Cour-Cheverny Cuvée François 1er 2004 – Domaine des Huards – Michel Gendrier

Inscrit dans le patrimoine, au même titre que les magnifiques châteaux de Chambord et de Cheverny tout proches, le Romorantin, cépage unique des vins de Cour-Cheverny, mérite indéniablement d’être découvert et apprécié. Grâce à lui, la petite histoire oenologique et la grande histoire de France se rejoignent, lorsque, en 1519, François 1er fit venir de Bourgogne, 80 000 plants d’un cépage probablement issu du croisement d’un pinot avec du gouaix blanc, pour les cultiver autour de sa résidence, le Clos de Beaune, où il projetait de construire un château. Il en avait confié les plans à Léonard de Vinci, alors retraité au Clos Lucé, qui imagina, non seulement un palais grandiose, mais aussi une ville conçue sur l’eau avec un système de canaux et de moulins : une nouvelle Rome. La mort de Léonard de Vinci mit un terme à ce projet, la ville prit néanmoins le nom de Romorantin et François 1er choisit… Chambord, ce dont nul ne se plaindra !

Des vins originaux d’une remarquable personnalité

Le cépage ainsi transplanté, lui aussi baptisé Romorantin, se révéla particulièrement adapté aux terres argilo-silico-calcaires entourant la petite ville de Cour-Cheverny qui obtint, en 1993, une AOC spécifique.

Les vignes sont fragiles, vulnérables au vent, car les brins sont très cassants, les raisins à peau fine éclatent facilement et restent sensibles à la pourriture et à la coulure. Ce cépage blanc très productif, doté d’une acidité naturelle élevée, se récolte en octobre à la fin des vendanges. Il génère des vins originaux d’une remarquable personnalité, le domaine des Huards, dirigé par Jocelyne et Michel Gendrier, représentant l’une des figures emblématiques de ce vin solognot du Loir-et-Cher.

Le domaine mène une viticulture biodynamique n’utilisant aucun produit de synthèse, aucun désherbant, ni substance chimique, les sols sont labourés, les pulvérisations de bouillie bordelaise, de souffre à doses infinitésimales conservent le potentiel naturel des terroirs et la vie microbiologique des sols. Une taille sévère permet des rendements raisonnables (45 à 50 hl/ha) sur une surface de 8 hectares pour le Cour-Cheverny, alors que les lois d’appellation autorisent 60 hl/ha.

La vinification opère un pressurage doux suivi d’un débourbage statique. Seules, les levures indigènes présentes naturellement agissent pour la fermentation entre 18 et 20°, à la fi n de laquelle le soutirage est réalisé. La cuvée François 1er, issue de vieilles vignes de 60 ans d’âge moyen, bénéficie pour deux tiers d’un pressurage direct et pour un tiers d’une macération pelliculaire de 15 heures, puis d’un élevage en cuve inox de 6 mois sur lies fines. Le bois est proscrit.

Une palette aromatique étendue et complexe

La dégustation de ce Cour-Cheverny 2004 cuvée François 1er est, pour le moins, surprenante. La robe est légèrement dorée ; à l’ouverture, il apparaît fermé, rétracté avec des nuances de chèvrefeuille, mais il va très vite s’épanouir, surtout si, comme cela est hautement recommandé, vous le carafez. Au nez apparaissent des flaveurs mentholées, d’herbe sèche, de fleur de pissenlit et de cire d’abeille. En bouche, l’attaque est onctueuse, puis le vin explose avec une forte minéralité et un festival aromatique de beurre doux, d’angélique, de noix verte et de fruits exotiques. L’équilibre entre finesse tactile et puissance, de même que la persistance fraîche, minérale, racée, sont impressionnants.

Décidément, ce vin n’est à nul autre comparable, car, au cours de la dégustation, j’ai de prime abord évoqué un Chardonnay, puis un petit Manseng, pour conclure finalement à un croisement entre Chenin et Riesling ! Ce vin, doté d’une palette aromatique étendue et complexe, permettra des accords mets – vins variés et subtils. Il épousera, avec allégresse, poissons et viandes fumés, coquilles Saint-Jacques, surtout aiguisées par quelques pincées de truffes. Son onctuosité et sa minéralité se marieront voluptueusement avec un brochet au beurre blanc, une poularde sauce Albufera, un veau fermier à la crème. Il ne repoussera pas les fromages à pâte molle : Vacherin d’Abondance, Pont-l’Evêque, reblochon avec une tendresse particulière pour le Brillat-Savarin.

De plus, les tarifs de ce Cour-Cheverny cuvée François 1er sont aussi doux que l’est cet élixir. Grâce soit rendue à ces artisans courageux et doués qui, en pérennisant le cépage Romorantin, le gravent dans la mémoire viticole. ■

|| |Le Château de Cheverny a servi de modèle à Hergé pour le « Château de Moulinsart » du Capitaine Haddock, auquel il avait simplement enlevé les deux ailes extrêmes du vrai Château.|(gallery)