot, épaule ou côtelettes charnues, nous résisterons à la sollicitation habituelle des rosés d’Algérie et du Maroc. L’Excellence de Boulaouane, grâce à ses cépages bordelais et ses flaveurs ensoleillées, vous permettra un accord magnifique. Ce vin accompagnera naturellement toutes les viandes en sauce, il ne s’effacera pas devant les préparations épicées, tel le boulfaf et la redoutable harissa. Il pourra épouser des gâteaux au chocolat. Cet agréable vin que vous pouvez dénicher entre 6 et 8 euros dans les boutiques spécialisées, ne grèvera donc pas le budget de votre soirée « Afrique du Nord ».

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération