Vosne-Romanée Village 2005 – Emmanuel Rouget – 21640 Flagey-Echezeaux

La jeunesse japonaise, rapidement rejointe par celle des autres pays, s’enthousiasme, par le biais de cette bande dessinée remarquablement didactique et expertement documentée, pour l’oenologie et l’univers des grands crus, au moment où la France met son vin à l’index par des lois répressives et des campagnes sanitaires outrancières.

Dans le tome 2 du manga, où entre en scène Emmanuel Rouget avec son grandiose Cros Parantoux 1999, il est raconté que ce vin fût, en fait, vinifié par son oncle, Henri Jayer « le Dieu du Pinot noir », suppléant son neveu, malade à l’époque, ce que Emmanuel dément formellement. Vous l’aurez compris, Emmanuel Rouget est bien le seul véritable disciple et héritier, au sens littéral du terme, du grand Henri Jayer. Le maître a transmis au fur et à mesure son savoir-faire à son neveu qui, depuis 1985, a pris progressivement ses marques et affine maintenant son propre style.

Des méthodes dignes du « Dieu du Pinot noir »

L’AOC Vosne-Romanée, située au coeur de la Côte de Nuits entre Chambolle et Vougeot au nord, Nuits-Saint-Georges au sud, bénéficie de conditions climatiques très favorables, chaudes et sèches, sans gelées tardives, protégée au pied d’un relief orienté vers l’est. Les meilleures parcelles reposent sur des calcaires du Jurassique, des conglomérats saumon du Miocène affleurant les bas des versants.

Les méthodes culturales et vinificatrices d’Emmanuel Rouget sont celles que l’oncle a toujours défendues : haute qualité issue de vignes de sélections massales, cultivées sans engrais chimiques avec des traitements raisonnés, taille courte, petits rendements, moins de 30 hl/ha pour le simple village, tri sévère à la coupe comme à l’arrivée en cuverie, vinification « à la carte » pour chaque cuvée et millésime. Les raisins sont éraflés en conservant les grumes entières, toute surmaturation du raisin et toute surextraction du jus sont soigneusement évitées. Ils sont élevés en fûts de chêne de qualité avec proportion variable de bois neuf selon les appellations, clarification naturelle sans collage, ni filtration. Mais Emmanuel Rouget se distancie quelque peu du maître en prolongeant l’élevage sur lies, en limitant la proportion de bois neuf et en soutirant le moins possible, pour rechercher des vins fins, élégants, racés au fruité intense.

Une âme de Bourguignon

Ce vigneron est de prime abord peu avenant, bougon et plus que réservé, si vous avez l’intention de lui arracher quelques bouteilles de ses cuvées vedettes, Echezeaux, Beaumonts ou mythiques Cros Parantoux, happées par la demande internationale, la grande restauration ou quelques cavistes de luxe. Mais c’est en réalité un homme remarquable, éminemment sympathique, lorsqu’on le connaît bien, et, en fait, un véritable artiste passionné par la vinification, et il y a encore possibilité, surtout en vous recommandant de votre journal Le Cardiologue, d’acquérir ses magnifiques villages : Savigny et Vosne-Romanée.

Ce Vosne-Romanée Village 2005, issu d’un grand millésime, est tout simplement merveilleux et il vous sera difficile de trouver Côte de Nuits Village plus cristallin et démonstratif. Produit par l’assemblage de 5 parcelles associant la structure et la puissance des coteaux les plus élevés à la douceur, l’élégance et la sensualité des fonds de combes, il est élevé pendant 18 mois dans des fûts de chêne comportant moins de 50 % de bois neuf.

Ce vin à la robe rubis profond, parfois un peu trouble en raison de l’absence de filtration, exhale d’agréables et douces senteurs de fleurs, violette, pivoine, de fruits noirs, cassis, mûre se conjuguant à des nuances d’épices douces : cumin, noix de muscade, voire encens, signature assez reconnaissable de l’école Jayer-Rouget. En bouche, explosent, sous le palais, des parfums de fraise écrasée et de cerise fraîche qui recomposent une structure crémeuse, suave et veloutée, et vous entraînent vers une finale d’une élégance et d’une longueur étonnantes, étayée par une subtile note de craie.

Ce vin charnu et épicé préfère les viandes fortes aux fibres bien dessinées qu’il pourra dompter et envelopper : belles volailles rôties, agneau patiemment cuit au four, pavé de boeuf peu entrelardé et gibiers à plume mijotés en cocotte. Il épousera voluptueusement une terrine de faisan, un canard aux navets ou aux poires. Fermons les yeux… Ce vin ne vous évoque-t-il pas un nu voluptueux de Rubens ?