Litiges avec les caisses… ou : « De la nécessité d’être vertueux »

285 – Au fil des années, notre syndicat a acquis une grosse expérience en matière de litiges a propos de la nomenclature. Cela ne signifie pas que tout différend avec une caisse implique automatiquement une procédure de contentieux.

En cas de divergence sur l’interprétation d’un texte, il faut d’abord prendre contact avec le contrôle médical de la caisse, après avoir informé le syndicat régional qui fournira une argumentation. C’est l’intérêt des deux parties d’éviter la lourdeur d’une procédure quand la jurisprudence est solide. Il arrive souvent que le cardiologue puisse ainsi faire établir le bien-fondé de sa position.

Si le désaccord persiste, notre décision d’engager ou non un contentieux s’appuie sur un raisonnement qui se rapproche de celui de l’ « evidence based medecine » avec trois composantes : – l’analyse détaillée du dossier ; – le rapprochement avec les textes et la jurisprudence ; – le contexte particulier du cardiologue en cause, avec la nécessité de tenir compte de l’intérêt collectif de la profession qui ne doit pas nuire à la défense individuelle de l’adhérent et réciproquement.

On peut ainsi schématiquement définir plusieurs types de situation : -# litige avec jurisprudence établie : c’est le cas de figure le plus simple. Le syndicat fournit à l’adhérent ou à son avocat un argumentaire et les éléments de la jurisprudence. Nous n’avons jamais eu jusqu’à présent de retournement de la jurisprudence de la Cour de Cassation ; -# litige sans jurisprudence, mais avec pratique conforme à notre interprétation des textes : c’est la situation où il nous faut agir avec la plus grande prudence, car l’issue peut avoir une grande importance pour la profession. Nous devons donc être particulièrement vigilants sur l’évaluation du rapport bénéfice/ risque. Les honoraires réclamés par la caisse, pour le cardiologue impliqué, sont souvent peu importants car le différend ne porte habituellement que sur quelques actes. Notre raisonnement ne sera pas le même que celui d’une assurance qui tient compte souvent du montant du litige. Pour notre part, et c’est notre rôle de structure syndicale, si le différend concerne un principe préjudiciable à l’ensemble des cardiologues, nous pouvons fournir des moyens importants, même si le cas particulier en cause ne porte que sur une somme modeste ; -# erreurs de cotation : nous conseillons alors le remboursement des « honoraires indus » réclamés par les caisses.

Cas particulier : les fautes répétées et systématiques de cotation.

Ce comportement est heureusement peu fréquent, mais nous y sommes confrontés de temps en temps. Nous sommes frappés de constater que, le plus souvent, ceux qui s’y livrent ne se rendent pas compte de la gravité des faits qui leur seront reprochés, et c’est leur rendre service que de les mettre en garde.

Il faut savoir que ce type de pratique est considéré comme une fraude. L’affaire se termine habituellement devant la section des assurances sociales de l’Ordre des Médecins avec souvent des peines très lourdes (interdiction temporaire de donner des soins aux assurés sociaux). Parfois en outre, les caisses portent plainte au pénal avec toute la publicité locale qui en découle habituellement.

Nous avons souvent beaucoup de difficultés à faire comprendre que nous ne pouvons pas dans ces cas engager une défense de type syndical.

Nous n’abandonnons pas pour autant ceux qui nous demandent conseil : nous essayons de les persuader, quand il est encore temps, qu’ils doivent reconnaître leurs erreurs et en tirer les conséquences. L’expérience montre que c’est l’attitude la plus réaliste.

L’application de la C.C.A.M. va vraisemblablement entraîner de nouveaux conflits d’interprétation. En cas de litige, il faut prévenir rapidement le syndicat régional.




Réflexions sur la maîtrise médicalisée…

285 – Sur les huit premiers mois de l’année 2005, la modification des comportements des médecins libéraux n’est pas contestable. D’abord, et c’est le ministre de la santé qui le dit, parce que l’évolution des dépenses des soins de ville, déjà limitée à + 4,3 % en 2004, devrait être inférieure à 3 % pour l’année 2005, soit moins que l’objectif fixé par le Parlement.
Ensuite, et c’est la CNAM qui l’affirme, parce que les résultats de la maîtrise médicalisée, dont les objectifs ont été définis par la convention médicale, sont très encourageants :
– diminution de 5 % des accidents de travail en nombre de journées et de 2,6 % en indemnités versées
– poursuite de la baisse de remboursements des antibiotiques (- 2,1 %)
– poursuite de l’augmentation de la part de marché des génériques (+ 4 %)
– poursuite de la décroissance des prescriptions d’anxiolytiques et hypnotiques (- 3,2 %)
– pour la première fois : baisse de la part des soins de ville remboursés à 100 % pour les patients en ALD
pour la première fois surtout : diminution de l’évolution des remboursements de statines dont le taux de « croissance » est même négatif sur les quatre derniers mois (- 2,3 %)

Tout cela devrait aboutir d’ici la fin de l’année à une économie estimée à 675 millions d’euros, résultat estimable si l’on se souvient que les dispositifs de la maîtrise n’ont débuté qu’en avril dernier.

Rien ne devrait donc s’opposer dès janvier prochain à l’application du dispositif conventionnel qui prévoit de réévaluer le parcours coordonné, et à la réévaluation du facteur de conversion monétaire pour la CCAM.

C’est justement le moment choisi par une certaine presse, relayée par le président de la Mutualité, pour fustiger les comportements des médecins libéraux ; non contents, d’après J.-P. Davant, de n’atteindre aucun des objectifs fixés dans la convention, les praticiens, selon « Le Parisien », multiplieraient les dépassements tarifaires sauvages et excessifs.
Et ce n’est pas le démenti de la Caisse Nationale, confirmant que les dépassements restent stables en secteur 2 et très marginaux en secteur 1 (moins de 3 % des honoraires des spécialistes malgré le parcours de soins), qui pourra calmer le corps médical.
D’autant que le Ministre, qui souffle alternativement le chaud et froid sur les médecins libéraux en les menaçant de sanctions, reste toujours aussi sélectif dans ses propositions : sur l’éventail des mesures proposées dans le cadre du PLFSS 2006, les seules pistes concrètes qui touchent l’hospitalisation concernent la nouvelle augmentation du forfait hospitalier au 1er janvier 2006. Comprenne qui pourra…

Docteur Christian AVIERINOS, Président.
Le 26 octobre 2005.




Infections nosocomiales en cardiologie

285 – La jurisprudence

Une infection est considérée comme « nosocomiale » si elle apparaît après un délai de 48 heures après l’admission. De cette définition simpliste, les tribunaux ont alors lourdement et arbitrairement condamnés « in solidum » praticiens et établissements de soins, en instaurant le principe de l’obligation de sécurité-résultat, alors que seules 30 % des infections sont évitables. Il a fallu de nombreuses batailles d’experts pour faire évoluer la jurisprudence et enfin aboutir à un texte de loi plus juste pour les médecins. En effet, la loi Kouchner (2002) fait désormais uniquement reposer la responsabilité sur les établissements. En revanche, celle des praticiens est engagée s’ils ont commis une faute (asepsie, antibioprophylaxie…), ce que ne manquent pas de rechercher activement les établissements qui souhaitent partager la facture ! Par ailleurs, il est fait obligation à chaque établissement de disposer d’un Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN), mais aussi de signaler les infections nosocomiales à la DDASS.

Situations cardiologiques à risque et mesures préventives

L’implantation de pacemakers est de loin l’activité cardiologique la plus risquée en fréquence (taux d’infection allant de 0,13 à 19 %) avec une mortalité élevée (13 à 33 % dans les endocardites). Cela s’explique possiblement par le recours à une incision plus large et le positionnement extra-vasculaire du matériel prothétique (boîtier), réduisant l’efficacité des défenses immunitaires et la pénétration des antibiotiques. L’âge avancé des populations concernées et les hématomes fréquents chez les patients sous anticoagulants (AC/FA) sont autant de facteurs aggravants. S’apparentant à une activité chirurgicale, les étapes de la préparation cutanée sont analysées méticuleusement en expertise : douche antiseptique (veille et matin de l’intervention), rasage proscrit, tonte réalisée le matin même et non pas la veille (si elle est choisie, car elle n’est pas obligatoire), choix de l’antiseptique et ses modalités d’application. Même en l’absence d’étude randomisée, le principe d’une antibioprophylaxie est acquis par la communauté cardiologique, elle doit donc être prescrite (par écrit). Bien entendu, l’usage unique est la règle dans la très grande majorité des cas. Sur le plan juridique, il est impératif de pouvoir prouver que les moyens de lutte ont bien été mis en jeu. La rédaction de protocoles précis (datés, signés) constitue une aide précieuse, répartissant les tâches de chaque intervenant (médecins, anesthésistes, infirmières, aides-soignants). Un feuillet pré-imprimé, inclus dans le dossier patient, peut lister chaque étape (cochée et signée par chaque intervenant) ; il offre ainsi une garantie complémentaire contre les plaintes.

Les praticiens doivent être particulièrement vigilants dans les situations de gestion de complications (tamponnade, repositionnement, extériorisation…). En effet, en période d’urgence ou de stress, l’expérience montre que l’antibioprophylaxie ou la préparation cutanée peuvent être oubliées ou non mentionnées sur le dossier, alors que le risque infectieux est plus important.

En raison d’un loisir (chasse, golf…), certains patients sont réticents à une implantation du boîtier du même coté que leur bras dominant. Il est alors important de rester ferme lorsque l’on considère qu’il existe un risque médical particulier à satisfaire ce choix (infectieux, anatomique…). En effet, un cardiologue s’est vu poursuivi pour avoir accepté de réimplanter en homolatéral (chez un chasseur) un boîtier qui s’extériorisait, aboutissant à un choc septique fatal sur endocardite.

Concernant les interventions coronariennes, les infections de stents sont anecdotiques (cinq cas rapportés !). En revanche, le risque concerne plutôt le point de ponction, et essentiellement l’abord fémoral. Il convient d’appliquer les mêmes règles de préparation cutanée que celles des pacemakers. Si les systèmes de fermeture percutanée offrent une réduction du risque d’hématome, ils augmentent de façon corollaire le risque infectieux (1,9 %), probablement par le positionnement extra-vasculaire de matériel et sa communication avec l’extérieur par un pertuis. Il convient donc de tenir compte du rapport bénéfices/risques lors de son utilisation et de renforcer toutes les mesures d’asepsie.

Bien qu’il ne soit pas possible d’établir de statistiques, un certain nombre de contaminations de prothèses de hanche a été relevé au décours d’infection de point de ponction, invitant à la prudence chez ces patients, notamment sur le choix de la voie d’abord et sur l’emploi de fermeture percutanée. Au cas par cas, outre une asepsie renforcée, il peut se discuter une antibioprophylaxie surtout chez les patients diabétiques et/ou poly-artériels.

Exceptionnellement, les échographistes peuvent être mis en cause à l’occasion d’échographies oesophagiennes (médiastinite par perforation oesophagienne). Avant de conclure à un accident aléatoire, l’expert analyse l’expérience de l’opérateur, les difficultés de l’examen et si une pathologie oesophagienne a bien été éliminée avant l’examen. La responsabilité du praticien sera écartée après vérification de la qualité de l’information (dont les consignes de surveillance permettant un dépistage précoce) et de la gestion de la complication.

Concernant la prophylaxie des endocardites, il existe un partage de responsabilité entre le cardiologue et le praticien responsable de l’acte contaminant (dentiste, gastro-entérologue…). Le premier doit au patient un devoir de conseil, alors que le second doit vérifier l’absence de notion de cardiopathie à risque. Pour limiter le risque d’oubli, il convient de systématiser l’information du patient requérant une prophylaxie, à chaque fois que l’occasion le suggère : découverte de la valvulopathie, échographie, après remplacement valvulaire… Une affiche dans la salle d’attente, la remise de brochures et de la carte de prophylaxie de la Fédération Française de Cardiologie seront autant de moyens à utiliser, sans oublier de mettre une annotation dans l’observation et un courrier au médecin traitant (traçabilité). Les prescriptions d’antibiotiques se feront conformément à la dernière conférence de consensus de 2002 (www.infectiologie.com). Quel que soit le contexte, il est important d’évoquer avec le patient le risque infectieux de tout acte instrumental et de lui préciser toutes les mesures prises pour le prévenir (hygiène, désinfection cutanée, antibiotiques…). Outre l’importance juridique de remplir son devoir d’information, une explication de ce risque permet surtout une pédagogie sur l’infection qui est le plus souvent endogène (donc liée au patient lui-même !), et que les moyens de lutte ne sont jamais efficaces à 100 % (résistance des germes).

En conclusion, l’infection nosocomiale est rare en cardiologie, mais ses conséquences sont en revanche dramatiques, donc coûteuses en cas d’indemnisation. L’objectif est donc d’établir des protocoles de prévention des infections nosocomiales, en s’assurant parallèlement de la parfaite traçabilité des mesures effectuées chez le patient, puis d’identifier les personnes à haut risque d’infection, pour dépister l’infection le plus précocement. L’information du patient permet au médecin de remplir son obligation légale, tout en faisant mieux comprendre au patient la physiopathologie des infections nosocomiales et donc probablement de réduire le risque de plaintes intempestives.

I N F O F L A S H

|Un cardiologue vient d’être condamné pour ne pas avoir déclenché une enquête familiale après la découverte d’un QT long congénital. Cela a privé le frère de son patient d’un traitement par bêtabloquant, qui aurait permis d’éviter une syncope dont il décèdera. Le médecin se doit de convaincre son patient, porteur d’une maladie héréditaire, d’avertir les membres de sa famille, afin qu’ils consultent. Il doit être capable de prouver la délivrance de ce conseil (dossier, courrier au médecin traitant). En revanche, le médecin ne peut en aucun cas s’adresser directement à ces personnes. Si le patient dépisté ne souhaite pas avertir lui-même les personnes potentiellement atteintes, une nouvelle disposition législative permettra de proposer de façon anonyme une consultation à ces personnes (loi du 6 août 2004).|