Domaine Gourt De Mautens Rasteau 2006 – Jérôme Bressy 84110 Rasteau

Je ne peux qu’approuver, ce Gourt de Mautens 2006 est certainement le vin le plus enthousiasmant que j’ai pu déguster depuis le début de cette année, alors que le 2007, honoré par Bettane et Desseauve, s’annonce encore meilleur.

Jérôme Bressy a pris en main le domaine familial, où, jusqu’alors, la vendange était livrée à la cave coopérative, en 1996 à l’âge de 23 ans avec, d’emblée, une obsession : réaliser le plus grand vin possible. Son parcours a été ponctué d’essais, d’erreurs, de changements, de virages. Il est parfois allé trop loin dans la maturité de ses raisins, mais il a persévéré dans son projet, pour produire, dès 2005, des vins de haute qualité affirmant la grandeur et l’originalité du terroir Rasteau méconnu, mais si qualitatif.

Effectivement, ses vignes sur sols d’argiles rouges avec alluvions de Riss et de marnes argilo- calcaires, possédant la capacité de stocker l’humidité et permettant une bonne régulation hydrique, bénéficient d’une belle exposition solaire, plantées en terrasses et coteaux. Les résurgences qui apparaissent après les pluies, sont ainsi à l’origine du nom du domaine : Gourt, trou d’eau, Mautens, par mauvais temps.

Mais Jérôme Bressy a très vite compris que tout commençait par le travail dans la vigne : cultures biologique certifiée, et biodynamique depuis 2008, aucun produit chimique, proscription de tout désherbant, insecticide, pesticide, etc., traitements par tisanes de plantes, poudres de roche, décoctions de soufre à dose infinitésimale. Les vignes sont enherbées, labourées à la charrue, elles portent 3 à 6 grappes par plant en taille gobelet. Les travaux d’ébourgeonnage, d’éclaircissage, de démamage, sans rognage, conduits selon les caractéristiques de chaque pied, limitent drastiquement les rendements de 10 à 15 hl/ha.

Sur la plupart des parcelles, les différents cépages sont plantés en « foule » ; c’est-à-dire mélangés, choix de J. Bressy, pour pouvoir cueillir les raisins à la maturité optimale, non pas en fonction du cépage, mais du terroir et c’est le talent du vigneron qui détermine sur l’observation des pulpes, peaux et pépins, quelle vigne est prête, en allant le plus loin possible dans la maturité des raisins, pour gommer le caractère rustique des tannins inhérents au terroir marneux.

Les vendanges manuelles en caissettes ajourées permettent déjà une sélection sévère à la cueillette, tout ce qui n’est pas digne, je le jette (J. Bressy), complétée par un tri grain par grain sur table à la cuverie.

Jérôme Bressy a fait le choix de ne produire qu’un seul cru grâce à un assemblage savant de 70 % de grenache, 15 % de carignan, tous deux produit par des vignes de 50 à 90 ans d’âge, et de 15 % de mourvèdre, syrah, counoise, vaccarèse. La vinification, en lots séparés, selon les terroirs mariant les différents cépages, des grappes éraflées pour le 2006 (mais non pour les millésimes suivants), bénéficie d’un levurage indigène avec un très léger sulfitage. La macération a lieu en petite cuve de bois pendant 18 jours, après un pressurage pneumatique doux, seuls, les 1ers jus sont gardés. L’élevage sur lies, sans soutirage, s’opère en fonction des lots, soit en foudre de 15 hl, soit en demi-muid de 600 l et, pour certains, en cuve pendant une 1ère phase de 15 mois avant d’être assemblés pour un 2e affinage en cuve béton de 20 mois. L’élevage est donc particulièrement long sur près de 3 ans avant la mise en bouteille par gravité, sans filtration, ni collage. Une attention toute particulière est apportée aux bouchons en fleur de liège.

Ce remarquable Gourt de Mautens 2006 est un monument. Annoncé par une robe velours cramoisi, ce vin aux jambages gras exprime un ample et doux nez de pruneau, de chocolat noir, de kirsch confituré et d’herbes de Provence rôties. Ces imposantes senteurs sont suivies en bouche d’une puissance et d’une richesse superbes, ainsi que d’une profondeur et d’une intensité somptueuses. Une étrange sensation de plénitude envahit la bouche mêlant les nuances d’un bouquet aromatique finement épicé avec des impressions tactiles, veloutées, étonnamment diversifiées.

Ce très grand vin peut se suffire à lui-même et se déguster seul avec quelques brins de Saint-Nectaire.

Mais il s’appréciera aussi bien avec des plats méditerranéens : grillades aux herbes, pintade aux olives, pastilla de pigeon, qu’avec la grande cuisine : tournedos Rossini, lièvre à la royale. A Noël, une oie ou un chapon l’accompagneront avec enthousiasme.

Dès ses débuts, Jérôme Bressy avait cette ambition, « construire vraiment un vin avec une personnalité encore plus affirmée, avec une profondeur, une texture de tannins d’une grande noblesse, une grande longueur, une palette d’arômes très large : le plus grand vin possible » ! Indéniablement, il a atteint son but à moins de 40 ans… ■