Arbois Trousseau – Cuvée Les Bérangères 2014

J. Helen – Le Cardiologue 459 – septembre-octobre 2024

On peut dire, et même écrire dans cette éminente revue Le Cardiologue, des bêtises énormes…

Lors d’une soirée caniculaire aoûtienne, je cherchai un vin rouge frais et léger, pour échapper aux sempiternels rosés et j’ai sorti, du fond de ma cave, un Arbois Trousseau de Jacques Puffeney, dont j’avais vanté, en 2008 dans Le Cardiologue (n° 309), le savoureux Arbois Savagnin. J’ai frémi en découvrant dans l’article que « les cépages jurassiens rouges Trousseau et Poulsard ne m’avaient jamais vraiment convaincu ». A l’évidence, j’avais tort, et la dégustation de ce Trousseau me l’a fait comprendre (toute honte bue !).
Jacques Puffeney, petit lutin malicieux, a réalisé, en 2014, ses dernières cuvées, dont cet excellent Trousseau avant de prendre sa retraite. Devant le refus de ses filles de prendre sa suite, il vendit 4,25 ha de ses 6 ha au puissant domaine bourguignon Marquis d’Angerville, gardant le reliquat pour lui-même et l’un de ses neveux. Il avait créé ce domaine jurassien emblématique en 1960 réparti sur une douzaine de parcelles dans les terroirs marneux et calcaires solaires de Montigny-lès-Arsures et Arbois pendant plus de 50 vendanges cultivant les cépages jurassiens classiques.

Finesse et élégance

Toujours attentif et respectueux de ses terroirs et cépages, il vinifie et transcende : Savagnin, Poulsard et Trousseau comme peu de vignerons savent le faire ; finesse et élégance caractérisent ses excellents vins capables d’un vieillissement hors du commun incarnant la grande tradition viticole du Jura. Entre la couleur d’or des savagnins et chardonnays, se parant discrètement de rubis, ces rouges sortent de l’ombre, pour illuminer les plus belles envies gourmandes.
Plus méconnu et plus rare encore que son cousin Poulsard, le Trousseau est lui-aussi un cépage exclusif du Jura. Selon la légende, il fallait réserver ce précieux vin, pour payer le « trousseau de la mariée », d’où le nom.

Vins biologiques

Les vignes sont cultivées sans désherbant, et sont devenues bio depuis quelques années. La vendange est manuelle. La vinification se caractérise par la méthode semi-carbonique grâce aux levures naturelles du raisin préservant ainsi toute l’authenticité du vin, avec une cuvaison de 3 à 6 semaines ; élevage sur 18 mois en foudres de grande contenance, pour limiter les notes boisées, très légère filtration avant la mise en bouteille sans collage.

un caractère tonitruant

Illuminé d’une robe pourpre intense frangée d’un cercle tuilé inhérent à l’âge, ce Trousseau Les Bérangères 2014 extériorise un caractère tonitruant dès l’approche du nez : les fruits noirs sauvages, comme la mûre et la myrtille, s’associent à des arômes entêtants de fraise Mara, de cerise Burlat et de cassis. En bouche, apparaissent des parfums charnels aux accents d’épices douces : muscade, clou de girofle, sous-bois à champignons, une finesse onctueuse avec des saveurs chaudes de fruits confiturés, de coulis de framboise, de pétales de rose, les tanins sont ronds, veloutés, persistants et poudrés structurant un jus charnu. La finale modérément longue sur la cerise à l’alcool est délectable.
Ce Trousseau Les Bérangères 2014 mordant, épicé et frais peut accompagner un repas de l’apéritif au fromage avec, logiquement, une affection particulière pour les spécialités régionales franc-comtoises. En entrée, les charcuteries : saucisse de Morteau ou de Montbéliard, jambon de Luxeuil, braisi fumé, terrine franc-comtoise, tarte au comté. Puis ce vin se marie avec les viandes grillées comme la côte de bœuf, les petits gibiers en sauce (canard sauvage, faisan, bécasse), les farcis de l’Oisans, une fricassée de volaille à l’ancienne, un râble de lapin braisé, une pansette de Gerzat (tripes).
Le Trousseau a une appétence toute particulière avec le porc : carré rôti, atriaux (boulettes), marinade de côtes, ragout de joue. Ma charmante épouse m’a régalé en le confrontant à un filet de porc laqué aux fruits rouges (miam !). Les fromages locaux l’accueillent très favorablement : morbier, Mont d’Or, cancoillotte et comté vieilli de 2 à 3 ans.
La tendance actuelle aux vins légers, frais et fruités permet de redécouvrir ces cépages jurassiens cultivés par des vignerons consciencieux qui éprouvent du mal à satisfaire une demande toujours croissante, et ce d’autant qu’ils offrent de beaux accords culinaires et que leurs prix restent sages.

 

Jacques Puffeney
39600 Montigny-lès-Arsures

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

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