Serons-nous tous salariés dans 20 ans ?

La médecine libérale est une particularité française, longtemps source d’efficience de notre système de santé. L’explosion des maladies chroniques, associée au vieillissement de la population, ainsi qu’une évolution de la sociologie et du comportement du corps médical, ne permettent plus de répondre efficacement à la demande de soins. L’accès aux soins devient de plus en plus difficile avec des délais de RDV qui s’allongent. Pour répondre à cette problématique, nos décideurs ont fait le choix d’investir massivement dans les hôpitaux publics depuis des années.

Depuis l’épidémie Covid-19, ils ont également décidé d’aider les établissements privés d’hospitalisation en leur garantissant un chiffre d’affaires de 84 % quel que soit leurs activités durant la pandémie (certain n’hésitant pas à diminuer leur activité en dehors de toute logique financière). Ainsi certains groupes comme Ramsay ont eu un résultat net de 65 millions cette année (versus 13,4 millions d’euros un an plus tôt) avec un excédent brut d’exploitation de 17,7% sur 1 an.

A contrario, suite au confinement, les médecins libéraux ont eu accès au DIPA (Dispositif d’Indemnisation de Perte d’Activité) mais ce mécanisme est insuffisant puisque les cardiologues ont vu leur revenu en moyenne baisser de 5 % en 2020. L’augmentation future de l’APC de 50 à 55 euros le 25 mars 2022, ne permettra en aucun cas de nous restructurer sereinement, ni d’aller vers le travail aidé pour répondre aux enjeux sociétaux.

Les médecins libéraux, noyés dans leur exercice, ne voient pas que leur environnement se transforme à leur insu. Pour preuve, depuis des années l’on assiste à l’ouverture de centre de santé avec des médecins salariés, à la multiplication de centres dentaires concurrençant les cabinets de dentiste, ainsi que le rachat par des fonds de pension des laboratoires de biologie et d’anapath. Tout s’accélère maintenant avec la croissance vertigineuse de centres de visions salariant les ophtalmologues avec des orthoptistes aux rôles sans cesse élargis.

Devant cette force croissance dans le secteur des soins de villes, les sociétés internationales possédant les cliniques ont décidé de se lancer dans ce domaine lucratif. Ramsay vient d’acheter la société danoise WeCareHolding, opérateur de soins primaires, et vient de déclarer « nous préparons l’ouverture en France de soins de proximité, financés à la capitation ». Elsan  se lance dans la croissance externe, avec l’achat de cabinets d’imagerie, et s’intéresse à la radiothérapie et l’hospitalisation à domicile. 

L’achat de structure de cardiologie serait-elle la prochaine étape ? 

Tout ceci risque, à terme, de nous orienter vers un système de santé à l’américaine avec d’un côté, une offre publique hospitalière, et de l’autre une privée commerciale appartenant à des grands groupes (sachant que le même soin coûte 34 % de plus dans le système de santé américain que dans le système français, selon le panorama santé 2019 de l’OCDE). Espérons que nos élus et nos énarques aux pouvoirs comprennent enfin que seul un secteur libéral fort, riche de ses différences permettra d’éviter la marchandisation de la santé. 

Alors serons nous tous salariés demain ? Peut-être, mais alors de structures bâties par des professionnels libéraux et non des fonds de pensions ! Le Syndicat se bat pour que le secteur libéral se conjugue au futur et non au passé !

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues




Yves Decalf revient sur l’engagement du SNC et de ses différents présidents

Quelles sont les grandes dates de la nomenclature ?

La première nomenclature date de l’immédiat après-guerre. Un remaniement eut lieu en 1972 et la situation évolua peu jusqu’en 2005, année de naissance de la CCAM. Celle-ci a permis de mieux connaître les actes techniques et de dissocier le coût de la pratique et le travail médical défini notamment par la durée. 

Quelle a été l’action du SNC ?

Claude Bergogne, Vincent Guillot et moi avons beaucoup travaillé avec les Caisses. La nomenclature n’intègre pas en temps réel l’apparition de nouveaux actes correspondant à des évolutions techniques. Le décalage a entraîné un temps des cotations diverses d’actes. Ceci, entre autres, a engendré des conflits. Nous avions alors eu une approche jurisprudentielle, avec des succès.

En 1996, notre syndicat a obtenu la mise en place de la Consultation spécifique de cardiologie (CsC), plus en phase avec la pratique. Ensuite, j’ai fait partie du comité de pilotage de la future CCAM, puis de la commission de hiérarchisation des actes professionnels.

Quel regard portez-vous sur la nomenclature ?

Depuis 2005, la valeur du point de travail est la même : 0,44 € ! Ce n’était pas le concept initial. L’interprétation de la nomenclature reste problématique pour certains actes dont la description est parfois peu compréhensible et pas en lien avec la pratique. Idem pour les dispositions générales. D’une manière générale, la nomenclature n’évolue pas assez vite. Tous ces points sont des chantiers pour le Haut Conseil des Nomenclatures qui vient d’être mis en place. 

Merci Yves !

Qui d’autre qu’Yves Decalf possède une parfaite connaissance de la NGAP et de la CCAM et en maîtrise leurs subtilités ? pas grand monde en réalité (sauf à la CNAM !) car se plonger dans les textes et dispositions qui régissent au quotidien notre activité nécessite une bonne dose de patience et d’abnégation… Nul n’est censé ignorer la loi mais nul ne peut se targuer de les connaitre sur le bout des doigts ! Le mérite d’Yves est d’avoir réussi à nous faire comprendre (avec le regretté Vincent Guillot) les arcanes d’une cotation efficace au bénéfice de la cardiologie libérale … Yves, tu resteras pour nous une référence en la matière !
Frédéric Fossati




Préparer sa retraite

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Retour vers le futur

 
Une fois n’est pas coutume, revenons quelques années en arrière, dans les années 1950 plus précisément, avec cet article du Dr Charles Claoué (encadré) paru dans la presse sur la pratique de la médecine en l’an 2000. Même si certaines visions de cette analyse font sourire, on retrouve un certain parallèle avec la position des Gafam (1) dans le combat des hommes contre toutes les affections, la lutte contre le vieillissement et la recherche médicale avec, en début de chaîne, l’Intelligence Artificielle et ses algorithmes qui vont notablement contribuer aux futures prises de décisions médicales. A chacun d’y faire son opinion et de se projeter en 2100…

La médecine de l’an 2000 n’aura plus grand chose à voir de commun avec celle que nous pratiquons aujourd’hui (…) Elle aura subi de profondes modifications dans deux très importants domaines : l’organisation de la médecine, d’abord, la recherche médicale, ensuite. (…) Le XXe siècle verra la réalisation d’un système d’urgence médicale perfectionné (…) Grâce à l’urgence médicale, il recevra d’ici quelques décades dans les deux ou trois minutes qui suivront l’accident, les soins éclairés d’un médecin, outillé pour intervenir efficacement et rapidement. (…)

NDR. Outre les urgences traditionnelles, les objets connectés vont prendre une place primordiale dans les années à venir à des fins d’« urgences connectées » ou de prévention grâce au développement d’applications telles « Sauv Life » ou « Permis de sauver » sur Lyon. (2) Autre lieu autre remède, les brigades d’urgence à vélo dans les grandes métropoles (Londres par exemple) afin de réduire le temps d’intervention (6 min en moyenne). 

On ne reconnaîtra plus, à cette heureuse époque, les ridicules procès intentés par les organismes médicaux aux guérisseurs. Depuis longtemps ceux-ci auront leur statut. Contrôlée, encouragée, la médecine libre aura puissamment aidé la médecine traditionnelle dans ses recherches. Car, déclare le Dr Claoué, c’est dans le domaine de la recherche scientifique médicale que nous connaîtrons les plus grands bouleversements.

NDR. Cette prise de position pour la « médecine libre » et l’appui accordé aux guérisseurs et médecine parallèle ou alternative est toujours d’actualité. En mars 2018, Le Figaro publiait une tribune signée par 124 médecins visant à dénoncer l’utilisation de pratiques dénuées de fondement scientifique par certains de leurs pairs telle l’homéopathie, une pratique « basée sur des croyances », comme le rappelaient les auteurs de la tribune.

En fait, en l’an 2000 (…) il n’y aura pour ainsi dire plus de malades. Les hommes vont vers la découverte de la thérapeutique panacée qui les préservera des multiples affections dont ils sont aujourd’hui encore victimes. Les sulfamides, la pénicilline auront été les premiers balbutiements de cette découverte. En d’autres termes, là où, pour redonner ou préserver la santé, il fallait prescrire vingt médicaments, un seul suffira.

NDR. Les découvertes de l’insuline et de la pénicilline ont permis de créer des traitements plus efficaces pour le diabète et les infections. Des maladies ont certes disparu, mais d’autres sont (ré)apparues ou découvertes (Sida, cancer, tuberculose…).

Aujourd’hui. Microsoft a présenté il y a deux ans un plan pour vaincre le cancer avant 2026 grâce à l’IA. Facebook a annoncé en 2016 vouloir éradiquer la totalité des maladies en 2100. Bill Gates, ancien patron de Microsoft, a lui, déclaré la guerre au Sida. 

Le rôle du médecin (…) sera de réparer les inévitables erreurs de la nature, de réaliser cette difficile synthèse entre l’expression et la science et de faire des hommes et des femmes de l’an 2000 des individus parfaitement équilibrés.

NDR. Pour le Dr Claoué, les maladies n’existant plus, le rôle du médecin s’oriente naturellement vers l’esthétique afin de pallier aux caprices de la nature. 

Aujourd’hui. Le marché du secteur de l’esthétique évolue autour de la vision de la beauté, le développement des réseaux sociaux ayant considérablement accentué la dismorphophobie ou l’envie de vouloir ressembler à une star ou à un… emoticone.

Que le lecteur sceptique ne s’exclame point : « Bah ! tout cela c’est très joli, mais je ne le verrais pas ! ». Le Dr Claoué affirme, au contraire, qu’il a toutes les chances de voir, car l’homme de l’an 2000 ne vieillira plus que très lentement, et il n’est pas douteux que la durée de l’existence humaine sera infiniment plus grande qu’aujourd’hui. Les travaux de Voronoff, (3) les sérums de Bogomoletz (4) et autres, limitaient leur action à régénérer, à stimuler, à régulariser le système physiologique de l’homme. Le temps n’est pas loin où (…) le corps humain sera à l’abri de toutes les affections, le système physiologique de l’homme sera défendu contre toutes les dégénérescences et ramené dans un état de longue – sinon de perpétuelle – jeunesse.

NDR. L’espérance de vie était de 69,2 (F) et 63,4 (H) en 1950 pour 85,1 (F) et 79,1 (H) en 2015 (5)

Aujourd’hui. Google, le géant du web, a annoncé souhaiter tuer la mort elle-même… La société américaine est devenue un véritable incubateur de nouvelles technologies avec ses acquisitions depuis 2013 dans la biotechnologie, l’intelligence artificielle et la robotique avec un but : augmenter l’espérance de vie humaine de 20 ans.

(1) Les Américains sont galvanisés par les sources de données qui permettront à elles seules d’interagir avec l’Intelligence Artificielle. Elles sont extrêmement précieuses pour la maîtrise de l’e-santé, le point d’orgue des GAFAM.
(2) Ces applications de premiers secours géolocalisent les volontaires via leurs smartphones afin d’effectuer les premiers gestes d’urgence avant l’arrivée des secours.
(3) Revue de primatologie. Le chirurgien français Serge Voronoff (1866-1951) a défrayé la chronique dans le Paris des années 1920 pour ses tentatives de greffes de testicules de primates chez des hommes « fatigués ».
(4) Alexandre Bogomoletz est connu pour sa découverte sur le rôle clé du tissu conjonctif dans les phénomènes de vieillissement.
(5) Source Ined (Institut national d’études démographiques).

 

Charles Claoué
« Général en chef de la médecine libre », tel se définissait Charles Claoué, médecin, chirurgien esthétique et professeur d’anatomie à Bordeaux, décrié, interdit d’exercer la médecine durant trois ans en 1945, puis un an en 1952. L’Ordre des médecins ne lui avait pas pardonné son opposition à la médecine officielle alors qu’il avait pris parti pour les guérisseurs et autres médecines parallèles.
Il a créé en 1930 avec le Dr Louis Dartigues la Société Scientifique Française de Chirurgie Réparatrice Plastique et Esthétique (SSFCRPE).




Le portrait de Baudoin de Lannoy (1388-1474) [2]

par Jan van Eyck (v.1395-1441) du couvre-chef à la Toison d’or  –  2e partie

Il existe une grande incertitude quant à la biographie de Jan et a fortiori de Hubert van Eyck sans parler qu’ils avaient une sœur, Margaretha et un autre frère dénommé Lambrecht, également peintres « mais leurs vies ont encore davantage sombré dans l’oubli » (7). 

Jan van Eyck serait né à Maaseik, hypothèse corroborée par l’analyse linguistique de sa devise Als ich Kan (Du mieux que je peux) (7). La ville est située actuellement dans la province belge du Limbourg et était à l›époque  dans la principauté de Liège de telle sorte qu’il n’est pas surprenant que, de 1422 à 1424, il fut employé en qualité de peintre et valet de chambre à la cour du très contesté Jean III de Bavière (1373-1424) dit « Jean sans Pitié » prince-évêque de Liège et gouverneur de Hollande et de Zélande. 

Léal souvenirs ou Timotheos

Il est probable que Jan van Eyck commença sa carrière comme enlumineur et on lui attribue des miniatures faisant partie d’un livre d’Heures fragmentaire dénommé les Heures de Turin-Milan (vers 1420-1425). 

Le 6 janvier 1425, à la mort du prince-évêque, Jan van Eyck  rejoint Bruges, ville très prospère et où, le 19 mai 1425, une lettre patente le fait peintre de cour et valet de chambre au service de Philippe le Bon. Il y a tout lieu de penser qu’il rejoignit ainsi son frère Hubert (v.1366-1426) peintre installé à Bruges et qui aurait débuté, peut-être avec Jan (8), la réalisation du Retable de L’Agneau mystique à Gand. 

En mars 1426, Hubert travaille encore à des « images » destinées à une chapelle mais il décède le 18 septembre 1426 de telle sorte qu’Hubert n’a pu travailler à l’élaboration du retable que durant une durée n’excédant pas six mois. 

Durant les six années (1426-1432 date de finition du retable) qui suivirent, Jan fut distrait de sa tâche par les missions diplomatiques qu’il dut effectuer à la demande du duc, en particulier en Espagne en 1426-1427 et au Portugal en 1428-1429. 

C’est ainsi que le 19 octobre 1428 il doit interrompre l’exécution du retable pour une mission urgente au Portugal afin de réaliser le portrait de l’Infante Isabelle, Il faut cependant reconnaitre que si Jan a pu être considéré comme l’élève de son frère Hubert (8), ce qui reste plausible compte tenu de la différence d’âge de près de trente ans, on connait peu de choses à propos de ce dernier au point que certains ont pu voir en lui « un personnage de légende » (3). 

L’homme au turban rouge

Si l’existence d’Hubert ne fait maintenant plus de doute, puisqu’il est mentionné dès 1409 dans les archives comme magister Hubertus pictor (9), en revanche on ne peut lui attribuer avec certitude que sa contribution au polyptique de l’Agneau mystique et encore faut-il considérer qu’on ne connait pas la part respective des deux frères dans l’élaboration de ce retable de Gand ; « c’est un problème dont nous poursuivons la solution depuis bien des années, et elle nous échappe encore » relatait Panofsky en 1953 qui attendaient que « des découvertes et progrès nouveaux puissent entraîner des révisions de nos hypothèses » (3). 

Qu’en est-il soixante dix ans plus tard ? Une inscription recélant un chronogramme permet de déduire que l’œuvre fut commencée (incipit) par Hubert et achevée (perfecit) par son frère cadet Jan van Eyck qui se place d’ailleurs en seconde position (arte secundus). Les commanditaires étaient un certain Joos Vijd et son épouse Elisabeth Borluut, tous deux éminents notables de Gand, et qui sont représentés, pieusement agenouillés, au registre inférieur du retable. 

A noter que ceci signifie que l’artiste, bien que « valet de chambre » du duc de Bourgogne, était non seulement dispensé des règles contraignantes de la corporation des peintres mais il était  manifestement libre de travailler pour d’autres clients (9). 

Ceci peut paraître d’autant plus paradoxal que nous n’avons pas de portrait du duc Philippe le Bon par Jan van Eyck alors que nous avons celui peint vers 1445 (Musée des Beaux-Arts de Dijon) par l’atelier de Rogier van der Weyden (V. 1400-1464) qui fera en 1462 un portrait similaire de Charles le Téméraire portant le collier de la Toison d’Or (Gemäldegalerie Berlin) et qui, après la mort du peintre officiel qu’était Jan van Eyck et bien que n’étant pas peintre officiel de la cour de Philippe le Bon, répondra à de nombreuses commandes de l’entourage du duc. 

L’homme au chaperon bleu

Malgré les méthodes d’investigations les plus modernes, il n’est toujours pas possible de distinguer les contributions respectives des deux frères dans l’élaboration de l’Agneau mystique de telle sorte que « ceci reste l’une des énigmes les plus intrigantes de l’histoire de l’art occidental » (7). 

En 1432, Jan van Eyck achète une maison à Bruges et épouse vers cette date Margaretha dont il fera le portrait en 1439 (Groeningemuseum, Bruges) et ils eurent au moins deux enfants (7). Jan van Eyck avait un atelier mais nous ne connaissons aucun de ses assistants. Il n’est pas l’inventeur de la peinture à l’huile mais il en a perfectionné la méthode à un point exceptionnel  de raffinement et de réalisme, (9) en travaillant par la superposition de glacis, la lumière venant se réfléchir sur la préparation de craie blanche dont le support est enduit (9). 

L’Agneau mystique (1432) est un chef d’œuvre absolu par son ampleur et la minutie du détail mais on ne peut que s’extasier aussi devant le Portrait des époux Arnolfini (1434) (Londres), La Madone au chanoine van der Paele (1436) (Bruges) ou La Vierge au chancelier Rolin (vers 1434) (Louvre) mais aussi les portraits d’un réalisme sidérant comme celui dit du cardinal Niccolò Albergati (1438) (Kunsthistorisches Museum de Vienne) dont l’étude préparatoire à la pointe d’argent (Staatliche Kunstsammlungen de Dresde) annotée avec un luxe de détails (4) reste inégalée. 

A la mort de Jan van Eyck peu avant le 23 juin 1441, le duc Philippe le Bon octroya à sa veuve une gratification en témoignage de sa gratitude. Jan van Eyck est enterré dans l’église Saint Donatien de Bruges où son frère Lambrecht fit ériger un monument funéraire.

Louis-François Garnier


(a) Le portrait de Jean II le Bon (Louvre) est considéré comme le plus ancien portrait indépendant peint en France

(b) L’apanage est une concession faite aux frères cadets dépourvus d’héritage afin qu’ils ne se révoltent pas contre leur frère aîné devenant roi à la mort de leur père.

(c) Jan van Eyck était chargé de missions secrètes largement payées en sus d’une rente annuelle. C’est ainsi qu’est relaté un mystérieux voyage lointain en 1426, peut-être en terre sainte comme le suggère des vues précises de Jérusalem dans le tableau dénommé Les Trois Maries au Sépulcre (Musée Boijmans van Beuningen – Rotterdam)

(d) Camera obscura ou chambre noire : instrument optique permettant d’obtenir une projection de la lumière sur une surface plane.

(e) La Toison d’Or mythique provenant  d’un bélier d’or ailé était clouée sur le tronc d’un chêne et gardée par un dragon. Jason et les Argonautes s’emparèrent de cette toison apportant paix et prospérité. Les étincelles évoquent les flammes crachées par le dragon et les taureaux sauvages qui gardaient le bélier de Colchide (17) correspondant à plusieurs provinces de la Géorgie actuelle. 

(f) Au Moyen-Âge le couvre-chef désigne toute pièce de tissu léger servant à couvrir la tête. Le Chapeau bourguignon en feutre, est fabriqué probablement à partir du sous-poil du castor européen non encore décimé alors qu’à partir du XVIe siècle les peaux de castor provenaient de Sibérie mais surtout du Canada avec un coût d’environ dix fois supérieur au feutre de laine de qualité médiocre car ayant tendance à absorber la pluie (10). Ce chapeau est  similaire à celui porté par Arnolfini (Portrait de Giovanni Arnolfini et de son épouse par Jan van Eyck (1434) National Gallery Londres)  à distinguer du chaperon, très en vogue au milieu du XVe siècle en Bourgogne, qui est une sorte de capuche devenant plus tard un chapeau apprécié dans toute l’Europe occidentale médiévale. Il était initialement utilitaire avec une longue queue partiellement décorative comme, en noir, dans le Portrait d’homme « Timotheos » ou Léal souvenir (souvenir fidèle) par Jan Van Eyck (1432) National Gallery Londres et comme on peut le deviner en bleu, peut-être porté par van Eyck lui-même, dans le miroir convexe des Epoux Arnolfini à rapprocher de L’homme au chaperon bleu peint vers 1430 (Musée national Brukenthal, Sibiu Roumanie). Secondairement s’est imposé un coûteux couvre-chef complexe et multi-usage pouvant être enroulé autour de la tête « en turban » par commodité comme le montre l’Homme au turban rouge (autoportrait ?) par Jan van Eyck (1436) National Gallery Londres à rapprocher d’un personnage situé à l’arrière-plan de La Vierge du chancelier Rolin, et qui porte un chaperon rouge similaire, peut-être également un autoportrait.

(g) La détrempe consiste à « détremper », c’est-à-dire à solubiliser partiellement les colorants en poudre dans un liquide aqueux à base de colle d’origine animale ou de gomme végétale ou dans l’émulsion naturelle formée par le blanc et/ou le jaune d’œuf dénommée alors tempera de façon plus spécifique. Au Moyen-âge le  liquide pouvait aussi être de l’huile fixe (lin, noix…) mais à partir de la Renaissance le terme détrempe  stricto sensu désigne une solution aqueuse par opposition à la peinture à l’huile. (11)

(h) Théophile (vers 1070-1125), est un moine allemand, auteur du traité intitulé Schedula diversarum artium (Traité des divers arts) récapitulant le savoir technique dans le domaine de l’art et de l’artisanat. Ce recueil attestant de l’usage de la peinture à l’huile au Moyen-âge fut redécouvert et publié vers 1774 par l’écrivain et dramaturge allemand G.E. Lessing (1729-1781) remettant en cause les affirmations inexactes  de Vasari. (11)


BIBLIOGRAPHIE

[1] Valentin F. Les Ducs de Bourgogne. Histoire des XIVe et XVe siècles. Mame Imprimeurs-Libraires Tours 1857.
[2] De Barante M. Histoire des Ducs de Bourgogne (13 tomes). Chez Ladvocat libraire 1825.
[3] Panofsky E. Les Primitifs flamands. Hazan 2012.
[4] Dossier de l’Art. L’année Van Eyck N°276 février 2020.
[5] Pastoureau M. Noir  Histoire d’une couleur Points Histoire 2014.
[6] Pastoureau M. Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental. Points Histoire 2014.
[7] Born A. & Martens M.P.J. Van Eyck par le détail. Hazan 2020.
[8] Van Mander C. Le livre de peinture. Miroirs de l’Art. Textes présentés et annotés par Robert  Genaille. Hermann 1965.
[9] Dictionnaire d’Histoire de l’Art du Moyen-Âge occidental. Robert Laffont Bouquins 2009.
[10] Brook T. Le chapeau de Vermeer. Le XVIIe siècle à l’aube de la mondialisation. Petite biblio Payot Histoire 2012.
[11] Ziloty A. La découverte de Jean Van Eyck et l’évolution du procédé de la peinture à l’huile du Moyen-âge à nos jours. Librairie Floury Paris 1941.
[12] Vasari G. Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes. Commentaires d’André Chastel. Acte Sud 2005.
[13] Laneyrie-Dagen N. Le métier d’artiste. Dans l’intimité des ateliers. Larousse 2012.
[14] Till-Holger Borchert. Van Eyck Taschen 2008.
[15] Genaille R. La Peinture aux Anciens Pays-Bas. De Van Eyck à Bruegel. Ed. Pierre Tisné 1954.
[16] Watin. L’Art du Peintre, Doreur, Vernisseur, 3e édition chez Durant 1776.
[17] Prigent Ch. Splendeurs du Grand Siècle bourguignon : l’ordre de la Toison d’or. In La Toison d’Or un mythe européen. Serpenoise pour Editions d’Art Somogy 1998.

Roman historique : Baltassat J.D Le valet de peinture. Point Robert Laffont 2013




Comprendre la Chine [3]

les nouvelles routes de la soie

Pour diverses raisons, et après l’avoir annoncé en 2013 par la voix de Xi Jinping, la Chine s’est lancée dans une tentative de réorganisation des réseaux du commerce mondial. Cette tentative d’abord appelée One Belt, One Road (OBOR), maintenant appelée Belt and Road Initiative (BRI) est surnommée « Les nouvelles routes de la soie ». 
Son objectif est ambitieux, les moyens utilisés sont colossaux, et cette initiative déjà bien avancée pourrait renverser l’ordre économique, géopolitique et surtout politique qui prévaut actuellement. Parmi les nombreux ouvrages consacrés à ce sujet, deux paraissent essentiels en permettant d’en comprendre les tenants et aboutissants. L’un adopte une vue d’ensemble, l’autre la complète en fournissant de multiples éléments qui pourraient paraître des détails mais sont néanmoins majeurs.

Les défis chinois. La révolution de Xi Jinping : Indispensable

Certes, l’ouvrage n’est pas récent, quoi que (mars 2019) … Certes, son avant-propos et son introduction peuvent paraître un peu pompeux, quoi que… mais, dès ceux-ci franchi, c’est une formidable synthèse sur l’histoire, l’évolution et les défis de la Chine contemporaine qui nous est offerte par Éric de la Maisonneuve, général de division, professeur à l’université de diplomatie de Pékin de 2004 à 2014 et expert en stratégie.

Sur la Chine contemporaine, tout y est dit de manière claire, et la bibliographie est tout aussi synthétique des ouvrages qu’il faut avoir lu sur la Chine.

Le chapitre dédié aux routes de la soie est un condensé de géostratégie chinoise et planétaire expliquant les raisons historiques, politiques et économiques de cette initiative en cours sous l’impulsion de Xi Jinping et de la formidable réserve monétaire dont dispose la Chine. Cette initiative touche le sud-est asiatique, l’Asie centrale, le Moyen-Orient, l’Europe, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Elle encadre ainsi les États-Unis qui, de leur côté, ont des difficultés à contenir la Chine par une alliance avec la Corée du Sud, le Japon, l’Australie et l’Inde.

Ce livre nous apprend aussi en quoi la BRI constitue un pari risqué et on y découvrira ainsi de multiples éléments qui expliquent les fragilités chinoises potentielles. Ainsi, au niveau international, les routes de la soie doivent passer par l’Eurasie (vous savez, les sept pays dont le nom se termine par…
istan) et cette région a longtemps été considérée comme un pré-carré russe : comment la Russie acceptera-t-elle la mainmise chinoise sur cette région ? Elle temporise actuellement car elle a besoin de la Chine pour combattre les États-Unis, mais jusqu’où ira l’alliance de la Chine et de la Russie ? 

Cette région est aussi un berceau de mouvements terroristes islamistes : comment la Chine parviendra-t-elle à sécuriser ses approvisionnements en matière première et ses exportations de produits manufacturés en passant par cette région ? Parmi les autres fragilités mais au niveau interne cette fois, « Ce qui est assuré d’ici à 2050, c’est que la Chine perdra 200 millions d’actifs qui viendront grossir les rangs des personnes âgées et qui devront à leur tour bénéficier d’un accompagnement social ».

En regard, parmi ses grandes forces, il y a le fait qu’avec constance et patience, la Chine, sous un parti autoritaire, unique, actuellement pérenne, peut conduire un tel projet gigantesque qui devrait être mené à bien selon une démonstration par l’absurde : « Ce ne sont pas vos démocraties, affaiblies par le rythme des élections, par l’alternance rapide des dirigeants et par les nombreux contre-pouvoirs, qui pourraient faire valoir une telle stratégie et la conduire à son terme ». En d’autres termes, il s’agit de la justification de la dictature par son efficacité potentielle, même si le projet entrepris n’est décidé que par une oligarchie répressive au service de sa survie.

Parmi les grandes conclusions de ce livre « la Chine est parvenue à un point de développement où l’expansion mondiale de son système est indispensable à la poursuite de sa croissance… Reste un espace à découvrir et à débroussailler, celui que propose la conception d’un monde à la chinoise ». 

  • Auteur : Eric de La Maisonneuve
  • Éditeur : Editions du Rocher
  • Parution :  mars 2019
  • Pagination : 344 pages
  • Prix (broché) : 19,90 euros
  • Prix (numérique) : 13,99 euros

Les routes de la soie ne mènent pas où l’on croit… : Majeur

Disons-le d’emblée, bien qu’il ne dépasse pas 300 pages, ce livre est très dense, très riche en de très nombreuses données qui justifient entre autres de connaître la géographie mondiale (mais heureusement, il y a de nombreuses cartes), mais aussi – et cela est récurrent aux éditions l’Harmattan – riche en fautes d’orthographe, particulièrement concentrées dans les pages 238 et 239.

Mais, cela constitue des limites bien minces comparées à la qualité et à l’apport de ce livre. On pourrait même dire « Arrêtez de lire les journaux, les magazines, d’écouter la radio et la télé, vous en saurez nettement plus sur la Chine et le monde d’aujourd’hui et de demain en lisant ce livre ». Et cela va des premiers développements des diverses mondialisations jusqu’à cette nouvelle redistribution des cartes que constitue la BRI, ses modalités, ses enjeux et ses risques.

Parmi les multiples apports de ce livre, j’en préciserai deux. 

Le premier est que, depuis l’avènement au pouvoir de Deng Xiaoping, la Chine semble gérée par des stratèges qui analysent une situation, prennent en compte les leçons de l’histoire – même la plus récente –, envisagent des solutions possibles à chaque problème, produisent une vision globale (le développement économique de la Chine légitimera la gouvernance du Parti unique), élaborent des stratégies, les expérimentent progressivement, les adaptent et avancent dans tous les interstices que laissent les États-Unis, patiemment mais sûrement. 

Par exemple, l’avancée de la Chine en Afrique : « Fidèle à sa stratégie de pénétration par les marges, l’accès à l’Afrique s’est fait d’abord dans les pays ostracisés par l’Occident, ce dernier n’ayant guère laissé d’espaces libres pour choisir des fournisseurs énergétiques ». Mais aussi, comme le dit un chef d’entreprise africain, dans une phrase qui résume la BRI avec ses avantages et ses risques : « Si l’un de nos gouvernements demande une aide concrète, par exemple, un hôpital, les Européens font une étude de faisabilité. Ils veulent voir si le pays correspond aux critères des Droits de l’Homme et peut recevoir une telle aide. Le dossier revient après un processus très lent, parfois de deux ans, mais la réponse positive n’est pas assurée ! Les Chinois, eux, montent l’hôpital en deux ou trois mois. Puis ils demandent en échange une concession pétrolière ou minière et ils vont faire encore une autoroute qui va rester et favorisera la croissance de la région ! ». 

L’auteur du livre n’oubliant pas de préciser à un autre endroit qu’en fait pour la Chine « chaque route remplit des fonctions qui la servent » et que le pays aidé risque la dépendance et la pauvreté car il s’ouvre alors aux produits chinois, au détriment de son industrie locale, etc.

Le second est que le monde est dans une telle interdépendance qu’il est stupide d’affirmer péremptoirement qu’il faut faire ceci ou cela. L’exemple type serait d’imposer une réévaluation du Yuan en considérant qu’il est nettement sous-évalué, ce qui constitue un avantage concurrentiel majeur pour la Chine. 

Mais comme cela est expliqué page 134, le problème de la réévaluation du Yuan est multiparamétrique et, ainsi, entre autres éléments avancés : « L’avantage comparatif est si grand, malgré les hausses salariales, que la réévaluation a un impact limité sur la compétitivité chinoise ; Le gouvernement chinois a un allié inattendu : les 50 000 entreprises américaines installées sur son sol. Elles constituent des lobbies actifs pour résister aux pressions d’une subite réévaluation du Yuan qui leur ferait perdre des marges de compétitivité pour leurs productions délocalisées en Chine ».

Et, surtout « la détention (par la Chine) d’importants avoirs en Bons du trésor américain contraint à temporiser une revalorisation du Yuan qui conduirait à leur dévalorisation… »

Alors pendant que l’information publique nous divertit chaque jour un peu plus des sujets essentiels, quelle conclusion à la lecture de ces livres ? Elle est clairement formulée par Claude Albagli, docteur es-Sciences économiques et auteur de « Les routes de la soie ne mènent pas où l’on croit… » : « Tout se passe en définitive comme si la Chine redessinait une carte du monde en distribuant des fonctions comme des rôles pour répondre à ses besoins ».

  • Auteur : Claude Albagli
  • Éditeur : Editions L’Harmattan
  • Parution : octobre 2020
  • Pagination : 278 pages
  • Prix (broché) : 28,50 euros
  • Prix (numérique) : 22,99 euros




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Château Haut-Marbuzet

La flamboyance, voilà ce qui caractérise tant le caractère des vins de Haut-Marbuzet que celui de son extravagant propriétaire Henri Duboscq. Opulents, riches, séducteurs, les Haut-Marbuzet se montrent irrésistibles dès leur mise en bouteille, contrairement à la plupart des vins de Saint-Estèphe, la plus septentrionale des grandes appellations de la presqu’île du Médoc donnant souvent vent des vins austères et virils dans leur jeunesse.

En 1952, Hervé Duboscq acquiert, en rente viagère, quelques hectares. de vignes en friche issus du morcellement du vaste domaine Mac Carthy un siècle plus tôt. Il ressuscite le vignoble et commercialise ses vins directement aux consommateurs. Son fils Henri le rejoint en 1962 pour imprimer un style très personnel fondé sur l’onctuosité des tanins grâce à l’utilisation importante du cépage merlot et l’élevage intégral en barriques de chêne neuf. Le vignoble initial va être progressivement reconstitué avec l’acquisition des meilleurs terroirs, car à cette époque, les prix restaient très abordables par rapport aux sommets actuels. Le domaine, s’étendant actuellement sur 75 ha, est excellemment situé sur le plateau de Marbuzet face à la vallée de la Gironde sur une pente douce de graves günziennes soutenues par un sous-sol de calcaire, alios et argiles bleues régulant l’alimentation hydrique. Le grand vin est produit au sommet de la croupe séparée par des combes du château Cos d’Estournel et Montrose les célèbres 2es grands crus de Saint-Estèphe (magnifique environnement !).

Le Haut-Marbuzet, à l’époque en pleine déconfiture, n’a pas été retenu dans le classement des Médoc de 1855, mais a été titré en 2003 : cru bourgeois exceptionnel et actuellement maints spécialistes l’élèvent au niveau des 3es grands crus.

Les vignes, âgées en moyenne de plus de 50 ans, sont cultivées en lutte raisonnée, labourées et griffées, sans désherbant chimique avec un travail soigné du sol, des ébourgeonnages et rognages précis. Les raisins vendangés en légère surmaturité sont triés à la vigne, puis au chai, et totalement éraflés. Initialement, et c’est ce qui avait fait son succès immédiat, la vinification longue, la fermentation à haute température, la macération sur
3 semaines en cuves béton, les remontages biquotidiens, les saignées aboutissaient à des vins puissants, fortement extraits, bénéficiant d’un élevage de 18 mois uniquement dans du chêne neuf, magnifiques dans leur jeunesse, mais qui perdaient de leurs attraits après une dizaine d’années de garde. Mais, avec le vieillissement du vignoble, Henri Duboscq, intelligent et intuitif, rejoint par ses fils Bruno et Hugues qui privilégient la subtilité et la finesse, comprend que ses vins ont besoin de moins d’extraction et de bois neuf. La thermorégulation est introduite, les températures de fermentation limitées, le cépage petit verdot est planté au dépens du cabernet franc, la fréquence des remontages est diminuée, le bois neuf est limité à 75 %. Le sulfitage reste très faible, la mise en bouteille est précédée d’un collage au blanc d’œuf et d’une légère filtration. Ainsi, si les vins gardent le style maison, ils évoluent vers une élégance plus affirmée et un classicisme bordelais plus marqué (ce qui peut dérouter les aficionados de la première heure).

Une sensualité au charme fou

Ce Haut-Marbuzet 2016 assemblant 50 % de cabernet sauvignon, 40 % de merlot, 5 % de cabernet franc et petit verdot, paré d’une robe rubis pourpre profond, exhale des senteurs de violette, des arômes de fruits noirs confiturés : cassis, cerise noire, mûre, des notes de prune surmûrie et d’épices : poivre blanc, coriandre, réglisse bien fondues. La bouche riche, tendue dévoile de beaux tanins veloutés, une bonne mâche fondante, harmonieuse, longue et équilibrée. Ce vin au fruité intense, au bouquet voluptueux peut paraître un peu ostentatoire, mais en fait dévoile un raffinement, une sensualité au charme fou, délectable actuellement, mais qui sera grandiose dans l’avenir.

Ce Haut-Marbuzet opulent et séducteur issu d’un très grand millésime fera honneur à la cuisine bistrotière. En entrée, il s’appréciera avec une mousse forestière de canard ou une terrine de sanglier. Mais c’est avec les viandes qu’il réalisera les accords les plus savoureux : l’agneau, selle, épaule ou gigot de 7 heures aux fèves, toute viande rouge grillée ou rôtie : contre filet ou côte de bœuf, tranche de veau bien épaisse à condition d’éviter les légumes verts qui durcissent le vin. Les plats mijotés, navarin ou jarret de veau aux chairs déstructurées par la cuisson, seront rehaussés par le vin. Sa finesse s’accommode très bien des viandes blanches : pigeon et galette de courgettes, faisan jardinière, civet de lapin, cassoulet de confit d’oie. Il participera aux fêtes de Noël en escortant un chapon, une dinde rôtie. Il peut dès maintenant, contrairement aux grands crus du Médoc, accompagner les gibiers : perdreaux rôtis, noisette de chevreuil grand veneur, fricassée de marcassin. En fin de repas, il affectionne les vieux fromages de Hollande aux goûts de noisette ou un beau saint-nectaire.

« Pour produire un vin que j’aime et qui me ressemble, déclare Henri Duboscq, je me suis battu contre ce terroir donnant des vins austères, voire agressifs, dans leur jeunesse, pour produire le plus marginal des Saint-Estèphe. J’ai dompté mon terroir par des méthodes de vinification qui me sont propres : vendanges tardives, forte proportion de merlot, logement en barriques de chêne neuf en mixant différents types de bois en fonction du millésime », ce qui lui permet de proclamer « Je n’hésite pas à appeler mon millésime 2016 : la beauté du monde ».

Henry Duboscq et Fils – 33180 Saint-Estèphe

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