Bordeaux Cotes de Francs Chateau Le Puy 2005

383 – Coup de tonnerre en 2009 sur l’aristocratie vinicole bordelaise, le discret Château le Puy 2003, dans l’humble appellation Côtes de Francs, est sacré par une série télévisée japonaise « Les gouttes de Dieu », meilleur vin du monde ! Ainsi, cette adaptation télévisée avait brisé le suspense entretenu par le manga éponyme très connu (35e épisode actuellement en France), où 2 frères se disputent l’héritage d’un œnologue qui, dans son testament, a laissé 12 énigmes menant à la découverte d’un vin exceptionnel et à la possession d’une cave mirifique.

Le propriétaire du Château le Puy, Jean-Pierre Amoreau, prit alors une décision étonnante en retirant immédiatement de la vente tous ses 2003, pour arrêter une spéculation effrayante, les vins vendus 15 Ä à la propriété, grimpant au Japon à 500, voire 1 000  Ä, ce afin de les réserver à ses clients fidèles.

Le domaine le Puy créé en 1610, actuellement géré par la 14e génération, est en tout point étonnant et particulier. Les vignerons de père en fils militent pour l’expression naturelle de leurs vins, les sols n’ayant jamais connu molécules de synthèse, engrais chimiques, herbicides, insecticides…, ce qui leur confère une qualité exceptionnelle avec des vignes plus que cinquantenaires, dont les racines peuvent descendre à plus de 60 m de profondeur ! Le Château le Puy est situé sur 25 ha de terrasses dans la prolongation du plateau calcaire de St-Emilion sur des sols argilo-siliceux et argilo-calcaires surplombant la magnifique vallée de la Dordogne, justement dénommée en ce lieu : vallée des Merveilles. La culture, biologique depuis toujours, est passée, depuis plus de 25 ans, en biodynamie certifiée qui, en l’occurrence, confine à l’ésotérisme. En effet, le domaine recèle en son cœur un cromlech constitué de menhir et dolmens qui, pour J.-P. Amoreau, est capable « d’attirer les énergies cosmiques, de les concentrer, les diffuser », ce qui expliquerait le bouquet étonnant de ses vins.

Le fumier est maintenant remplacé par des engrais verts dynamisés, tels bouse de corne et silice. Les défenses immunitaires sont excitées par des laminaires. Toutes les opérations s’effectuent en fonction du calendrier lunaire. La vigne enherbée subit une taille Guyot courte évitant les vendanges vertes. La date des vendanges est soigneusement déterminée avec l’aide d’une station météorologique propre au domaine, le merlot étant toujours récolté en légère surmaturité, pour équilibrer le cabernet sauvignon. Les raisins, bien sûr, cueillis manuellement, font l’objet d’un tri drastique sur pied et sont éraflés mécaniquement, puis encuvés, sans foulage. Les fermentations en cuvier béton s’opèrent en chapeau de marc immergé, sans soufrage, levurage, ni chaptalisation, la malo-lactique survenant sous voile. Au bout d’un mois, un soutirage élimine la lie. L’élevage s’étend sur
deux ans avec bâtonnages réguliers sous des doses infinitésimales de SO2, d’abord en foudres, puis en barriques de 3 à 15 ans d’âge aseptisées à la vapeur, car, pour J.-P. Amoreau, « le bois neuf est un défaut ». La mise en bouteille, au moment du milieu d’une pleine lune, s’effectue, sans soufrage, collage, ni filtration.

Fidèle à la tradition, l’assemblage comporte régulièrement : 85 % de merlot, 14 % de cabernet sauvignon, 1 % de carménère.

D’un rubis profond, légèrement orangé sur le disque, discrètement voilé en l’absence de filtration, le Château le Puy 2005 délivre au nez une richesse aromatique impressionnante, où se succèdent des odeurs animales, viandées, de sous-bois, d’humus évoquant le cabernet franc, alors qu’il n’entre pas dans l’assemblage, puis prédominent des senteurs de fruits noirs, cassis, myrtille, mûre, d’épices douces. La bouche très concentrée, mais ronde, fait ressortir des notes de café, de moka, d’amandes grillées avec une texture serrée, des tanins tendus, mais cependant veloutés. La finale longue, persistante confirme une belle minéralité.

un « anti-Parker » absolu

En définitive, il s’agit d’un vin fougueux, racé, d’une grande complexité, mais où nul boisé, nulle note alcoolisée (12 ° annoncés) n’apparaissent, bref un Bordeaux naturel, à l’ancienne, un « anti-Parker » absolu…

La rondeur et les arômes de ce vin l’adaptent parfaitement aux viandes grillées, tels les classiques du Bordelais : entrecôtes grillées aux sarments de vignes, magret de canard, brochettes de rumsteck. Il s’accorde bien avec l’agneau, plutôt un navarin qu’un gigot ou une épaule, mais sa prédominance merlot l’incline vers les champignons, en particulier les cèpes accompagnant viandes d’agneau et de veau, tels les grenadins de veau aux cèpes, un ris de veau braisé avec poignée de girolles.

La complexité de son bouquet permet de s’aventurer vers des alliances plus osées : osso bucco, poitrine de poulet grillé et mariné aux olives, pigeons aux choux ou à la purée de pois cassés ou même un poisson : dos de saumon rôti et sarrasin.

Je dois signaler que le Château le Puy, baptisé depuis quelques années Emilien, est d’un excellent rapport qualité-prix aux alentours de 20 euros, que la cuvée vedette Barthelemy plus classique, mais de très haut niveau, est beaucoup plus onéreuse et qu’une longue aération avant dégustation est indispensable.

Bordeaux Cotes de Francs
Chateau Le Puy 2005

J.-P. Et P. Amoreau – 33570 Saint-Cibard