A Montluçon comme ailleurs, le cloisonnement demeure

364 – Catherine Sanfourche – Pour sortir l’hôpital de ses difficultés, la tutelle a décidé d’y rapatrier l’USIC située dans la polyclinique Saint-François. L’hôpital s’est retiré du Groupement de coopération sanitaire. Fin d’une tentative de partenariat public/privé

Marisol Touraine, a beau prôner le décloisonnement de notre système de santé, la coordination et la complémentarité entre ses différents acteurs, les cardiologues libéraux  exerçant dans le secteur hospitalier privé ont du mal à y croire, tant les exemples se multiplient où l’on voit les ARS déclarer tout à trac qu’ici, une clinique cardiaque se fondra dans un site unique au sein du CHU, que là les urgences spécialisées du secteur privé ne bénéficieront plus du FIR ou que tel service de chirurgie cardiaque d’une excellence unanimement reconnue devrait fusionner avec celui –à la médiocrité tout aussi reconnue- de l’hôpital public local (voir l’éditorial de Christian Ziccarelli). Cela se passe en Rhône-Alpes, en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais ou… en Auvergne, à Montluçon, par exemple.

Dans cette ville de l’Allier inscrite dans un bassin de santé caractérisé par une population vieillissante et précaire, l’hôpital public n’en finissait pas de se dégrader,  économiquement, médicalement (départs non remplacés de médecins), et a accumulé les déficits depuis une dizaine d’années. A la suite d’un rapport de l’IGAS, l’établissement public a été mis sous tutelle administrative depuis le printemps dernier. « En ce qui concerne la cardiologie, explique Jean-Pierre Binon, cardiologue à la polyclinique Saint-François de la ville et président de l’URPS Auvergne, après le départ de l’hôpital la quasi-totalité des cardiologues en 2007, un Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) a été créé l’année suivante, en 2008, avec un une USIC basée à la polyclinique Saint François et une dizaine de lits à l’hôpital. Le GCS n’a pas vraiment fonctionné et le cloisonnement a vite repris le dessus. Mais cela a quand même permis d’assurer la cardiologie à Montluçon, avec à l’époque cinq cardiologues libéraux et un à trois cardiologues hospitaliers. »  C’est dans ce contexte que survient le rapport de l’IGAS qui préconise notamment pour le redressement de l’hôpital « de nouvelles activités », à savoir une unité neurovasculaire pour la prise en charge des AVC et…  le « rapatriement des soins intensifs cardiologiques sur le site de l’hôpital et de l’ouverture d’un plateau de cardiologie interventionnelle ».

 

Une action qui privilégie le public… au détriment des patients

« Remettre de l’activité cardiologique à l’hôpital, cela signifie la piquer à la polyclinique, commente Jean-Pierre Binon. Le 1er septembre, le CGS a été cassé et l’hôpital s’en est retiré. Le seul cardiologue exerçant à l’hôpital et qui prenait des gardes à l’USIC n’en prend plus. Nous ne sommes plus que quatre à les assurer. L’USIC est donc fragilisée, d’autant plus que des consignes écrites ont été données pour que, en fonctions des pathologies, les patients soient orientés sur divers établissements à Moulins, Vichy ou Clermont-Ferrand mais pas vers l’USIC. Cette fin du partenariat public/privé, ce véritable boycott de l’USIC est grave car cela retarde la prise en charge cardiologique des patients, puisqu’il n’y a ni urgences cardiologues, ni cardiologue de garde à l’hôpital de Montluçon. »

Dans ce conflit, l’ARS ne dit mot. « Nous réclamons une discussion, mais elle reste muette. Tout a basculé avec la mise sous tutelle de l’hôpital et l’arrivée des administrateurs. Il fallait, certes, faire évoluer le GCS, mais ce n’est pas l’option qui a été choisie. Pour le renflouer, il a été décidé de recréer un service de cardiologie dans un hôpital qui n’a pas su le faire vivre et où il n’y a plus de compétences cardiologiques, pas d’angiologue, pas de chirurgien vasculaire, ex nihilo, dans un environnement qui n’est pas sécurisé. Ce qui se passe ici illustre parfaitement la politique du Gouvernement qui privilégie l’hôpital public au détriment du privé. »