Accidents médicaux : ce qu’il faut faire et (surtout) ne pas faire !

297 – 1 – Gestion optimale de la complication

Dans la majorité des cas, les accidents ne sont pas en rapport avec une faute médicale (mais attribuables à un aléa thérapeutique). Sur le plan juridique, en l’absence de faute, un médecin ne peut pas être condamné à indemniser un patient. Malheureusement, force est de constater que si l’accident est certes aléatoire, la gestion de l’accident laisse parfois à désirer. Face à une absence de réaction ou la mauvaise gestion de l’accident, le tribunal considérera que les manquements du médecin ont entraîné pour le patient une perte de chance d’éviter des séquelles.

On constate que, face à une complication, les praticiens arrivent difficilement à admettre l’hypothèse accidentelle, synonyme d’échec et préfèrent se rassurer en retenant un diagnostic banal. Pourtant, comme toujours en matière de diagnostic, le médecin doit s’astreindre à évoquer d’abord les hypothèses les plus graves avant de retenir les plus fréquentes et les plus bénignes.

Une fois le diagnostic de la complication fait, le médecin doit assurer une prise en charge énergique, qui doit aller bien audelà de la simple obligation de moyens s’il veut faire oublier à son patient cet événement regrettable. En effet, si l’absence de réactivité d’un médecin entraîne facilement sa mise en cause, à l’inverse, une gestion exemplaire lui permettra d’obtenir la clémence, voire la reconnaissance de son patient.

Il convient donc de se mobiliser sans compter son temps, de s’entourer de l’avis de spécialistes, d’organiser le transfert du patient dans une structure plus adaptée, sans délai et dans des conditions d’extrême sécurité (SAMU).

2 – Communication

Le médecin doit garder la main sur la communication avec le patient et son entourage. Face à un médecin absent ou mutique, les patients ou leurs familles ont tendance à « se faire un film » avec un scénario guidé par leurs souffrances et leurs frustrations et alimenté de bribes d’informations glanées sur internet, ou de commentaires « d’amis » médecins. Ce scénario catastrophe peut être évité, s’ils obtiennent des explications claires, cohérentes et rapides de la part de leur médecin.

Dans la mesure où il n’existe aucune limite dans l’accès au dossier médical, la plus grande transparence est souhaitable. Cela demandera une bonne dose de courage pour aller expliquer à son patient, avec humanisme, ce qui s’est passé et le traitement qui en découle. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faille faire une reconnaissance officielle de culpabilité. En effet, dans ce genre de circonstance, surtout si elle entraîne un handicap lourd, un sentiment de culpabilité gagne le médecin, ce qui est humainement compréhensible. Pourtant, par une analyse objective, scientifique et rétrospective des faits, il peut s’agir d’un aléa thérapeutique, sans aucune faute. Il est d’ailleurs stipulé dans les contrats d’assurances professionnelles que les médecins ne doivent formaliser aucune reconnaissance de responsabilité. Un cardiologue, en faisant par écrit une reconnaissance intégrale de son erreur diagnostique lors d’un infarctus du myocarde, a rendu bien difficile sa défense. S’il est incontestable qu’il avait commis une erreur, celle-ci avait entraîné une perte de chance minime d’éviter une insuffisance cardiaque, puisque le cardiologue n’avait été consulté qu’à la douzième heure des symptômes, chez un patient qui était déjà en oedème pulmonaire.

Il est utile de prendre contact aussi avec les proches de ce dernier après avoir obtenu son accord ou avec la personne de confiance désignée par le patient (s’il n’est pas en mesure de s’exprimer) afin d’établir un lien privilégié. Pour une question de cohérence du discours, le médecin traitant doit aussi être informé, car il est souvent sollicité par la famille.

Bien entendu, le médecin serait bien maladroit de ne pas garder son sang-froid, même face à une famille agressive.

3 – Suivre l’évolution

C’est un reproche très fréquent qui est fait aux médecins de ne pas prendre des nou velles de leurs patients. Les patients et leur famille sont toujours sensibles à l’attention portée par le médecin à distance de l’accident. Si cela n’empêche pas pour autant le recours à une procédure civile (indemnisation assurable), surtout en cas de grave handicap, la disponibilité du médecin le préservera probablement d’être l’objet d’une plainte pénale (avec à la clef un risque d’amende non assurable et d’une peine de prison).

Il faudra veiller à s’informer régulièrement de l’évolution de la situation.

Si le patient a été transféré, une visite à son chevet ou la prise régulière de ses nouvelles est souhaitable.

4 – Dossier médical et traçabilité

Une fois l’urgence traitée, il est indispensable de faire un récapitulatif détaillé des faits médicaux dans le dossier. Bien entendu, il est formellement déconseillé de modifier le contenu préalable du dossier, car l’expérience prouve que la falsification de dossier est rarement parfaite et surtout que sa mise en évidence jette obligatoirement le discrédit sur le médecin en cause.

Afin d’anticiper le risque, malheureusement classique, de perte du dossier (ou d’incendie d’archives), il est conseillé de se faire une copie du dossier litigieux, comportant les pièces clefs pour sa défense (comptes rendus d’hospitalisations, d’explorations…) et de le conserver en lieu sûr. Dans la même optique, il faut s’astreindre à agrafer solidement les documents d’information (coronarographie, pace-maker, épreuve d’effort…) qui, comme toutes feuilles volantes, sont fréquemment introuvables en cas de contentieux ! Il peut aussi être utile de faire un double du CD-ROM d’une coronarographie, d’une angioplastie ou autres documents iconographiques.

Dans la mesure où les patients ont désormais la possibilité d’avoir un accès direct à leur dossier, les médecins et l’ensemble des équipes soignantes doivent s’interdire les jugements de valeur sur leur patient ou son entourage, ainsi que les critiques ouvertes de confrères…

5 – Accidents liés à un matériel ou un médicament

Lorsqu’un médecin pense qu’un médicament ou qu’un dispositif médical est à l’origine d’un accident, il doit réunir et conserver les éléments de preuve, car cela pourrait lui permettre de dégager sa responsabilité en cas de poursuite. Ensuite, la découverte d’un effet indésirable doit aboutir à une déclaration de pharmacovigilance ou de matériovigilance auprès de l’AFSSAPS (www.afssaps.sante.fr). L’absence de déclaration peut entraîner une condamnation pénale, car la défectuosité du matériel a de grandes chances de concerner tout un lot et donc d’entraîner un risque sériel sur une population large, qui aurait pu être évité si le premier cas avait été rendu public immédiatement. Le numéro de lot doit être indiqué sur le compte rendu et le dispositif défectueux doit être envoyé auprès de l’AFSSAPS pour y subir une expertise.

6 – Déclaration auprès de son assureur professionnel

Depuis la loi Kouchner (2002), les médecins et les établissements de soins ont l’obligation (et, pour des raisons patrimoniales, ont intérêt) d’être assurés. Les médecins doivent faire une déclaration de sinistre dans un délai fixé par leur contrat. Outre les obligations liées au contrat, l’assureur apporte des conseils précieux sur ce qu’il convient de faire ou ne pas faire selon les circonstances. Comment répondre à une réclamation écrite ? Comment faire face devant un article calomnieux publié dans la presse locale ? Que dire ou ne pas dire lors d’une convocation au commissariat de police ? Faut-il se rendre à une expertise organisée par la protection juridique de l’assurance de son patient ? Et bien d’autres situations desquelles les médecins ne sont heureusement pas coutumiers ! Il faut immédiatement réagir à toute réclamation, car bon nombre de situations peuvent être désamorcées ou réglées à l’amiable, à condition que les plaignants n’aient pas eu le sentiment d’avoir été négligés ou méprisés.

Conclusion

Alors que la cardiologie fait des progrès majeurs, permettant une meilleure maîtrise de la thérapeutique, on assiste parallèlement à une judiciarisation de la médecine, avec des plaintes plus fréquentes. Si elle est le reflet d’un changement de moeurs de la société, les médecins peuvent, par leur comportement, tenter d’endiguer cette tendance par une prise en charge immédiate et sans faux pas de l’accident médical, mais surtout par une meilleure communication avec leurs patients en prenant conseil auprès de leur assureur en responsabilité professionnelle. ❚

Cédric Gaultier

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