Allons-y !

Frédéric Van Roekeghem a quitté la direction générale de la CNAMTS sur l’échec des laborieuses négociations sur la coordination du parcours de soins. Le rejet massif de l’organisation imaginée par l’Assurance Maladie s’explique par son caractère complexe, loin des réalités du terrain et sans budget significatif pour rémunérer les professionnels acteurs de cette coordination autour du patient. C’est d’abord un constat d’échec d’un type de gouvernance pyramidal dans lequel les acteurs de terrain ne peuvent qu’accepter ou rejeter un projet ficelé par la haute fonction publique de la santé. Il est plus que temps que les médecins libéraux et les autres professionnels de santé se réunissent pour proposer ensemble une organisation de la prise en charge ambulatoire adaptée au vieillissement de la population et au lourd fardeau des maladies chroniques. A nous d’imaginer des parcours de soins coordonnés limitant les hospitalisations au strict nécessaire et tenant comptes des réalités sociales de notre pays. La continuité des soins, les consultations non programmées et la dimension territoriale de l’organisation libérale font partie des sujets qui doivent être traités par l’ensemble des professionnels de santé. Je suis convaincu que des propositions consensuelles issues du terrain pourraient être acceptées par les pouvoirs publics si nous faisons preuve d’imagination et de courage pour sortir de schémas devenus obsolètes. Il est urgent que les médecins se libèrent de leur individualisme atavique et s’attèlent à la conception d’une structuration moderne du monde de la santé ambulatoire. Ils pourront, ainsi, proposer aux responsables politiques, de droite comme de gauche, une réflexion sur la fongibilité des enveloppes entre la ville et l’hôpital, seul moyen de trouver des marges de manœuvres suffisantes pour financer la coordination des soins ambulatoires.

Cette dynamique doit également soutenir le rejet du projet de loi de santé tel qu’il est écrit à ce jour. La transcription législative de la stratégie nationale de santé est à contresens de son ambition : proposer une nouvelle organisation du monde de la santé en privilégiant la prévention et la prise en charge ambulatoire de la population. Derrière la mobilisation de tous les professionnels de terrain doit émerger un projet alternatif à l’hospitalo-centrisme effréné. Nous devons tous ensemble y travailler, allons-y !

Eric Perchicot

Président du SNSMCV




Dégressivité tarifaire : quels objectifs ?

L’Hôpital public s’inquiète de ce que cette mesure, présentée par le ministère comme visant l’amélioration de la pertinence des soins, ne s’avère ne viser qu’à la productivité.

Time Management Concept
© Mikkolem

376 – Introduite dans le cadre de la LFSS 2014, la dégressivité tarifaire est un mécanisme de régulation prix-volume qui vise à minorer les tarifs des établissements réalisant un volume important d’activité (MCO) ou affichant une forte progression au-delà d’un certain seuil. L’objectif est d’ « apporter plus d’équité vis-à-vis des établissements qui ne contribuent pas à la dynamique d’activité globale, mais qui aujourd’hui subissent les mêmes évolutions tarifaires que les autres établissements », explique la DGOS dans son rapport au Parlement sur la réforme du modèle de financement des établissements publics de santé. Ce mécanisme consiste à « prendre en compte, pour partie, l’évolution de l’activité produite par l’établissement en appliquant un taux de minoration des tarifs sur la seule activité produite par l’établissement au-delà d’un seuil préalablement fixé (exprimé en taux d’évolution ou en volume d’activité) ». Et la DGOS précise que la dégressivité « peut également se justifier par la présence de demande induite engendrant la réalisation d’actes ou de séjours non pertinents ». Où l’on retrouve la pertinence des soins comme facteur d’économie (voir Le Cardiologue n° 375). D’ailleurs, pour 2014, « seules certaines activités en lien avec les travaux d’amélioration de la pertinence des soins ont été ciblées », explique la DGOS, soit, « 18 racines de GHM dynamiques au niveau national et pour lesquelles une hétérogénéité du recours aux soins a été constatée ». Pour autant, les objectifs sont « distincts », précise la DGOS : « la dégressivité tarifaire a pour effet de limiter la progression du volume économique ou du nombre de séjours des établissements et n’identifie pas spécifiquement les séjours ou actes non pertinents ».

Pour 2014, le seuil exprimé en taux d’évolution et le taux de minoration seront fixés à « un taux faible », soit 10 % dans les deux cas, indique la DGOS. Un décret à paraître doit toutefois fixer les modalités de détermination du taux d’évolution tarifaire et des seuils d’activité. Un projet  de ce décret au printemps dernier avait été dénoncé par les trois fédérations hospitalières (FHF, FEHAP et UNICANCER), car il prévoyait parmi les critères de détermination des seuils et des minorations tarifaires « des gains de productivité attendus ». Dans une lettre à Marisol Touraine, elles estimaient cette notion de productivité « en profonde contradiction avec l’esprit de la mesure, tel qu’il ressortit des débats parlementaires lors de l’adoption de l’article législatif, et notamment de vos déclarations devant la représentation nationale, relatives au fait que l’amélioration de la pertinence des indications, des actes et des séjours, est l’objectif et l’orientation de travail de votre ministère concernant cette disposition de dégressivité tarifaire ». Les fédérations souhaitaient que « la lettre du décret en Conseil d’Etat à venir soit en cohérence avec l’esprit des débats parlementaires et la priorité nationale de santé publique que constitue l’amélioration de la pertinence des indications, actes et séjours ».




François Crémieux rejoint l’AP-HP

376 – Le conseiller en charge de la stratégie nationale de santé au cabinet de Marisol Touraine prend la direction du groupe hospitalier Paris Nord-Val-de-Seine (AP-HP),

qui réunit cinq établissements sur trois départements : Beaujon (92), Bichat-Claude Bernard (Paris), Louis Mourier (92), qui ont des activités de court séjour, et Bretonneau (Paris) et Charles Richet (95), à orientation gériatrique. Il aura notamment à mener à bien le projet d’hôpital Nord qui sera issu de la restructuration des hôpitaux Bichat et Beaujon.

François Crémieux (45 ans), diplômé en économie de la santé et en santé publique, a exercé diverses fonctions au sein de l’AP-HP de 2001 à 2010, année où il avait rejoint l’ARS Ile-de-France comme directeur du pôle « établissements de santé » au sein de la direction de l’offre de soins, fonction qu’il a occupé jusq




Accompagnement des patients : la CNAMTS occupe le terrain

L’Assurance Maladie va développer ses programmes d’accompagnement des patients Sophia et Prado et généraliser, mais en ligne, son service de « coaching » Santé active.

Début 2015, le service de coaching en santé de l'Assurance Maladie, Santé active, sera disponible sur son site. © Photopitu
Début 2015, le service de coaching en santé de l’Assurance Maladie, Santé active, sera disponible sur son site. © Photopitu

376 – C’est à peu près au moment où l’on apprenait l’échec des laborieuses négociations sur la rémunération des équipes pour la coordination de la prise en charge des patients, notamment des patients chroniques, que Frédéric van Roekeghem, lors d’un ultime point presse avant son départ, détaillait la progression des programmes d’accompagnement des patients de l’Assurance Maladie et annonçait la version on line de son service de coaching en santé « Santé active ».

L’objectif des nouveaux « services en santé » est de rendre les assurés « acteurs de leur propre santé, tout en réduisant les dépenses inutiles et en optimisant le recours aux soins », a rappelé lors du point presse Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins. Leurs développements sont inscrits dans la Convention d’Objectifs et de Gestion (COG) 2014-2017.

Une amélioration du suivi médical

La CNAMTS va donc poursuivre et étendre ses programmes destinés aux malades chroniques et en premier lieu Sophia, lancé en 2008 pour les diabétiques type 2. Après une phase d’expérimentation de mars 2008 à juin 2009 dans six départements, Sophia a été généralisé l’année dernière. Sur 2,04 millions de patients diabétiques éligibles, ce service en a attiré 536 000. Actuellement, le coût annuel de ce service est estimé à 67 euros par assuré, contre 96 euros l’année dernière. L’évaluation de la phase d’expérimentation réalisée en 2011 concluait à « une amélioration du suivi médical, une amélioration de certains indicateurs cliniques » et « une moindre progression des dépenses hospitalières », à défaut d’une diminution des coûts de soins de ville, dont l’évolution restait « sensiblement la même » pour les adhérents à Sophia.

On ne sait aujourd’hui combien Sophia « rapporte » à l’Assurance Maladie en termes d’économies générées. Mais l’amélioration qualitative apportée par le service ainsi qu’un taux de satisfaction de 7,7 sur 10, selon une enquête de satisfaction de juin dernier, encouragent la CNAMTS à poursuivre, son objectif étant de rallier 610 000 adhérents d’ici la fin de l’année, dont 30 % de patients diabétiques en situation précaire « en écarts de soins » sur lesquels elle portera tout particulièrement ses efforts en permettant notamment une inscription en ligne et en incitant les médecins traitants à proposer ce service, ce qui n’est pas gagné, ces derniers ayant toujours considéré qu’avec Sophia, l’Assurance Maladie avait tendance à empiéter sur leur rôle.

Depuis le mois d’octobre, Sophia est en cours d’extension, dans dix-huit départements, aux patients asthmatiques. Conformément à la COG, la CNAMTS va poursuivre le développement de ses programmes d’accompagnement du retour à domicile (PRADO). Initiés en 2010, ils concernent actuellement la maternité, l’orthopédie et l’insuffisance cardiaque, mais PRADO va également être expérimenté pour la BPCO et les plaies chroniques et devrait être coordonné sur deux territoires avec le programme Personne Agées En Risque de Perte d’Autonomie (PAERPA).

Un service de santé virtuel

Enfin, la CNAMTS mise sur le « coaching en santé » et va lancer sous peu une version totalement en ligne de son service Santé active. Expérimenté depuis dix ans par la CPAM de la Sarthe, ce service consiste en un échange personnalisé – relevant de la prévention et de l’éducation thérapeutique – entre les assurés et des conseillers au sein d’espaces dédiés et lors d’ateliers organisés au sein des caisses. Dans le contexte économique actuel, l’Etat a demandé à la CNAMTS de renoncer à son ambition de généraliser ce service sous cette forme « présentielle » pour ne le déployer qu’en ligne. Ainsi donc, Santé active en ligne sera accessible aux quelque quinze millions d’assurés titulaires d’un compte sur Ameli.fr au début de l’année prochaine. Sur les trois principaux axes de « coaching » – nutrition, santé du dos et santé du cœur – chaque assuré pourra choisir un « coach virtuel » qui lui délivrera « des conseils pratiques nécessaires à la prise de conscience et à l’intégration durable de comportements vertueux ».




Les objets connectés, ça va, ça vient…

Nous vous avons déjà parlé des objets connectés qui sont en passe de faire leur révolution.

376 – Certains secteurs, et non des moindres – assurances et banques – investissent déjà les lieux alors que les objets connectés ne sont pas encore tous présents sur le marché.

AXA surveille…

Le cas le plus connu d’utilisation d’objets connectés dans le cadre d’une assurance est certainement l’expérimentation menée par AXA. La compagnie d’assurances a proposé à mille clients un bracelet connecté Pulse O2 en échange du partage des données récoltées par ce dispositif.

L’appareil, porté classiquement comme une montre, enregistre l’exercice physique quotidien par l’intermédiaire du nombre de pas parcourus, de la fréquence cardiaque, du taux d’oxygène dans le sang ou de la qualité du sommeil. Associé à un Cloud, les données peuvent être visualisées par l’intermédiaire d’un smartphone ou tablette et recevoir des recommandations personnalisées.

La proposition d’AXA consiste à offrir des bons de réductions pour récompenses les assurés qui ont une « hygiène de vie saine », sanctionnée par plus de 7 000 pas par jour pendant une semaine et jusqu’à 10 000 pas/jour comme le recommande l’Organisation Mondiale de la Santé.

BNP PARIBAS analyse…

La banque BNP Paribas, explore quant à elle les opportunités des objets connectés par l’intermédiaire de son « Cardif Lab » visant à identifier des innovations technologiques permettant de modifier l’approche et la pratique des métiers de la banque et de l’assurance. L’assureur a ainsi lancé une application « Pay How You Drive » au Royaume-Uni, permettant d’analyser les comportements au volant et d’accorder des remises aux automobilistes qui ont un comportement vertueux ou qui conduisent moins que la moyenne. Rien de moins…

… Et l’écureuil se plante

C’est depuis mars dernier que l’on parle des Caisses d’Epargne version assurance et de leur application pour les Google Glass (voir le Cardiologue n°368) permettant de faciliter les démarches de leurs assurés automobile en cas d’accident. La banque, en tant qu’assureur, voit dans les Google Glass un moyen de capturer la scène de l’accident au plus près de la réalité sans faire déplacer un expert.

Problème : Google va bientôt fermer ses magasins et bureaux de démonstrations dédiés aux Google Glass. Les lunettes connectées seront toujours supportées, réparées et vendues mais uniquement sur le web.. Bombe marketing s’il en est, elles devaient représenter un outil avant-gardiste et « changer radicalement la vue que l’on a sur le monde ». Certes, mais finalement le prix des lunettes version grand public a tué dans l’œuf le produit (1 500,00 dollars), mais également parce que « le monde » n’est pas près à vivre de cette façon-là.

Revenons à la Caisse d’Epargne dont on voit bien l’intérêt de l’assureur pour cet objet, mais lors d’un sinistre automobile, comment va réagir la personne qui s’est fait rentrer dedans par un conducteur qui sort de sa voiture téléguidé par ses lunettes (intrusion d’une caméra, enregistrement de conversation…) ? D’autant plus qu’une nouvelle application a fait son apparition début décembre, le e-constat. Plus besoin de papier pour remplir son constat en cas d’accident : les dommages, photos et géolocalisation, sont téléchargés dans le smartphone et envoyés directement à l’assureur.

Sur eBay, aux Etats-Unis, les Google Glass sont actuellement vendues à moitié prix, faute d’acheteurs intéressés. On parle aujourd’hui d’une orientation professionnelle des lunettes. n




Un exercice complémentaire pourra être reconnu

A partir du 1er janvier prochain, l’Ordre pourra accorder à un médecin, généraliste ou spécialiste, une extension d’exercice s’il remplit les conditions de formation et d’expérience nécessaires.

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Tout médecin, qu’il soit libéral ou hospitalier, généraliste ou spécialiste, pourra prétendre à ce droit d’exercice complémentaire. © Rawpixel

376 – Après le décret du 3 mai 2012 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine peuvent obtenir une extension de leur droit d’exercice dans une spécialité non qualifiante, un arrêté est récemment paru au Journal Officiel en application de ce décret et qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain.

A compter de cette date, les médecins pourront solliciter de l’Ordre une extension de leur droit d’exercice dans une des vingt spécialités qui n’entraînent pas la qualification de spécialiste : DESC de type 1 en allergologie, addictologie, andrologie, nutrition, médecine légale, du sport, d’urgence, de la reproduction, médecine vasculaire, notamment.

Cette nouvelle possibilité concerne tous les médecins, libéraux et hospitaliers, généralistes et spécialistes. Ce qui peut faire beaucoup de monde ! Mais pour parer à une éventuelle avalanche de candidatures, le ministre de la Santé déterminera chaque année par arrêté le nombre maximum de médecins par département qui pourront bénéficier de ce droit d’exercice complémentaire.

Les praticiens intéressés devront transmettre leur dossier à l’Ordre avant le 15 février de l’année et devront justifier d’une formation et d’une expérience leur assurant les compétences requises pour l’exercice de leur spécialité complémentaire. C’est le Conseil départemental de l’Ordre qui leur accordera – ou non – ce droit, après avis de la commission nationale de première instance. D’ici à la fin de l’année les commissions ad hoc seront constituées au sein de l’Ordre et des référentiels de compétence élaborés pour évaluer l’aptitude du médecin à obtenir une extension de son exercice, en fonction de ses titres et de son expérience. Le médecin qui se voit refuser cette extension peut faire appel de cette décision dans les deux mois qui suivent la notification de ce refus.

Des compléments sous conditions

Ces extensions d’exercice ne vont pas forcément être vues d’un très bon œil par certains spécialistes qualifiés qui risquent de les appréhender comme autant d’empiètements de leur territoire. Cardiologue libéral, Jacques Lucas n’est pas sans connaître les réticences que peuvent provoquer ces extensions d’exercice. Il sait, en particulier, que les esprits peuvent être prompts à s’enflammer à propos de l’angéiologie… « Mais il y a la théorie et il y a la pratique, commente Jacques Lucas, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) et cardiologue libéral. Certes, nous sommes spécialistes en cardiologie et pathologies cardiovasculaires, mais si certains s’intéressent aux artères, beaucoup ne pratiquent pas la sclérose des varices et s’en remettent pour cela aux angiologues. Cette spécialité s’est d’ailleurs créée en occupant l’espace laissé libre par les cardiologues. Si quelqu’un atteste que dans une compétence il a les qualités requises pour l’exercer, pourquoi ne pas le reconnaître ? A condition, bien sûr, que des représentants de la spécialité “mère” siègent dans la commission de qualification.




Secrétariat médical : pratique et besoins des médecins

L’URPS des Médecins de Rhône-Alpes a fait réaliser par la société Kynos en janvier dernier une enquête sur les pratiques et les besoins des médecins en matière de secrétariat médical. 

Une secrétaire travaille en moyenne 27 heures par semaine pour accomplir en moyenne sept activités différentes. © Endostock
Une secrétaire travaille en moyenne 27 heures par semaine pour accomplir en moyenne sept activités différentes. © Endostock

376 – Un questionnaire a été envoyé aux 11 116 médecins libéraux de la région et 1 941 ont répondu. Parmi eux, 52 % emploient des secrétaires, 32 % ont recours au télésecrétariat et 23 % n’ont pas de secrétariat ou leur secrétariat est assuré par un conjoint collaborateur. Sans présenter de tendance particulièrement marquée, les employeurs de secrétaire(s) ont dans l’ensemble moins de 45 ans, sont plutôt spécialistes (spécialité médicale ou de plateau technique) et exercent en secteur 2. En revanche, les médecins qui recourent au télésecrétariat sont majoritairement des femmes, des médecins généralistes de secteur 1. Les médecins dans une autre situation sont plutôt des généralistes et de secteur 1.

La secrétaire et son coût

L’analyse des réponses des 1 016 médecins employeurs de secrétaire(s) révèle que plus de la moitié d’entre eux emploie une secrétaire, plus d’un quart en emploie deux, le quart restant en employant trois ou plus. Une secrétaire travaille en moyenne 27 heures par semaine pour accomplir en moyenne sept activités différentes : en priorité la gestion des rendez-vous, l’accueil et la réception des patients puis l’archivage de documents, ensuite, de l’aide aux patients, la transcription et la saisie de comptes rendus médicaux, puis la gestion des commandes et des stocks, la gestion des impayés et l’encaissement des règlements. S’ils préfèrent un secrétariat présentiel au télésecrétariat, c’est précisément parce qu’ils en attendent l’accomplissement de ces diverses tâches. 44 % des médecins employeurs consacrent moins de 10 % de leurs recettes brutes à la rémunération des secrétaires, 30 % d’entre eux de 10 à 14 %.

Un tiers des médecins employeurs estime être « à peu près informés » de la réglementation du travail, un tiers « pas vraiment » et 20 % « pas du tout ». Rien d’étonnant dès lors à ce que 45 % pensent avoir besoin d’aide dans leur rôle d’employeur.

Le télésecrétariat et ses inconvénients

Les 614 médecins rhônalpins utilisant le télésecrétariat recourent à une grande diversité de sociétés proposant ce service (103 sociétés citées !). Quel que soit le mode d’exercice du médecin, en cabinet individuel ou en cabinet de groupe, le nombre d’heures hebdomadaires couverte par le télésecrétariat est en moyenne de 44,8 heures, et cette amplitude constitue le principal avantage du télésecrétariat, dont l’inconvénient est que ses tâches se limitent à la prise de rendez-vous, à la transmission des messages et au transfert d’appels. Le coût mensuel varie de 20 à 2 000 euros mais s’établit en moyenne à 518 euros.

Le coût est le premier motif  cité par 468 médecins qui assurent eux-mêmes leur secrétariat ou qui bénéficient d’une aide bénévole. Si ces médecins avaient la possibilité de prendre un secrétariat, 6 sur 10 privilégieraient un secrétariat présentiel.

Parmi les besoins exprimés par les médecins qui ont répondu à l’enquête, on trouve notamment la nécessité de faire pression sur les pouvoirs publics pour l’obtention de subventions, d’une hausse des consultations et la baisse des charges sociales, et pour la simplification des déclarations. S’exprime aussi un besoin d’information sur le droit du travail, les recrutements et les licenciements.




Nouvelle règles pour le temps partiel

Des négociations ouvertes fin 2013 ont abouti cet été à la signature d’un accord entre les syndicats médicaux et les syndicats de salariés le 1er juillet dernier,

qui permettent aux cabinets médicaux, dont plus de la moitié emploient du personnel à temps partiel, de déroger au cadre légal. 

Pour le salarié à temps partiel, la durée journalière est fixée à 3 heures minimum de travail effectif par demi-journée. © Zsolt Nyulaszi
Pour le salarié à temps partiel, la durée journalière est fixée à 3 heures minimum de travail effectif par demi-journée. © Zsolt Nyulaszi

376 – Cet accord de branche fixe la durée minimale de travail du salarié à temps partiel à 16 heures par semaine pour l’ensemble des postes de la grille et à 5 heures hebdomadaires pour le personnel de nettoyage et d’entretien. Une durée inférieure à ces minima est possible sur demande écrite et motivée du salarié, soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs emplois lui  permettant d’atteindre au temps plein.

Pour le salarié à temps partiel, la durée journalière est fixée à 3 heures minimum de travail effectif par demi-journée et ne doit pas empêcher le cumul d’emploi. En clair, le salarié ne doit pas venir travailler pour seulement 2 heures. Les horaires des salariés qui travaillent moins de 24 heures doivent être regroupés par période dans la limite de 6 périodes hebdomadaire et si ce regroupement est compatible avec l’activité économique du cabinet. Les 5 heures minimales du personnel d’entretien peuvent être réparties sur les 5 jours de la semaine. Comme précédemment, l’interruption d’activité du salarié ne peut excéder 2 heures et l’amplitude horaire de sa journée de travail ne peut dépasser les 10 heures.

Les heures complémentaires du salarié à temps partiel sont majorées de 10 % si elles se limitent à 10 % du temps de travail fixé par contrat et de 25 % si elles dépassent ces 10 % mais dans la limite d’un tiers de la durée contractuelle. Attention : le cumul des heures contractuelles et complémentaires ne doit pas permettre au salarié d’atteindre les 35 heures hebdomadaire.

Le nouvel accord de branche permet désormais d’augmenter temporairement par avenant, dans la limite de 6 par an, la durée contractuelle du salarié à temps partiel, afin de l’amener soit à avoir un temps partiel plus important, soit d’atteindre un temps complet. Si l’on veut remplacer en interne d’un salarié absent, il est possible au sein du cabinet de faire un avenant à un salarié à temps partiel qui souhaite le remplacer temporairement (les avenants ne sont pas limités dans l’année dans ce cas). Les compléments d’heures négociés dans l’avenant n’entraînent aucune augmentation de salaire. Elles seront majorées de 25 % si le salarié se trouve travailler plus de 35 heures et donc faire des heures supplémentaires ou s’il travaille plus prévu par l’avenant.




L’accord sur la rémunération des équipes a échoué

Comme cela était prévisible, la grande majorité des syndicats a refusé de ratifier l’Accord Cadre Inter Professionnel (ACIP) relatif à la rémunération des équipes pour la coordination des soins.

Principalement raison de cet échec : l’insuffisance des moyens financiers alloués.

376 – Pour la CSMF, le niveau de rémunération était notoirement insuffisant, pour la FMF, le compte n’y était pas, cela n’allait pas non plus pour le SML. Bref, au sein de l’Union National des Professions de Santé (UNPS), on ne trouvait guère de syndicat prêt à signer l’avenant relatif à l’Accord Cadre Inter Professionnel (ACIP) sur la rémunération des équipes pour la coordination de la prise en charge des patients (voir Le Cardiologue n° 375). C’est donc sans surprise que l’on a appris que l’UNPS réunie en assemblée plénière début novembre l’a rejeté, à une large majorité : trente-trois votes contre, un seul pour (celui des sages-femmes) et sept abstentions, dont celle de MG France.

Cet échec est unanimement imputé à l’insuffisance notoire de l’enveloppe budgétaire allouée. « Les textes et les moyens proposés aux professionnels ont, sur le terrain, été jugés irréalistes et trop complexes, a déclaré le président de MG France, Claude Leicher, à l’APM. Le Gouvernement avait estimé à 20 millions d’euros l’investissement sur ce dossier. Le signal donné à l’Asssurance Maladie était clair : la négociation devait être minimaliste et installer le maximum de freins sur la mise en œuvre de démarches de coordination des soins. » Résultat, un texte « hospitalo-centré », selon Jean-François Rey, le président de l’UNPS, où le médecin était finalement incité à ce que son patient soit hospitalisé pour pouvoir mette en place, à sa sortie de l’hôpital, une coordination rémunérée. D’ailleurs, les spécialistes de ville étaient les grands absents du dispositif, ce que l’Union des Médecins Spécialistes (UMESPE) confédérés n’a cessé de dénoncer.

Victime collatérale, l’Accord Conventionnel Interprofessionnel (ACI) visant à assurer la pérennité des Expérimentations de Nouveaux Modes de Rémunération (ENMR) au sein de structures pluridisciplinaires ne sera sans doute pas ratifié non plus, plusieurs syndicats ayant indiqué qu’ils ne signeraient pas un texte sans l’autre. Comme prévu par le ministère en cas de non-accord, c’est un règlement arbitral qui devrait régler la question. Bertrand Fragonard, président délégué au Haut Conseil de la Famille, magistrat à la Cour des comptes et ancien directeur général de la CNAMTS, pourrait en être chargé.




L’observance passe par la coordination

La récente étude d’IMS Health/CRIP sur l’impact économique de l’observance dans le cadre des maladies chroniques offre à la CSMF l’occasion de rappeler que « la question de l’observance ne doit pas reposer sur une culpabilisation des patients qui aurait un effet contraire à celui recherché, mais par une amélioration de leur accompagnement ».

Regrettant « l’épisode calamiteux des négociations pluriprofessionnelles où le Gouvernement a refusé aux professionnels les moyens indispensables pour améliorer sérieusement et efficacement » cet accompagnement, la centrale présidée par Jean-Paul Ortiz « constate que ces nouveaux éléments versés au débat démontrent que, en investissant sur la coordination entre professionnels de santé et la CCAM clinique, le Gouvernement améliorerait considérablement les dépenses de santé en réduisant les coûts induits et les dangers liés à l’inobservance ». La CSMF lui demande donc « de rouvrir ces chantiers de toute urgence en tant que moyens incontournables d’une politique de santé efficace et plus productive qu’une désorganisation comme celle tracée dans la future loi de santé ».

Si réouverture il y a, ce pourrait ne pas être au sein de l’UNPS. En effet, cette instance se trouve à ce jour dans une situation financière d’impasse, ayant dépensé le montant maximal de 800 000 euros conventionnels qui lui est attribué, malgré « un suivi attentif de son budget et des coupes budgétaires ». Dans une lettre à Marisol Touraine, l’UNPS l’informe donc que, faute d’une dotation supplémentaire de 150 000 euros pour pouvoir poursuivre son travail de représentation des professionnels de santé libéraux, son assemblée plénière a décidé « une suspension de toutes ses activités de représentation ».




Le « testing » persona non grata

Le « testing », les médecins n’en veulent pas, l’Ordre non plus.

Arzt Mediziner mit Stethoskop Ablehnung376 – Parmi les sujets de rejet – et ils sont nombreux – contenus dans le projet de loi de santé, la pratique du « testing » permettant de repérer les éventuels refus de soins des professionnels de santé, notamment à l’égard des patients les plus précaires, suscite la plus vive hostilité des médecins. Dans sa version adoptée en conseil des ministres le 16 octobre dernier, l’article 19 indique que « selon des modalités précisées par décret », chaque ordre professionnel « évalue le respect du principe de non-discrimination dans l’accès la prévention ou aux soins (…) notamment en réalisant ou faisant réaliser des tests permettant de mesurer l’importance et la nature des pratiques de refus de soins ». En revanche, il n’est plus question pour les Ordres de s’appuyer sur un observatoire de refus des soins chargé notamment d’effectuer des tests de situation.

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins a cependant fait savoir que si « testing » il doit y avoir, ce sera sans lui. « Le CNOM a opposé un refus catégorique, déclare Jacques Lucas, vice-président du CNOM. L’Ordre ne peut être à la fois le policier, le juge d’instruction et éventuellement celui qui prononce la sanction. Nous ne nous dérobons pas à nos responsabilités : si un refus de soins est avéré et si une plainte est déposée, l’Ordre suit la procédure habituelle, instruit et, le cas échéant, sanctionne. L’observatoire de refus de soins que prévoyait la version initiale du projet de loi aurait pu relever du Défenseur des droits, pas de l’Ordre des médecins. Si la ministre persévère dans ses visées, il lui faudra trouver un autre opérateur ». Sur le fonds, le CNOM est d‘ailleurs plus que réservé sur le « testing ». « Il s’agit là d’une méthode qu’il nous semble peu souhaitable d’introduire, pas seulement dans le domaine de la santé, mais dans le fonctionnement de la République », commente Jacques Lucas. Il faudrait bien réfléchir avant d’institutionnaliser cette sorte de « police secrète ».




Dérèglementation : un coût certain pour un gain hypothétique

Une étude réalisée à la demande de l’UNAPL montre que l’ouverture à la concurrence des professions réglementées coûtera plus qu’elle ne rapportera, contrairement à l’argumentation avancée par le Gouvernement.

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L’ouverture du monopole des pharmacies sur la vente de médicaments à prescription facultative aurait pour effet d’accroître la consommation de médicaments. © Benis

376 – Même si dès son arrivée à Bercy, Emmanuel Macron a indiqué qu’il porterait la réforme initiée par Arnaud Montebourg sur la déréglementation des professions libérales, le ministre des Finances a depuis remis en cause l’objectif chiffré et la méthode employée par son prédécesseur. Il y a sans doute été incité par la vaste mobilisation des professionnels libéraux le 30 septembre dernier à l’appel de l’Union Nationale des Professions Libérales. Mais ni l’intégration de la partie santé du projet de loi rebaptisé « pour l’activité », ni les dénégations du ministre n’ont ramené la sérénité parmi les libéraux, qui continuent de dénoncer un projet élaboré dans la plus grande opacité.

L’UNAPL ne relâche d’ailleurs pas sa vigilance et fourbit ses armes. Son président, Michel Chassang, a annoncé la tenue prochaine d’une manifestation nationale à Paris et présenté une étude réalisée par la société Asterès pour l’UNAPL sur la réalité économique des professions réglementées et les conséquences qu’aurait leur déréglementation.

Sévère critique du rapport de l’IGF

L’étude débute par une sévère critique du fameux rapport de l’Inspection Générale des Impôts (IGF), le rapport Ferrand, qui a inspiré l’avant-projet de loi qui avait « fuité ». Elle souligne que les gains économiques attendus de l’ouverture à la concurrence sont pour le moins incertains, puisque « la levée des règlementations en vigueur présente des coûts directs et indirects importants pour la puissance publique ».

Concernant les coûts directs, il s’agit de ceux induits par la dérèglementation qui représentera un coût pour les professions visées, qu’il devra donc être compensé par un système d’indemnisation et par la mise en place de dispositifs de formation et de reconversion des professionnels concernés par la dérèglementation.

Un impact négatif sur l’emploi

L’étude rappelle que la suppression de la profession d’avoué près les cours d’appel qui a été fusionné avec celle d’avocat a conduit à la destruction de 2 230 emplois (430 avoués et 1 800 salariés) et a représenté un coût total de près de 400 millions d’euros, répercuté sur le justiciable moyennant le paiement d’un timbre fiscal lors des procédures d’appel. Et les notaires estiment à 8 milliards d’euros le coût que générerait la dérèglementation de leur profession.

Et c’est sans compter les coûts indirects qui sont à prévoir. Ainsi, l’ouverture du monopole des pharmacies sur la vente de médicaments à prescription facultative « aurait potentiellement pour effet d’accroître la consommation de médicaments », dont « les incidences sur le système de santé doivent être prises en compte ». Pour ne parler que de la dérèglementation de ces professionnels de la santé. Et sans compter les coûts supplémentaires induits par la mise en place de nouvelles règlementations visant à préserver la qualité des services.

Enfin, du point de vue macroéconomique, l’étude Asterès souligne que « l’impact négatif sur l’emploi et les ressources des professionnels concernés par la restructuration risque d’être important dans une économie à peine sortie de récession », les gains attendus, quoiqu’incertains, ne pouvant être possibles qu’à long terme. Enfin, une telle réforme est « peu cohérente avec la ligne politique actuelle du Gouvernement, de telles conséquences seraient contraires à l’effort d’accroissement des marges des entreprises et de relance de l’investissement privé ».




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Tous contre le projet de loi de santé !

Tandis que le nombre de syndicats appelant à la grève ne cesse d’augmenter, l’Ordre des médecins et l’Académie de Médecine expriment également leur opposition au projet de loi de santé. 

376 – Plus les jours passent et plus grossissent les rangs des opposants au projet de loi de santé du Gouvernement. Après la CSMF dans ses composantes généraliste (UNOF) et spécialiste (UMESPE), le SML, la FMF, MG France, c’est au tour de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) d’appeler « l’ensemble de la profession à s’élever contre une loi d’étatisation, bureaucratique et coûteuse qui, sous prétexte de vouloir défendre l’intérêt des patients, va leur ôter leur liberté de choix en matière de santé, risque de provoquer une désorganisation complète de l’offre de soins sur les territoires, sans s’attaquer aux vrais enjeux d’efficience sur fond de déficit structurel béant ». Pour son président, Lamine Gharbi, « ce texte, fondé sur un credo idéologique antilibéral, est un casus belli pour les entreprises de santé que nous sommes ».

L’effet domino

La FHP a donc décidé lors d’un comité exécutif extraordinaire d’appeler les cliniques privées à cesser leur activité à partir du 5 janvier prochain. Dans la foulée, le Bloc, qui intègre l’Union Des Chirurgiens de France (UDCF), le Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens (SYNGOF) et l’Association des Anesthésiologistes Libéraux (AAL) a relayé ce mot d’ordre d’arrêt d’activité, qui s’inscrit « en continuité de la mobilisation fin décembre des autres syndicats de médecins libéraux », souligne le Bloc.

Sans rejoindre, bien sûr, les syndicats dans leur mouvement de grève, les vénérables institutions que sont l’Académie de Médecine et l’Ordre des Médecins ont cependant rallié le chœur des opposants où elles font entendre leurs critiques, certes en termes choisis, mais qui n’en sont pas moins sévères.

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) n’émet d’ailleurs pas de critiques, mais formule des « observations ». A propos de la régionalisation de la convention médicale préfigurée dans le projet, il rappelle que les dispositions de cette convention « doivent s’appliquer sur l’ensemble des territoires de santé ». L’Ordre souligne que « la qualité des services et le libre choix par les usagers des médecins et professionnels de santé ne peuvent pas conduire à placer sur un territoire de santé le secteur de l’hospitalisation privée et l’exercice ambulatoire de la médecine libérale sous la tutelle purement administrative de l’ARS ».

Concernant les « pratiques avancées », le CNOM estime que « les évolutions de pratiques professionnelles ne doivent pas conduire à transférer des actes médicaux vers d’autres professionnels sans une analyse soigneuse des conséquences que cela entraîne ». La qualité des services ne saurait supporter que les rémunérations des médecins soient conditionnées aux exigences de l’organisme payeur. Cette position de l’Ordre « n’est pas contraire au versement des honoraires aux médecins libéraux par un tiers payeur, à la condition que ce mode de rémunération ne soit pas celui d’un assujettissement obligatoire, hormis les situations de dispense d’avance de frais pour les ALD, pour des bénéficiaires de droits sociaux, pour les soins relevant de l’urgence », explique le CNOM dans une formulation un rien alambiquée pour signifier son opposition à la généralisation du tiers-payant.

L’Académie de Médecine y met aussi du sien

Résolument contre cette généralisation pour son caractère inflationniste, l’Académie de Médecine va plus loin et se prononce pour… la généralisation d’« un ticket modérateur d’ordre public qui ne serait pris en charge ni par les mutuelles ni par les assurances » pour « responsabiliser chaque partenaire ». Dans le futur « service territorial de santé », l’Académie ne voit pour les généralistes contractants que « des contraintes supplémentaires et un surcroît de tâches administratives », qui risquent de « détourner les plus jeunes du choix de l’exercice de la médecine générale ». Les académiciens de la rue Bonaparte ne voient pas l’intérêt de relancer le DMP, qui a déjà coûté « au moins 210 millions d’euros de 2004 à 2011 et un demi-milliard en incluant les dossiers hospitaliers informatisés ». Un argument plus recevable que cet autre, avancé par l’Académie : « rien ne prouve que, s’il se met en place un jour, le DMP changera réellement les comportements médicaux et apportera beaucoup plus que le dossier que tout médecin a déjà l’obligation de tenir ». L’Académie dénonce aussi la création du nouveau métier d’infirmière clinicienne, redoutant, d’une part, des demandes similaires venant d’autres professions paramédicales et, d’autre part un surcoût pour l’Assurance Maladie et des recours devant les tribunaux. Un peu moins sévères avec le chapitre « prévention », les académiciens renouvellent cependant leur hostilité totale à l’expérimentation de « salles de shoot ». En bref, l’Académie de Médecine estime que le projet de loi de santé « génèrera à court terme plus de dépenses que de bénéfices » et va donc à l’encontre de l’objectif gouvernemental de 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques d’ici à 2017.

Il ne manquerait plus que les syndicats hospitaliers s’y mettent et Marisol Touraine aurait alors l’ensemble du corps médical contre son projet. Et cela pourrait bien arriver. Quatre des cinq intersyndicales de praticiens hospitaliers avaient levé leur préavis de grève déposé en octobre pour protester contre les dispositions du projet de loi concernant la gouvernance à l’hôpital. Elles estimaient avoir reçu des garanties suffisantes de la part de la ministre. Mais voilà que trois d’entre elles ont récemment « claqué la porte » d’une réunion avec la DGOS, excédées de ne voir venir ni mesures, ni informations, ni avancées. Le préavis de grève pourrait bien redevenir d’actualité.




Cabinets médicaux : soyez aux normes !

C’est en 2018 que le Gouvernement a repoussé la date limite pour la mise aux normes des Etablissements Recevant du Public (ERP) précédemment fixée au 1er janvier 2015.

Les cabinets médicaux sont des ERP de 5e catégorie et un certain nombre de démarches s’impose aux médecins dont le cabinet ne respecte pas les règles d’accessibilité au 1er janvier prochain comme à ceux dont le cabinet est d’ores et déjà accessible. Le Cardiologue vous rappelle le calendrier de ces démarches. Il vous informe aussi des nouvelles mesures en vigueur concernant le personnel travaillant à temps partiel dans vos cabinets. Selon une enquête de l’URPS Rhône-Alpes, les médecins employeurs sont majoritaires mais  se disent aussi majoritairement mal informés sur la réglementation du travail.

Problems with getting to work
© Photographee.eu

376 – L’ordonnance du 25 septembre dernier parue au Journal Officiel du 27 septembre a modifié les dispositions de la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le dispositif de base de cette réforme est l’Agenda d’Accessibilité Programmée (Ad’AP) qui correspond à une engagement de réaliser les travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux dans un délai de trois ans, de les financer et de respecter les règles d’accessibilité.

Les locaux ne sont pas conformes

Les médecins dont le cabinet ne répond pas aux normes d’accessibilité au 1er janvier prochain doivent impérativement déposer une Ad’AP dans les douze mois suivant la parution de l’ordonnance, donc au plus tard le 27 septembre 2015. Ce dépôt se fait auprès de la mairie de la commune où se situe le cabinet, qui doit informer du dépôt d’Ad’AP la commission pour l’accessibilité de la commune d’implantation ou la commission intercommunale compétente. Selon l’ordonnance du 25 septembre, l’Ad’AP comporte « une analyse des actions nécessaires » pour que l’établissement réponde aux exigences d’accessibilité et « prévoit le programme et le calendrier des travaux ainsi que les financements correspondants ». La durée d’exécution d’un Ad’AP «  ne peut excéder trois ans à compter de son approbation ». Cette durée peut « porter sur deux périodes de deux fois trois ans maximum chacune » dans un certain nombre de cas, notamment si le patrimoine est constitué de plusieurs établissements ou en cas de contraintes techniques ou financières particulières. C’est l’autorité administrative qui l’aura validée qui pourra accorder une éventuelle prorogation du délai d’exécution de l’Ad’AP.

L’absence non justifiée de dépôt de l’Ad’Ap dans les délais prévus sera sanctionnée par une amende forfaitaire de 1 500 euros, de même que feront l’objet d’une sanction pécuniaire l’absence de tout commencement d’exécution de l’agenda, de retard important dans l’exécution des engagements de travaux ou de non-respect de ces engagements au terme de l’échéancier établi pour leur réalisation. Le Cerfa « Agenda d’Accessibilité Programmée » est disponible sur le site www.accessibilité.gouv.fr.

Selon la nature des travaux, le formulaire d’Ad’AP diffère

Les travaux ne sont pas soumis à un permis de construire ou à un permis d’aménager : le formulaire Cerfa 13824*03 est à remplir, en complétant la partie « Demande d’approbation d’un Ad’AP pour un ERP isolé sur une seule période ». Il faut cependant obtenir une autorisation de travaux .

Les travaux nécessitent un permis de construire ou d’aménager : un dossier spécifique permettant de vérifier la conformité des ERP aux règles d’accessibilité et de sécurité contre l’incendie et la panique est à remplir en complétant la partie « Demande d’approbation d’Ad’AP pour un ERP isolé sur une seule période ».

Si l’Ad’AP est approuvé ainsi que l’autorisation de travaux ou le permis de construire, les travaux peuvent être commencés. En cas de refus de l’Ad’AP, un délai sera octroyé pour en déposer un nouveau.

En fin d’Ad’Ap, il faut obligatoirement transmettre à la préfecture du département une attestation d’achèvement des travaux, dont un exemplaire est à déposer en mairie et qui sera transmis à la commission d’accessibilité de la commune ou de l’intercommunalité.

Pour tout savoir sur les normes à respecter, qui vont de la largeur des portes et de la hauteur de leur poignée au pourcentage des plans inclinés extérieurs comme intérieurs en passant par le niveau d’éclairage minimal ou une signalétique adaptée, il est conseillé de se reporter au document de 44 pages « Les locaux des professionnels de santé : réussir l’accessibilité », publié par la Délégation ministérielle à l’accessibilité et téléchargeable sur www.sante.gouv.fr ou sur le site de l’Ordre (www.conseil-national.medecin.fr), qui a participé à son élaboration.

Les locaux sont conformes

La conformité du cabinet aux règles d’accessibilité au 1er janvier 2015 ne dispense pas le médecin propriétaire de toute démarche. Il doit adresser à la préfecture concernée une attestation d’accessibilité avant le 28 février 2015, qui l’exempte de l’obligation de dépôt d’un Ad’AP. Pour les ERP de 5e catégorie, donc pour les cabinets médicaux, il s’agit d’une attestation sur l’honneur, dont copie sera adressée à la mairie de la commune d’implantation du cabinet.

Les dérogations possibles

Plusieurs motifs de dérogation sont prévus par la loi :

– En cas d’impossibilité technique lié à l’environnement ou à la structure du bâtiment.

– Si le cabinet fait partie d’un patrimoine architectural qui doit être préservé.

– S’il y a une disproportion manifeste entre la mise aux normes et ses conséquences.

– Si l’Assemblée Générale des copropriétaires d’un bâtiment à usage principal d’habitation s’oppose à la réalisation des travaux de la mise en accessibilité d’un établissement recevant du public, la dérogation est accordée de plein droit.

La dérogation se fait par le formulaire Cerfa 13824 lorsque les travaux ne sont pas soumis à un permis de construire ou par le dossier spécifique en cas d’obligation de permis de construire. La demande de dérogation doit être déposée en mairie.




Précis de cardiologie

Synthétique mais complet, conformiste mais moderne », c’est ainsi que le Président de la Société Française de Cardiologie, Yves Juillière, décrit l’ouvrage dont il a rédigé la préface.

generisches buch 1376 – Edité en format poche, fourmillant de tableaux, schémas en couleurs et figures en tous genres, ce « précis » qui mérite bien son nom tant il est concis et facile à lire regroupe néanmoins toutes les données nécessaires à l’apprentissage et à l’exercice de la médecine cardiovasculaire.

L’ouvrage, qui repose sur neuf chapitres présentés avec originalité, clarté et esprit didactique, traite naturellement et avec exhaustivité du diagnostic et du traitement des maladies cardiaques et vasculaires. Tous les domaines font en effet l’objet d’un développement approprié, de l’établissement du diagnostic en cardiologie à la prise en charge des diverses pathologies que sont les coronaropathies, l’insuffisance cardiaque, les valvulopathies, les affections péricardiques et myocardiques, les arythmies, les cardiopathies congénitales adultes et les atteintes vasculaires périphériques. Et tout cela, encore une fois, avec force tableaux et algorithmes décisionnels.

C’est le neuvième chapitre qui est peut-être le plus original : en quelque quarante pages, sous le titre générique de « varia », l’auteur s’intéresse à divers sujets moins systématisés mais d’un intérêt pratique évident : les facteurs de risque certes – HTA, diabète, arrêt du tabac, etc. –, grand classique de la pratique quotidienne pour un cardiologue praticien, mais aussi, et c’est moins habituel, les complications cardiovasculaires des intoxications, traumatismes et maladies de système et jusqu’à la réanimation cardio-respiratoire dont les gestes sont décrits avec toute la précision nécessaire.

L’auteur, David Laflamme, cardiologue à l’hôpital de Longueuil, indique dans son avant-propos que ces quelque 350 pages qui ont en fait condensé plus de 10 000 pages de références s’adressent autant à l’étudiant désireux d’acquérir les connaissances fondamentales qu’au clinicien qui recherche ponctuellement une information précieuse ou une mise à jour.

S’il en était besoin, ce second tirage, survenu moins d’un an après sa première édition, prouve le succès de ce livre, à mettre entre les mains de tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la sphère cardiovasculaire.

Le rapprochement avec un autre monument de l’enseignement de la cardiologie est inévitable, je veux parler de l’ouvrage colossal de David Attias et al, intitulé « médecine cardiologie vasculaire », édité et réédité, qui, avec ses 650 pages, est plus précisément destiné aux candidats à l’examen classant national mais rend des services immenses à tous les cardiologues « de terrain » désireux d’effectuer une médecine de qualité.




Rapport accablant pour l’AP-HM

376 – Dans son récent rapport sur l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, l’IGAS brosse un tableau très sombre de l’institution phocéenne, citant, en vrac, une gestion « archaïque », un « système clientéliste », des finances « inquiétantes » et des privilèges exorbitants accordés au syndicat majoritaire (FO). Et les auteurs d’énumérer des personnels non qualifiés recrutés « sur recommandations d’élus », les réunions du conseil  de surveillance qui ont « toujours lieu à la mairie de Marseille », une dette d’un milliard d’euros à la fin 2012 et « l’objectif de retour à l’équilibre toujours repoussé, des archives gérées “sous forme papier” et “sans cohérence entre les différents sites”»… « L’inertie qui a caractérisé l’établissement pendant des années et la prégnance du poids politique et d’organisations syndicales fortes sont des freins réels à la restauration d’un fonctionnement normal de l’établissement », résume le rapport, qui estime que « l’ARS de PACA doit exercer, plus qu’elle ne l’a fait  au cours des dernières années, ses missions de contrôle, d’évaluation et de suivi de la gestion et de l’évolution de l’AP-HM ».




Miraval Pink Floyd 2013 – Côte de Provence rosé

Ils ont convolé. Qui ? Angelina Jolie et Brad Pitt. Quand ? Le 23 août 2014. Où ? Dans leur propriété de Provence, le château de Miraval. Comment ? Dans la plus stricte intimité et le plus grand secret, entourés de leurs six enfants et de quelques amis, devant un juge américain dans la petite chapelle du château.

Vin600376 – Ainsi, le journal Le Cardiologue deviendrait un magazine « people » se penchant sur l’union de ce couple célébrissime, la sulfureuse Angelina Jolie ayant longtemps revendiqué sa bisexualité et le gendre idéal, Brad Pitt, ne dédaignant cependant pas de faire le coup de poing avec les paparazzis ?

En fait, c’est le domaine viticole du château Miraval qui m’intéresse. En effet, la nouvelle carrière vigneronne des deux stars hollywoodiennes débute en 2008 par l’achat de cette propriété dans le Var pour la coquette somme de 60 millions de dollars, la bâtisse du XVIIe siècle ne compte pas moins de 35 chambres, le domaine s’étend sur 800 ha, dont 45 de vignes complantées de cabernet sauvignon, syrah, grenache blanc et noir, rolle, cinsault. Le terroir argilocalcaire, blotti dans une vallée boisée, le vignoble s’épanouissant sur des terrasses à une altitude de 350 mètres balayées par les vents, permettant un climat assez frais avec des gradients importants de température, bénéficient de conditions très favorables pour la viticulture. L’eau, inestimable richesse en Provence, coule en abondance. Les traditionnelles restanques en pierre sèche, quelque peu usées, restaurées à l’ancienne participent à la beauté du site. Angelina Jolie et Brad Pitt tentent d’appliquer leur image « glamour » aux vins du domaine, et pour améliorer leur qualité, s’associent en 2013 avec Marc Perrin, propriétaire du très réputé Château de Beaucastel à Châteauneuf-du-Pape, pour prendre en charge la vinification du domaine Miraval qui produisait, depuis près de 30 ans, des vins bio certifiés en vendanges manuelles. Il apporte d’emblée un certain nombre d’améliorations : remplacement des cuves inox, bâtonnage de 10 % des vins.

Vous connaissez ma réticence envers les rosés, tout particulièrement ceux de Provence, mais je n’ai pu résister, durant cet été, à la curiosité de déguster le vin des « Brangelina », d’autant que j’apprenais que le magazine The Wine Spectator l’avait tout bonnement désigné meilleur rosé du monde !

Un hommage au groupe mythique

Ce rosé Miraval 2013 Pink Floyd, ainsi baptisé en hommage au groupe mythique qui venait enregistrer ses disques dans le château, bien avant son achat par les Pitt, assemblant cinsault, grenache noir, syrah et rolle, est obtenu par pressurage (rosé de presse). Il repose dans une bouteille aussi sexy qu’élégante, dont les hanches plantureuses n’évoquent pas vraiment celles d’Angelina. Son étiquette fait apparaître en très petites lettres : mis en bouteille par Jolie, Pitt et Perrin, ce qui est foncièrement honnête, car on imagine mal Brad ébourgeonner les ceps ou Angelina guider les assemblages.

La robe rose églantine pâle n’attire pas l’attention par un blush trop séduisant. Des arômes floraux avec des notes douces de rose, puis fruités avec des saveurs de groseille, de fraise des bois, de framboise sauvage, de zestes de citron vert, envahissent le nez. Dès la première gorgée, une structure délicate, une acidité rafraîchissante se développent en bouche. Certes, ce vin n’a pas la puissance ou la corpulence de certains rosés des Côtes du Rhône ou de Bourgogne, mais sa finesse prononcée, sa subtilité aérienne, malgré ses 13 ° sont tout à fait charmants. Une pointe de minéralité offre une belle persistance et une agréable finale sur le poivre blanc.

Il s’agit d’un excellent rosé de Provence qui n’est, ni un vin de gastronomie, ni encore moins le meilleur rosé du monde, n’en déplaise aux laudateurs d’outre-Atlantique, mais qui se situe dans une gamme de prix très convenable, bien inférieure à celle de nombre de rosés prétentieux de Provence.

Il s’appréciera parfaitement sous le soleil de la Côte d’Azur, au bord de la Méditerranée, en apéritif avec une tapenade, une anchoïade, des olives de Lucques, des poivrons marinés dans l’herbe et l’huile d’olive. Il épousera avec plaisir des poissons grillés, tels des sardines, des rougets au barbecue, un loup juste sorti de l’eau. Il s’accordera avec des salades italiennes ou niçoises, des pâtes avec une sauce un peu relevée, des gambas à la plancha.

Brad Pitt est l’un des héros du film « The billionnaire’s vinegar » qui doit prochainement sortir et relate l’histoire de bouteilles grandioses ayant appartenu à Thomas Jefferson, mystérieusement retrouvées en 1985, vendues à des prix exorbitants et qui se sont finalement révélées être des faux… Mais rassurez-vous, le rosé de Miraval ne triche pas et n’est pas vinaigré.




Le jugement dernier de Pietro Cavallini (1250- v.1330) ou les anges polychromes

C’est dans le quartier du Trastevere, « au-delà du Tibre » que furent bâties deux des églises les plus anciennes de Rome, le titulus (1) Callixti (Sainte-Marie-du-Trastevere) et le titulus Cecilae (Sainte-Cécile-du-Trastevere).

376 – Dans la seconde moitié du Duecento (XIIIe siècle), Pietro Cavallini réalise à Sainte-Cécile-du-Trastevere, une série de fresques dont subsistent les restes fragmentaires d’un Jugement dernier (1293).

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Sainte-Marie-du-Trastevere et Sainte-Cécile-du-Trastevere

Les premières églises privées, ecclesiae domesticae, prenaient le nom de la noble famille qui accordait les pièces pour le culte, telle que la gens Cecilia d’où est issue Cécile martyrisée au IIIe siècle après J.-C. à cause de sa foi chrétienne, et qui, ayant entendu de la musique céleste en allant au martyr, devint plus tard la patronne des musiciens.

Au fil des siècles, la basilique va s’embellir à la faveur d’une dévotion renforcée par l’exhumation du corps de la sainte le 20 octobre 1599, avec la réalisation d’une statue de marbre blanc particulièrement réaliste, visible dans la basilique, par le sculpteur Stefano Maderno (1576-1636).

A partir du XVe siècle, d’importants travaux destinés, en particulier, à permettre aux nones de suivre la messe tout en étant cachées par une claustra, finirent par masquer les fresques qui ne furent découvertes qu’au début du XIXe siècle. De nos jours, la partie inférieure des fresques reste masquée et il faut passer par le couvent des Bénédictines pour découvrir le Jugement dernier de Pietro Cavallini.

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Pietro Cavallini (1250- v.1330)

Le peintre romain Pietro de Cerroni dit Pietro Cavallini occupe une place de premier plan dans la peinture italienne de la fin du Duecento au début du Trecento aux côtés des peintres florentins Giotto (1267-1337) élève de Cimabue (1240-1302) et de Duccio (1255-1319). Cette fin du XIIIe siècle voit apparaître en Toscane et à Rome des artistes de talent qui vont chercher à s’affranchir de la « maniera greca » liée à la tradition byzantine héritée de l’Antiquité tardive et de l’époque paléochrétienne.

Ces « pères de la peinture moderne » vont insuffler la vie aux personnages des fresques, sous l’influence des sculpteurs gothiques tels que Giovanni Pisano (1250-1315) et de son père Nicola Pisano (1220-v.1278). Pour le peintre et biographe Giorgio Vasari (1511-1574), Pietro Cavallini aurait été influencé par Giotto qui « venait de rendre la vie à la peinture. En 1278, Cimabue, âgé de 38 ans, et Pietro Cavallini, âgé de 28 ans, contribuent à la décoration de la basilique franciscaine d’Assise, influençant le jeune Giotto (il a alors 11 ans) qui se forme à leur contact. Ainsi, « Pietro Cavallini pourrait prétendre, aussi valablement que Cimabue, être le maître de Giotto en tant que peintre florentin transformé par son expérience romaine » (Panofsky).

Pietro Cavallini exerça son activité dans les plus importantes églises romaines et napolitaines. Parmi ses œuvres subsistantes, la plus ancienne est, à Rome, la décoration en mosaïques de l’abside de Sainte-Marie-du-Trastevere (1291). Elles montrent que l’artiste s’éloigne de l’influence byzantine, bien qu’encore très présente, en donnant « du relief aux figures ».

Cette tendance réaliste est illustrée par la fresque du Jugement dernier peinte avec une grande maîtrise de telle sorte que « les joints (la juxtaposition des surfaces murales peintes jour après jour) sont si bien dissimulés que la peinture semble avoir été faite en un seule journée » d’après Vasari qui mentionne plusieurs œuvres perdues  et indique que Pietro Cavallini eut pour disciple un certain Giovanni da Pistoia et qu’il mourut à Rome à l’âge de 85 ans d’une maladie de hanche contractée en travaillant à un décor mural, en raison de l’humidité et de son acharnement au travail. Il fut enterré solennellement à Saint-Paul-hors-les-Murs et l’on mit sur sa tombe cette épitaphe : « L’honneur fait par Pietro à la ville de Rome comme peintre, vaut aussi pour tout l’univers ».

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La Vierge et l’Enfant en majesté entourés de six anges Cimabue, Cenni di Pepe dit (vers 1240-1302).

Le Jugement dernier (1293)

La fresque fragmentaire, située au revers de la façade de l’église, est tout ce qui reste d’un cycle qui, par le passé, a recouvert les murs d’entrée et de la nef. Au centre, dans une mandorle ou auréole lumineuse (gloire), le Christ Pantocrator sur son trône et en toge rouge héritée de la statuaire romaine, domine les instruments de la passion dont le marteau, les clous et la lance du centurion ; la vue frontale provient de la tradition byzantine, tandis que les tons chauds des couleurs et le jeu de la lumière, d’origine incertaine, sur les visages et les drapés des personnages sont absolument nouveaux.

En dessous, peut-être peints par un élève du maître, des anges tournés vers l’extérieur appellent, avec de longues trompettes, les béates d’un côté et les damnés de l’autre à se rassembler. Le Christ est entouré d’anges alignés verticalement, en nombre identique de part et d’autre de l’axe de symétrie que représente le Christ.

Les corps des anges se recouvrent en partie, esquissant une disposition en profondeur ou pseudo-perspective frontale selon un modèle proche de la Vierge à l’Enfant en majesté entourés de six anges (musée du Louvre) v.1270 (?) et de la Vierge en majesté ou Maesta v.1280 (Florence, Galerie des Offices) toutes deux peintes par Cimabue et à rapprocher de la Madone Rucellai de Duccio (Offices) peinte en 1285, même si les anges semblent flotter dans les airs malgré leur pose agenouillée et ne semblent pas différenciés.

On retrouve chez Cimabue le dégradé des couleurs des ailes, mais les visages sont alors plus figés sur le modèle byzantin, soulignant par contraste le caractère particulièrement innovant de Pietro Cavallini dont les visages sont beaucoup plus expressifs. La hiérarchie angélique s’exprime par le nombre de leurs ailes : quatre pour les chérubins et six ailes rouges pour les séraphins : deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds et deux pour voler… Les ailes sont polychromes avec des bandes de couleur de même teinte, qui se chevauchent selon un superbe dégradé allant des tons obscurs à une vive lumière blanche ou jaune. Au côté du Christ se situent la Vierge sur sa droite et Jean-le-Baptiste sur sa gauche en attitudes de prière, le visage tourné vers le Christ, puis suivent les apôtres regardant le Christ, six de chaque côté, à commencer par Saint-Pierre et Saint-Paul de part et d’autre, assis sur des sièges sur le modèle des stalles.

« Vers 1300, l’Italie se situe, pour la première fois depuis la chute de l’Empire romain, en mesure d’exercer une influence décisive dans le monde des arts (…) à la confluence des deux courants les plus puissants de l’art du Moyen-Âge, le byzantin et le gothique français » (Panofsky). La fresque du Jugement dernier de l’église Sainte-Cécile-du-Trastevere est considérée comme l’une des plus importantes œuvres romaines de la fin du XIIIe siècle. C’est en dehors des « chemins giottesques », que l’influence de Pietro Cavallini, maître en son temps, va s’exprimer de façon propre à la peinture romaine.

Avec Pietro Cavallini, on sort des expressions figées des icônes byzantines pour entrer dans un monde nouveau : des figures du Christ et des apôtres se dégage un sens particulier de la réalité, des volumes, des surfaces et de la lumière. Le caractère et le modelé des visages et des mains, les drapés, la douce harmonie des couleurs et les figures des anges aux plumes graduellement colorées viennent subtilement nuancer le hiératisme byzantin en créant les bases de la future peinture européenne.

Le nom d’ange fait alors référence à leur fonction et non à leur nature. C’est en ce sens que Giotto les peignit avec la partie inférieure du corps désincarnée et qu’on a pu parler de l’«immatérialité séraphique de Fra Angelico » (Théophile Gautier) qui « fait les anges brillants et frêles » (Sully Prudhomme). Au Moyen-âge, la popularité des anges, avant tout messagers divins, atteignit son plus haut niveau.

Avec le réalisme de la Renaissance, les anges deviendront des êtres à figure humaine à part entière, passant progressivement du rêve au réel, en s’inspirant des génies, genii, ailés de l’Antiquité. Ceci illustre l’intégration d’un sujet antique à une iconographie chrétienne avec des spiritelli ou « petits esprits » dénomination florentine des putti même si, jusqu’au IVe siècle, les anges étaient représentés sans ailes (aptères). Lorsque les ailes firent leur apparition, les artistes leur donnèrent plus d’importance qu’au corps au point même que le Baroque représentera des têtes ailées sans corps.

Bibliographie

[1] Dictionnaire d’Histoire de l’Art du Moyen-Âge occidental. Robert Laffont 2009

[2] Du Gothique à la Renaissance. Les Protagonistes de l’Art italien. Ed. Scala 2003

[3] Grubb N. Figures d’anges. Messagers célestes à travers les arts. Abbeville Press 1995

[4] La Basilique de Sainte-Cécile à Rome. Ed d’Arte Marconi 1992

[5] Panofsky E. La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art d’Occident. Flammarion 2008

[6] Renault Ch. Reconnaître les saints et les personnages de la Bible. Ed. J-P Gisserot 2002

[7] Vasari G. Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes. Commentaires d’André Chastel. Thesaurus Actes Sud 2005

Remerciements au Dr Philippe Rouesnel pour sa visite guidée de Rome pour ses conseils érudits et amicaux.




Cœur et psychiatrie

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