Alain Serri (Président du Syndicat des Cardiologues de Lorraine) : les ARS vont nous obliger à « muscler » le syndicalisme cardiologique régional

Le Cardiologue : l’Association des Cardiologues de l’Est vient de tenir son Congrès annuel à Vittel. Il y a été beaucoup question de perspectives démographiques. Quelle conclusion en tirez-vous pour la Lorraine ?

Alain Serri : Il apparaît acquis que la pratique de la cardiologie libérale « traditionnelle » est aujourd’hui en voie d’extinction, mais il me semble aussi évident que c’est la nouvelle génération qui va rendre ce modèle définitivement obsolète. Les cabinets à qui il reste une dizaine d’années d’exercice sont appelés à conserver un mode de pratique pas très éloigné de ce qu’il est actuellement. Nos successeurs sont dans une toute autre démarche, n’envisageant plus de travailler autrement qu’en association avec un recours massif aux nouvelles technologies, télécardiologie entre autre … J’ai vu, comme tout le monde, la statistique de l’Ordre qui nous apprend que 10% seulement des installés de 2008 ont fait le choix de l’exercice libéral. Ceci s’explique par une aspiration à un équilibre « vie professionnelle/vie familiale » qui n’était pas le nôtre ! Seul le public autorise 24 heures de récupération après une garde !

Le C. : A 50 ans, vous êtes vous-même dans cette génération intermédiaire. Comment voyez-vous votre « fin de carrière » ?

A. S. : J’ai décidé d’abandonner mon cabinet en plein centre ville de Metz où j’exerçais seul pour me rapprocher de la clinique Claude Bernard quand l’opportunité s’en est présentée. Qu’on le veuille ou non, la proximité d’un grand centre contribue simultanément à diversifier et à conforter l’activité. A 15/20 ans de la retraite c’était à mes yeux un gage de sécurité qu’il était temps de saisir.

Le C. : Que dire plus précisément des perspectives en Lorraine ?

A. S. : Etienne Aliot, patron de la cardio à Nancy et coordinateur du DES, estime à une quinzaine le déficit d’internes en formation pour pallier les départs naturels. Ce qui menace directement de désertification une partie des Vosges et surtout la Meuse (dans la même situation d’ailleurs, concernant la médecine générale). Ma crainte par rapport à cela, c’est de voir la tutelle répondre par un recours massifs aux médecins venus des pays des anciens pays de l’Europe de l’Est. Main d’œuvre qui cumule l’avantage du moindre coût et de la rapidité opérationnelle. Plus tard, les PAC (Praticiens Adjoints Contractuels) recrutés dans ces conditions par les hôpitaux généraux postuleront rapidement au statut de libéral. La filière était exceptionnelle par le passé, il me semble qu’elle devient aujourd’hui routinière. Le syndicat devrait être vigilant sur le sujet.

Le C. : Que retenez-vous de l’actualité du moment ?

A. S. : Un mot a fait récemment son apparition dans le glossaire syndical, c’est celui d’« efficience ». Plus moyen de lire un article sans le retrouver invoqué à plusieurs reprises. Le CAPI a ainsi été présenté comme une « rémunération à l’efficience », mais il a d’abord été interprété comme une rémunération complémentaire et même, a-t-on pu lire, un bonus, un « treizième mois » pour les généralistes qui l’on signé ! Or de quelle efficience, parle-t-on, d’« efficience médicale » ou d’« efficience comptable » ? Deuxième raison de mon inquiétude : du jour où la Caisse a la capacité de moduler individuellement les honoraires sur des critères variables, pourquoi consentirait-elle à revaloriser les actes cliniques de base ? Le CAPI est, dans son état actuel, un contrat individuel, négation définitive du combat syndical et donc inacceptable pour nous. J’ai lu que la CSMF était disposée à l’inclure dans la Convention et souhaite même « un CAPI pour les spécialistes ». On peut le concevoir sous l’argument selon lequel « le CAPI se fera inéluctablement et mieux l’insérer dans une Convention dont la profession négocie les termes que de le laisser s’épanouir à la seule initiative des Caisses ». Si c’est le raisonnement de notre syndicat, pourquoi pas mais il me semble qu’il convient d’être clair sur le sujet (Jean-François Thébaut consacrera à ce sujet le prochain éditorial de la revue).

Le C. : Et sinon, que peuvent attendre les cardiologues de l’année syndicale qui s’ouvre ?

A. S. : il me semble que l’urgence est de conforter l’usage du C2 qui nous est consenti. Essayer également de défendre les actes techniques : j’ai beaucoup de craintes sur l’échographie. Et il me semble que nous n’échapperons pas au problème dès lors qu’il sera mis sur la table par nos interlocuteurs. Mais, à mes yeux, la prochaine étape qui décisive sera l’arrivée des ARS qui va fortement impacter sur nos métiers et … sur la marge de manœuvre du directeur de l’UNCAM. En tout état de cause ces supers-préfets auront des pouvoirs considérables. Les cardiologues devront être présents dans les URPS et cette certitude oblige à un syndicalisme loco-régional fort. Avec des organisations suffisamment structurées pour répondre à d’éventuelles situations conflictuelles sans que le national soit mobilisé dès lors que les contextes seront différents d’une région à l’autre. La présence des cardiologues dans les listes de candidats aux URPS (Unions Régionales des Professions de Santé) est plus que jamais impérative.