Sauvignon blanc 2008 Cloudy Bay – Blenheim Nouvelle-Zélande

Ce n’est pas en se refermant dans notre Hexagone cocardier, en méprisant la concurrence des vins du Monde que nous défendrons le mieux nos magnifiques productions ! Effectivement, le Sauvignon Cloudy Bay qui jouit, à l’étranger, d’une énorme notoriété, est un interlocuteur intéressant, car il offre une déclinaison originale et atypique de ce cépage qui trouve ses expressions les plus fabuleuses dans les liquoreux bordelais et dans les blancs secs du Centre Loire : Sancerre et Pouilly-Fumé (voir Le Cardiologue 317).

Découverte et ainsi intitulée par le capitaine James Cook lors de son voyage en 1770, Cloudy Bay est située à l’extrémité orientale de l’île du sud de la Nouvelle-Zélande dans la vallée de Marlborough, où débouche la rivière Wairau. Le vignoble bénéficie d’un climat tempéré, frais, solaire et venté, proche de celui du Nord de la France, en raison de la froide mer australe qui baigne les côtes de la province de Marlborough.

Les longues journées ensoleillées (comment l’éminent navigateur a-t-il pu décrire cette région comme brumeuse ?) alternent avec des nuits froides. Cette phénologie convient à merveille au Sauvignon, Savvy pour les « kiwis », maturation lente du raisin, accumulation de sucre, sans perte de la fraîcheur, complexité aromatique liée à la combinaison des grains, soit exposés au soleil prenant un nez de fruit exotique, soit cachés par l’ombre évoluant vers un goût acidulé et citronné.

Les vignobles, souvent éloignés à l’intérieur des terres, sont cultivés sur des sols d’origine volcanique, argileux et limoneux, mais la winery est installée sur la Wairau Valley.

Les premiers millésimes de Cloudy Bay, élaborés par le fondateur David Hohnen à partir de 1985, témoignèrent d’emblée d’une telle précision et force dans l’expression aromatique du Sauvignon qu’ils ont immédiatement enthousiasmé le marché mondial et que, happés par les oenologues anglo-saxons, ils étaient pratiquement introuvables en France.

Depuis dix ans, LVMH est devenue le principal actionnaire de la winery, si bien que le vin est largement distribué dans l’Hexagone, mais les propriétaires ont eu la sagesse de ne rien changer dans son élaboration en conservant le surdoué vinificateur, Kevin Judd.

Celui-ci reste très discret sur son savoir-faire. Mais nos artistes liguriens seraient surpris, voire choqués, par ses méthodes de vinification : si le raisin bénéficie de soins méticuleux et est récolté à maturité optimale, malheureusement de façon mécanique, cela n’empêche pas un arrosage intensif, des engrais à profusion, quoique peu chimiques, des rendements énormes, plus de 100 hl/ha. La vinification et l’élevage sont réalisés dans des cuves inox avec un strict contrôle de la température. Certaines cuvées (dans certaines années ?) sont élevées en baril avec un peu de Sémillon.

La dégustation du Sauvignon Cloudy Bay me procure un vrai plaisir. Les arômes classiques du Sauvignon de Loire : genêt, buis, bourgeon de cassis, voire pipi de chat, sont beaucoup moins prégnants, mais, dans le verre, d’une robe dorée pâle, le vin dévoile d’emblée un nez herbacé de poivron vert et d’asperge et, très vite, explosent des arômes exotiques de litchi, de mangue, d’ananas. La bouche corsée et aromatique conjugue le fruit juteux d’agrumes très citronnés avec de riches saveurs de caramel et d’amandes sous-tendus par une minéralité cristalline et une acidité pointue qui masquent une richesse alcoolique de 13,5°. Ce vin très typé permettra des mariages originaux. Osez-le en apéritif avec des poissons fumés, et notamment du saumon. Dans sa prime jeunesse, sa verdeur relative accompagnera sympathiquement les coquillages et, tout particulièrement, les huîtres. Mais dès qu’il aura acquis un peu de rondeur avec l’âge, il épousera sensuellement les plats marins excités par des saveurs orientales, en particulier citronnelle et coriandre, comme tous les poissons à la mode thaïe. Les gastronomes des antipodes apprécient leur Cloudy Bay avec des filets de bar au fenouil, un tartare de saint-jacques à l’anis, un sauté de thon, riz croquant, une omelette japonaise avec alcool de riz, dashi, sauce soja. Ses saveurs exotiques accueilleront avec délice un clafoutis aux mangues ou aux kiwis (of course !).

Ce flacon, comme la majorité de ceux du Nouveau Monde, est capsulé et son apogée ne dépasse pas deux ou trois ans. N’y a-t-il pas un rapport ?

Mais grâce au Cloudy Bay, la Nouvelle-Zélande nous offre une image beaucoup plus sympathique et agréable que celle des manifestations contre la présence française dans le Pacifique ou de la féroce mêlée des All Blacks. ■(gallery)