Mas Amiel Initial – Voyage au cœur du terroir

Pascal Wolff – Le Cardiologue 456 – janvier-février 2024

Baignés par le soleil méditerranéen, les vignobles du Roussillon sont connus pour produire des vins d’une richesse exceptionnelle. Parmi ces trésors, le Mas Amiel Initial est né d’une sélection maîtrisée de 17 parcelles qui s’étendent des coteaux de schistes à la Devèze où la présence de calcoschistes en profondeur est la plus remarquable. Ces parcelles sont tournées vers le nord et le sud-est, préservant ainsi les raisins de l’ardeur des rayons du soleil.

Héritage et Tradition

Fondé en 1816, le domaine de Mas Amiel est situé au nord du département des Pyrénées-Orientales et plus exactement dans la vallée de l’Agly, au cœur du Roussillon.

Raymond-Etienne Amiel a créé le Mas Amiel avec cette vision de produire des vins de grande qualité en exploitant les terroirs exceptionnels de la région. À l’époque, le domaine se concentrait principalement sur la production de vins doux naturels élaborés à partir de raisins surmûris et séchés au soleil, offrant une concentration de saveurs exceptionnelle. 

C’est au tournant du XXIe siècle, en 1999 exactement, que Mas Amiel connaît son renouveau avec la reprise du domaine par Olivier Decelle, propriétaire du Château Jean Faure à Saint-Émilion. Il prend ainsi la tête de la propriété d’une superficie de 226 hectares, dont 155 plantés de vigne, la production est constituée essentiellement de vins doux naturels, comme il y a deux cents ans. 

Les nouveaux propriétaires (et acteurs du domaine) injectent alors une nouvelle énergie et une vision contemporaine tout en respectant l’héritage particulier du domaine.

Sous la direction de la nouvelle équipe, Mas Amiel élargit sa gamme de vins pour inclure des cuvées plus diversifiées tout en maintenant la qualité qui a fait sa renommée. Outre les vins doux, le domaine propose des vins rouges secs qui expriment le caractère unique du terroir de la région.

Les cuvées comme le Mas Amiel Vintage et le Mas Amiel Initial illustrent parfaitement l’expertise du domaine dans la production de vins doux et expressifs.

Les sols

Le Mas Amiel Initial est né d’une sélection de dix-sept parcelles face au nord et au sud-est, préservant ainsi les raisins de l’énergie des rayons du soleil. Celles-ci s’étendent sur les coteaux de schistes dans le secteur du Mas Amiel et de La Devèze avec une remarquable présence de calcschistes en profondeur. 

L’entretien des sols se fait par labour. L’âge des vignes, conduites en gobelet (appelée aussi taille mixte, libre ou irrégulière et qui est la conduite la plus courante et la plus ancienne), est de 25 à 45 ans. Le rendement moyen est de 18 hl/ha avec des densités de plantation de 3 500 à 4 000 pieds/ha. La superficie totale en production est de 29 ha.

Élaboration du Vin

Le Mas Amiel Initial est le fruit d’un assemblage subtil de cépages autochtones comme le grenache noir, le carignan et le Syrah qui puisent leur force dans la diversité des terroirs de calcschistes.

La récolte est réalisée entièrement à la main en caissettes de 20 kg afin de préserver leur intégrité. Les raisins sont ensuite intégralement égrappés. La macération et l’élevage en fûts de chêne confèrent au vin une profondeur et une complexité remarquables. Le résultat est un vin rouge d’une élégance rare, alliant puissance et subtilité.

Accords Gourmands

Le Mas Amiel Initial s’accorde parfaitement avec la cuisine méditerranéenne. Les viandes grillées, les plats à base d’agneau, de côtes de bœuf au gros sel et à l’huile d’olive et les fromages affinés, mettent en valeur la richesse et la complexité du flacon. Servi à une température idéale, il révèle toute sa splendeur.

En bouche, la structure est impeccable, avec des tanins soyeux et élégants et une acidité équilibrée de jus frais avec une pointe de fruits noirs plus prononcée. La finale persistante laisse une empreinte gustative inoubliable, longue en bouche, fraîche et délicatement épicée.

Le Nez et la Bouche

Lorsque l’on déguste le Mas Amiel Initial, on est immédiatement enchanté par son bouquet aromatique. Des notes de fruits rouges mûrs, de cassis, de cerise noire et de réglisse titillent les sens.

Hommage au terroir

En choisissant le Mas Amiel Initial, vous portez un hommage au terroir, à la passion des vignerons et à la tradition transmise de génération en génération. Chaque gorgée raconte l’histoire d’un vignoble qui a su évoluer tout en préservant son authenticité. Élevé dans la plus pure tradition, le Mas Amiel Initial est certifié agriculture biologique et Eurofeuille.

Domaine Mas Amiel
66460 Maury

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© Mas Amiel




Collioure rouge 2021 – Domaine de la Casa Blanca

Pascal Wolff – Le Cardiologue 455 – novembre-décembre 2023

Situé sur la côte méditerranéenne, le domaine de la Casa Blanca est l’un des plus anciens crus de Banyuls. Certains de ses vins sont parmi les plus prisés de la région. Parmi eux, le Collioure Rouge se distingue de par sa réalisation comme une véritable pépite, autant pour sa qualité de production, son terroir exceptionnel et son respect pour l’environnement. Un vin un incontournable pour les amateurs de vins du Roussillon.

Le domaine de la Casa Blanca est le fruit de la vision et de la détermination de vignerons passionnés. Niché dans la petite commune de Port-Vendres, le domaine doit son nom à la magnifique maison blanche qui trône au cœur des vignobles. Depuis ses débuts, il s’est engagé à préserver les traditions viticoles tout en adoptant des pratiques de production modernes. Aujourd’hui, il est devenu une référence dans la région du Collioure.

Le domaine de la Casa Blanca est un des plus anciens des crus Banyuls. Le domaine de la Casa Blanca, fondé vers 1870,  est l’un des plus anciens crus de Banyuls (vin doux naturel) et aussi en appellation Collioure (vin sec). Les trois associés, Laurent Escapa, Hervé Levano et Valérie Reig, cultivent 8,85 ha de coteaux du domaine, dont 4,71 ha en désherbage mécanique et pâturage hivernal par des brebis du domaine. 

C’est après 15 ans de traction animale avec Ursule, la mule de Valérie Reig qui se chargeait en grande partie du travail de labour, que le domaine s’est orienté à la technique du treuil, de février à juin. Dès 1989, les engrais chimiques ont été remplacés par des composts et, en 2001, ce sont les produits phytosanitaires de synthèse pour les traitements de la vigne qui ont été abondonnés.

Tous les vins sont vinifiés artisanalement, avec les levures du terroir (levures indigènes)/ Et à l’exception de doses modérées de soufre, aucun intrant œnologique n’est utilisé.

Un terroir exceptionnel

Situé sur la Côte Vermeille, à l’extrémité méridionale du Roussillon, dans les Pyrénées-Orientales, le terroir de Casa Blanca est caractérisé par un sous-sol schisteux et des coteaux à pentes abruptes plongeants dans la mer Méditerranée. La Tramontane, vent sec et froid, allant des terres vers la mer, ainsi que des vents forts, soufflent régulièrement sur ces terres, ce qui permet de limiter naturellement le développement des maladies et donc le recours aux fongicides. Le climat méditerranéen, reconnu par sa faible pluviométrie, est compensé de son côté par la présence du sous-sol  favorable à l’enracinement profond de la vigne.

Cette combinaison de facteurs naturels – climatiques et géologiques – offre un terroir idéal pour la culture des cépages traditionnels.

Le processus de production

La Casa Blanca attache une grande importance à la vinification traditionnelle et son respect pour l’environnement. Les raisins sont récoltés à la main, triés et vinifiés dans des cuves en inox et en bois. Les élevages se font en foudres de chêne, permettant aux vins de développer leur complexité tout en préservant leur caractère fruité et épicé. La recherche de l’équilibre et de l’harmonie est au cœur de chaque étape de la production.

La dégustation

Le Collioure rouge de la Casa Blanca est un vin d’une grande élégance. À la dégustation, grâce au tandem grenache noir (80 %) et syrah, il séduit par sa robe rubis profonde aux reflets pourpres. Le nez est un festival d’arômes de fruits rouges mûrs, d’épices, de réglisse et de notes minérales. 

La bouche gourmande et puissante révèle un vin charpenté et complexe, doté de tanins bien présents mais élégants. Les saveurs de cerise noire, de cassis, et de poivre se mêlent harmonieusement, laissant une impression de fraîcheur en finale. 

Le Collioure rouge de la Casa Blanca est le compagnon idéal pour de nombreux plats. Il se marie à merveille avec les grillades d’agneau, les plats à base d’agneau, de canard ou de gibier, ainsi qu’avec les fromages à pâte dure et bien sûr les plats méditerranéens. Il est également un excellent choix pour les soirées conviviales entre amis tant sa polyvalence en fait un choix idéal pour de nombreuses occasions.

Polyvalent, le Collioure rouge peut se déguster jeune afin de profiter de sa fraîcheur fruitée ou attendre qu’il développe des arômes plus complexes avec le temps.

En conclusion

Le vin Collioure rouge du domaine de la Casa Blanca est une véritable pépite méditerranéenne. Il représente l’engagement des vignerons envers la préservation des traditions tout en produisant des vins d’exception. Sa combinaison unique de terroir, de processus de production soigné, et de caractéristiques gustatives en fait un incontournable pour les amateurs de vin. Déguster un verre de Collioure rouge, c’est s’immerger dans l’âme ensoleillée de la région du Collioure.

En 2020, Casa Blanca s’est associé à  Nénu (Vin de deux mains, né en 2017) pour créer Casa Blanca – Nénu.

En 2003, Le Guide des vins Hachette a décerné au domaine de la Casa Blanca rouge la note de 3 étoiles, ce qui correspond à un vin exceptionnel.

Domaine de la Casa Blanca
66650 Banyuls-sur-Mer

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Rosé Pétra 2021 – Domaine Hauvette

Brad Pitt à Miraval, George Clooney à Brignoles, George Lucas au Château Margül, Ridley Scott dans le Lubéron, bénéficiant de leur renommée, les «people» hollywoodiens, conquis par la Provence et ses potentiels viticoles, tentent de pousser vers les sommets leurs cuvées, notamment de rosés. Mais pour la plupart des spécialistes, le meilleur rosé provençal est bien produit par une française, la discrète, solitaire, au tempérament bien trempé, Dominique Hauvette, dont j’ai déjà vanté le remarquable blanc « Doli a » dans cette revue (Le Cardiologue n° 416).

Ses 17 ha de vignes, cultivées sur le magnifique piémont nord des Alpilles, bénéficient d’un excellent terroir argilocalcaire près de Saint-Rémy-de-Provence. Choisissant d’emblée la culture biologique et biodynamique certifiée dès 2003, Dominique Hauvette n’utilise aucun produit chimique, remplacé par des tisanes de plantes. En empathie avec l’environnement, elle estime que cette méthode lui permet de ne pas troubler « l’osmose entre ses vins et la nature ». C’est une vraie philosophie pour elle qui accorde un grand respect aux sols et à l’authenticité de ses terroirs. Un travail acharné dans les vignes, mais toujours avec une grande douceur, la taille et l’ébourgeonnage permettent de limiter drastiquement les rendements aux alentours de 15 hl/ha.

Un vin en biodynamie

En cave, la même démarche biodynamique conduit la vinification : limitation au minimum des interventions et intrants, pas de soufre ajouté. Dominique insiste : « Je me concentre sur la production de beaux raisins. Travailler à la vigne permet d’être paresseux au chai ». Le rosé Pétra, assemblant 75 % de cinsault, 15 % de grenache, 15 % de syrah, est obtenu par la technique du pressurage direct, où les raisins éraflés sont foulés, puis immédiatement et doucement pressurés, pour colorer, tel que désiré, le jus qui, débourbé,  fermente spontanément grâce à ses levures indigènes. La maturation et l’élevage sur lies fines, pour garder fraîcheur et vivacité, s’étendent sur 3 à 6 mois dans des cuves en béton en forme d’œuf ; ce contenant procure une homogénéisation parfaite n’amenant pas à filtrer le vin.

Aux antipodes des habituelles teintes pelure d’oignon diaphanes et translucides des rosés provençaux, la cuvée Pétra 2021 du domaine Hauvette arbore une éclatante robe poudrée, rose soutenu tirant sur le rubis pale avec des reflets dorés et orangés.

Il explose littéralement du verre en répandant des senteurs intenses de fruits rouges : framboise, fraise des bois, groseille, de pêches de vigne, d’orange sanguine, d’amande fraîche ; mais aussi de fleurs : rose, violette, pivoine, où viennent s’incorporer des notes épicées de réglisse, de cardamone, de coriandre, et anisées. La bouche, tout en fraîcheur, en limpidité, d’une longueur magistrale, a une texture d’une salinité salivante. La minéralité prégnante apporte beaucoup d’énergie, de générosité, d’équilibre à cette cuvée qui s’épanouit en finale sur de beaux amers mentholés. Ce vin cristallin manifeste une élégance, une finesse, un juteux comme pourrait l’être un vin rouge, d’ailleurs Dominique Hauvette me dit : « Ce n’est pas un rosé, mais un rouge léger ».

Un rosé gastronomique

Ce rosé Pétra qui bouleverse la perception des rosés de Provence, est réellement un vin de gastronomie et les choix culinaires sont nombreux ; tout naturellement les plats méditerranéens : ceviche de daurade ou de bar au pamplemousse et baies roses, encornets farcis à la sétoise, zarzuela catalane, pâtes aux langoustines et bien sûr bouillabaisse. Mais c’est avec le rouget qui, par son goût corsé, apprécie bien les vins rouges que l’on va trouver les mariages les plus aboutis : rouget de roche grillé à la plancha, filets à la tapenade ou à l’aigre-douce, papillotes au basilic et coquillage ou aux agrumes, saltimbocca à la sauge. Ce rosé puissant peut être l’excellent partenaire d’une viande blanche : poulet au citron et olives vertes, agneau au curry, blanquette de veau. Je pense qu’il vaut mieux ne pas lui faire accompagner un fromage ou un dessert en dehors d’une salade de fruits rouges.

Le prix de cette bouteille aux alentours de 30 € est remarquablement doux, lorsqu’on sait qu’une bonne part des rosés banaux de Provence se vend entre 20 et 40 €, voire plus (la cuvée Garrus, créée par Sacha Lichine, s’envole à 115 €). 

A noter malheureusement que Mme Hauvette ne reçoit pas au domaine pour des visites ou dégustations (quand on va chez le pâtissier, on ne demande pas à goûter le gâteau avant de l’acheter, dit-elle).

Ecoutons Dominique Hauvette : « J’ai toujours été un garçon manqué et puis… J’ai trouvé ma féminité dans le vin. La gourmandise, la suavité, la douceur, la souplesse, ce sont pour moi des caractéristiques de mes vins ».

Elever des pur-sang arabes, élaborer de grands vins, contempler le coucher du soleil sur les Alpilles en tournant le dos à la civilisation et en se ressourçant dans la solitude, telle est la vie que Dominique Hauvette a choisi et qui lui convient.

Domaine Hauvette
13210 Saint-Rémy-de-Provence

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Côtes d’Auvergne Boudes – Cuvée prestige V.V.2021

Si les volcans d’Auvergne sont endormis, son vignoble se réveille depuis 20 ans, car des initiatives locales, portées par de jeunes viticulteurs, s’attachent à ressusciter le vignoble arverne.

Rappelons qu’à la fin du XIXe siècle, l’Auvergne était, avec 45 000 ha, le troisième plus grand vignoble de France avant qu’il ne soit, lui aussi, totalement ravagé par le phylloxera. 

Actuellement, la jeune AOC Côtes d’Auvergne, datant de 2011, ne couvre plus que 410 ha situés dans le département du Puy de Dôme, de Riom au nord à Issoire au sud sur une bande de 80 kilomètres assez étroite entre les monts du Livernois à l’est et la chaîne du Puy du Sancy à l’ouest.

Elle occupe de petites collines très raides, sur les flancs des monts d’Auvergne, à des altitudes de 350 à 550 m sur des terrasses appelées palhàs. Il existe cinq dénominations géographiques complémentaires sur l’AOC du nord au sud : Madargue, Châteaugay, Chanturgue, Corent et Boudes certainement la plus qualitative.

Ce dernier vignoble de 50 ha bénéficie de conditions optimales, pour faire du bon vin : terroir argilo-calcaire sur sol volcanique de basalte, pente offrant un ensoleillement optimal, microclimat aux accents méditerranéens, bon drainage naturel.

De père en fils

Fer de lance de l’appellation Boudes, David Pélissier, quatrième génération de viticulteurs, titulaire d’une licence d’anglais, a préféré abandonner ses études, pour marcher sur les pas de son père et devenir, à son tour, vigneron. A la tête d’une propriété qui atteint, après achats de nouvelles plantations, 5 ha de vignes, dont certaines plantées par ses ancêtres, centenaires. Il garde le fort souvenir d’un grand-père qui fut, en même temps, son premier formateur et un des premiers embouteilleurs du cru. 

Ses vignes, disposées en palhàs sur des pentes abruptes de 400 à 500 m d’altitude, relativement protégées par l’effet du foehn, sont travaillées de façon raisonnée, avec une recherche de la qualité des raisins plutôt que du rendement, enherbées pour maintenir le microcosme ambiant. 

Les intrants sont limités, afin de respecter au mieux la nature. Une taille soigneuse, comportant notamment un écimage, est effectuée. La tonte de l’herbe, le travail du sol facilitent la pénétration de l’eau pluviale.

La ligne directrice de David est de produire des vins qui lui ressemblent, où il laisse son empreinte. La récolte est manuelle. Dans le chai, la vinification est la plus naturelle possible : éraflage des grappes qui sont pressurées pneumatiquement à l’arrivée à la cave, macération courte, fermentation par levurage endogène, élevage en barriques de chêne sur 6 mois avec pigeages et remontages. Mise en bouteille après légère filtration.

La cuvée Prestige assemble 70 % de gamay et 30 % de pinot noir provenant des vignes centenaires ancestrales. Il faut noter que le gamay d’Auvergne diffère sensiblement du gamay du Beaujolais : vieux cépages autochtones plantés juste après la crise phylloxérique produisant des grappes différentes à maturité plus tardive, garantissant des couleurs plus profondes, une plus grande complexité des vins dotés de belles notes épicées, des arômes plus puissants et explosifs attribués au terroir volcanique.

Une cuvée prestige…

Cette cuvée Prestige Côtes d’Auvergne Boudes 2021, habillée d’une robe grenat aux reflets orangés, délivre un nez impétueux de fruits noirs : cassis, myrtille avec des notes de pruneau, de vanille et de chocolat. 

Elle dévoile en bouche une structure tannique assez robuste (jeunesse?), finement boisée avec une pointe de caramel, une texture concentrée consistante, des arômes très expressifs, épicés et poivrés, et une belle minéralité liée au terroir volcanique basaltique. La finale franche, dynamique est relativement longue.

… pour de nombreux accords culinaires

Ce rouge gourmand bien fruité permet de nombreux accords culinaires : tout naturellement les viandes rouges grillées, certaines préparations bovines : tels filet de bœuf à la cocotte, rôti en croûte girolle, langue sauce piquante aux cornichons. Mais conformément à l’adage : à cuisine régionale vin de même provenance, c’est avec la robuste gastronomie auvergnate qu’il va vraiment s’épanouir : le coq au vin de Chanturgue, la potée auvergnate, le chou farci, les tripoux, le pounti cantalien, le petit salé aux lentilles du Puy. Le côté fruité de cette cuvée Prestige souligne les pieds de porc, s’ils sont enrichis par une truffade ou un aligot.

Je préfère accompagner les excellents fromages auvergnats par un vin blanc (Le Cardiologue n ° 445), mais ils ne se déplairont cependant pas en la compagnie de ce rouge : saint-nectaire, gaperon et aussi cantal, salers ou laguiole, s’ils sont jeunes.

Je laisserai David Pélissier conclure : « Être vigneron, c’est avant tout une passion. J’ai eu la chance de naître avec un père et un grand-père vignerons aux valeurs bien ancrées et je tente d’être tous les jours à la hauteur de ce qu’ils m’ont appris dans le respect du terroir et avec l’ambition de produire des vins qui sauront vous donner du plaisir ».

David Pelissier
63340 Boudes

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© David Pelissier




Riesling « En paradis » 2021

Du Riesling sur les contreforts du Massif Central ? Incroyable mais vrai ! Romain Paire fit le pari un peu fou d’en planter en Côtes Roannaises près des sources de la Loire.

Le domaine des Pothiers, situé sur la commune de Villemontais dans la partie sud de l’appellation, est exploité depuis des siècles, d’abord consacré à l’élevage bovin, puis de plus en plus orienté vers la viticulture. En 1916, après le décès au combat de

Blaise Pothier, le domaine est repris par sa sœur et son mari, Claude Paire. En 1949,
Benoît Paire, leur fils, hérite de l’exploitation, qui ne compte plus que deux hectares de vignes et vit principalement de l’élevage, commence à le moderniser. Le petit-fils, Romain, reprend l’exploitation en 2005. Les plantations s’étendent, le cuvage est amélioré et il se tourne vers la culture biologique, puis biodynamique. Aujourd’hui, le domaine qui compte une dizaine d’ha de vignes, est devenu principalement viticole, même s’il conserve un petit élevage de vaches limousines.

Roanne était surtout connue pour sa production textile et le célèbre restaurant des frères Troisgros qui, dès 1978, avait mis en lumière les vins de la Côte Roannaise qui ne décrochent que tardivement leur AOC en 1994, et ce pour une seule appellation, le rouge du gamay Saint-Romain (c’est pourquoi les blancs sont classés en IGP : indication géographique protégée).

Située entre les monts de la Madeleine et la Loire, la Côte Roannaise s’appuie sur ces monts qui la protègent des vents d’ouest et limitent les gelées printanières en constituant un des contreforts du Massif Central. Le climat est continental fait d’hivers froids et d’étés chauds. Le vignoble de 200 ha au total est implanté sur des coteaux, dont l’altitude varie entre 350 et 600 mètres. Les sols sont granitiques, fort favorables au gamay.

Cultivées en biodynamie

Les vignes du domaine des Pothiers, plantées à une densité de 5 000 pieds/ha, sont cultivées en biodynamie. L’utilisation d’engrais verts (bouse et silice de corne, achillée, prêle, consoude) alterne avec le travail du sol qui est labouré sous les ceps, afin de favoriser un enracinement en profondeur. La fertilisation se fait uniquement avec du compost issu de leur élevage. La taille courte alliée aux travaux en vert (ébourgeonnage, effeuillage, palissage) permettent une maîtrise des rendements et une aération optimale des grappes, pour obtenir une maturité élevée, et ainsi une remarquable qualité du raisin. Toute la récolte est vendangée manuellement, ce qui permet d’affiner le tri et de vinifier des raisins irréprochables.

La vinification est la plus naturelle possible. Les vendanges sont encuvées, égrappées ou non suivant les cuvées. La fermentation commence grâce aux levures indigènes du raisin. L’extraction se fait en douceur. Pour le Riesling, l’élevage en cuve béton s’étend sur 11 mois.

Les sols granitiques conviennent à merveille aux cuvées rouges de gamay Saint-Romain de Romain Paire, références et fers de lance de l’AOC Côtes Roannaises. Mais ce vigneron excelle également dans les blancs. Les parcelles les plus argileuses sont consacrées au chardonnay et les plus granitiques au pinot gris, et surtout au riesling (espèce d’OVNI dans l’appellation) qui ne représente que 15 % de l’encépagement en blanc du domaine.

Le riesling « En Paradis » 2021 du domaine des Pothiers, paré d’une robe cristalline, brillante, jaune paille avec des nuances vertes, exhale, malgré sa jeunesse, des senteurs de fleurs blanches : acacia, iris, de fruits : citron frais, zeste de pamplemousse, ananas. Élégant et raffiné, de texture à la fois séveuse et miellée, il se prolonge sur une finale savoureuse légèrement sucrée qui, compte-tenu d’une certaine acidité, est à peine perceptible. Malgré le terroir granitique et le cépage, la minéralité est peu présente, peut-être en raison de sa jeunesse, et pourrait s’affirmer avec l’âge.

Les accords avec ce riesling « volcanique » et les mets sont difficiles. Je pense d’emblée aux poissons en premier lieu d’eau douce : truite aux amandes et au bleu, sandre, dont la chair délicate et fine, est mise en relief par la propre finesse du vin, omble chevalier et sauce persil. Je proposerai volontiers de marier ce vin avec des préparations légumières : gratin de potimarron, betterave au fromage de chèvre, cake salé aux légumes, et par accord régional de proximité : aligot de l’Aubrac, pounti aux pruneaux. Bien-sûr, les fromages auvergnats : cantal et salers vieillis, saint-nectaire lui feront honneur.

L’audace est récompensée, car l’arrivée du dernier-né du domaine : le riesling en Côtes Roannaises est un réel succès et enrichit incontestablement la gamme déjà bien fournie des cuvées de Romain Paire.

IGP URFÉ.
Romain Paire 42156 Villemontais

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© Domaine des Pothiers




Fleurie La Madone 2018 domaine Chamonard

Tout commence à Villié-Morgon quand, sous l’impulsion de Marcel Lapierre guidé par les écrits de Jules Chauvet, pionnier des vins naturels, 4 mousquetaires : Jean-Paul Thévenet, Guy Breton, Jean Foillard et Jean-Claude Chanudet, dit le Chat, rejoints par Georges Descombes à Brouilly, excédés par la prolifération des vins industriels dans le Beaujolais, décident d’élaborer des vins digestes, authentiques, respectueux du terroir, bref des vins qu’ils avaient tout simplement envie de boire.

Ious pratiquent à peu près de la même façon : travail minutieux du sol, arrêt quasi-total du désherbage chimique, traitements par des produits naturels, absence de soufre, macération carbonique complète, fermentations lentes en refroidissant le raisin, extraction douce, élevage sur lies fines. A l’arrivée : des vins extrêmement soyeux en bouche, un fruité éclatant, une buvabilité incomparable.

Jean-Claude Chanudet, le Chat, fils de vigneron après une première vie dans l’embouteillage, reprend, en 1989, le domaine Chamonard qui appartenait à son beau-père. L’objectif est très clair : faire des vins d’artisan-vigneron, sans intrants chimiques. Dans ce contexte, Jean-Claude commence à produire des vins naturels (encore que le Chat déteste maintenant cette qualification). Sa sensibilité, son bon sens paysan lui permettent de valoriser les vieilles vignes de 60 à 90 ans sur un petit domaine de 4 ha à Morgon et 0,5 ha à Fleurie. La parcelle de Fleurie est plantée sur la colline de la Madone (qui tire son nom de la statue de la vierge au sommet de la chapelle qui surplombe cette colline) sur un terroir de granit rose et de schistes friables. Les vignes sont cultivées en agriculture biologique selon le respect de l’environnement, sans produits chimiques avec un léger labourage du sol, les parcelles légèrement pentues sont plantées dans des sols bien drainés orientés sud et sud-est, de manière à favoriser la maturation du raisin et des conditions sanitaires optimales. La vendange est manuelle (obligatoire dans le Beaujolais).

Fidèle à l’école de Marcel Lapierre, le Chat produit ses vins par macération carbonique complète : la vendange entière non égrappée est placée dans des cuves bétons fermées saturées de CO2 qui augmentent la pression sur les grappes, pour libérer leur jus. Cela favorise, grâce à des levures autochtones, la fermentation alcoolique qui va être progressive et ralentie par le froid. Ce long processus de macération va permettre d’extraire le maximum de couleur et d’arômes. Ensuite, surviennent décuvage et pressurage grâce à un pressoir vertical rincé à l’eau de vie avant chaque presse. La fermentation alcoolique se termine après assemblage des jus de goutte et de presse. Elle est suivie par la fermentation malo-lactique qui assouplit le vin et le rend moins acide. L’élevage en vieux foudres et demi-muids s’étend sur 10 à 12 mois. Le sulfitage est minimal jusqu’à la mise en bouteille qui s’opère sans collage, ni filtration.

Robuste patriarche à l’abondante barbe blanche soyeuse, le Chat n’a rien perdu de son dynamisme , ni de sa vivacité d’esprit, mais a longtemps cru que son domaine ne resterait pas dans la famille. Mais son unique fille, Jeanne, a décidé de s’associer à son père qui peut maintenant envisager une retraite apaisée.

Le plus fin et le plus élégant des crus du Beaujolais

Le Fleurie est considéré comme le plus fin et le plus élégant des crus du Beaujolais et cette cuvée La Madone 2018, parée d’une robe pourpre intense aux reflets violets, ne déroge pas à cette règle. Elle exhale des arômes floraux : iris, violette, pivoine, associés à des senteurs de fruits noirs : mûre, cassis, de griotte, d’épices : poivre blanc, réglisse et d’encens qui envahissent le nez et tapissent le palais. La bouche est dense, ronde, enveloppante. Les tanins soyeux, patinés établissent une structure et un équilibre très harmonieux. En finale, la Madone offre une salinité et une bonne minéralité qui donnent l’impression de goûter le granit affleurant. Ce vin, doté d’une finesse remarquable, n’est pas dénué d’une certaine richesse et d’une franche gourmandise. C’est toute la quintessence du gamay qui est mise en valeur dans cette cuvée.

Comme tous les crus du Beaujolais, ce Fleurie escorte, sans heurt, toutes les cochonnailles : saucissons secs, jambons crus, salés ou persillés, terrines, de même les classiques de la cuisine lyonnaise : tablier de sapeur, pied de porc, sabodet à la vigneronne, gras double. Ce vin permet un accord tout en douceur avec l’andouillette grillée pommes pont-neuf. La finesse de Fleurie ne s’accommode guère des viandes rouges, telles les pièces de bœuf, pour lesquelles on optera pour des vins plus puissants et charpentés, type Morgon vu Côtes du Rhône. Par-contre, le vin se marie très bien avec des viandes blanches fines comme un filet mignon de porc, une côte de veau grillée ou un quasi en cocotte, voire un poulet rôti. Sa fraîcheur et sa faible charge tannique équilibreront le gras d’un reblochon ou d’un vacherin, mais aussi des fromages à pâte dure : comté, gruyère suisse, cheddar anglais. Son côté fruité et onctueux en fait un allié des desserts à base de fruits rouges.

Les convictions de la famille Chanudet sont aussi solides que le granit, sur lequel poussent leurs vignes ; prendre des risques, garder patience, respecter le terroir, pour délivrer toute la force du gamay et produire des vins de caractère, fins, équilibrés, d’une étonnante longévité. Malgré sa qualité, ce vin reste, à l’instar de beaucoup de Beaujolais, à prix doux aux alentours de 25 €.

Jeanne et Jean-Claude Chanudet
Le Clos des Lys – 69910 Villié-Morgon

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© DR




Champagne blanc de noirs Drappier

Je viens de me découvrir un point commun avec le général De Gaulle : comme lui (avec un retard certain), je suis séduit par les cuvées de pinot noir du champagne Drappier. Cette maison se consacre à la production du vin effervescent depuis 1808.

Implantée à Urville, village du nord de la Côte des Bars dans l’Aube distant d’à peine 20 km de Colombey-les-2-Eglises, la maison Drappier exploite presque 100 ha, dont 55 ha en propriété, la plus grande partie (70 %) en pinot noir, car ses terroirs calcaires du Jurassique Kimméridgien s’expriment avec une pureté unique dans ces champagnes. Drappier, avec le statut de négociant manipulateur, atteint une production de 1,6 millions de bouteilles/an.

Le « père pinot »

Au début des années 1930, Georges Collot, grand-père maternel de Michel Drappier, décide le premier de planter du pinot noir dans la région, ce qui lui valut le surnom de « Père Pinot» . Depuis 1979, Michel, succédant à son père André, maîtrise les vinifications et a permis un remarquable bond qualitatif en misant sur les cuvées à base de pinot noir. Le style Drappier est fondé sur des vins colorés, aromatiques, équilibrés d’une rondeur agréable et d’une vinosité terrienne. Les trois enfants de Michel (huitième génération) l’ont rejoint dans l’exploitation.

Un champagne Carbone neutre

Depuis 2016, le domaine Drappier est le premier en champagne à être « carbone neutre » grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques produisant 75 % de l’électricité nécessaire, l’utilisation de véhicules électriques, le recyclage des matériaux de la bouteille aux pupitres, et surtout à l’agriculture : aucun désherbant, ni insecticide, labourage du sol avec des chevaux, enherbement maîtrisé, biodiversité poussée, culture bio certifiée sur 27 ha.

Les vendanges sont manuelles, les raisins, selon la classique méthode champenoise, sont pressés lentement, seule la première presse est utilisée. La fermentation, dans des cuves thermorégulées, nécessite des levures majoritairement choisies et élevées au domaine. L’élevage avec soutirages est effectué dans des fûts ou des foudres de chêne et quelques dames-jeannes. La mise en bouteille se fait sans collage, ni filtration pour la prise de mousse par ajout de la liqueur de tirage vieillie pendant plus de 15 ans. Cette seconde fermentation à basse température est particulièrement lente, pour générer une effervescence  fine et subtile. 

L’élevage sur lattes, dans de magnifiques galeries souterraines datant du XIIe siècle creusées par les moines cisterciens, dure 36 mois, un remuage manuel sur pupitres en bois assure au vin sa limpidité en éliminant les impuretés formées durant la prise de mousse. Il est ensuite nécessaire d’évacuer le dépôt qui s’est accumulé dans le goulot par un dégorgement à la volée. La remise à niveau se fait sans liqueur d’expédition pour le blanc de noirs, brut nature qui n’est pas dosé. L’utilisation de soufre est minimal (mois de 30 mg/l), les plus faibles de toute la Champagne, ce qui procure au vin des couleurs plus naturelles et des arômes plus épanouis.

un pétillement brillant

Habillé d’une robe or cuivrée tirant sur l’orange, ce blanc de noirs Drappier non dosé, non millésimé offre le spectacle d’un pétillement brillant et scintillant de fines bulles formant une mousse crémeuse. Le nez capte d’agréables parfums de fruits rouges : framboise, fraise des bois, d’agrumes : citron, pamplemousse, de coing frais, de noisette, un bouquet d’herbes aromatiques et une finale épicée. En bouche, il est vineux et ample, mature et équilibré. Une certaine droiture prend la relève d’une touche presque moelleuse. Voila un champagne fin, tendu, d’une grande pureté, avec une belle persistance au palais.

Ce champagne est un merveilleux vin d’apéritif, surtout si on l’accompagne de rillettes de thon ou colin, de saumon fumé avec crème fraîche et aneth, de sashimis. Ses arômes de fruits rouges propres au pinot noir lui permettent de s’épanouir le mieux avec une belle viande blanche plutôt qu’avec des poissons : carpaccio de veau huile d’olive et truffe blanche, médaillon de veau en grenadin sauce foie gras, selle de veau Prince Orloff, croustillant de riz au curry. Une fricassée de volaille crémée et truffée, un poulet de Bresse à la crème et morilles épouseront avec grâce ce champagne. Évitez en fin de repas de l’abîmer en lui présentant un dessert sucré, mais accompagnez vos fromages à croûte fleurie : coulommiers, brie, camembert par ce vin effervescent plutôt qu’avec un rouge qui serait déshabillé.

Oui mon Général, vous ne vous êtes pas trompé en adoptant pour vos réceptions à la Boisserie, le champagne Drappier, car cette maison familiale réalise un travail épatant et ses vins n’en finissent pas de conquérir le monde : 70 % des ventes à l’export dans 97 pays. 

Des flacons de cette qualité sont des remèdes à la morosité, ce dont nous avons bien besoin par les temps actuels.

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André et Michel Drappier
10200 Urville

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© Southtownboy




Domaine Plageoles – Gaillac Prunelart 2017

C’est l’histoire d’une tribu poursuivant la même obsession : faire revivre à Gaillac les crus ancestraux. Tout débute milieu du XIXe siècle, lorsque Jules Plageoles commence à acheter des lopins de terre, pour planter de la vigne. Depuis 1970, Marcel, suivi de Robert, puis de Bernard ont été les pionniers de la défense des cépages oubliés et des techniques de vinification historiques.

La relève est maintenant assurée par les fils de Bernard : Florent et Romain (7e génération) qui défendent corps et âme les douze variétés de leur vignoble, dont le quatuor des Mauzac (vert, roux, rose, noir), l’ondenc, le duras, le délicieux prunelart, le rarissime verdanel. Hors des modes et des sentiers battus, alors que la plupart des viticulteurs privilégiaient les cépages internationaux, le domaine Plageoles continue de produire avec exigence des vins presque exclusivement en monocépages dotés de fortes personnalités dans une gamme de cuvées irréprochables de pureté et de droiture.

Le phylloxéra n’a fait qu’effleurer le vignoble gaillacois protégé par ses profonds sols argilocalcaires : ce qui explique la survie de ces cépages ancestraux.

Une méthode basée sur la nutrition des plantes

Toutes les plantations du domaine de 30 ha sont effectuées après une sélection massale rigoureuse (aucun clone). Les vignes sont travaillées selon les principes respectueux du terroir et selon des techniques de culture naturelles : pas de produits de synthèse, pas d’engrais chimiques, ni de désherbants, pas de levures sèches, ni de chaptalisation. Depuis plus de 20 ans, est appliquée la méthode « Cousinié » basée sur la nutrition des plantes : apports d’oligo-éléments, soit foliaires, soit dans le sol par engrais organiques. 

Toutes les vignes sont conduites en taille Gobelet non palissées, très adaptées aux conditions climatiques actuelles de réchauffement. Elles sont traitées par de faibles doses de soufre et de cuivre limitées grâce à des tisanes de prêle, de reine des prés, de consoude. Le domaine est certifié bio depuis 2010. Soulignons également l’importance du vent d’autan qui balaye et assainit la vigne.

Les vendanges sont manuelles en petites cagettes. La vinification des raisins rouges, notamment du prunelart, totalement égrappés, est précédée d’un pressurage, puis d’une macération précarbonique à froid. La fermentation en cuve béton, grâce à des levures indigènes, est courte de 10 à 15 jours en fonction de la vitesse de fermentation et du millésime avec 1 à 2 pigeages journaliers limitant les extractions. L’élevage en cuve ciment dure un an suivi d’un an encore en bouteille, dont la mise se fait le plus souvent sans filtration avec un sulfitage minimal. Il faut souligner que le prunelart, comme beaucoup de cuvées rouges des Plageoles, ne connaît pas le bois.

Un vieux cépage retrouvé

Le prunelart, très vieux cépage parent du malbec, avait quasi-disparu avant que Robert Plageoles n’en retrouve quelques pieds en 1993 chez un ami vigneron qui allait les arracher. Grâce à ses connaissances ampélographiques et une étude menée avec l’INRA, il a décidé de le replanter, pour le vinifier, choix particulièrement judicieux, puisque ce cépage donne, à son meilleur, des vins intenses en couleur remplis de saveurs bien mûres, « un vin au charme fou » selon les œnologues.

Ce prunelart 2017 du domaine Plageoles, illuminé d’une robe rubis scintillante aux nuances violines, tout en délicatesse et en précision, dévoile au nez des senteurs de fruits rouges (confiture de cerise) et noirs (mûre écrasée), de prune fraîche que viennent compléter des touches de réglisse, de graines de sarrasin, d’épices : poivre blanc. Riche, vive, salivante, la bouche ressent un beau jus frais et suave avec beaucoup de matière, mais des tanins souples plus intenses que denses avec des flaveurs d’eucalyptus et de menthol (parenté avec le malbec ?). La finale minérale et saline exacerbe cette sensation de tension et de pureté.

La richesse gustative de ce prunelart permet de nombreux mariages avec, en premier lieu, les produits carnés, telle une belle viande rouge maturée de bœuf juste saisie ou mijotée en sauce. 

Des accords régionaux privilégiés

Mais très logiquement les accords régionaux seront privilégiés, la cuisine du sud-ouest utilisant le piment d’Espelette appréciera le caractère épicé du vin : la côte de  cochon noir de Bigorre dorée au ras-el-hanout, l’agneau de lait des Pyrénées et pignons de pin, le mignon de porc et sa compotée de fruits d’automne, le pigeon farci aux olives, et à l’évidence les magrets de canard et tous les confits, qu’ils soient d’oie, de canard, de volaille ou de porc. 

Gardons un verre, pour déguster les fromages du sud-ouest qui, étonnamment, ne se déplaisent pas en la compagnie de ce vin rouge voisin : Cabécou, Rocamadour, Ossau-iraty, abbaye de Belloc, tomme des Gavachs ou des monts de Lacaune.

Ami Gaillacois qu’attendez-vous, pour ériger un monument à la gloire de la tribu Plageoles qui a réussi à faire sortir de l’anonymat votre région en marquant de son empreinte l’histoire récente du vin à Gaillac tout en restant particulièrement sage sur leurs prix malgré leur renommée croissante ?!

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Domaine Plageoles
81140 Cahuzac-sur-Vere

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Château de Monthelie – Domaine Eric de Suremain

Monthelie la discrète, telle pourrait-on la nommer tellement cette appelation est ignorée du grand public. Entre Pommard et Meursault, cette appellation de 130 hectares bien exposées sud est au même niveau géologique que ses célèbres voisins. Et pourtant, sa discrétion est due à son poids historique qu’elle porte depuis un siècle.

Dans les années 1930, les vins de Monthelie étaient vendus au négoce qui les écoulait selon le millésime en Volnay ou Pommard… ce qui a eu pour effet par la suite à une renommée quasi-inexistante malgré une qualité et un prix plutôt attractif pour la région…

C’est en 1903 qu’Albert de Suremain hérite du Château de Monthelie. Son fils, Robert, s’y installe en 1930 avec son épouse Germaine et exploite les vignobles de Monthelie et de Rully (propriété de sa femme).

En 1956, c’est au tour de Bernard, l’un des quatre enfants de Robert, de s’y installer et d’exploiter le domaine. Il est rejoint par son fils Eric en 1978 qui commence, après des études au lycée viticole de Beaune et six mois passés aux Etats-Unis, comme métayer, avant d’en prendre la gestion en 1983 avec sa femme Dominique. Et depuis 2019, C’est au tour de Gwendoline, leur fille, de les rejoindre dans cette belle aventure.

L’EXPLOITATION

De nos jours, le domaine Eric de Suremain exploite 5,7 ha sur Monthelie et 5 ha sur Rully. Les cépages sont ceux de la tradition bourguignonne avec le pinot noir qui est particulièrement adapté au climat et aux terroirs qui exprime ici toute sa dimension dans les vins rouges. Il apprécie les sols profonds, mais reste fragile et sensible au mildiou et à l’oïdium.

Quant au Chardonnay, ce cépage originaire de Bourgogne, prend ici toute sa dimension dans les vins blancs. Robuste malgré sa vulnérabilité au gel, il préfère les sols calcaires peu fertiles.

LA PHILOSOPHIE DE LA CULTURE

Depuis 1996, Eric de Suremain cultive sa vigne selon la charte de l’agriculture biologique et certifiée en 2003, une volonté farouche de ne pas utiliser de produits chimiques de synthèse et de favoriser ainsi la biodiversité et la revitalisation des sols afin de respecter des terroirs et élaborer ainsi des vins de grande qualité.

Puis la « biodynamique attitude » est apparue. Le maître des lieux la compare à un chef d’orchestre. C’est elle qui donne le ton, l’impulsion, l’harmonie entre le sol, la plante et l’homme. Elle agit en parfaite concertation dans le sens même de la nature. Pour Eric, la biodynamie est l’essence même de la terre. De par ses principes, précise-t-il, « nous avons appris à nous adapter à la plante, au terroir, au climat. Nous observons le sol et la plante pour mieux agir. »

« Chacune de nos interventions biodynamiques favorise la racine, la feuille, la fleur ou le fruit » en y apportant des préparats d’origines animales (compost de bouse et bouse de corne), végétales (ortie, valériane, camomille, pissenlit, écorce de chêne, achillée mille feuilles) et minérales (silice).

Et puis il y a l’écopâturage afin de préserver les vieux ceps de 102 ans et participer à la protection de la biodiversité.

La tonte naturelle est effectuée par dix ovins permettent d’entretenir l’enherbement de la parcelle le plus respectueusement possible, de diminuer un peu plus les passages mécanisés, et de venir à bout des mauvaises ronces tenaces.

Enfin, le calendrier lunaire donne ensuite les éléments nécessaires quant aux moments propices pour intervenir quant à la taille, les mises en bouteilles ou toutes interventions sur le vin ou les vendanges.

LES VINS 2019

Monthelie

Une belle intensité colorante avec un rubis profond. Un nez agréable, friand sur des notes de fruits mûrs. Une belle entrée de bouche, des tanins élégants et fondus. Puis une légère amertume donne à ce vin tout son équilibre et lui confère du mordant, du croquant et de la gourmandise. Une finale tout en finesse. Parfait à boire dès à présent.

LES MONTHELIE 1er CRU

Indéfiniment

La robe se profile sur un rouge pourpre, très intense. Un premier nez discret, sur des notes de groseilles, bourgeons de cassis. Après une légère aération, des notes de griottes apparaîssent révélant élégance et puissance. À la dégustation, la présence tannique est franche, agréable ce qui donne de l’ossature à ce vin. Un grand vin plein de promesse. À garder.

Le clou des chênes

Une robe magnifique, intense. Le premier nez demande une petite aération qui divulguera des arômes de fruits rouges, noyaux de cerises. En bouche, les tanins sont présents mais fondus ce qui offrent une belle longueur tout en délicatesse. La sucrosité donne une finale très agréable et un joli gras. Un vin qui demande à s’ouvrir. Très beau potentiel de garde.

Sur la Velle

Dans la continuité de la typicité de ce millésime, sa robe est soutenue, profonde. Un nez élégant, intense sur les fruits noirs. Une belle entrée en bouche et une longueur toute en délicatesse avec des tanins fondus, élégants et bien intégrés. Un volume de vin intense avec un bel équilibre. Beau potentiel de garde, très prometteur.

Pascal Wolff



Domaine Eric de Suremain – Château de Monthelie
14 grande rue 21190 Monthelie – Tél.: 03 80 21 23 32


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© Phovoir





Côtes d’Auxerre blanc Gondole 2018

Les Côtes d’Auxerre petit parent pauvre de la Bourgogne ? Certainement non ! Si, après avoir été au XIXe siècle l’un des principaux fournisseurs vinicoles de la capitale, le vignoble faillit disparaître après les ravages du phylloxéra et surtout les terribles gelées de 1957, puis de 1961, il renaquit grâce à une poignée de vignerons talentueux, dont Jean-Hugues Goisot fût le fer de lance, pour que le vignoble retrouve ses lettres de noblesse grâce à ses blancs de chardonnay qui possèdent une typicité et une qualité toutes particulières.

Le domaine familial Goisot, dont les premières traces datent du XIXe siècle, situé au cœur de la Bourgogne septentrionale, fut transmis en 1979 par Marie-Claude, elle-même petite-fille de vignerons, à ses enfants Jean-Hugues et Ghislaine qui très vite comprirent la nécessité de travailler différemment. En effet, quand Jean-Hugues prend les rennes du domaine, malgré le soin que ses parents prenaient de leurs vignes, les vins n’étaient pas, loin s’en faut, au niveau de ceux d’aujourd’hui, et il décide de remettre en cause beaucoup de choses.

Le travail commence par le remplacement des cépages peu qualitatifs, comme le sacy ou le gamay, par du chardonnay, du fié-gris (variété locale de sauvignon) et du pinot noir. Les nouvelles plantations auront une forte densité de 10 000 pieds/ha pour, afin de freiner leur vigueur, augmenter la concurrence entre les ceps les obligeant à chercher plus profondément leurs nutriments. Les baies sont plus petites, mais de meilleure maturité, et les vins plus minéraux. Le travail des sols et la suppression des produits phytosanitaires amènent tout naturellement le mode cultural biologique certifié en 2001.

Des ébourgeonnages sévères permettent de limiter la production de raisins, de minorer l’entassement de la végétation. L’effeuillage côté soleil levant garantit la qualité du raisin. Si un traitement s’impose, des produits naturels (poudres de roches, décoctions de plantes) sont utilisés. Pour stimuler la vie des sols, un épandage d’humus sur certaines parcelles, sans jamais d’engrais, est effectué.

UNE CULTURE EN BIODYNAMIE

En 2005, le fils Guilhem et son épouse Marie intègrent le domaine qui obtient la certification en biodynamie. Actuellement, l’exploitation de 30 ha s’étend sur les communes de Saint-Bris, Irancy et Chablis. Le vin qui nous intéresse, Gondonne, par Chardonnay est le plus structuré et épicé des cuvées parcellaires du domaine Goisot. Sur un sol du Jurassique supérieur étage kimméridgien, où alternent calcaires et marnes bleues, cette parcelle de 1,2 ha est plantée de vignes de chardonnay de plus de 40 ans. Comme l’ensemble du vignoble, elle est cultivée en biodynamie.

Fin septembre, les vendanges manuelles sont décidées en fonction de la maturité et du goût des raisins. Les grappes sont sévèrement triées, puis totalement éraflées. Le pressurage pneumatique est très lent, la fermentation alcoolique par levurage indigène est longue à une température de 25 ° dans sa première partie, pour bien garder la spécificité du terroir, suivie par la fermentation malolactique et d’un élevage sur lies fines. Vinification et élevage se déroulent en fûts de chêne de haute futaie. Le soufrage est réduit massivement.

Il faut souligner que la vinification est la plus naturelle possible avec le minimum d’interventions, les Goisot étant convaincus que le vin se fait avant tout à la vigne, afin de privilégier la typicité de chaque vin, son originalité, sa tonalité minérale.

AU NIVEAU DES GRANDS CRUS DE CHABLIS

Cette Gondonne 2018, habillée d’une robe jaune vif pailletée d’or, déploie au nez une intensité aromatique complexe de fleurs blanches : acacia, chèvrefeuille, de fruits jaunes bien mûrs : pêche, poire, ananas, d’agrumes type bergamote, des senteurs de zan, de cannelle, d’épices : muscade, poivre blanc. La richesse soyeuse de sa texture concourt à un équilibre remarquable tenu par une acidité impeccable qui jamais ne heurte mais trace le chemin à une bouche riche, ample, onctueuse qui offre des notes de grillé et de pépins de citron. Quant à sa longue finale savoureuse, elle se montre élégante et éclatante.

Ainsi, cette cuvée Gondonne, grâce à sa minéralité prégnante, se trouve, quoique différente, au niveau des grands crus de Chablis. Les chardonnays des Côtes d’Auxerre ont en commun avec les chablis voisins une acidité naturelle, si bien qu’après quelques années de garde, la Gondonne accompagne à merveille les poissons nobles de mer : filets de sole au beurre citronné, turbot sauce mousseuse, Saint-Pierre en croûte de laurier. Il est aussi judicieux de l’associer aux poissons d’eau douce comme la truite aux amandes, le filet de perche meunière et la quenelle de brochet sauce Nantua.

Les viandes blanches peuvent également être flattées par ce vin : blanquette de veau, volaille de bresse à la crème et aux champignons. Si vous êtes impatient de déguster plus jeune ce flacon, le registre bourguignon lui conviendra pleinement : jambon persillé, andouillette vin blanc, gratin de cardons, escargots au beurre aillé. Les fromages peu relevés, type Mont d’Or ou Beaufort d’été, s’harmoniseront parfaitement avec ce vin.

Ecoutons la tribu Goisot : « Depuis de nombreuses années, nous travaillons les vignes dans le respect des appellations, des consommateurs, des personnes qui travaillent pour le domaine et bien-sûr l’environnement avec un savoir-faire qui associe tradition et modernisme. Nous sommes fiers de produire un vin authentique, sain pour l’homme et la nature » et j’ajouterai… pour le porte-monnaie, car les tarifs de Gondonne (moins de 25 e) sont sans commune mesure avec ceux de Chablis

J. Helen


Domaine Guilhem et Jean-Hugues Goisot
89530 Saint-Bris-le-Vineux


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© Phovoir




Château Pedesclaux 2014 Grand cru classé

Au château Pédesclaux, il y a un avant et un après l’année 2009. Avant, ce 5e grand cru de Pauillac connaissait un long et profond déclin par manque d’ambition et de moyens financiers des propriétaires, à tel point que le célèbre critique Robert Parker écrivait en 1999 : « les Pédesclaux ne m’ont jamais impressionné du fait de leur manque de profondeur et de leur caractère excessivement tannique ». 2009, c’est le début d’une résurrection avec l’arrivée de Jacky Lorenzetti, ex-propriétaire du groupe Foncia, dont la vente va lui permettre sa deuxième vie d’homme d’affaires : rachat du club de rugby du Racing rapidement propulsé en 1ère division, construction du magnifique stade couvert utilisé aussi comme salle de spectacle, le Paris Défense Aréna.

Diplômé d’une école hôtelière, époux d’une fille de viticulteur, amateur des grands crus médocains, c’est fort logiquement qu’il se lance dans l’industrie du vin par l’acquisition de plusieurs propriétés (Lilian Ladouys, 50 % d’Issan), dont le point d’orgue sera le moribond Pédesclaux. Tout ou presque doit être remis à plat. Il s’entoure d’une équipe hautement compétente dirigée par Emmanuel Cruse (son partenaire à Issan) et Vincent Bache-Gabrielsen, conseillée par l’œnologue Eric Boissenot. Une superbe parcelle (Château Behéré) au cœur de Pauillac est acquise et intégrée au vignoble qui passe de 26 ha à 48 ha actuellement.

UNE PROFONDE RESTRUCTURATION

Le vignoble fait l’objet d’une restructuration profonde : étude des sols, remplacement des ceps abîmés par des sélections massales, pratiques culturales respectueuses de l’environnement. En parallèle, les Lorenzetti confient à l’architecte Jean-Michel Wilmotte, la conception de nouvelles installations techniques, ainsi que la rénovation du château avec, pour ambition, d’en faire une œuvre d’art et un outil au service de l’excellence du vin. En 2014, sort de terre un nouveau chai 100 % gravitaire composé de cuves inox tronconiques à double étage, doté d’installation à la pointe de la technologie. Le château enchassé dans un écrin de verre s’organise autour d’un élément central qui abrite un cuvier transparent et le chai. Spectaculaire, le bâtiment séduit par la pureté et la modernité de ses lignes. Les matériaux nobles : le verre, l’acier et le bois ont été privilégiés. Le vignoble sis au cœur des terroirs d’excellence dominant Pauillac, dont les prestigieux voisins s’appellent Lafitte, Mouton-Rothschild, Pontet-Canet, est réparti sur un plateau de graves profondes sur socles calcaire et argileux en mosaïque. Les pratiques culturales minutieuses : taille des vignes en fenêtre, épamprage, effeuillage raisonné, vendanges vertes si nécessaire, favorisent une bonne répartition et une bonne aération des raisins. La sollicitation de la vie microbiologique par la mycorhization, la mise en place de compost ou d’engrais verts, l’alternance sols travaillés/sols enherbés participent à la qualité de la viticulture. Pour le millésime 2014, marquant la première utilisation du tout nouveau chai gravitaire, les vendanges guidées par les études de maturité débutèrent le 30 septembre. Les raisins ramassés manuellement et sélectivement en petites cagettes sont refroidis pour une macération préfermentaire, avant d’être acheminés par ascenseur jusqu’aux tables pour un tri sur grappe, puis sur baies. Les raisins posés sur des cuvons roulants sont acheminés dans les cuves inox, thermo-régulées, encuvées par gravité, sans foulage. L’élevage s’étend sur 16 mois en barrique (60 % neuves, 40 % de 1 vin). L’extraction est douce avec délestages et pigeages. Avant la mise en bouteilles, collage au blanc d’œuf.

UN ÉQUILIBRE REMARQUABLE

Ce millésime 2014 du château Pédesclaux, le meilleur produit jusqu’alors (mais les millésimes récents vont encore le surpasser), profita d’excellentes conditions climatiques et en particulier un été indien doux et très ensoleillé. Cette cuvée assemblant 53 % de cabernet sauvignon et 47 % de merlot, arbore une robe grenat intense, profonde aux notes violines qui introduit une vaste gamme aromatique de crème de cassis, de mûre écrasée, de noix de muscade, de café torréfié, accompagnée par un bouquet de cèdre et de boîte à cigares. L’attaque en bouche est grasse, gourmande, ample, les tanins soyeux sont bien mûrs et présentent un grain d’une grande finesse qui se conclut sur des notes de caramel au lait et de cacao soulignant sa longue finale. Le remarquable équilibre, la montée en puissance, l’escalade des curseurs signent un grand Pauillac.

Les Pauillac, comme je l’ai déjà souligné (Le Cardiologue n ° 320) sont les vins de l’agneau, de préférence du même terroir : selle entourée d’une croûte de chapelure qui exalte encore mieux le vin, accompagnée de pommes boulangères, gigot de 7 heures aux fèves, épaule, voire d’un plat mijoté tel un navarin. La viande de bœuf l’apprécie également fort, que ce soit un filet sauce bordelaise avec gratin dauphinois ou une côte bien épaisse cuite au four avec un plat de macaroni. De magnifiques accords entre ce vin fin et généreux peuvent être réalisés avec les gibiers à plume : colvert, poule faisane, perdreau, grouse pour les chanceux qui peuvent y accéder.

UNE RECONVERSION EN BIO

Actuellement, le château Pédesclaux relève un nouveau défit, celui du passage de l’ensemble du vignoble en agriculture biologique. Mais nous pouvons faire confiance à Jacky Lorenzetti et à sa dynamique équipe, pour mener à bien cette reconversion, comme ils l’ont fait jusque là en ressuscitant ce vin, pour lui permettre de devenir un des fleurons de Pauillac. Dernier point, mais pas le moindre : le château Pédesclaux affiche un rapport qualité/prix affriolant (moins de 50 euros) !

J. Helen

Jacky et Francoise Lorenzetti
33250 Pauillac

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Vin des Palhàs Felines 2019 – Vin de pays du Comté Tolosan

Savez-vous que l’Auvergne fut l’une des premières régions viticoles de France à la fin du XIXe siècle quand les vignobles du Bordelais et du Languedoc étaient dévastés par le phylloxéra ? Las ! les cultures cantaliennes allaient être détruites vingt ans plus tard par l’insecte ravageur et ne furent quasi jamais replantées, car à cette époque (guerre de 1914), la région manquait cruellement de bras. Ainsi, le vignoble auvergnat s’effondra passant de 40 000 ha à 1 000 actuellement, limité aux petites AOC : Côtes d’Auvergne (420 ha) dans le Puy-de-Dôme et Saint-Pourçain dans l’Allier.

Depuis une vingtaine d’années, des initiatives locales tentent de ressusciter la viticulture arverne. C’est ainsi que la communauté de communes du pays de Massiac (Cantal) décida, dans les années 2000, de relancer le tourisme grâce à l’ancestrale culture de la vigne en palhàs (murets et terrasses en pierre sèche à plus de 600 m d’altitude). Le travail de réhabilitation fut entrepris : débroussaillage, dessouchage, remontage des murets et des escaliers d’accès, ce qui permit de restaurer quelque 3,5 ha sur les hauteurs de Molompize. Le spectacle est saisissant : les palhàs épousent parfaitement le relief sur des pentes particulièrement escarpées de 120 m.

Suite à l’appel d’offres de la COM-COM, Gilles Monier, géologue de formation qui avait repris la pomiculture familiale à Massiac, releva ce pari fou de faire renaître le vignoble oublié, car comme il le souligne : « Je n’avais aucune formation dans la culture et l’élevage du vin, j’ai appris en faisant… » aidé, il faut le dire, par un technicien et un œnologue de la chambre d’agriculture. Judicieusement il choisit de planter des cépages bien adaptés au terroir : gamay et pinot noir pour le rouge, chardonnay pour le blanc. Très vite rejoint dans l’aventure par Stephan Elzière, puis actuellement 2 autres producteurs, les vignerons de Massiac exploitent plus de 6 ha et sortent 10 à 14 000 bouteilles/an.

Malgré leur relief abrupt, complexifiant le travail, les palhàs de Molompize sur des coteaux ensoleillés bordant l’Alagnon, affluent de l’Allier, sont nées sous une bonne étoile, orientées plein sud, elles bénéficient d’influences montagnardes, mais aussi méditerranéennes et profitent des murets, pour capter un supplément de chaleur. Les ceps sont plantés sur des schistes et des gneiss, donnant un sol légèrement filtrant, qui apportent de la minéralité aux cuvées. La rudesse du climat entraîne une maturation lente. C’est un vin d’altitude (650 à 730 m), où les vendanges ont lieu mi ou fin octobre. Le raisin subit des écarts de température durant septembre et octobre impulsant la fraîcheur et la longueur aux arômes du vin.

Gilles Monier sur ses 2,5 ha à Molompize (plus 1,5 ha sur Massiac) travaille en viticulture raisonnée évitant les intrants chimiques en dehors du cuivre et du soufre à doses minimales. Les vignes sont taillées en guyot simple, tout produit phytosanitaire est proscrit. Les vendanges manuelles, triées sur place, sont transportées par de petites caissettes dans le vieux Massiac vers la cave héritée du grand-père, fort éloignée de la conception moderne…

VINIFIÉS À LA BOURGUIGNONNE

Les vins blancs sont vinifiés à la bourguignonne : raisins pressés, jus débourbés, fermentation après levurage dans des barriques neuves ou de 1 à 2 vins, bâtonnage pendant 6 mois pour remonter les lies, puis repos pour la malo-lactique de mai jusqu’à l’automne. Le soutirage a lieu au bout d’un an après une clarification par bentonite. La mise en bouteille sans filtration est effectuée à l’ancienne par gravité dans la petite cave vétuste.

L’administration pousse la loufoquerie jusqu’à jumeler le Cantal et la Haute-Garonne, puisque les vins de Palhàs reçoivent l’appellation « vin du pays du Comté Tolosan ».

Habillée d’une robe jaune pale limpide et brillante, cette cuvée Féline 2019 blanc des Palhàs, 100 % chardonnay exprime une typicité et des arômes singuliers associant une grande fraîcheur, une minéralité propres aux vignobles septentrionaux de montagne et des fruits mûrs plutôt méridionaux. Des senteurs de fruits à chair blanche : poire, pomme au four, écorces de pomelo, de fleurs blanches : tilleul, acacia jaillissent du verre, puis viennent la pâte d’amande, le pralin, une pointe de truffe. Gras, dense, ample, il régale le palais d’une sensation de brioche beurrée typique du chardonnay. Des amers minéraux et traçants, propulsés en vague saline sur une belle longueur, apportent la fraîcheur indispensable. Ce vin est remarquable d’équilibre et de maîtrise, mais dans la discrétion sans esbroufe.

Cette cuvé Féline 2019 se révèle remarquablement adaptée pour la grande gastronomie, mais aussi appètent vers la cuisine auvergnate. J’ai découvert ce vin au restaurant doublement étoilé de Serge Vieira à Chaudes-Aigues, et force me fut de reconnaître que les plats succulents du chef étaient magnifiquement accompagnés par cette cuvée : berlingots de gelée de tourteau à l’huile de géranium, omble chevalier comme un gravelax, filets de rouget lustré au beurre safrané, cèpes de la Margeride caramélisés au citron confit. Mais des plats plus modestes se marieront savoureusement avec cette Féline, poissons : truite aux amandes, crustacés : gambas à la diable, cassolette d’écrevisses, viandes blanches : sauté de porc aux pommes boulangères. 

Ce vin accompagnera logiquement les plats traditionnels auvergnats : chou farci, lou pounti (quiche de porc à la blette), petit salé aux lentilles, aligot truffé, gratin de crozets aux cèpes et cantal. N’omettez pas de garder un verre de ce chardonnay pour les savoureux fromages locaux : cantal et salers vieillis, saint-nectaire.

A l’image des habitants, les vins de Gilles Monier sont typiques de l’Auvergne : peu expansifs, mais chaleureux une fois apprivoisés, beaucoup plus complexes que ne le laisserait entendre ce terroir si longtemps délaissé. Il faut vraiment féliciter le viticulteur qui, avec trois autres courageux permet la renaissance des vins de Palhàs.

Vin du pays du Comte Tolosan
Gilles Monier – 15500 Massiac

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération




Alsace Pinot noir 2018 Clos Saint-Landelin

Les rares et modestes bénéficiaires du réchauffement climatique se trouvent dans les vignobles français les plus septentrionaux, où les vins, grâce à un ensoleillement et des températures beaucoup plus favorables, profitent de maturités, richesse en sucre et par conséquence en alcool, nettement améliorées.

C’est particulièrement évident pour les pinots noirs alsaciens, dont la qualité, ces dernières années, a fortement progressé. Ceci est également lié à l’émergence d’une jeune génération de viticulteurs qui ont compris les potentialités de ce cépage dans leur région en le cultivant sur les terroirs les mieux adaptés. Actuellement, le pinot noir, seul autorisé pour élaborer du vin rouge, représente 15 % de l’encépagement, mais ne peut revendiquer l’appellation «grand cru».

Lorsqu’au XVIIe siècle, Michel Muré s’installe à Rouffach, au sud de Colmar, pour y cultiver la vigne, il est loin de s’imaginer la belle aventure qu’il préparait à sa descendance. En 1935, Alfred Muré complète la propriété par le très prometteur Clos Saint-Landelin. Aujourd’hui, le domaine Muré s’étend sur 25 ha, et ce sont ses arrières petits-enfants, Véronique et Thomas, 12e génération, qui cultivent les somptueux terroirs, pour produire de grands vins en biodynamie.

Le grand cru Vorbourg exposé sud, sud-est, dont fait partie le Clos Saint-Landelin, est protégé par les deux sommets vosgiens, les Petit et Grand Ballons, qui protègent le cru contre les vents d’ouest porteurs de pluie, favorisent un climat sec et très ensoleillé. Son sol marno-calcaire repose sur du grès du Bajocien et des conglomérats calcaires de l’Oligocène. Il est riche en fer, d’où la couleur rouge ocre du sol. La cuvée pinot noir V (initiale de Vorbourg) ne peut porter le nom du grand cru du fait de la réglementation.

UNE CULTURE BIO DEPUIS 1999

Afin d’exprimer la richesse du terroir, les Muré adoptent la culture bio dès 1999, puis biodynamique depuis 2013. La taille soigneuse des ceps en Guyot, les rendements faibles,
37 hl/ha pour le pinot noir V, renforcent la capacité des raisins à transmettre au vin l’expression du terroir. En complément du travail bio : respect du sol, désherbage mécanique, apport de compost, utilisation limitée du soufre et du cuivre, les préparations biodynamiques cherchent à favoriser la vitalité et la santé de l’écosystème tout en y respectant la biodiversité grâce à des préparations pulvérisées sur le sol (bouse de corne) et sur la vigne (silice de corne) ; des tisanes de plantes médicinales comme les décoctions de prèle ou de camomille renforcent les défenses naturelles des vignes contre les maladies cryptogamiques. Le cycle des planètes rythme ces travaux.

Les vendanges manuelles s’accompagnent du tri direct sur les parcelles des raisins qui sont transportés en cagettes de 20 kg, pour éviter tout tassement. Dans la cave, le travail reste minimaliste. La macération a lieu sur 50 % de grappes entières, la fermentation s’opère grâce aux levures indigènes de la cave, l’ajout de SO2 est restreint le plus possible. L’élevage utilise des barriques de chêne, dont 30 % sont neuves. Au moment de la mise en bouteille, de l’azote liquide est injecté, pour expulser l’air ambiant et préserver au mieux les arômes du vin.

UN VIN BÂTI POUR LA GARDE

Le somptueux pinot noir Saint-Landelin vendu uniquement sur allocation compte-tenu de sa rareté (2 500 flacons), étant inaccessible, j’ai apprécié pleinement le très proche pinot noir V 2018 qui, habillé d’une belle robe lumineuse rouge cerise, déploie un fruité éclatant de framboise juteuse et de griotte, des senteurs de pruneau, de vanille et d’épices douces (poivre blanc) avec des notes salines et de pierre mouillée témoignant de la minéralité propre à ce terroir alsacien. La bouche dense, charnue, gourmande dévoile une intense énergie tout en finesse, avec des tanins soyeux aériens, puis laisse place à une longue finale spectaculaire dotée d’une belle fraîcheur. Ce vin est déjà délicieux, mais aussi bâti pour la garde.

Ce pinot noir alsacien, servi à 15-16 °, appelle une terrine de volaille au faisan, des viandes rouges grillées plutôt que braisées ou en sauce, une escalope milanaise aux pâtes fraîches, un chou farci aux épices douces, un foie de veau poêlé au vinaigre de framboise qui répond aux arômes de fruits rouges du vin. Accords régionaux de rigueur, il escortera avec plaisir les plats locaux : palette de porc fumé, baeckeoffe aux trois viandes, voire cassolette d’escargots à l’alsacienne. Le vin s’exprime pleinement avec une caille aux raisins, sa fluidité aérienne s’accorde avec la subtilité du volatile, son acidité légère et fruitée font écho à celle de la garniture et après quelques années de garde avec les petits gibiers à plume (perdreau, colvert).

Actuellement, les pinots noirs alsaciens ont le vent en poupe, séduisent les palais les plus exigeants et se font une place sur les belles tables. Certains grands vignerons n’hésitent pas à arracher des rangs de Gewurztraminer, pour replanter le cépage rouge. Celui-ci s’épanouit à condition, comme le font les Muré, de choisir des terroirs favorables (granit, grès), de pratiquer une viticulture respectueuse et une vinification à la bourguignonne. Grâce à leurs prix encore raisonnables, ces vins s’annoncent comme de sérieux challengers à leurs homologues bourguignons.

Veronique et Thomas MuréClos Saint-Landelin 68250 Rouffach

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Reuilly Cuvée Orphée 2017 Domaine Les Poëte

Je me méfie, quand je déguste les vins de Loire issus du sauvignon blanc, du caractère herbacé et variétal : genêt, bourgeon de cassis, buis, voir pipi de chat souvent retrouvé, lorsque les raisins manquent de maturité ou proviennent de terroirs inadaptés. Aussi, j’ai été réellement enchanté de découvrir dans les petites appellations peu connues du Berry : Quincy et Reuilly, les sauvignons blancs de Guillaume Sorbe.

Celui-ci, passionné dès son enfance par le vin, pour avoir grandi auprès de ses grand-père et père investis dans un commerce-bar, épicerie et dans les vignes familiales qui alimentaient les chopines des clients, fut tour à tour cuisinier, sommelier, commercial avant de franchir le pas en devenant vigneron. Il s’installa sur sa terre natale du Berry, pour y créer son domaine : les Poëte, ce nom n’étant pas lié à la proximité du pays de Nohant, patrie de Georges Sand, mais tout simplement en hommage à son arrière-grand-mère Esther Poëte.

Décidé à produire de grands vins, Guillaume Sorbe est un authentique rebelle qui n’a pas hésité, plutôt que de succéder à son père viticulteur, à lui conseiller de vendre son vignoble, pour s’installer quelques kilomètres plus loin à Preuilly, pour construire tout seul le vignoble qu’il souhaitait sur de petites parcelles nécessitant un gros travail de défrichage, mais vierge de tout produit chimique, pour parvenir actuellement à un ensemble de 7 ha, dont 4,5 de sauvignon blanc : 3 à Quincy sur des terres sablonneuses, limoneuses et argileuses, 1,5 à Reuilly sur des terroirs de sable rouge, de graves et d’argilocalcaires.

N’a-t-il pas été banni des AOC, pour avoir refusé les contrôles jugés tatillons et liberticides, et dû commercialiser toute sa production en « Vin de France » ? Quoiqu’il soit résolument bio et même biodynamicien, il préfère préparer lui-même ses décoctions de plantes : ortie, badiane, consoude, prêle, mais il refuse toute labellisation déclarant :  « On observe, on ressent, on choisit le bon jour, sans se préoccuper des cycles cosmiques. On écoute la réponse du sol. La biodynamie n’est pas un dogme, auquel on obéit aveuglément ». Il se qualifie « d’éco-logique » et refuse toute certification.

Produire moins, mais mieux

Situées au nord-ouest de Bourges, les appellations Quincy et Reuilly sont développées sur les coteaux de l’Arnon, de la Théols et du Cher. Exposé au sud et reposant sur une faille géologique, le domaine des Poëte à Reuilly comprend 9 petites parcelles aux faibles rendements entre 14 et 30 hl/ha, comme l’indique sa devise « produire moins, mais mieux ». Tout est fait, pour préserver le biotype et la biodiversité : forêts, arbres fruitiers, prairies. Les moutons (emblème du domaine) et les chevaux qui produisent un engrais naturel pâturent dans les vignes bordées de ruchers, l’enherbement est spontané, voire même semé.

Le travail des vignes et des sols se fait donc selon le principe des cultures bios et biodynamiques (pas de chimie, cuivre et soufre à faibles doses, purins, composts, préparations maison). Un palissage : ébourgeonnage très tôt, écimage tardif, 1 seul rognage permet de verticaliser la plante, pour l’aérer et l’éclaircir.

Les vendanges manuelles, soit en caisse, soit en benne élévatrice respectant le fruit, sont décidées par le rapport maturité aromatique/maturité analytique. Le tri est réalisé sur la parcelle. Le remplissage du pressoir se fait par inertage, le transfert des moûts sous azote. La fermentation par levurage indigène est effectuée dans de petites cuves ou fûts (400 à 600 hl) le débourbage uniquement à froid. Chaque parcelle est vinifiée et élevée séparément, l’élevage a été allongé à 18 mois, pour apporter de la finesse et des finales nettes et précises au vin. Les assemblages des parcelles ont lieu en fin d’élevage. Le sulfitage est le plus tardif et léger que possible. Lors de la mise : stabilisation des vins par collage, filtration inconstante.

Un vin irrésistible

Parée d’une limpide robe or claire, cette cuvée Orphée 2017, 100 % sauvignon blanc, exhale des parfums élégants, mais réservés de fleur blanche (lys), de fruits citronnés : pomelos, pomme granny de notes anisées : fenouil, gingembre, mais aussi exotiques :  kaki, goyave procurant une fraîcheur et une vivacité appétissantes. Une pointe de noisette amène de la complexité. La jolie bouche ciselée, charmeuse n’occulte pas la puissance, la tension, l’opulence sans lourdeur, le grain soyeux de ce vin salivant. La belle finale poivrée et saline dure et dure encore. Ce vin est irrésistible par sa fabuleuse élégance et s’inscrit dans les blancs les plus ambitieux de la vallée de la Loire.

Cette Orphée 2017 peut être proposée dès l’apéritif avec des rillons, de l’andouille point trop grasse, un pâté berrichon, puis avec des entrées : poissons fumés, crustacés grillés comme les langoustines et les gambas. Mais la complexité, la richesse aromatique et l’opulence de ce vin permettent des accords gastronomiques remarquables avec les poissons nobles, en premier lieu le saumon à l’oseille tout juste cuit à l’unilatéral de Pierre Troisgros. Une barbue dorée à la poêle, un loup en croûte de sel ou grillé au fenouil et ses patates douces, des Saint-Jacques en daube façon Ducasse pour le versant marin, un brochet beurre blanc, une féra à la tholonaise, un omble chevalier cresson sur poutargue de truite, pour l’eau douce l’accueilleront avec délice. Si, en fin de repas, il reste quelques gouttes de ce nectar, elles ne se déplairont pas avec un fromage de chèvre sec, tels un crottin de Chavignol ou un Pouligny Saint-Pierre, accords régionaux de rigueur !

Guillaume est aujourd’hui un homme heureux et apaisé, car il sait que son difficile pari : donner leurs lettres de noblesse aux « petits » vins du Berry est en bonne voie de succès.

Guillaume Sorbe – 18120 Preuilly

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Château Haut-Marbuzet

La flamboyance, voilà ce qui caractérise tant le caractère des vins de Haut-Marbuzet que celui de son extravagant propriétaire Henri Duboscq. Opulents, riches, séducteurs, les Haut-Marbuzet se montrent irrésistibles dès leur mise en bouteille, contrairement à la plupart des vins de Saint-Estèphe, la plus septentrionale des grandes appellations de la presqu’île du Médoc donnant souvent vent des vins austères et virils dans leur jeunesse.

En 1952, Hervé Duboscq acquiert, en rente viagère, quelques hectares. de vignes en friche issus du morcellement du vaste domaine Mac Carthy un siècle plus tôt. Il ressuscite le vignoble et commercialise ses vins directement aux consommateurs. Son fils Henri le rejoint en 1962 pour imprimer un style très personnel fondé sur l’onctuosité des tanins grâce à l’utilisation importante du cépage merlot et l’élevage intégral en barriques de chêne neuf. Le vignoble initial va être progressivement reconstitué avec l’acquisition des meilleurs terroirs, car à cette époque, les prix restaient très abordables par rapport aux sommets actuels. Le domaine, s’étendant actuellement sur 75 ha, est excellemment situé sur le plateau de Marbuzet face à la vallée de la Gironde sur une pente douce de graves günziennes soutenues par un sous-sol de calcaire, alios et argiles bleues régulant l’alimentation hydrique. Le grand vin est produit au sommet de la croupe séparée par des combes du château Cos d’Estournel et Montrose les célèbres 2es grands crus de Saint-Estèphe (magnifique environnement !).

Le Haut-Marbuzet, à l’époque en pleine déconfiture, n’a pas été retenu dans le classement des Médoc de 1855, mais a été titré en 2003 : cru bourgeois exceptionnel et actuellement maints spécialistes l’élèvent au niveau des 3es grands crus.

Les vignes, âgées en moyenne de plus de 50 ans, sont cultivées en lutte raisonnée, labourées et griffées, sans désherbant chimique avec un travail soigné du sol, des ébourgeonnages et rognages précis. Les raisins vendangés en légère surmaturité sont triés à la vigne, puis au chai, et totalement éraflés. Initialement, et c’est ce qui avait fait son succès immédiat, la vinification longue, la fermentation à haute température, la macération sur
3 semaines en cuves béton, les remontages biquotidiens, les saignées aboutissaient à des vins puissants, fortement extraits, bénéficiant d’un élevage de 18 mois uniquement dans du chêne neuf, magnifiques dans leur jeunesse, mais qui perdaient de leurs attraits après une dizaine d’années de garde. Mais, avec le vieillissement du vignoble, Henri Duboscq, intelligent et intuitif, rejoint par ses fils Bruno et Hugues qui privilégient la subtilité et la finesse, comprend que ses vins ont besoin de moins d’extraction et de bois neuf. La thermorégulation est introduite, les températures de fermentation limitées, le cépage petit verdot est planté au dépens du cabernet franc, la fréquence des remontages est diminuée, le bois neuf est limité à 75 %. Le sulfitage reste très faible, la mise en bouteille est précédée d’un collage au blanc d’œuf et d’une légère filtration. Ainsi, si les vins gardent le style maison, ils évoluent vers une élégance plus affirmée et un classicisme bordelais plus marqué (ce qui peut dérouter les aficionados de la première heure).

Une sensualité au charme fou

Ce Haut-Marbuzet 2016 assemblant 50 % de cabernet sauvignon, 40 % de merlot, 5 % de cabernet franc et petit verdot, paré d’une robe rubis pourpre profond, exhale des senteurs de violette, des arômes de fruits noirs confiturés : cassis, cerise noire, mûre, des notes de prune surmûrie et d’épices : poivre blanc, coriandre, réglisse bien fondues. La bouche riche, tendue dévoile de beaux tanins veloutés, une bonne mâche fondante, harmonieuse, longue et équilibrée. Ce vin au fruité intense, au bouquet voluptueux peut paraître un peu ostentatoire, mais en fait dévoile un raffinement, une sensualité au charme fou, délectable actuellement, mais qui sera grandiose dans l’avenir.

Ce Haut-Marbuzet opulent et séducteur issu d’un très grand millésime fera honneur à la cuisine bistrotière. En entrée, il s’appréciera avec une mousse forestière de canard ou une terrine de sanglier. Mais c’est avec les viandes qu’il réalisera les accords les plus savoureux : l’agneau, selle, épaule ou gigot de 7 heures aux fèves, toute viande rouge grillée ou rôtie : contre filet ou côte de bœuf, tranche de veau bien épaisse à condition d’éviter les légumes verts qui durcissent le vin. Les plats mijotés, navarin ou jarret de veau aux chairs déstructurées par la cuisson, seront rehaussés par le vin. Sa finesse s’accommode très bien des viandes blanches : pigeon et galette de courgettes, faisan jardinière, civet de lapin, cassoulet de confit d’oie. Il participera aux fêtes de Noël en escortant un chapon, une dinde rôtie. Il peut dès maintenant, contrairement aux grands crus du Médoc, accompagner les gibiers : perdreaux rôtis, noisette de chevreuil grand veneur, fricassée de marcassin. En fin de repas, il affectionne les vieux fromages de Hollande aux goûts de noisette ou un beau saint-nectaire.

« Pour produire un vin que j’aime et qui me ressemble, déclare Henri Duboscq, je me suis battu contre ce terroir donnant des vins austères, voire agressifs, dans leur jeunesse, pour produire le plus marginal des Saint-Estèphe. J’ai dompté mon terroir par des méthodes de vinification qui me sont propres : vendanges tardives, forte proportion de merlot, logement en barriques de chêne neuf en mixant différents types de bois en fonction du millésime », ce qui lui permet de proclamer « Je n’hésite pas à appeler mon millésime 2016 : la beauté du monde ».

Henry Duboscq et Fils – 33180 Saint-Estèphe

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Domaine Saint-Nicolas

Les Rochais 2018 – Fiefs vendéens

Qui connaît l’AOC Fiefs Vendéens créée en 2011 ? Peu de spécialistes, et encore moins d’amateurs. Mais Thierry Michon, fer de lance de l’appellation, lui, est internationalement connu des professionnels, notamment des cavistes et restaurateurs, car il produit des vins, tout particulièrement blancs, bâtis pour la haute gastronomie.

Le domaine, fondé en 1960 par Patrice Michon à partir de quelques ares de vignes, fut agrandi progressivement par l’achat de terres qu’il défricha et planta de ceps autour du bourg l’Ile d’Olonne. En hommage à son enfance à Saint-Nicolas de Brem, il baptisa de son nom son domaine. Rejoint en 1984 par ses fils, Thierry et Éric, ils acquirent, au fil des ans, de nombreuses parcelles, et construisirent un chai moderne. Ils entamèrent, dès 1993, dans une recherche constante d’amélioration, la conversion du domaine Saint-Nicolas à la biodynamie, l’ensemble du vignoble étant certifié en 1998. Après le décès de son frère en 2014, Thierry fut secondé par ses deux fils, Antoine et Mickaël, qui représentent donc la troisième génération masculine. En 2015, un nouveau chai « les Clous » est construit au cœur du vignoble pour la vinification des blancs et rosés.

Le domaine s’étend actuellement sur 37 ha bordés par l’océan Atlantique, les forêts, les marais salants entre Brem et l’Ile d’Olonne en pleine Vendée, tout proche des Sables-d’Olonne. Les vignes sur des coteaux exposés sud-est aux terres argileuses, plongeant leurs racines dans un sous-sol de schistes ardoisiers et de quartz, bénéficient d’un microclimat solaire idyllique. Des roches magnétiques assureraient une protection contre les orages. Le terroir et la proximité de la mer et des marais s’expriment par une minéralité et des notes iodées présentes dans les vins. Une ferme en permaculture a été installée au cœur du vignoble pour recréer un écosystème naturel.

La biodynamie qui régit la viticulture sur l’ensemble du domaine, doit respecter un cahier des charges strict : interdiction de tout apport phyto-sanitaire, tout intrant œnologique, toute pratique pouvant modifier les équilibres naturels de la plante, et s’appuie sur trois points principaux :

  • Valorisation du sol et de la vigne grâce à des préparations issues de matières végétales (prêle, ortie), minérales ou animales (fumier auto-produit)
  • Application de ces produits à des moments précis en se référant au calendrier lunaire
  • Travail manuel du sol par des labours, binages, griffages excluant le désherbage chimique.

Une typicité étonnante

Thierry Michon a acclimaté de nombreux cépages qui surprennent dans ces terroirs vendéens, mais qui, sous l’influence de l’océan, acquièrent une typicité étonnante, pour les rouges : pinot noir bourguignon, gamay du Beaujolais, négrette toulousaine, pour les blancs : chardonnay bourguignon. Mais c’est avec le chenin, seul cépage spécifiquement ligérien, qu’il réussit, à mon avis, les cuvées parcellaires les plus percutantes : le Haut des Clos et les Rochais.

Les vendanges sont, bien-sûr, manuelles en caissettes à l’aide d’une jument, un tri intransigeant est effectué au chai, ce qui limite les rendements : 25 hl/ha pour les Rochais pur chenin provenant d’une sélection parcellaire de vignes en coteaux orientées sud-est, âgées de plus de 10 ans. Après un pressurage pneumatique, la vinification la plus naturelle possible débute par une fermentation grâce à un levurage indigène, un léger débourbage à froid, sans soufrage. Fermentation et élevage s’étendent sur 12 mois en foudres « stockinger », gros contenants en bois, pour éviter de masquer le vin par des arômes boisés.

Habillée d’une robe jaune dorée aux reflets argentés, cette cuvée «  Les Rochais  » 2018 exhale des arômes intenses de fruits exotiques, ananas, coing, de fleur d’oranger, de noisette, de miel d’acacia et de graphite. La bouche tendue, juteuse, crayeuse dévoile une minéralité omniprésente de pierre mouillée, avec des saveurs iodées (brise marine, coquille d’huître), citriques et salines. La finale séveuse, salivante légèrement crémeuse est impressionnante de longueur.

Quoiqu’originaire de Vendée, pays de bateau, de pêche, de produits marins, cette cuvée «  Les Rochais  » est un vin de gastronomie appelant des mets élaborés et mérite mieux que le classique plateau d’huîtres et de coquillages. 

En premier lieu, les poissons de mer s’imposent : la sole meunière ou avec sauce au curry, le bar grillé au fenouil et au chorizo ou rôti à la crème d’oseille et à l’embeurrée de choux, le rouget barbet saisi à la bisque d’étrilles. Les poissons d’eau douce : saumon de la Loire beurre blanc, brochet à la crème et aux herbes peuvent aussi permettre un grand mariage. 

Des chefs étoilés proposent ce chenin avec leurs plats signatures : Saint-Jacques à l’huile de sésame, shiso, roquette et lard fumé, homard bleu saisi au beurre blanc de yuzu ou avec une crémeuse de shitaké, jus court à la truffe blanche. 

Ce vin s’apprécie également avec certaines viandes : côtes de cochon noir saisies à l’os et beurre d’anchois, poularde pochée sauce aux morilles.

Thierry Michon, malgré son emploi du temps surchargé, s’attache à faire connaître ses vins dans toute la France et bien au-delà, et ainsi à promouvoir l’appellation « Fiefs Vendéens », ce qui exige beaucoup d’énergie et d’efforts. Mais on peut le rassurer, car il démontre à chaque millésime que sa région possède de grands terroirs, il faut simplement les comprendre et savoir les travailler, ainsi qu’il le répète : « c’est à la vigne que se fait le vin ».

Thierry Michon – 85340 L’ile D’olonne

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Domaine Laroque d’Antan

Nigrine 2018 IGP Côtes du Lot

Qu’est-ce qui a pu pousser Lydia et Claude Bourguignon, éminents microbiologistes des sols, parcourant depuis 30 ans les vignobles du monde entier, pour révéler au monde agricole la faune cachée dans la terre, son utilité dans le processus de fertilisation des sols, sa destruction par l’agriculture chimique entraînant la stérilisation des terres, à se lancer dans cette folle aventure de vignerons ?

Et bien, disent-ils, « il y a eu ce moment, où le rêve de la terre demanda de s’incarner, où le besoin se fit sentir si fort qu’il nous fallut passer à l’action : planter notre vigne selon nos propres convictions, choisir notre terroir selon nos propres critères, faire notre vin selon notre propre sensibilité ».

Quoique, comme leur patronyme le laisse entendre, leurs racines soient plutôt en Côte d’Or, c’est dans la petite commune de Laroque-des-Arcs au bord du Lot que leur domaine est né sur un terroir oublié des hommes et de la vigne depuis 150 ans. 

Une terre vierge de pesticides, d’insecticides, de fongicides, une terre blanche caillouteuse, crayeuse du kimméridgien (comme à Sancerre ou à Chablis) sur un coteau calcaire d’exposition idéale, au drainage naturel que les Bourguignon, rapidement rejoints par leur fils Emmanuel, pressentaient comme un excellent terroir à vignes. 

Dès 2002, commence le défrichage en conservant des haies et des arbres pour rendre au terroir sa noblesse d’antan. Après analyse des sols, les néo-vignerons ont délimité les zones de cépages blancs et rouges et débuté les plantations en 2008 en remettant à l’honneur les cépages oubliés de cette région du sud-ouest, en choisissant comme porte-greffe le Rupestris du Lot très utilisé autrefois. Le travail du sol, grâce à la traction animale, pour ne pas le tasser, entretient la biologie, la biodiversité qui permet aux racines des ceps de plonger dans la robe calcaire qui, solubilisée par les microorganismes du sol, amènera minéralité et complexité dans le vin. Un désherbage mécanique sous le rang est effectué. Tout le domaine, s’étendant actuellement sur 6 ha, est mené en gestion biologique et biodynamique.

Il aura fallu plus de 15 ans, pour que sortent les premières bouteilles en 2017. Nigrine 2018 est la première cuvée rouge commercialisée. Les vendanges manuelles avec tri sur pied sont transportées en caissettes de 15 kg par une ânesse.

La vinification utilise des levures indigènes pour la fermentation en cuve béton, suivie d’un élevage de 10 mois en fûts de chêne. La fermentation malo-lactique est encouragée. Une filtration dégrossissante est réalisée avant la mise en bouteille.

La cuvée rouge Nigrine assemble des cépages issus de sélections massales fournies par des domaines réputés : malbec nettement prédominant du domaine Corbin-Michotte, cabernet franc du Clos Rougeard, prunelard de Robert Plageoles, négrette du Château Plaisance.

La dégustation de cette cuvée Nigrine 2018 justifie une minutieuse préparation : débouchage plusieurs heures à l’avance, pour permettre à son bouquet de s’exprimer, carafage pour bien l’aérer compte-tenu de sa jeunesse.

des arômes exubérants de fruits noirs

La robe rouge pourpre, cardinalice, aux reflets violines, est fort éloignée de celle très foncée du classique « vin noir » de Cahors. Le vin délivre des arômes exubérants de fruits noirs : mûres confiturées, cassis, d’épices : cardamone, poivre blanc, clou de girofle, puis en rétro-olfaction : cacao, truffe, jus de viande. La bouche juteuse est construite sur une magnifique densité puissante, précise, raffinée, des tanins fins, soyeux et croquants, une fraîcheur imparable et une complexité étonnante. La finale longue aux notes de réglisse et de violette confirme la remarquable structure de ce vin encore en devenir que je pourrais qualifier de caméléon, car au fur et à mesure de la dégustation, il se modifie, se transforme, évolue…

La gastronomie du Lot, réputée tant par ses magnifiques produits : truffe noire, canard gras, agneau, fromages que par ses recettes emblématiques, appelle tout naturellement des accords avec les vins locaux. La cuvée Nigrine, quoiqu’assez différente des Cahors classiques, va épouser certaines préparations culinaires de la région à base d’oie : cou d’oie farci, et surtout de canard : aiguillettes, fritons, bouchée de foie gras de canard poêlée au caramel de malbec. Dans un registre légèrement différent, il ne se déplaira pas en compagnie de pigeons : en cocotte ou rôtis. Les arômes bordelais, amenés par l’association malbec, cabernet franc, justifient la rencontre avec l’agneau fermier du Quercy : souris confite, gigot au four sauce au thym, selle forestière.

En fin de repas, l’accord avec un chèvre de Rocamadour ou un pélardon se fera tout en douceur.

En définitive, « ce patient travail d’artisan, souligne Lydia Bourguignon, qui est parti du sol jusqu’à la vigne et du raisin jusqu’au vin, est le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre passion et de notre rêve devenu réalité. Faire du vin oui, mais avec l’envie de choisir un terrain vierge, peu onéreux, un message envers une jeune génération qui a le pouvoir de redonner vie à nos campagnes, à tous nos territoires désertés, oubliés ».

L. et C. Bourguignon – 46090 Laroque-des-Arcs




Champagne Mouzon-Leroux – Grand Cru l’Atavique

Quand mes goûts rejoignent ceux d’une célèbre écrivaine ! Ma découverte du champagne Mouzon-Leroux est singulière : en vacances à Cannes, recevant des amis, je fis, sur les conseils d’une caviste bien achalandée et fort avisée, l’emplette d’une bouteille de cette marque que je ne connaissais absolument pas.

Sa dégustation nous enchanta. Lorsque je remerciai ma caviste pour son excellent choix, elle me déclara : « Vous n’êtes pas le seul à apprécier cette cuvée, car Amélie Nothomb (experte s’il y en a en champagne) guidée chez moi après avoir dédicacé son dernier ouvrage dans la librairie voisine, me complimenta pour la qualité de cette même bouteille ».

Voilà qui m’incita à m’intéresser et à goûter les vins de ce domaine Mouzon-Leroux, où il y a un avant et un après. Avant : une longue lignée de viticulteurs de père en fils depuis 1776 élaborant un bon produit sans esbroufe ; et après : 2008 où le jeune Sébastien Mouzon réussit à convaincre ses parents de lui laisser les rênes du domaine, pour passer en biodynamie, à l’aide d’un rapport de 100 pages explicitant sa démarche, et là eut lieu une véritable révolution.

Ce domaine familial de 8 ha sur 60 parcelles au pied de la Grande Montagne de Reims est sis à Verzy. Tous les raisins proviennent de ce terroir grand cru réputé pour la qualité de ses pinots noirs. Le sol argilo-calcaire repose sur des silex (craie du Campanien Inférieur)[1]. L’exposition nord-est confère la singularité de ce terroir décrit comme « austère et froid ». Le travail en biodynamie certifiée applique l’agroforesterie avec plus de 500 arbres plantés parmi les vignes, l’introduction d’animaux pour le pâturage d’hiver, le purin d’ortie permet d’augmenter la quantité d’azote dans le sol et de protéger la récolte des maladies. Camomille, millepertuis, achillée, osier « déstressent » les ceps. Le mildiou est traité par le cuivre. Le sol est enrichi par de la bouse de corne. La traction animale est privilégiée, pour éviter le compactage des sols.

La champagnisation est, de la même façon, particulièrement soignée : pressurage des raisins issus des deux cépages, pinot noir et chardonnay, fermentation alcoolique par levurage indigène, assemblage des différents crus avec des vins de réserve des deux cuvées précédentes, fermentation malo-lactique spontanée recherchée, pour donner de la rondeur, et surtout limiter drastiquement les doses de sulfites, élevage sur lies pendant 7 à 8 mois pour 25 % en fûts de chêne, 75 % en cuves acier, embouteillage sans filtration, ni collage avec ajout de liqueur pour la prise de mousse, élevage naturel en bouteilles sur lattes pendant 32 mois, dégorgement par congélation du col, liqueur de dosage comportant très peu de sucre pour la cuvée l’Atavique, vieillissement ensuite dans les caves 6 mois en moyenne.

La cuvée baptisée l’Atavique (car issue de l’expérience d’une longue succession de vignerons), extra-brut non millésimé assemble 60 % de pinot noir, 40 % de chardonnay, dont plus de la moitié proviennent de la vendange 2015. Le dégorgement fut réalisé en janvier 2019. Le dosage en sucre est minimal : 1,5 g/l.

Dans le verre, ce champagne offre le spectacle d’un brillant pétillement jaune d’or pâle, où les colonnes de très fines bulles se dégagent pour rejoindre une mousse crémeuse et pulpeuse, le nez est tapissé d’arômes d’agrumes : pamplemousse, citron, de senteurs anisées de fenouil, verveine, de petites notes oxydatives de fruits secs, d’épices douces : cannelle, paprika. Des fragrances de brioche beurrée favorisées par l’élevage sous bois apportent de la complexité. 

Une cuvée avec beaucoup de personnalité

En bouche, le vin est frais, vif, aérien, mais traduit aussi une certaine tension veloutée, sensuelle, saline, la finale tonique s’allonge sur des notes de fruits blancs. En définitive, cette cuvée exprime beaucoup de personnalité, d’ampleur, de longueur qui la classe dans le peloton de tête des champagnes non millésimés.

Grâce à sa fraîcheur, sa vivacité, cette Atavique apparaît idéale pour l’apéritif d’un repas festif en épousant gougères, rillettes de thon ou colin, saumon fumé avec crème fraîche et aneth. Mais son ampleur lui permet aussi d’accompagner à merveille des mets de grande cuisine : oursins en gelée de pomme, huîtres gratinées au vin effervescent, coquilles St-Jacques sauce au cèpe, turbot au sabayon de champagne.

Voici donc une cuvée qui, à l’instar de son créateur, surprend par sa personnalité, son caractère, sa longueur aromatique. Seul bémol : il n’y a plus de vente à la propriété et il faut la dénicher chez un bon caviste à un prix raisonnable : moins de 30 euros.

Laissons conclure Sébastien Mouzon : « Ce champagne apporte bien-être au corps et à l’esprit ».

Domaine familial Mouzon-Leroux et fils – 51380 Verzy

(1) voir l’échelle des temps géologiques

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération




Quintessence Blanc 2016 – AOC Palette

« Small is beautiful ». Cet aphorisme convient parfaitement à la minuscule AOC provençale Palette : 48 ha, 4 domaines, petite par la taille, mais grande par la qualité de ses vins.

Le Palette aux portes d’Aix-en-Provence n’a longtemps été connu que grâce à l’aura du précurseur, le château Simone, mais à l’ombre de ce géant, Stéphane Spitzglous, l’actuel propriétaire du château Bonnaud s’est fait une place au soleil de Provence. Stéphane, représentant la troisième génération, est né sur le domaine, élevé par son grand-père Henri
Bonnaud, palliant un père absent dès sa tendre enfance. Il l’accompagne des journées entières dans les vignes et s’imprègne de son travail. Sa vocation est présente, mais le grand-père refuse obstinément qu’il s’engage dans cette vie de vigneron si dure et, à l’époque, peu rémunératrice.

Ce n’est qu’en 1996, licence de physique en poche, qu’il put reprendre le domaine qu’il rebaptise par reconnaissance du nom de son aïeul : Henri Bonnaud. Il doit attendre 2004, pour tenter, dans des conditions rocambolesques, sa première cuvée personnelle, mais, très vite, ses vins sont appréciés et trouvent preneur. 

En 2010, il fait, par conviction profonde, le choix d’une agriculture biologique, l’ensemble de sa production étant certifiée Bio en 2013. 

En 2011, il pose la première pierre du château qui regroupe maintenant un chai de vinification moderne, une cave d’élevage enterrée et un splendide caveau de dégustation offrant une vue magnifique sur la montagne Sainte-Victoire chère au peintre Cézanne.

Le domaine est blotti dans un amphithéâtre naturel protégé du mistral par les collines de Langesse, du Grand Cabri, par les montagnes de Cengle et de la Sainte-Victoire. Les vignes, s’étendant sur 14 ha, bénéficient ainsi d’un microclimat très favorable, la majeure partie exposée plein sud pour un ensoleillement maximal, atout majeur pour la production de vins rouges de garde. Mais quelques parcelles, comportant de vieux ceps, situées sur le versant nord, permettent une lente et parfaite maturation des raisins blancs en leur apportant de la fraîcheur. Le terroir est constitué d’éboulis calcaires lacustres de l’ère tertiaire, dits de Langesse, recouverts d’un sol rendzine, argileux, peu épais et caillouteux. Rien de mieux qu’un sol argilo-calcaire, pour retenir cette eau si rare en Provence.

La viticulture est résolument biologique : aucun pesticide, ni herbicide, rien qui ne puisse dénaturer les spécificités du terroir. L’apport d’engrais organiques avait été privilégié dès les années 1990. Des semis d’orge, de seigle, de vesce fertilisent naturellement la terre. Stéphane veut, pour l’authenticité de ses vins, travailler des sols vivants qui préservent la diversité biologique de la faune et de la flore.

La vinification, sur laquelle le vigneron reste assez mystérieux, respecte la matière première en limitant les intrants, en utilisant des produits naturels, afin de préserver chaque terroir et chaque cépage. La tête de cuvée Quintessence assemblant 80 % de clairettes blanche et rose et 20 % d’ugni provient de vignes des hauts de coteaux du Grand Cabri allégées d’une partie de leurs fruits 2 fois l’an, vendangées en surmaturité. Le raisin est cueilli manuellement, transporté en petites caisses après un 1er tri qui sera complété au chai. Les raisins sont macérés à froid et pressurés. La fermentation naturelle en barriques neuves ou d’un vin sera suivie d’un élevage pendant 8 mois.

Noblesse et richesse aromatique pour une cuisine ensoleillée

Le blanc Quintessence 2016 du Château Henri Bonnaud, drapé dans une robe étincelante or pâle, offre un bouquet explosif qui envahit le nez de senteurs de fleurs blanches : aubépine, acacia, genêt, de fruits : abricot, pêche blanche, pamplemousse rose, fruit de la passion avec une touche discrète et élégante de boisé vanillé. En rétro-olfaction, apparaissent des notes de fruits secs (noisette), de résine et de garrigue (romarin, origan). La richesse et la complexité aromatique sont impressionnantes. Rondeur, puissance, longueur constituent la trame d’une bouche ciselée aux saveurs raffinées. La belle finale persistante fraîche et mentholée confirme que ce vin en tension, en minéralité avec ce qu’il faut d’élégance, possède à l’évidence un superbe potentiel de vieillissement jusqu’à
40 ans selon certains.

La noblesse et la richesse aromatique du Palette Quintessence orientent naturellement vers la cuisine ensoleillée de la Méditerranée avec ses condiments, ses herbes, ses légumes : tartare de thon au pamplemousse, pochée de St-Jacques aux artichauts poivrades, blanquette de lotte aux petits légumes, Saint-Pierre en croûte de sel, daurade en papillote à la tapenade d’olives vertes. Mais il accompagne aussi avec bonheur certains plats terriens : poulet à l’estragon, volaille accompagnée de ratatouille ou d’un concassé de tomates au basilic, grenadin de veau au citron.

En vieillissant, ce vin prend des arômes complexes de coing et de cire d’abeille, et devient le parfait complice des plats à base de mélanosporum : brandade de morue truffée, brouillade, chausson ou ravioles à la truffe noire. En fin de repas, la rondeur du vin enrobera les fromages de chèvre : picodon, valençay, Sainte-Maure de Touraine, et surtout le local banon.

A la hauteur de la passion de Stéphane Spitzglous pour son travail et l’amour pour son grand-père qui lui a transmis son goût de la terre et du bel ouvrage, le vigneron souhaite que sa clientèle tire le maximum de plaisir de sa production. Je peux le rassurer : ses vins blancs comme rouges sont au firmament de la Provence.

Domaine Henri Bonnaud13100 Le Tholonet




Morgon Côte du Py 2017

Je bats ma coulpe, pour avoir trop longtemps négligé les crus au nord du Beaujolais produisant des cuvées de haut niveau à la buvabilité magnifique et à l’agréable rapport qualité/prix, sans doute étais-je rebuté par la mode des Beaujolais nouveaux fabriqués sur mesure pour (et par) le marketing.

C’est indiscutablement à Morgon que l’on trouve le plus grand nombre de vignerons talentueux, parce qu’ils bénéficient d’un terroir remarquable, probablement le meilleur du Beaujolais : la Côte du Py, mais aussi parce que plusieurs d’entre eux font partie de l’école «nature» de Marcel Lapierre qui a su donner une incontestable impulsion qualitative aux vins du secteur.

« étoile montante » de Morgon…

Après Daniel Bouland (à lire), j’ai été impressionné par une « étoile montante » de Morgon : Mee (prononcé Mi) Godard qui atteint la quarantaine. Rien ne la prédestinait à être vigneronne. D’origine coréenne (d’où son prénom), adoptée à 9 mois par une famille lyonnaise qui lui donna le goût de la cuisine, sa première passion, elle effectua des études brillantes : DEUG de biologie, maîtrise de biochimie option vin aux USA dans l’Oregon. Revenue en France, elle passe en 2005, le diplôme national d’œnologue à Montpellier. Après plusieurs années « galères », sans emploi stable, où elle hésite à s’engager dans une carrière commerciale orientée vers le vin, elle décide de se lancer dans la viticulture, pour produire son propre vin, et c’est vers le Beaujolais, lieu de ses premiers stages, qu’elle se dirige en priorité pour des raisons financières évidentes, mais aussi pour la beauté de ses paysages de collines vallonnées rappelant la Toscane. Début 2013, assez vite, elle a la chance  de tomber sur un beau domaine situé à Morgon au vignoble bien entretenu, dont le métayer partait en retraite sans successeur. Cette propriété de 5 ha (qu’elle complétera ultérieurement par 1,2 ha à Moulin-à-Vent) comprend 3 des meilleurs climats de Morgon : Corcelette, Grand Cras, et la célèbre Côte du Py. Paradoxe inhérent au vin, les arômes incomparables des jus de ce terroir naissent sur une terre argileuse pauvre appelée roche pourrie ou pierre bleue, car imprégnée d’oxyde de fer et de manganèse provenant de la désagrégation du schiste sous-jacent.

Dans ses vignes en coteaux orientés sud-ouest, Mee Godard abat un travail colossal, seulement aidée pour la taille par un prestataire. La viticulture, quoi qu’encore traditionnelle, est clairement orientée vers le bio  : tailles longues soigneuses, ébourgeonnage, effeuillage, vignes non palissées, terres griffées 1 rang sur 2, traitements uniquement au cuivre et au soufre, engrais organiques, le tout pour obtenir des raisins de qualité vendangés manuellement, transportés en petites caissettes, triés à la réception au chai.

… à la recherche de l’émotion

La vinification vise à produire des vins de garde par une macération de 20 jours sur 70 à 100 % de vendanges non égrappées. Mee Godard fait partie des réfractaires n’utilisant pas la méthode beaujolaise carbonique ou semi-carbonique en cuve fermée qui, selon elle, neutralise le terroir et gomme les tanins, mais une vinification en cuve ouverte à la bourguignonne avec pigeages et remontages pour une extraction durant 2 à 3 semaines en cuve béton. La fermentation débute sur un pied de cuve de levures indigènes. L’élevage s’effectue 10 mois en foudre ou demi-muid, puis 1 mois en cuve. Mise en bouteille, sans filtration.

Habillé d’une robe brillante tirant sur le grenat et le violine, ce Morgon Côte du Py 2017 de Mee Godard délivre d’emblée un bouquet intense et flamboyant de fruits noirs : mûre, cerise bigarreau, de quetsche, d’épices  : poivre blanc, réglisse. La roche « pourrie » du terroir s’exprime au nez par des notes d’humus, de graphite. Le jus est suave avec une fraîcheur minérale et une finesse typique de la Côte du Py. La pulpe envahit le palais de la texture soyeuse des tanins. La bouche est ainsi magnifique d’équilibre entre tension et densité, dynamique, presque vibrante. La longue finale saline et sapide confirme la fraîcheur et la minéralité du vin. Celui-ci est promis à une longue garde, mais l’intensité des arômes fruités peut, dès maintenant, le faire adorer par les impatients.

Comme tous les crus du Beaujolais, ce magnifique jeune Morgon accompagnera parfaitement toutes les cochonnailles : saucisson, terrines, jambon cru ou persillé, de même que les classiques de la cuisine lyonnaise : tablier de sapeur, gras double, andouillettes grillées, tête de veau gribiche, dont la sauce vinaigrée est arrondie par le vin. Un accord particulièrement convaincant est réalisé avec des pieds de porc à la Sainte-Menehould. L’association du gélatineux du plat (comme le gras double) et de la texture élégante du vin s’avère parfaitement harmonieuse. Mais la richesse et le côté bourguignon du Côte du Py permettent bien d’autres accords gourmands, d’abord avec les volailles : tourte de caille aux cèpes, poule au pot, pintade au chou, mais aussi avec des plats bourguignons : poitrine de veau farcie, lapin à la moutarde, bœuf bourguignon (surtout si la sauce est réalisée avec un vieux morgon de 10 ans).

Après 5 ou 6 ans de cave, ce Morgon, prenant des notes tertiaires giboyeuses, épousera avec délice des gibiers à plumes : col-vert aux épices, perdreau à la normande, faisane truffée.

A mon avis, Mee Godard n’est plus l’étoile montante du Beaujolais, mais déjà une magicienne qui tire du gamay des vins époustouflants fuyant le gouleyant, cherchant le fruit, la structure, en fait l’émotion.

Domaine Mee Godard. 69910 Villié-Morgon




Sangue d’Oro 2008 – Passito Pantelleria

Un des rares avantages du confinement fut qu’il a (re)donné aux français le temps et le goût de cuisiner, incités, il faut le dire, par les multiples émissions de télévision et articles de journaux consacrés à la gastronomie. C’était également un excellent prétexte, pour chercher le vin idéal à marier avec les plats réalisés.

C’est ainsi que mon épouse m’a régalé avec un délicieux tiramisu selon une recette du chef Massimo Mori (Mori Venice Bar) parue dans le Figaro. Mais pour accompagner ce dessert composé d’œuf, sucre, mascarpone, liqueur, génoise, biscuit, café froid, crème, cacao riche en matières grasses, opulent à force de sucre et de saveurs, le choix d’un vin, à l’évidence moelleux, à la fois sucré et un peu acide, s’avérait ardu. Heureusement, le chef indiquait 2 pistes, soit un marsala, vin sicilien doux, soit un passito de Pantelleria. J’ai déniché, au fond de ma cave, une petite merveille qui allait permettre un accord somptueux : ma dernière bouteille de vin de Pantelleria de Carole Bouquet.

Produire un grand vin

Et oui ! La vedette de cinéma, ex James Bond girl, héroïne de Bunuel, est devenue une vigneronne presque à temps complet après être tombée amoureuse de la petite île  italienne de Pantelleria, au large de la Sicile, à 70 km des côtes tunisiennes, aux sombres pentes escarpées, fouettées par les vents, sous un soleil de plomb qui semble immuable. Venue en villégiature, elle décide de s’y installer en 2002 dans un mas délabré, sans eau, ni électricité, et de ressusciter ses terres laissées à l’abandon : oliviers, câpriers, et surtout vignoble pour produire un nectar liquoreux appelé là-bas passito. D’un ha, elle passera à 10 en rachetant progressivement les parcelles de 70 paysans. Après avoir vinifié chez un voisin, elle fera construire un chai doté de toute la technologie moderne. Il lui en faudra de l’opiniâtreté et des efforts physiques, pour arriver à son but : produire un grand vin.

Le sol du vignoble à 500 m d’altitude est composé de 70 % de terres volcaniques pierreuses avec d’énormes rochers parmi les ceps, et de 30 % d’argiles et de limons. Les vignes, plantées du seul cépage de l’île le Zibibbo (en fait, du muscat d’Alexandrie), sont entourées de murets en pierres sèches disposées en terrasses, pour les protéger des vents tempétueux. Il est impossible d’y faire passer un animal de trait, et encore moins un engin mécanique, si bien que tout le travail doit être manuel. 

Les raisins, récoltés à maturité optimale, soigneusement triés, sont ensuite posés sur des claies à même le sol, pour être séchés naturellement par le soleil pendant 3 semaines selon la technique du passerillage et s’imprégner de tous les parfums environnants : figues, fenouil, câpres… 

Le but est de faire perdre au raisin son volume en eau, pour le concentrer en sucre, ce qui nécessite 3 fois plus de raisin pour produire un passito qu’un vin classique. Après fermentation alcoolique, le vin est élevé en fût pendant 24 mois, puis 1 an supplémentaire en bouteille. 

A l’évidence, ce vignoble n’est pas un caprice de star, et Carole Bouquet, bien aidée par le vigneron Nunzio et l’oenologue Lanati, s’investit pleinement veillant à y séjourner le plus souvent possible et assurant la commercialisation de son vin (12 à 15 000 bouteilles seulement) aux 4 coins du monde.

Une formidable complexité aromatique

Habillé d’une robe orangée foncée tirant sur le cognac et l’acajou, ce passito de Pantelleria 2008 déploie une formidable complexité aromatique : bergamote, cédrat confit, abricot sec, miel de fleur d’oranger, cire d’abeille, fruits secs : datte, figue, amande, safran ! Le palais est littéralement nappé par la douceur et la suavité de ce vin. Un savoureux équilibre entre sucre, acidité et alcool, si important dans l’harmonie des vins liquoreux, préserve beaucoup de fraîcheur et une bonne digestibilité, sans tomber dans la lourdeur. La parfaite gestion de la matière et de l’onctuosité, l’ampleur en bouche lui procurent une persistance incroyable. Le sangue d’oro de Carole Bouquet, comme son nom l’indique, est sanguinaire, puissant, voluptueux, il représente le fruit, le sang de la terre, sa lumière dorée, les couleurs rouge et jaune de la Sicile.

Ce passito 2008 est un dessert à lui tout seul et, en fait, un vin de méditation que l’on peut déguster, grâce à la concordance des arômes, avec quelques fruits : dattes, figues.

Outre le mariage magnifique réalisé avec le tiramisu, les accords avec de nombreux desserts s’avèrent onctueux, sensuels : logiquement, les savoureuses pâtisseries siciliennes : gâteau à la pâte d’amande, cannoli, cassata siciliana, pignolata au miel, frutta martorana, ou des préparations plus élaborées : financier aux amandes, panacotta au safran et biscuits à la cannelle. 

Si on veut terminer le repas sur une note plus légère, la fraîcheur du vin accompagnera une soupe de pêches au moscato d’Asti ou une tarte aux fraises. La rencontre d’un millésime plus jeune que le 2008 avec un pigeon ou un canard aux épices et foie gras pourrait s’avérer surprenante, voire sublime.

Carole Bouquet aime boire son vin avec des fromages à pâte persillée : roquefort, bleu de termignon, stilton, gorgonzola,voire un simple morceau de parmesan.

Laissons conclure l’actrice devenue vigneronne : « ce vin, c’est ma manière d’être italienne. A travers ce terroir, j’ai l’impression de transmettre la luxuriance et la beauté du sud, cette lumière retrouvée dans la robe ensoleillée du vin, l’expression liquide d’une culture, d’un pays, d’une terre ».

Carole Bouquet. Ile de Pantelleria – Italie




Chiroubles Chatenay 2018 – Beaujolais

Démarche iconoclaste, j’ai dérogé à la tradition familiale plus que cinquantenaire de se fournir en Beaujolais auprès de Rémi Benon (voir Le Cardiologue n°340) en rendant visite au domaine Daniel Bouland. Je dois d’emblée avouer avoir été conquis.

Ce vigneron est installé dans le hameau de Corcelette, siège de l’un des meilleurs terroirs du cru Morgon. Il possède 8 ha, exclusivement plantés en gamay, hérités des vieilles vignes de ses aïeux. D. Bouland représente le vigneron artisanal caricatural du Beaujolais. Il travaille seul (en dehors de quelques saisonniers) dans son vignoble, dont la majeure partie est constituée de vieilles vignes taillées en gobelet, pour certaines centenaires. Ses jeunes parcelles ont été plantées avec des sélections massales de ses ceps les plus anciens. Le vigneron accomplit un travail de titan dans ses vignes, dont beaucoup, très pentues, ne peuvent être traitées que manuellement. Sa science de la taille et de l’ébourgeonnage est remarquable. S’il reste en conventionnel, il n’en limite pas moins les apports chimiques autant que possible. Il utilise des herbicides, car il ne peut laisser pousser l’herbe sur les déclivités très importantes. Les rendements sont naturellement maîtrisés aux alentours de 50 hl/ha par l’âge des vignes. La vendange est évidemment manuelle (obligatoire dans l’AOC) avec des tris méticuleux.

Des cuvées remarquables

Le travail à la cave est, à la fois, simple et particulièrement soigneux. Les cuvées sont toutes vinifiées de la même manière en vendanges entières. Seul, le contenant d’élevage change. Les vins fermentent uniquement en levures indigènes en semi-carbonique selon la méthode beaujolaise traditionnelle. Les macérations durent 10 à 12 jours avec un remontage matin et soir, un pigeage en fin de fermentation. Les vins sont ensuite élevés en cuve inox et en foudre pendant 6 à 9 mois. Daniel favorise la présence de gaz, pour protéger ses vins pendant l’élevage et limiter la quantité de soufre ajouté. Les vins sont soutirés
15 jours avant la mise avec 2 objectifs : ôter le gaz et éliminer la réduction. Les vins sont soufrés à la vendange, puis après malo-lactique, ajustement si besoin à l’embouteillage, sans filtration. Daniel passe beaucoup de temps à la cave comme à la vigne à tous les stades de la vinification, goûte beaucoup et est très attentif à toute évolution n’hésitant pas à multiplier les analyses.

Lors de ma visite, j’ai rencontré un vigneron d’abord peu disert, très anxieux sur son travail et sur le jugement qu’on pourrait y apporter, mais qui se révèle progressivement très sympathique. J’ai goûté de nombreuses cuvées qui me sont toutes apparues remarquables : Côte de Brouilly corsé très aromatique, Morgon impressionnant de richesse, de puissance et pour tout dire envoûtant, mais qui, compte tenu du jeune millésime 2018, restent encore très austères et taniques, nécessitant une garde d’au moins 4 ans. C’est pourquoi je vous propose de déguster son Chiroubles, car cette appellation produit des vins fruités, élégants à boire dès leur prime jeunesse.

Un véritable mur impossible à labourer

Chiroubles, perché à plus de 400 m, est le plus haut des crus du Beaujolais sur un sol de gore (sable granitique peu épais). D. Bouland possède 70 ares en pentes très fortes, un véritable mur, dit-il, impossible à labourer, travaillé exclusivement à la main, traité à l’atomiseur pour contenir l’enherbement. A noter un élevage en cuves fibres, afin de tirer un maximum de fruité en évitant tout apport de bois.

Paré d’une robe pourpre claire aux brillants reflets violines, ce Chiroubles Chatenay du millésime solaire 2018 est une petite merveille d’équilibre et de friandise. Des arômes de fleurs : violette, pivoine, de fruits rouges acidulés : fraise des bois, framboise, cerise burlat, de légères notes de cassis et de prune rouge envahissent le nez et tapissent le palais. Avec cette « patte » de D. Bouland, le vin délivre immédiatement une impression tellement gourmande avec le juste équilibre qui en fait le modèle de Chiroubles. La bouche juteuse, pulpeuse révèle des saveurs très fruitées, d’aériens tanins veloutés. La finale, bien portée par une fine trame acide, reste énergique, croquante et salivante.

Des vins de copains

Les Beaujolais à boire frais et jeunes, tel ce Chiroubles, sont des vins d’ambiance, de copains. Ils escortent gaillardement les mets rustiques et en premier lieu, proximité régionale oblige, les lyonnaiseries de toutes sortes : les saucissons secs : jésus et rosette, les jambons crus, salés ou persillés, les pâtés divers, les terrines, notamment au lapereau ou au foie de volaille. Les classiques de la cuisine lyonnaise seront flattés par sa fraîcheur et son fruité qui équilibrent le gras des plats : tablier de sapeur, sabodet à la vigneronne, gras-double, pied de porc, choux farcis aux épices, andouillette grillée pommes pont-neuf. Un pigeon ou une pintade rôtie, un petit salé aux lentilles, un rôti ou un travers de porc à l’aigre-doux s’accommoderont parfaitement de l’exubérance des parfums de ce Chiroubles qui, de façon plus étonnante, se mariera parfaitement avec un saumon à l’oseille. En fin de repas, le gras d’un reblochon, d’un vacherin crémeux seront équilibrés par la fraîcheur du vin.

Laissons conclure le « gourou » Robert Parker : « Vins succulents… Daniel Bouland offre une interprétation particulièrement gourmande, une concentration fine et une longue finale qui font claquer les lèvres ». Et en terme d’offre, le rapport qualité-prix (10 euros) s’avère exceptionnel.

Daniel Bouland Corcelette
69910 Villie-Morgon




Bourgogne : Château de Monthelie – Domaine Eric de Suremain

Le Château de Monthelie, c’est d’abord une histoire de famille, où, tour à tour, les générations se sont succédé depuis 1903. Aujourd’hui, Eric de Suremain et sa femme Dominique exploitent le domaine avec énergie et passion.

Monthelie est un joli village niché au cœur de la Bourgogne qui partage ses coteaux avec Meursault, Volnay et d’Auxey Duresses. Le Château de Monthelie (XVIIIe siècle) avec sa toiture en tuile vernissée de Bourgogne, est inscrit à l’inventaire des monuments historiques.

C’est en 1903 qu’Albert de Suremain hérite du Château de Monthelie. Son fils, Robert, s’y installe en 1930 avec son épouse Germaine et exploite les vignobles de Monthelie et de Rully (propriété de sa femme). 

En 1956, c’est au tour de Bernard, l’un des quatre enfants de Robert, de s’y installer  et d’exploiter le domaine. Il est rejoint par son fils Eric en 1978 qui commence, après des études au lycée viticole de Beaune et six mois passés aux Etats-Unis, comme métayer, avant d’en prendre la gestion en 1983 avec sa femme Dominique. Et depuis 2019, C’est au tour de Gwendoline, leur fille, de les rejoindre dans cette belle aventure.

L’exploitation

De nos jours, le domaine Eric de Suremain exploite 5,7 ha sur Monthelie et 5 ha sur Rully. Les cépages sont ceux de la tradition bourguignonne avec le pinot noir qui est particulièrement adapté au climat et aux terroirs qui exprime ici toute sa dimension dans les vins rouges. Il apprécie les sols profonds, mais reste fragile et sensible au mildiou et à l’oïdium.

Quant au Chardonnay, ce cépage originaire de Bourgogne, prend ici toute sa dimension dans les vins blancs. Robuste malgré sa vulnérabilité au gel, il préfère les sols calcaires peu fertiles. 

La philosophie de la culture

Depuis 1996, Eric de Suremain cultive sa vigne selon la charte de l’agriculture biologique et certifiée en 2003, une volonté farouche de ne pas utiliser de produits chimiques de synthèse et de favoriser ainsi la biodiversité et la revitalisation des sols. 

Puis la « biodynamique attitude » est apparue. Le maître des lieux la compare à un chef d’orchestre. C’est elle qui donne le ton, l’impulsion, l’harmonie entre le sol, la plante et l’homme. Elle agit en parfaite concertation dans le sens même de la nature. Pour Eric, la biodynamie est l’essence même de la terre. De par ses principes, précise-t-il, « nous avons appris à nous adapter à la plante, au terroir, au climat. Nous observons le sol et la plante pour mieux agir. »

« Chacune de nos interventions biodynamiques favorise la racine, la feuille, la fleur ou le fruit » en y apportant des préparats d’origines animales (compost de bouse et bouse de corne), végétales (ortie, valériane, camomille, pissenlit, écorce de chêne, achillée mille feuilles) et minérales (silice).

Par dose homéopathique et mélangée avec de l’eau et dynamisée, ces préparats seront ensuite vaporisés dans la vigne. 

Le calendrier lunaire donne ensuite les éléments nécessaires quant aux moments propices pour intervenir quant à la taille, les mises en bouteilles ou toutes interventions sur le vin ou les vendanges.

Les vins

Nous avons goûté le millésime 2017 dans les appellations 1er Crus Rully et Monthelie.

Tout d’abord les blancs avec le Rully 1er cru « Agneux » qui dévoile un premier nez discret sous une teinte or pâle. Apparaissent ensuite des notes lactées, beurrées, florales et vanillées d’une belle intensité. L’attaque en bouche, grasse, tendue, est bien équilibrée, ronde et agréable sur un support acide parfait avec des notes de fleurs blanches, de poire et de noisette.

La persistance aromatique est magnifique et laisse présager d’un beau potentiel de garde.

Puis c’est au tour du Rully 1er cru Pillot « L’Intemporelle » avec une belle teinte jaune dorée. Après un premier nez discret qui évolue sur des notes florales, de cassis, d’épices et de bergamote, nous avons une belle attaque en bouche avec une puissance gustative qui se développe rapidement vers de la complexité et de la richesse. La présence de gaz carbonique apporte de la légèreté et de la fraîcheur. On y retrouve les chardonnays bourguignons d’autrefois !

Ce vin est un Grand vin, très prometteur et qu’il ne faut pas hésiter à garder.

Puis viennent les Rouges avec le Monthelie 1er Cru « l’Instant ». Une belle robe rouge rubis et brillante. Le nez encore timide sur des notes épicées, fumées, de noyau, mais l’entrée en bouche est belle, réglissée et croquante sur de la griotte. Les tanins intégrés et bien extraits sont de belle qualité et de belle maturité. Ce vin est destiné aux connaisseurs affirmés.

Et nous terminons avec le Rully 1er cru « Préaux », un flacon à partager sans modération entre amis pour un repas plaisir. Robe rouge rubis éclatant et d’une belle intensité, un nez flatteur sur des notes légèrement café/grillé, cerises noires, croquantes, une belle acidité d’entrée de bouche, agréable et fluide, où l’on retrouve le croquant et la gourmandise d’un pinot. Les tanins présents sont bien intégrés, délicats et fins.

Dans chaque bouteille il y a ostensiblement une véritable culture de l’art du vin.

Des restaurants prestigieux comme Troisgros ou la Côte Saint-Jacques, L’Oiseau des Ducs de Bernard Loiseau, ou plus simplement la Closerie des Lilas à Paris ne s’y sont pas trompés.

Si vous passez à Monthelie, vous y croiserez peut-être Eric de Suremain emmener son cheptel de poules afin d’y réintroduire (à petite échelle) des animaux « gratteurs » dans la nature…

Pascal Wolff

Domaine Eric de Suremain
Château de Monthelie – 21190 Monthelie




Crémant d’Alsace – Blanc de blancs – Domaine Pfister

Amélie Nothomb a récemment déclaré « loin de moi l’idée de dire du mal des crémants d’Alsace ou de Bourgogne, mais ce sont des pétillants. Tandis que le champagne est effervescence. Et l’effervescence c’est de l’émotion, de la spiritualité en plus ». Eh bien au risque de contredire l’immense écrivaine, d’autant qu’elle confesse, sans retenue aucune, sa passion immodérée pour le champagne, je propose, à l’occasion de fêtes ou cérémonies, de déguster un crémant alsacien qui, en termes de finesse et d’effervescence, concurrence, sans difficulté, un bon champagne, et qui est élaboré par une autre femme de caractère : Mélanie Pfister.

La petite cité de Dahlenheim était déjà connue au Moyen-âge pour la qualité de ses vins ; le domaine Pfister y est implanté depuis 1780. André, le père de Mélanie, avait développé dans les années 1980-90 la viticulture en s’attachant à préserver l’intégrité des sols avant de confier en 2008 les rênes à sa fille qui représente donc la 8e génération. Au nord du Bas-Rhin, les vignobles de
Dahlenheim ne sont plus protégés par les Vosges du froid et des influences pluvieuses, le climat donc plus frais, le terroir essentiellement argilocalcaire expliquent la minéralité et la finesse prédominantes des vins.

Le domaine Pfister couvrant 10 ha comporte de nombreuses et belles parcelles comme le Silberberg ou le grand cru Engelberg (colline des anges) permettant de nombreuses cuvées parcellaires et imposant un équipement de plus de 40 cuves thermorégulées. Mélanie Pfister, après une solide formation d’ingénieur agronome à Bordeaux, et d’œnologue à Dijon, effectua de nombreux stages dans des domaines réputés comme Méo-Camuzet en Bourgogne, Cheval-Blanc en Bordelais, Zind-Humbrecht en Alsace.

Le respect de la terre et de l’environnement

D’emblée, elle marque sa préférence pour les vins secs, fuit le sucre inutile, le degré alcoolique trop important au profit du fruit et oriente l’expression du terroir vers la minéralité. La culture respecte la terre et l’environnement, élimine les produits chimiques, la conversion bio est en cours. Cette démarche a déjà permis l’obtention en 2013 du label « Haute valeur environnementale » et, en 2015, la certification « Fair’n Green » qui prend en compte le bilan carbone et l’investissement dans l’outil de production.

Le crémant assemble du chardonnay issu du terroir argilocalcaire de la Lehe qui procure beaucoup de finesse, et des pinots blancs et auxerrois des coteaux marneux d’Osthoffen qui apportent fruité et chair, donc des cépages blancs constituant un vrai blanc de blancs.

Après des vendanges manuelles, les fermentations alcooliques, puis malo-lactiques grâce à un levurage indigène, s’effectuent en cuves inox thermorégulées suivies d’un élevage sur lies fines avant l’embouteillage pour une 2e fermentation en bouteille par ajout d’une liqueur de tirage selon la méthode traditionnelle champenoise. Ce crémant de Mélanie Pfister se singularise par un élevage sur lattes particulièrement long de 38 mois jusqu’au dégorgement du dépôt de lies et l’apport d’une liqueur de dosage faiblement sucrée à 4 g/l, ce qui le fait entrer dans la catégorie des extrabruts.

Habillé d’une robe jaune d’or pâle, ce crémant, composé de 60 % de chardonnay et de 40 % de pinots blancs et auxerrois, a été récolté en 2014 et dégorgé en novembre 2017. Il fait exploser dans le verre un pétillement brillant et scintillant de très fines bulles se dégageant en cheminées continues et traçant une écume de mousse légère. La finesse de la bulle et la tenue de la mousse témoignent ainsi de la fermentation douce et de l’élevage long sur lies. Des senteurs de pain grillé et de brioche typiques de l’autolyse des levures par le long élevage avant le dégorgement envahissent le nez tout en préservant pureté, finesse, fraîcheur. A mesure que le vin s’aère dans le verre, émergent des arômes de jasmin, de pomme mûre, d’agrumes dominés par le zeste de citron structurant la belle acidité et la minéralité. La savoureuse finale dévoile des notes d’amande et une petite touche oxydative ajoutant à sa complexité.

Un merveilleux vin d’apéritif

Ce crémant vif, minéral, salivant est un merveilleux vin d’apéritif, dont l’effervescence met en valeur les petits feuilletés au fromage, les gougères, le kougelhopf salé alsacien. Mais son acidité, ses notes d’agrumes doivent aussi orienter les accords vers les produits marins : crevettes grises, rillettes de poisson, saumon fumé ou mariné, carpaccio de langoustines. Dans la suite du repas, il se mariera fort bien avec des poissons cuits à la vapeur, des Saint-Jacques au naturel, et surtout des assortiments de sushis. De façon plus inattendue, il peut clôturer votre repas sur des fromages de chèvre frais ou demi-secs, car, comme tous les blancs de blancs, il ne s’accordera pas avec les desserts sucrés.

Si vous aimez les vins marqués par la pureté du fruit, la finesse, la minéralité qui, de plus, sont à tarifs raisonnables, vous serez comblés par ceux proposés par Mélanie Pfister. Contrairement aux idées reçues qui ont classé le crémant comme « le champagne du pauvre », celui de cette vigneronne alsacienne tiendra la dragée haute à maintes bouteilles champenoises, et en tout cas ouvrira avec grâce vos agapes de fêtes.

Crémant d’Alsace Blanc de Blancs
Domaine Pfister, 53 Rue Principale – 67310 Dahlenheim

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Château Talbot 1996 – Grand vin de Saint-Julien

Je voudrais vous faire partager le plaisir que j’ai récemment eu à déguster ce vin, surtout si vous appréciez comme moi ces Talbot « à l’ancienne » avec leur richesse en matière et en tanin, et leur côté « sauvage ».

Moitié anglais, moitié lorrain, tel se présente Château Talbot 4e grand cru classé de Saint-Julien. En effet, il est certain que ce château a emprunté son nom à
John Talbot, gouverneur de Guyenne, grand connétable des armées anglaises qui n’en a jamais été propriétaire, mais y avait installé son quartier général en juillet 1453 avant de marcher sur Castillon, où l’attendaient les forces du roi de France. Non seulement il devait perdre cette bataille décisive qui mît fin à la guerre de cent ans et à la domination britannique en Aquitaine, mais il y laissa également la vie. Car Talbot, homme d’honneur ayant prêté serment de ne plus combattre le roi de France, marcha, désarmé et sans armure, à la tête de ses troupes, pour tomber sous le feu des couleuvrines françaises.

Pendant plus de deux siècles, le domaine fut la propriété du marquis d’Aux et de ses descendants (dénommé alors Talbot d’Aux).

Désiré Cordier, d’origine lorraine, était négociant en vins à Toul, lorsqu’il dut quitter sa région natale, pour fuir la guerre de 1914. Installé dans le bordelais, il acheta Talbot en 1917. Depuis, ce grand cru est resté dans le giron de la famille Cordier, ce qui prouve leur réel attachement à ce domaine. Le petit-fils Jean réalisa de nombreux investissements, pour produire un vin de qualité. 

A la mort de Jean en 1993, ce sont ses filles Lorraine disparue en 2011 et Nancy (racines familiales !) qui héritent de la vaste propriété. Aujourd’hui, Nancy Bignon-Cordier dirige le domaine. Elle a financé un profond renouvellement avec la création, en 2011, d’un chai performant et spectaculaire.

Le Talbot, dont on appréciait le caractère classique, a gagné en finesse, tenue de bouche, précision grâce aux conseils de Stéphane Derenoncourt, Jean-Michel Laporte et la présence d’Eric Boissenot comme œnologue, mais il reste noir d’encre, délicieusement gras et suave, toujours régulier, toujours Saint-Julien, dont les tarifs demeurent relativement raisonnables (un peu plus de 50 euros pour le 2015).

Viticulture raisonnée, sans herbicide ni insecticide

Le vignoble de 110 ha d’un seul tenant entoure le château situé à la frontière de Pauillac, favorablement orienté vers le sud-ouest sur 2 croupes graveleuses, séparées des sols argilo-limoneux dotés d’une bonne réserve hydrique. 

Le travail du sol est l’objet de soins vigilants : viticulture raisonnée sans herbicide ni insecticide, labour traditionnel, chaussage et déchaussage des ceps, ébourgeonnage, rognage assez haut pour favoriser la surface foliaire, effeuillage sur une face. Les vendanges sont manuelles, un double tri à la vigne, puis par trieuse optique est réalisé. 

Les raisins, en cuves bois thermorégulées, subissent une macération à température ambiante, puis sont levurés avec une souche neutre et mis en fermentation. Les cuvaisons avec délestages précoces, puis remontages durent 1 mois. L’élevage pendant 14 mois bénéficie de 50 % de bois neuf et de quelques soutirages.

Un vin majestueux, élégant et complexe

Le château Talbot 1996 assemblant 70 % de cabernet sauvignon, 25 % de merlot, 3 % de cabernet franc, 2 % de petit verdot arbore une robe rubis foncé soutenu bordée d’une légère frange orangée témoignant de l’âge respectable. 

Le nez est envahi par toute une gamme de senteurs les plus variées : fruits noirs : cassis, mûre, nuancés de réglisse, épices douces : clou de girofle, poivre blanc, herbes fraîches : eucalyptus, menthe, tabac de Havane, cuir, rejoints par quelques notes empyreumatiques : café, pain grillé. La bouche est bien étoffée et impressionnante de richesse en matière. 

La texture est charnue, les tanins bien présents, mais fondus. Commencent à poindre des flaveurs d’évolution gibier et truffe. La finale est tout à la fois persistante, profonde et bien marquée par la mâche. En résumé, il s’agit d’un vin majestueux, élégant et complexe grâce à sa richesse aromatique, d’une grande capacité aux longues gardes.

J’avais dégusté ce Talbot 1996 avec un classique gigot, mariage au demeurant parfaitement réussi comme avec toutes les préparations à base d’agneau : selle, épaule, navarin, mais je pense que la patine de l’âge permet à ce vin des rencontres plus prestigieuses : en premier lieu, des gibiers délicats plutôt à plumes qu’à poils, les oiseaux mythiques du sud-ouest : bécasses, palombes réaliseraient un magnifique accord, de même des cailles aux raisins, une chartreuse de perdrix, une grouse rôtie au vin rouge, un faisan à la mode de Gascogne formeraient avec ce château Talbot une osmose mémorable. Ses arômes de mélanosporum mériteraient une confrontation avec les grands plats truffiers ; chausson ou chapon de Bresse rôti aux truffes, truffe sous la cendre, soupe VGE.

Ce grand vin que l’âge vient sublimer, nous incite, au-delà du plaisir des arômes, à réfléchir, hors du temps, sur l’histoire et l’héritage de ses origines qu’il transmet.

Famille Cordier
33250 Saint-Julien de Beychevelle

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Mas Llossanes rosé 2017 Côtes Catalanes

Qui en doute encore ? Même pas moi ! … Le rosé est maintenant un vin de prestige et de gastronomie présent dans les restaurants les plus huppés et, cocorico, la France caracole en tête de la production mondiale et exporte massivement aux Etats-Unis, malgré Trump ! Parmi les nombreuses régions productrices, le Roussillon émerge, car son terroir permet de produire d’excellents rosés grâce, en particulier, au cépage cinsault, dont la finesse, le fruité, la douceur des tanins sont bien mis en valeur par le pressurage direct.

C’est sur les contreforts des Pyrénées au milieu de 12 ha de maquis à 700 m d’altitude que se niche un des plus hauts vignobles français : le mas Llossanes. J’avais déjà été séduit par son rouge Dolmen puissant et très aromatique des côtes Catalanes, j’ai été conquis, durant cet été caniculaire, par son rosé.

Le domaine se situe à cheval sur les villages de Tarerach et Arboussols en face du mont Canigou. Les 11 ha de vignes, nées dans les années 1940, prennent racine sur des sols de schistes et d’arènes granitiques à flanc de montagne regardant la mer. Un magnifique dolmen du néolithique sur ces terres l’identifie comme un lieu de culte : un lieu saint (Llossanes en catalan). 

Une vivacité rare pour un vin méditerranéen

Depuis 2016, Solenn et Dominique Génot ont acquis ce domaine, elle sommelière, lui ingénieur agronome et œnologue, après avoir passé 10 ans à gérer une propriété réputée en Toscane. Quarantenaires, ils décident de s’épanouir en choisissant l’exceptionnel terroir du mas Llossanes, les magnifiques paysages du Roussillon guidés par leur goût pour les vins du sud et aussi l’attractivité du foncier. L’altitude, le climat marquent leurs vins d’une fraîche vivacité rare pour un vin méditerranéen. Dès leur arrivée, le vignoble bénéficie d’une culture biologique (certifiée) et biodynamique. Tout en bannissant les produits chimiques, ils travaillent les sols au tracteur et à cheval. Les vignes sont stimulées par des apports de compost et de préparations biodynamiques. En toute logique, les vendanges sont exclusivement manuelles. 

La philosophie bio et biodynamie

En cave, la même philosophie bio conduit la vinification : limitation au minimum des interventions, et des intrants, utilisation de levures indigènes, doses faibles (> 40 mg/l) de sulfites, pas d’enzymage, ni de produits exogènes. Le rosé est un 100 % cinsault issu de vignes âgées de 40 à 80 ans. Les raisins non égrappés sont pneumatiquement pressés délicatement et très lentement, pour préserver vivacité, fraîcheur et rehausser la couleur lors de la macération dans le pressoir. La fermentation à basse température et la maturation pendant 3 mois sur lies fines s’opèrent dans des cuves en acier inox, la fermentation malolactique secondaire adoucit l’acidité. Ensuite il faut encore 3 mois de vieillissement avant la mise, sans collage, en bouteille fermée par un bouchon en verre.

Habillé d’une robe rose brillante tirant sur l’orange et l’ambre, ce rosé du mas Llossanes 2017 (2 ans de vieillissement minimum sont nécessaires, pour qu’il s’ouvre et gagne en maturité) exprime de délicats et gourmands arômes de petits fruits rouges : groseille, fraise des bois, des parfums floraux d’herbes résineuses et de garrigue. Une touche inattendue de cardamone renforce la personnalité de ce vin. 

La bouche frémit sous l’effet d’un grand courant de fraîcheur, de vivacité et de minéralité et répand les sucs délectables d’un fruité croquant et savoureux. Une texture rafraîchissante, vive et glissante, des tanins soyeux, une longue finale salivante vivifiée par des notes de fraise, de peau de pêche, de laurier et romarin confirment la haute qualité de ce vin.

Un vrai vin de gastronomie

Et quel meilleur moment, pour déguster ce rosé que celui de passer à table ? De l’entrée au dessert, la liste des accords est ici inépuisable. Ce rosé sera parfaitement adapté, pour accompagner les entrées provençales : pissaladière, petits farcis niçois, tomates sous toutes formes : gaspacho, tarte friande, farcies, crues avec burrata, mais aussi carpaccio de thon rouge, tartare de bar. 

Son origine catalane appellera les anchois : marinés, en anchoïade, dans une salade niçoise, voire une tartine de poutargue. 

Ses arômes de cardamone se marieront avec la cuisine indienne : samoussas, pakoras, bhajji aux oignons. Le mas Llossanes rosé donnera une note festive et rafraîchissante à votre barbecue de saucisses, merguez et brochettes, ou de poissons : sardines, rougets. Servi bien frais, il calmera le feu de la rouille d’une bouillabaisse ou de l’harissa d’un couscous. Il poursuivra le repas sur un chèvre frais à l’huile d’olive, un Saint-Nectaire fermier ou un brocciu corse.

Pour les desserts, ce sont certainement les fruits rouges, simplement : en sorbet, tartelette, salade ou plus sophistiqués : sabayon à la framboise, pannacotta à la fraise qui l’accompagneront le mieux.

Ce vrai vin de gastronomie que vous pourrez déboucher en toute saison, illustre parfaitement la philosophie du couple Génot : « L’objectif, poursuivi par nos choix, est d’exprimer au mieux la personnalité du terroir, sans jamais le maquiller, ni le masquer ».

Solenn et Dominique Genot – 66320 Tarerach

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Vin de moselle « pappoli villa » 2017

Et si avait éclot en Moselle un « wonder kid » de la vinification ? L’obtention pour les vins mosellans d’une AOC en 2010 a indiscutablement entraîné une remarquable progression qualitative derrière des domaines phares (voir Le Cardiologue n° 333) privilégiant la culture bio, affinant des cépages adaptés au terroir : auxerrois, mûller-thurgau, pinot gris, bonifiant le caractère corsé des pinots noirs. A cela s’ajoute l’arrivée de jeunes viticulteurs, illustrée par François Maujard.

Ce dynamique vigneron tout juste trentenaire avait assouvi sa première passion : le rugby évoluant en cadet au club de Metz aux côtés d’un certain Morgan Parra, future star de l’équipe de France. Il avait ensuite voulu travailler dans la finance en débutant une licence d’économie à la faculté de droit de Nancy, mais avait été vite rebuté par l’âpreté et le manque d’éthique du milieu qu’il entrevoyait. Il décide alors de se rapprocher du monde paysan, pour être confronté au concret, œuvrer pour la protection de la nature et l’avenir de ses enfants. Il décide donc de devenir vigneron en passant un BTS viti-oeno à Beaune en alternance avec des stages chez des vignerons réputés : Thibault Liger-Belair, Thierry Mortet, Sylvain Pataille. Cette formation purement bourguignonne va beaucoup influer sur ses choix œnologiques : ses pinots noirs nous rappellent ceux de Nuits-Saint-Georges, ses chardonnays, une rareté dans la région, ont le nez flatteur typique de ce cépage.

Tout récemment installé en 2016, il a pu, grâce à des subventions, acheter ou prendre en fermage des vignobles, dont les propriétaires, pour certains déjà bio, partaient en retraite ou acceptaient de l’aider sur les communes de Plappeville, Lessy, Jussy, Vaux et Rozérieulles couvrant un peu plus de 4 ha complantés principalement en pinot noir, auxerrois, pinot gris. Les terroirs bien drainés, constitués de terrasses pierreuses et de sol argileux sur éboulis calcaires, sont situés sur des coteaux de la Moselle, le plus souvent exposés sud, sud-est générant un microclimat protégé des influences froides. La pluviométrie est régulière, les chaleurs estivales sont tempérées par le fleuve.

Dès le départ, le jeune homme, fidèle à ses convictions, ne conçoit pas de travailler autrement qu’en bio, malgré les contraintes et le surcroît de travail. Les vignes sont enherbées, légèrement griffées sans labour. Toute chimie est exclue. La prévention du mildiou, fréquent en Moselle, repose sur la bouillie bordelaise en limitant les doses de cuivre à moins de 6 kg/ha. Des préparations bio, type tisane d’ortie, sont en préparation. Les engrais sont naturels.

Les vendanges, très soigneusement triées, sont manuelles (obligatoire pour l’AOC) en petites caissettes. La vinification est la plus naturelle possible. Les raisins blancs non égrappés, ni levurés ou enzymés, sont transférés en cuve, pressurés pneumatiquement pendant 2 h, débourbés pendant 24 h. L’entonnage par gravité dans des tonneaux de chêne parfois chauffés permet la fermentation alcoolique grâce aux levures naturelles. La malolactique est systématique. L’élevage en fûts sur lies fines sans aucun batonnage pour respecter le produit, s’étend sur 8 à 12 mois. Après soutirage, la mise en bouteille s’effectue sans collage, ni filtration.

François Maujard a choisi de vinifier séparément chaque parcelle en mono-cépage, pour « distinguer les nuances des terroirs et offrir une palette diversifiée de vins ». Il avait l’intention, selon le modèle bourguignon, d’attribuer à chaque cuvée le nom du village, dont elle était issue, ce que les règles administratives lui ont interdit. Aussi, il contourne la difficulté en prenant leur nom historique datant de l’époque romaine : Pappoli Villa (Plappeville), Vallis (Vaux), Jussiaca (Jussy) !

Malgré son atavisme bourguignon, il a une tendresse toute particulière pour le cépage auxerrois apparu fin du XIXe siècle sur les coteaux de la Moselle, mais qui doit son nom au fait qu’il fut développé dans des pépinières proches d’Auxerre.

Le Pappoli Villa 2017, pur auxerrois, paré d’une brillante robe jaune topaze à reflets verts, fait jaillir du verre d’intenses senteurs de fruits jaunes : poire Williams, pêche, mirabelle (Lorraine oblige !), melon et abricots nuancées de subtiles notes d’agrumes : orange bien mûre, zeste de mandarine, d’épices noires (coriandre) et de vanille traduisant l’élégant boisé. La bouche allie une texture crémeuse à un séveux riche, tendu, ciselé avec une touche minérale pierreuse et crayeuse. La finale raffinée s’attarde sur une certaine douceur miellée liée à un peu de sucre résiduel qui contribue à atténuer l’alcool (13,5 °) et à soutenir la richesse en fruit.

Cet auxerrois mosellan s’accordera parfaitement et logiquement avec la cuisine de la même région : tourte à la viande, pâté lorrain, grenouilles à la mode de Boulay, cassolette d’escargots à l’anis et avant tout quiche bien crémeuse. Il sera également complice de poissons de rivière en sauce : pavé de sandre, brochet braisé à la crème, matelote de poissons d’eau douce. François Maujard estime que certaines notes sucrées et exotiques de son vin peuvent faire merveille avec les plats sucrés-salés : tajine d’agneau aux pruneaux et abricots, pastille de pigeon amande et miel, poulet aigre doux ananas, brochettes de porc satay à la banane.

Les vins de garage élaborés par des viticulteurs inspirés dans des locaux exigus avec les moyens du bord ont autrefois connu leur heure de gloire. François Maujard, dont le chai est installé de bric et de broc dans une vieille grange, va probablement connaître la célébrité en inventant les «vins de grange». En attendant, il se réjouit : « on a la chance, nous les vignerons, de vendre du rêve. Même si le métier est dur, on fournit du bonheur. C’est magique » et les prix à moins de 15 euros plus encore !

Domaine Maujard-Weinsberg 57535 Marange-Silvange

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Château Tour des Gendres « La gloire de mon Père » 2012

Quel rapport entre la prestigieuse appellation bourguignonne Romanée Conti et le modeste Château Bergeracois Tour des Gendres ? Bien sûr : le vin, mais aussi un nom Conti porté conjointement par la branche cadette de la maison de Bourbon, le prince Louis-François de Bourbon-Conti ayant acquis en 1760 le grand cru des Côtes de Nuits et par le fondateur de l’exploitation agricole du Périgord, Vincenzo de Conti, émigré en 1925 de Vénétie, probablement lui aussi d’origine patricienne.

Appartenant à la troisième génération, Luc de Conti, guidé par sa passion des chevaux, s’installe aux Gendres début des années 1980, récupère quelques hectares de vieilles vignes, plante, secondé par sa femme Martine, de nouvelles parcelles. Francis, son cousin, rejoint l’exploitation en 1990 amenant au domaine ses 20 ha de vignes de Saint-Julien- d’Eymet. Connue depuis le XIIe siècle comme la ferme viticole du château de Bridoire, la propriété des Gendres, située sur l’emplacement d’une villa gallo-romaine, doit son nom à son propriétaire de l’époque qui était le gendre du châtelain de Bridoire.

D’emblée, Luc de Conti affiche ses ambitions : se mesurer à ses prestigieux voisins du Libournais, démontrer que le Bergerac ne doit pas être considéré comme un « sous-bordeaux » et opter pour une viticulture bio.

Aujourd’hui, le domaine s’étale sur 52 ha en appellation AOC Bergerac de 3 vignobles : les Gendres, le Grand Caillou et Saint-Julien-d’Eymet. Le terroir se répartit en croupes argilo-calcaires en pente douce sur un sous-sol de Marne de Castillon et de molasses de Monbazillac exposées plein sud très favorables au cabernet-sauvignon. Les parcelles sont entourées de bois, de haies ; la biodiversité, oiseaux, papillons, fleurs, est riche justifiant la pertinence de l’option bio. Les vignes plantées à 6 300 pieds/ha sont taillées en Guyot simple permettant un rendement de 40 hl/ha. Un rang sur 2 est enherbé, l’autre travaillé à l’intercep. Les vignes sont effeuillées 15 jours avant les vendanges, afin de diminuer le degré alcoolique du vin.

Les traitements sont purement bio, le compost est naturel. Les insectes, parfois très gênants, sont limités par confusion sexuelle, la cicadelle contenue par le blanc d’argile. Très sensibles à l’esca, les pieds sont régulièrement complantés.

Des vendanges nocturnes

Les vendanges, souvent nocturnes pour garder la fraîcheur des raisins, se déroulent pour un tiers à la main, deux tiers avec une machine trieuse qui restreint la durée de la récolte. Les raisins, transportés par des bennes à double fond pour isoler le jus, arrivent à la cave sur une table de tri, puis sont encuvés en respectant l’intégrité des baies. Les raisins rouges totalement éraflés sont envoyés dans des cuves pour une macération longue de 30 jours avec micro-oxygénation sous marc, la fermentation est naturelle avec au début plusieurs pigeages quotidiens. Après la malolactique, le vin est élevé, sur lies régulièrement bâtonnées, en barriques et foudres, dont 10 % sont neufs pendant 12 mois. Il revient en cuve pendant encore 6 mois avant un embouteillage après une filtration minimale, mais sans collage.

La cuvée « la Gloire de mon Père » assemblant 50 % de cabernet, 25 % de merlot, 25 % de malbec reflète bien la richesse et la typicité du terroir et se caractérise par sa belle maturité de fruits, sa puissance, sa fraîcheur.

Paré d’une robe rouge grenat foncé aux reflets violacés, ce Bergerac « la Gloire de mon Père » 2012 exhale d’intenses saveurs de fruits noirs : cassis, mûre, de fleur : violette, des notes balsamiques et épicées (poivre blanc, réglisse mentholé). Des nuances toastées et boisées sur le chocolat accompagnent la qualité des fruits. La bouche est généreuse avec une structure tanique encore dense et serrée. Ce vin porté par une fraîcheur remarquable offre une finale charnue sur le tabac de Havane et le sous-bois.

A priori, les cépages bordelais de ce Bergerac appellent l’agneau et, de fait, il s’accordera bien avec une selle d’agneau rosé, un gigot de 7 heures, un cari à l’indienne, un simple navarin. Mais du fait de sa persistance tanique, ce vin s’accommodera peut-être mieux de plats salivants à caractère affirmé. Ainsi son origine périgourdine incite à se tourner vers la savoureuse et roborative cuisine du sud-ouest. Ce vin « la Gloire de mon Père » s’épanouira avec une salade de gésiers confits, une grive fourrée au foie gras, des cailles à la moutarde ou au miel, un tripoxak (boudin d’agneau sur coulis de tomates), voire un cassoulet de Castelnaudary (encore qu’un Cahors me semble plus approprié). L’intensité et la structure de ce vin lui permet un accord idéal avec la mâche et l’onctuosité du canard : confit aux lentilles, magret grillé accompagné de cèpes, aiguillettes au vin rouge, caneton aux olives ou à la sauce bigarade.

Compte tenu de la hausse vertigineuse des prix dans le Bordelais, il est réconfortant de constater que certains excellents vins du Bergeracois peuvent, sans complexe, vous proposer une alternative savoureuse à doux prix.

La conclusion appartient à Luc de Conti « Nous avons conjugué tous nos talents pour que nos vins, notre appellation et notre région inspirent dynamisme et prospérité ».

Château Tour des Gendres « La gloire de mon père » 2012
Cotes de Bergerac Rouge. Famille de Conti 24240 Ribagnac



Santenay blanc 1er Cru Beaurepaire 2012

J’ai déjà, à plusieurs reprises dans cette revue, exprimé mon admiration pour les chardonnays de Côte d’Or, région qui, je le réaffirme, produit les plus grands vins blancs du monde.

Ceux-ci (Corton-Charlemagne, Montrachet et ses vassaux : Chevalier, Batard, Bienvenue) atteignent, à l’instar des grands crus rouges, des prix fabuleux, mais il est encore possible de dénicher, dans de plus petites appellations, d’excellents blancs à des tarifs abordables, tels ceux d’Antoine Olivier.

Créé en 1967, le domaine Olivier puise ses origines dans quelques vignes laissées par Mr Moreau-Chevalier à son petit-fils Hervé, le père d’Antoine. Basé à Santenay, le domaine s’est étendu, pour atteindre maintenant 12 ha, dont 5 en blanc, ce qui est une exception dans l’appellation qui produit seulement 10 % de vins blancs. Antoine Olivier, ayant succédé à son père depuis 2003, s’est attaché à la mise en valeur des terroirs anciens historiquement réputés pour la production de Santenay blanc.

Un microclimat favorable 

Santenay, tout au sud de la Côte de Beaune, protégé à l’ouest par la montagne des 3 Croix, jouit, grâce à son exposition sud, sud-est, d’un microclimat favorable pour les vignes plantées sur des sols de calcaire oolithique et de marnes qui assurent un excellent drainage. Le 1er cru Beaurepaire, sur des versants atteignant 350 m avec des sols très caillouteux idéalement exposés, est réputé pour la qualité et la finesse de ses vins, aussi bien rouges que blancs.

Antoine Olivier, qui se présente comme un grand quadra dynamique, sympathique, blagueur, voire farceur, a fait le choix d’une production bio sans la revendiquer en excluant tout produit de synthèse, pesticide ou désherbant, pour mettre en valeur ses terroirs, respecter l’environnement, transmettre un patrimoine sain. Il privilégie les labours, pour favoriser les échanges entre la plante et son terroir. Une grande attention est portée à la végétation : taille pendant l’hiver pour pérenniser les plants, ébourgeonnage pour contrôler les rendements, palissage pour guider la vigne, effeuillage pour favoriser l’ensoleillement des grappes et améliorer l’état sanitaire des raisins.

Des vendanges manuelles

Les vendanges totalement manuelles sont transportées en petites caisses et triées systématiquement sur table dès la réception. Les raisins destinés aux vins blancs sont lentement pressés mécaniquement pour extraire l’ensemble du jus. Après une clarification rapide (débourbage), les moûts sont mis directement en fûts, où aura lieu la fermentation naturelle sur plusieurs semaines. Pendant toute celle-ci, plusieurs batonnages remettent en suspension les lies fines jusqu’à la malolactique. Les vins vont ensuite rester 12 mois en fûts de chêne, neufs pour un quart d’entre eux, sur leurs lies sans soutirage. L’élevage est terminé en cuves pendant encore 6 mois. La mise en bouteille sans collage s’effectue après une légère filtration qui assure brillance et limpidité.

Une merveille d’équilibre

Ce Santenay Beaurepaire 2012 (excellent millésime pour les bourgognes blancs), paré d’une robe or pale cristalline et brillante aux éclats argentés, délivre des arômes de fleurs blanches : chèvrefeuille, acacia, de fruits : citron vert, pomme, mûre, poire. Le chardonnay joue sur les habituelles notes de toast beurré, de miel fin, d’amandes, de noisettes grillées et prend de la hauteur avec une texture généreuse, opulente, mais gardant fraîcheur et vivacité. Gras, séveux en bouche, il réalise une merveille d’équilibre à la fois fraîche, minérale et satinée. Des saveurs de craie, pierre mouillée, herbe fraîche dynamisent sa longue finale onctueuse.

Ce vin qui, plutôt qu’un Santenay, évoque les prestigieux voisins : Chassagne ou Puligny-Montrachet, offre de nombreux et riches accords culinaires. Il s’harmonise parfaitement avec la texture délicate des poissons nobles : sole meunière, dorade au four, loup à la crème de poivrons, feuilleté de saumon. Des quenelles de brochet Nantua subliment son côté brioché. Il s’accordera également avec des crevettes sautées au gingembre, écrevisses à la nage, noix de St-Jacques truffées. Ce Santenay, comme tous les bourgognes blancs, supplante largement les vins rouges, pour accompagner les volailles et viandes blanches : poule au riz, volaille en sauce crémée et morilles, blanquette de veau, noix de veau braisé, bouchées à la reine. Gardez-en une gorgée pour certains fromages : Ossau Iraty, comté et surtout chèvres demi-secs : chavignol, pélardon, charolais.

Ainsi ce Santenay Beaurepaire, dont la douceur du prix n’est pas le moindre attrait, offre, à l’image de son vigneron, un visage enjoué et rayonnant, si bien que très justement Antoine Olivier espère « que vous aurez autant de plaisir à déguster mes vins que j’en ai eu à les produire ».

Domaine Antoine Olivier
5 Rue Gaudin, 21590 Santenay
Téléphone : 03 80 20 61 35




Domaine Hegarty-Chaman – Minervois Les Dames 2014

Que diable est venu faire un Pair du Royaume Sir John Hegarty, anobli par la reine d’Angleterre pour services rendus à l’industrie publicitaire, dans un petit bled du Minervois sur le versant sud de la Montagne Noire ? Et bien pour produire de grands vins, après avoir acheté en 2002 le domaine de Chamans, 50 ha de terres d’un seul tenant comprenant un vignoble de 15 ha, certifié bio et biodynamie depuis 2010, dans un vallon entre 150 et 300 m d’altitude isolé des autres vignobles qui lui permet d’exprimer la qualité d’un terroir d’exception.

Symbole sur les étiquettes des bouteilles, le mouton noir est là pour rappeler que le Languedoc offre l’opportunité d’élaborer des vins de haut niveau, si on se démarque des traditions et des habitudes locales productivistes.

Le terroir de Chamans se compose essentiellement de calcaire et d’argile qui retient l’humidité, vertu essentielle dans la région, avec une parcelle de schistes. Le cers, vent prédominant, assèche l’humidité sur les raisins et réduit les traitements, tisanes et préparations bios spécifiques. En accord avec son approche biodynamique, le domaine s’efforce de rétablir un équilibre naturel entre la vigne et son environnement, du sol à la faune et la flore locale, au rythme des planètes. Les machines sont très peu utilisées, des oliviers, de la lavande, des ruches créent de la biodiversité, un troupeau de moutons élimine les mauvaises herbes et assure une fertilisation naturelle par engrais organiques.

Tous les raisins sont cueillis et soigneusement triés manuellement, puis descendus par gravité dans des cuves partiellement enterrées. La vinification, assurée par Jessica Servet, s’effectue en séparant chaque cépage, les rouges sont égrappés et foulés.

La cuvé « les Dames » 2014 assemble 60 % de syrah et 40 % de carignan issus de vignes âgées de 30 à 60 ans avec un rendement faible de 25 hl/ha. La fermentation est menée en cuves époxy pendant 4 semaines grâce aux seules levures indigènes naturelles. Le vin est élevé pendant 18 mois en barriques, dont 30 % neuves. Le soufrage est minimal. Les interventions sont réduites à quelques remontages et délestages. L’embouteillage, lorsque le vin est stable à la lune descendante, s’effectue après légère filtration.

Un élevage parfaItement maîtrisé

Jessica Servet, épaulée par un œnologue et un biodynamicien, met tout en œuvre, pour privilégier la finesse, l’expression aromatique, la pureté du fruit et obtenir la texture la plus suave et les tanins les plus fins possibles grâce à cet élevage parfaitement maîtrisé.

La cuvée « les Dames » 2014 dégage, à l’ouverture, une désagréable odeur de réduction (œuf pourri, pet) qui nécessite obligatoirement un vigoureux carafage, afin de bien l’oxygéner et le report, au lendemain, de la dégustation.

Sous ces conditions, le vin, paré d’une robe pourpre amarante presque opaque, dévoile un nez sanguin et complexe de fruits rouges : fraise, framboise, d’épices et de garrigue : thym grillé, romarin, sauge, de thé noir soulignés par une touche de graphite et de balsamique. En bouche, ce vin est plus juteux et séveux que confituré. Les nuances aromatiques s’expriment dans un registre réglissé donnant une impression crémeuse et veloutée. L’équilibre entre les tanins concentrés mais veloutés, les baies vibrantes et la vive minéralité ajoutent de la complexité à sa finale incroyablement longue.

Une aspiration à l’excellence

Ce vin généreux, doté d’une agréable finesse avec ses arômes sudistes, se marie harmonieusement avec bien des recettes du Midi, surtout si elles font une large place aux herbes aromatiques : lapin aux olives, poivrons farcis à l’agneau, daube de bœuf aux olives noires, canard rôti au miel, colombo de poulet, agneau au romarin, cargolade : escargots servis avec un aïoli. Cette cuvée « les Dames » s’accorde particulièrement avec le porc : noix aux pruneaux, rôti aux herbes, travers grillés avec figues rôties. Dans un registre marin, un accord savoureux sera réalisé avec un filet de cabillaud rôti avec un jus d’huile d’olives et tomates concassées. Plus rustiquement, il mettra en valeur une terrine de volaille, un jambon de montagne ou un ballota espagnol accompagnés d’une salade de crudités. Il peut accompagner certains fromages : pélardon ou chabichou avec un pain aux olives. Avec quelques années de plus, ce Minervois épousera avec plaisir des gibiers : daube ou civet de sanglier à la purée de marrons, lièvre en saupiquet.

C’est grâce à des vins comme celui-là que le vignoble languedocien surmontera sa crise en aspirant à l’excellence.

Hegarty John
Chamans, 11160 Trausse-Minervois

Les Dames 2014 AOP Minervois 11160 Trausse-Minervois

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération




Domaine Hauvette Dolia 2011 – IGP Alpilles

Derrière le brillant écran du rosé provençal se cachent des vins blancs d’excellence, ne représentant malheureusement plus que 3,5 % de la production, qui, pour certains, méritent d’être comparés aux plus grands blancs de l’hexagone, tel ce Dolia incroyablement aromatique.

Dominique Hauvette d’origine lorraine a, au gré des vicissitudes, suivi ses parents à Val d’Isère, Paris avec déjà, toute jeune, deux passions, la terre et les chevaux. Elle en fera ses métiers : vigneronne et éleveuse de chevaux. En 1980, un peu par hasard, elle descend pour des vacances dans les Alpilles. Elle tombe amoureuse de cette magnifique région et n’en est jamais repartie. En 1987, son père l’aide à acheter un petit mas entouré de 2,5 ha de vignes. C’était sûr, elle voulait vivre de la vigne, sans, pour autant, négliger son élevage équestre. Il lui a donc fallu se former, entamer à mi-temps le diplôme national d’œnologie, suivre une formation pratique auprès des très réputés Laurent Vaillé du domaine de la Grange des Pères et d’Éloi
Durrbach de Trévallon. Mais comme elle l’avoue, « J’ai surtout appris sur le tas ». Sa haute exigence vigneronne se traduit par son choix immédiat de la culture biologique et biodynamique certifiée dès 2003.

Aujourd’hui, Dominique cultive 17 ha sur le piémont nord des Alpilles bénéficiant d’un magnifique terroir argilocalcaire riche en coquillages fossiles près de Saint-Rémy-de-Provence.

Point de clones, point de chimie dans les plantations protégées des trop fortes chaleurs et soumises au mistral grâce à leur exposition nord, où la vigneronne recherche prioritairement l’expression de cépages permettant d’allier finesse, élégance et complexité. Ainsi, guidée par son goût et son intuition, elle décide, il y a 25 ans, de complanter des cépages blancs rhodaniens qui, effectivement, trouveront les conditions idéales, pour se révéler superbement.

Madame Hauvette, à la vigne comme dans la cave, travaille, en empathie avec l’environnement, toujours avec une grande douceur. Les raisins, récoltés manuellement à petits rendements, sont pressés délicatement en grappes entières. Après études et réflexions, elle a choisi de vinifier, puis d’élever la totalité de sa cuvée Dolia dans des cuves en béton en forme d’œuf le plus naturellement possible, sans aucune intervention, l’homogénéisation parfaite grâce à ce contenant permet de ne pas filtrer le vin. L’élevage s’étend au minimum sur 1 an pour le Dolia qui assemble 40 % de vieille clairette, 30 % de roussanne comme de marsanne similaire aux grands blancs du Rhône type Hermitage ou Châteauneuf, loin des habituels rolle et ugni de Provence.

Un véritable nectar

Ce Dolia 2011, dont la robe or pale limpide brille dans le verre, est un nectar prodigieux alliant les qualités de ses cépages rhodaniens à celles de son terroir méditerranéen. Le nez est envahi d’arômes de fruits jaunes : orange miellée, physalis, melon, abricot, mais aussi de fenouil, chèvrefeuille, amande fraîche, avant que le terroir n’apporte des senteurs de truffe blanche, de roche concassée, de terre chaude. En bouche, ce vin, incroyablement racé, est un véritable élixir de générosité, de tension, de minéralité. La puissance est parfaitement maîtrisée, les tanins remarquablement intégrés. La très, très longue finale est portée par de beaux amers revigorants. A l’évidence, ce vin, promis à une très longue garde, reste encore dans le charme et la vigueur de son adolescence.

Ce Dolia, vin complexe et solaire, enrobe magnifiquement les riches plats marins : turbot aux champignons sauce hollandaise, dorade royale, lotte au safran, homard thermidor, langouste en aigre-doux d’Alain Passard. Ce vin a, de plus, le privilège d’accompagner, sans fausse note, la truffe et l’ail, et s’ouvrir ainsi à bien des recettes méridionales : brandade de morue, Saint-Jacques à la provençale. 

Un accord sur truffe blanche ou noire suivant son âge

Jeune, ce Dolia s’accorde avec les saveurs de la truffe blanche dans pâtes ou risottos, plus âgé, c’est la truffe noire qui le magnifie sur des chaussons ou ravioles. Son opulente rondeur accueillera avec plaisir des viandes blanches généreuses, telles ris de veau, asperge verte et morille, blanquette ou poularde truffée. Il remplace avec avantage bien des rouges sur certains fromages : Saint-Marcellin et Saint-Félicien crémeux.

Dominique Hauvette, qui, outre le Dolia, élabore d’autres merveilles, tant en blanc : Jaspe (moins onéreux) qu’en rouge : Améthyste et Cornaline, me souffle la conclusion : « Élever des chevaux, élever de la vigne, élever du vin, au fond c’est s’élever…».

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

En savoir plus
Nombre de bouteilles par an : 40000
Surface plantée : 16,25 hectares (Rouge : 13,00, Blanc : 3,25)
Mode de vendange : Manuelle
Âge moyen des vignes : 30 ans
Cépages rouges : Cabernet-Sauvignon (5 %), Carignan (8 %), Cinsault (22 %), Grenache noir (50 %), Syrah (15 %)
Cépages blancs : Roussanne (51 %), Clairette (39 %), Marsanne (10 %)
Coordonnées : Dominique Hauvette – 2946, voie Aurélia, 13210 Saint-Rémy-de-Provence – Tél : 04 90 92 08 91
Contact email
Vente : A la propriété ou par correspondance




Domaine de Vaccelli – Cuvée granit 2014

Pour nous remémorer nos récentes vacances, particulièrement pour les chanceux qui les ont passées en Corse, dégustons un grand vin rouge de l’Ile de Beauté, considéré comme l’un des meilleurs flacons du vignoble : la cuvée Granit du domaine Vaccelli dans l’appellation Ajaccio.

Contrairement à la plupart des autres régions de Corse qui privilégient le cépage niellucciu, cette appellation fait la part belle au sciaccarellu qui procure au vin : élégance, finesse, richesses aromatique et gustative les faisant souvent comparer aux excellents pinots noirs des Côtes-de-Nuits.

Sis dans la vallée du Taravo au sud d’Ajaccio, le vignoble fut complanté par Roger Courrèges dès 1962 sur des coteaux d’arène granitique, restructuré en 1974 par son fils Alain en privilégiant des cépages insulaires, en creusant sa cave dans le granit qui permet bons vieillissements et conservation des vins. Après des études œnologiques à Nîmes et une formation au clos Capitoro, le petit-fils Gérard, désormais responsable des vinifications, s’orienta vers la culture biologique et les sélections parcellaires sur maintenant 17,5 ha.

La cuvée Granit provient d’une parcelle de vignes de 50 ans d’âge, sur un coteau orienté plein sud, qui atteignent la maturité phénolique la plus aboutie. Adossé aux montagnes de l’arrière-pays, ce vignoble profite des atouts du terroir : altitude relative (300 à 400 m), soleil méditerranéen, vents de brises marines, humidité importante, sols granitiques drainants.

La viticulture sur le mode bio non revendiqué, très soigneuse, évite tout intrant chimique et n’utilise que des traitements naturels, d’autant que les maladies cryptogamiques sont rares.

La vendange manuelle sélectionne les plus belles grappes qui sont éraflées. La macération et la fermentation par levurage indigène en cuves inox durent 6 à 9 jours. L’élevage pour un tiers en cuves béton en forme d’œuf empêchant les lies de se déposer et apportant gras et fraîcheur au vin, pour deux-tiers en demi-muids, neufs pour certains, s’étend sur
douze mois avec remontages et batonnages réguliers. Le soufrage est minimal. Mise en bouteille après deux ou trois soutirages sans collage avec une simple filtration sur plaque.

Une beauté sauvage étincelante

Cette cuvée, presqu’un pur sciaccarellu (95 % pour 5 % de niellucciu), exprime à merveille tant le cépage que le terroir granitique particulier révélant un vin d’une beauté sauvage étincelante alliant richesse aromatique, concentration et finesse admirable.

Ce Granit 2014 s’annonce par une robe brillante relativement claire rubis tirant sur la cerise reverchon, typique du cépage sciaccarellu, qui s’avère trompeuse orientant vers un vin léger voire dilué. En fait, les parfums à l’intensité mémorable dévoilent des arômes intenses de fruits rouges macérés, de fraises au sucre, de cerises à l’eau-de-vie, de noyaux de prunes. Des senteurs d’herbes du maquis, d’épices douces : menthe poivrée, thym, origan, des nuances animales, envahissent le palais. Ce vin explose dans la bouche qui est tapissée par la légère amertume du genièvre. La douceur des fruits rouges, la réglisse des tanins, dont la finesse, l’élégance, le soyeux, offrent un équilibre parfait, un riche volume, une mâche distinguée, une longueur et une persistance remarquables. En fermant les yeux, défilent quelques paysages des Côtes-de-Nuits : Chambolle, Vosne-Romanée !

Un grand vin ensoleillé

Ce grand vin ensoleillé épousera évidemment les délicieux mets de l’Ile de Beauté. Jeune, tel ce 2014, servi frais, il fera merveille avec les savoureuses charcuteries corses : coppa, lonzu, prisuttu, pancetta. Parvenu après quelques années à maturité, il s’épanouira sur des viandes rouges grillées : entrecôte, côte de bœuf persillée, mais plus encore avec des préparations locales plus élaborées : gigot ou souris d’agneau et tianu di fasgioli, cabri confit au romarin, tournedos mare é monti (morilles et coquilles Saint-Jacques), aiguillettes de canard caramélisées déglacées au balsamique et pour les piscivores : médaillons de lotte avec légumes anciens et riz safrané. Pendant la période de chasse, il fera fête à un civet de marcassin à la myrte ou aux girolles et, si vous avez ramené quelques bouteilles sur le continent, à tout gibier bien préparé.

Une rareté de l’île de beauté

Les amateurs s’arrachent ce vin produit en petite quantité (environ 5 000 bouteilles) malgré un prix conséquent proche de 40 euros. Quasi introuvable sur le continent, vous pourrez peut-être grappiller sur place quelques bouteilles auprès de certains cavistes corses avisés, tels le Chemin des Vignobles à Ajaccio ou l’Oriu à Porto-Vecchio. Mais quelle savoureuse carte postale de l’Ile de Beauté vous pourrez imprimer, si vous arrivez à accéder à ce nectar !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

Domaine de Vaccelli – Cuvée granit 2014 – Alain Courrèges et fils
20123 Cognocoli-Monticchi



Mas Coris Rosé « Coulée Douce » 2017

Force est de faire mon mea culpa ! Il y a une dizaine d’années, dans cette même revue, j’avais exprimé mes réticences et mes préjugés à l’encontre des vins rosés. Depuis, la vague rosée submerge la France viticole : 24 M d’hl en 2014, 30 % des vins tranquilles, progression de 50 % sur 12 ans… Toutes les régions s’y sont mises, car les jeunes à 80 % les plébiscitent, et il faut reconnaître les remarquables progrès qualitatifs de ces vins.

Alors, l’été arrivant, je vous propose un très agréable rosé provenant non pas de Provence, où les prix deviennent excessifs, souvent au-delà de 20 euros, mais du Languedoc (qui talonne maintenant la Provence en volume produit) à un tarif très doux, inférieur à 10 euros.

Le Mas Coris a été créé en 2009 par Jean et Véronique Attard, lui de formation scientifique, puis journaliste féru en plongée sous-marine, elle graphiste et artiste peintre, qui, au tournant de la cinquantaine, décidèrent de changer radicalement de vie et, quoique totalement néophytes, de se lancer dans la viticulture, heureusement (bien) conseillés par de nombreux amis vignerons. Ils eurent le coup de cœur pour 2 petits ha de vignes en conversion bio dans l’appellation Languedoc-Cabrières. L’objectif était ambitieux : obtenir le meilleur vin bio possible dans les 3 couleurs. De très gros travaux furent entrepris, pour transformer un vieux bâtiment en chai, bien l’équiper avec cuves thermorégulées, barriques, acquérir progressivement quelques nouveaux ha…

Sur ce site classé Natura 2000, protégé par les premières pentes du pic du Vissou, le Mas Coris bénéficie d’un emplacement idéal sur le terroir de Cabrières, où les schistes gréseux affleurent partout donnant puissance, gourmandise, fraîcheur et équilibre au vin. Le domaine s’étend sur 8 ha, dont 5 plantés de vignes. L’environnement de chênes verts, de genêts, de genévriers, de cistes, de garrigues le protège et lui offre les meilleurs des arômes de la flore méditerranéenne. Avec une pente assez marquée sur la plupart des parcelles, une exposition dominante au sud-est, les atouts qualitatifs du vignoble sont nombreux : ensoleillement favorable, drainage naturel des eaux de pluie, altitude relativement élevée permettant des écarts thermiques jour-nuit importants, gage d’une meilleure préservation des qualités aromatiques des raisins.

La viticulture bio, comme les traitements, utilise, pour engrais, des composts et des bourbes de raisin. Le désherbage par labours exclut tout produit chimique. Les rendements sont maîtrisés par ébourgeonnage strict, taille courte, écimage, parfois vendange au vert. Les parcelles sont vendangées séparément au meilleur de leur maturité, exclusivement à la main permettant un 1er tri. Les raisins sont cueillis très tôt le matin, pour leur garder toute leur fraîcheur et éviter l’oxydation. La cuvée « Coulée Douce », assemblant 70 % de cinsault et 30 % de grenache, est un pur rosé de presse. Après rapide foulage, sans éraflage, les grappes triées sont immédiatement mises dans le pressoir. Le premier pressurage doux est suivi d’un autre pour mieux extraire le jus qui est mis en cuve thermorégulée et refroidi à 10°, pour entamer le débourbage, après lequel la température est maîtrisée entre 15° et 18° et la fermentation enclenchée pendant une dizaine de jours. L’élevage en cuve dure 6 mois. Le sulfitage est réduit au minimum.

Une bouche généreuse

La jolie couleur rose très pâle, « cuisse de nymphe » presque diaphane aux reflets brillants de cette cuvée « Coulée Douce » 2017, annonce une personnalité délicate et raffinée. Les arômes de fruits acidulés mariant la fraise des bois, le pomelo, la pêche de vigne et la cerise introduisent une bouche rafraîchissante, généreuse, exprimée par une caresse tendre et vive sur le palais. La finale énergique fait ressortir des notes d’épices, de poivre blanc, de fraise écrasée. Le degré alcoolique de 13,5° ne se ressent pourtant absolument pas !

Frais et gastronomique

Ce rosé du Mas Coris tonique et primesautier, servi bien frais, est un vin de vacances, de soleil, de barbecue, mais son ampleur lui permet aussi certaines rencontres gastronomiques. Il s’exprimera parfaitement en apéritif avec tapenade, anchoïade, poivrons marinés, feuilleté de sardines. Il accompagnera à ravir des poissons tout juste sortis de l’eau qui seront doucement grillés, tels rougets, daurade, loup, bien valorisés par une ratatouille. Et, bien sûr, il donnera une note festive et rafraîchissante à votre barbecue de saucisses, merguez, brochettes, etc. Mais vous pouvez, sans crainte, marier ce rosé avec des plats plus élaborés : un poulet fermier juteux aux herbes, une épaule de lapin confite. Curieusement, il trouvera un bel accord avec la fine cuisine thaïe, si elle n’est pas trop épicée, tel le « tigre qui pleure ». Lors des festins de vacances, il n’est nul besoin de mélanger les vins, cette « Coulée Douce » suivra tout votre repas avec des fromages de chèvre frais, type banon, et, en dessert, des tartelettes aux fraises ou aux cerises.

Véronique et Jean Attard ont remarquablement réussi leur nouveau projet de vie. En moins de 10 ans, leurs vins, non seulement le rosé « Coulée Douce », mais aussi leurs rouges, et plus encore leurs blancs, sont au sommet de l’appellation. Véronique a vaincu sa fibromyalgie malgré (ou grâce à) son travail forcené dans les vignes, Jean a conservé un petit souvenir de ses plongées sous-marines en dénommant son domaine : Coris, petit poisson méditerranéen vif et coloré.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

Vous pouvez continuez avec la visite du domaine Mas Coris.

Mas Coris Rosé « Coulée Douce » 2017 – Véronique et Jean Attard
34800 Cabrières



Meursault Village 2013 Pierre Boisson

Des saveurs tranchées, un parfum éblouissant, un équilibre entre texture onctueuse, vivacité, minéralité et, pour faire bonne mesure, une part de mystère, voilà ce qu’expriment les grands blancs bourguignons de chardonnay.

Et quand on demande aux vignerons de cette région à quoi tiennent ces remarquables qualités, la plupart répondent « C’est le terroir évidemment » en oubliant (par modestie ?) leur part de responsabilité. En matière de terroir, quoi de plus fascinant que celui ou plutôt ceux de Meursault, car ce vignoble offre une diversité de « climats » produisant des vins de personnalité et de structure très variées, dominés par le puissant trio des Premiers Crus : Charmes, Genevrières et Perrières. Mais ces grands vins sont de plus en plus inaccessibles en raison de la demande mondiale et des tarifs exorbitants de certains viticulteurs : 300 à 700 euros au domaine d’Auvenay ou chez Arnaud Ente. Aussi, il est réjouissant de dénicher des Meursault génériques, tels ceux de Pierre Boisson, dont la qualité avoisine celles de nombre de Premiers Crus.

L’effervescence des amateurs

Les vignes du domaine Boisson-Vadot furent plantées vers 1940, enracinées sur des sols de calcaire dur, parfois très pierreux sur les hauts de Meursault, village, dont les moines de l’abbaye de Citeaux au Moyen-Age avaient déjà pris la mesure de la qualité des vins. Ceux du domaine de 9 ha sont maintenant vendus sous trois pavillons, car Bernard Boisson et son épouse, née Vadot, passent progressivement la main à leurs deux enfants, Anne et Pierre, qui élaborent leurs vins sous leur propre étiquette, mais tous vinifiés, au domaine, en famille, gardent le même style. Seules, les parcelles varient en fonction du propriétaire.

Ce domaine Boisson-Vadot crée l’effervescence parmi les amateurs depuis une dizaine d’années, car la nouvelle génération a fait entrer les vins du domaine déjà d’un bon niveau dans le cercle fermé des grands bourgognes blancs.

Du bio sans le dire
Le travail à la vigne n’est pas un vain mot. La conduite de la viticulture est, en théorie, conventionnelle, « à l’ancienne », dit le père : respect des sols par élimination des produits systémiques, des engrais chimiques, labourage attentif, un bon palissage, une attention de tous les instants, bref, du bio, sans le dire. A partir de là, les jus offrent une grande expression du fruit nourri par une terre saine.

Les vendanges manuelles sont relativement précoces, pour que les raisins ne produisent pas des vins trop mous. La vinification est assurée essentiellement par le fils Pierre, précis, sérieux, dont la grande amitié avec Raphaël Coche-Dury du célébrissime domaine leur permet d’échanger informations, réflexions, conseils. Ainsi, Pierre a posé son empreinte et sa rigueur, son intransigeance le poussent vers la perfection. Il limite au minimum les interventions au chai. Les élevages sur lies fines en fûts déjà utilisés, sans bois neuf pour les Meursault villages, sont longs sur 15 à 21 mois avec des batonnages délicats destinés à remettre en suspension les seules lies fines qui, par leur côté réducteur, apportent ce grillé caractéristique, sans excès de gras. Les vins ne sont pas filtrés.

Intensité et persistance gustative remarquables

Ce Meursault village 2013 de Pierre Boisson à la teinte jaune paille soutenue, lumineuse et brillante rehaussée par des touches de vert chartreuse fait jaillir du verre des parfums de fleur blanche, tilleul, acacia, de citron, de zestes d’agrumes, de sésame grillé, de silex et pierre chaude. En bouche dominent la tension, le minéral et apparaissent les arômes murisaltiens : beurre fondu, brioche, noisette grillée. Le vin s’étire tout en longueur en caressant le palais sur un bel équilibre gras, opulence versus tension, minéralité. L’intensité, la persistance gustative sur une finale saline et salivante sont remarquables. La fraîcheur, les jolies notes grillées, l’ossature opulente évoquent fortement le style de l’icône des bourgognes blancs : Coche-Dury.

Ce Meursault 2013 accompagnera parfaitement un foie gras en terrine pour ceux qui répugnent à servir en début de repas un vin sucré ou liquoreux. Le vin de
Pierre Boisson fera merveille avec les préparations à base de veau, tels bouchées à la reine, vol-au-vent, ris. Il s’accorde bien avec filet mignon, médaillon de veau aux champignons ou agrémenté d’épices et d’une garniture, type olive ou aubergines, dont la légère amertume est équilibrée par le gras du vin. Une volaille sauce crémeuse sera flattée par son équilibre et son moelleux.

Mais c’est avec les produits de la mer que ce vin exprimera toutes ses potentialités : poissons nobles à chair ferme avec un beurre manié ou une sauce mousseline : turbot, barbue, saint-pierre, croustillant de bar au foie gras en millefeuille de pomme de terre. Un peu vieilli, ce vin se marie bien avec des fromages d’alpage : comté, vieux fribourg, reblochon.

Ce « simple » Meursault générique est indéniablement magnifique. Mais voilà le hic : la ruée frénétique des amateurs (en particulier pour les cuvées parcellaires Grands Charrons, Chevalières, 1er Cru Genevrières), la politique tarifaire exemplaire des Boissons leur interdit d’accepter de nouveaux clients !

Vous pourrez peut-être trouver quelques flacons sur quelques sites de vente en ligne ou chez des cavistes avisés.

Meursault Village Pierre Boissson
21190 Meursault



Champagne Arpège 1er Cru Blanc de Blancs

Synonyme de fête, le champagne, plus que jamais dans le cœur des Français, est apprécié toute l’année, pour célébrer les joyeux événements de l’existence avec, à l’évidence, une apogée lors des festivités de fin d’année. Aussi, permettez-moi de vous adresser mes meilleurs vœux avec le champagne que j’ai eu grand plaisir à déguster à Noël.

Vigneron depuis 1982, Pascal Doquet a travaillé dans le domaine familial pendant 18 ans avant d’entrer en conflit avec son père qui ne voulait rien changer dans ses techniques culturales anciennes. Pascal, lui, désirait se tourner vers des pratiques respectueuses de la nature, et donc convertir les vignes en agriculture biologique, mettre en avant l’expression des terroirs et des parcelles.

La rupture survint en 2004, Pascal rachetant les parts de la société familiale, pour appliquer sa philosophie de « viticulture durable » passant en bio dès 2007. Il garde le statut de « récoltant-manipulant » qui ne produit du champagne qu’issu de ses propres vignes, car il a la chance de bénéficier de 8,7 ha, essentiellement sur les magnifiques terroirs très crayeux de la Côte des Blancs, en grand et 1er cru.

Le champagne est le vin de la civilisation
Charles-Maurice de Talleyrand
Bio pur et dur (il est d’ailleurs président de l’Association des champagnes biologiques), il utilise des amendements et composts naturels, des engrais organiques, la protection sanitaire est assurée par des préparations à base d’extraits de plantes et de microorganismes, la chimie naturelle (cuivre et soufre) est réduite au minimum. Les vignes sont labourées et enherbées, des céréales sont plantées entre les rangs, afin de « mobiliser les éléments minéraux ». Les rendements sont contrôlés par la taille et la maîtrise de la vigne. Les vendanges récoltent des raisins à pleine maturité, afin d’éviter la chaptalisation.

La vinification soignée, 2/3 en cuves d’acier émaillé, 1/3 en fûts de chêne, débute par un pressurage pneumatique horizontal. Les fermentations sont effectuées par les levures indigènes de chaque terroir pour respecter leur identité. L’élevage sur lies s’étend sur 5 mois en cuves, sur 11 en fûts avec un batonnage modéré. La fermentation malo-lactique est systématique, pour diminuer l’acidité. Les vins de réserve, constituant la base qualitative pour les assemblages, comportent 3 récoltes différentes. La mise en bouteille, sans collage, a lieu entre 6 et 12 mois selon les cuvées. Le dosage de sucre après dégorgement à la volée se fait par un apport de moût concentré de raisin en privilégiant les cuvées extra-brut à moins de 4,5 g/l de sucre. La commercialisation des cuvées ne se fait donc qu’au-delà de 4 ans de vieillissement.

Trois terroirs  pour un 1er cru

La cuvée Arpège Blanc de Blancs 100 % chardonnay est composée à partir de trois terroirs 1er cru : la vinosité est prodiguée par les argiles riches de Vertus, la finesse par les sols sableux de Villeneuve, la minéralité cristalline par les silex et craies du Mont-Aimé. La contre-étiquette procure des renseignements très précis : raisins cueillis lors des vendanges 2010 (53 %) et 2011 (47 %), mis, non filtrés, en bouteille en mai 2013, dégorgés le 11 octobre 2017, dosé à 3,5 g/l.

Une texture savoureuse et tonique

Dans le verre, cette Arpège extra-brut offre un pétillement jaune pâle très clair à reflets verts prasiolite d’une belle brillance, où les bulles se dégagent en fines cheminées, sans discontinuité, et où la mousse trace une écume légère. Des senteurs de fleurs blanches : verveine, tilleul, de fruits jaunes murs : mirabelle, coing émanent du verre complétées par un bouquet mentholé de poivre blanc et de miel. En bouche, la texture savoureuse, tonique, salivante s’affirme et, à mesure que ce vin complexe et racé s’ouvre, émergent des notes minérales de fumé, de craie. La crémosité généreuse, inhabituelle pour un extra-brut, se confirme dans une finale douce, longue, persistante.

Un vin de gastronomie

Ce champagne est un merveilleux vin d’apéritif, désaltérant, vivace, frais qui ne surcharge pas l’estomac. Son pétillement mettra en valeur les petits feuilletés au fromage, les gougères, et surtout les rillettes de colin, saumon fumé à la crème fraîche. Mais ce blanc de blancs aux expressions riches et complexes est un vin de gastronomie. Les plats de grande cuisine en sauce feront fête à sa crémosité : huîtres plates chaudes (belons) à la fondue de poireau, filets de turbot sauce champagne, sole à la crème safranée, croustillant de bar au foie gras, oursins en gelée de pomme. Ce champagne réussit un bel équilibre avec de nombreux champignons, plus particulièrement les morilles. Il ne faut pas hésiter à s’aventurer vers des combinaisons plus déconcertantes avec des plats rustiques, tels potée, pot-au-feu, andouillette…

N’oublions pas que les champagnes extra-bruts ne s’accordent absolument pas avec les desserts sucrés, mais, au contraire de la plupart des vins, accueillent volontiers camemberts au lait cru et coulommiers !

On n’a jamais autant consommé, ni parlé du champagne. Pierre-Emmanuel Taittinger, président de la maison éponyme, tente d’expliquer ce phénomène : « De plus en plus de consommateurs dans le monde boivent du champagne pour célébrer, parce qu’on n’a plus besoin de célébrer quand c’est dur ».

 

Champagne Arpège Pascal Doquet
1er Cru Blanc de Blancs
51130 Vertus



Gaillac « Du rat… des pâquerettes » 6102

Quel couple atypique forment Virginie Maignien, diplômée de l’ESSEC, et Patrice Lescarret ancien comédien et clown qui donnent une interprétation très personnelle du terroir gaillacois grâce à un travail remarquable dans leur vignoble !

Au nord-est de Toulouse entre les rivières Aveyron et Tarn, Gaillac est une vaste appellation peu connue. On y cultive une multitude de cépages indigènes, des variétés obscures qui permettent de produire une vaste gamme de vins, dont les blancs moelleux sont les plus réputés. Mais les rouges obtenus à partir des cépages ancestraux : braucol, prunelard et surtout duras souvent associés à la syrah, méritent d’être découverts.

Facétieux, provocateur à la plume acerbe, Patrice Lescarret se décrit ainsi : « Je n’ai bu que du bordeaux jusqu’à l’âge de 16 ans, ça n’aide pas et quand on sait que peu après je passai par l’institut d’œnologie de Bordeaux, on comprendra mes préjugés et mon manque d’objectivité. Heureusement un accident salvateur me frappa d’amnésie ».

Il travailla ensuite dans des domaines réputés à Sancerre et en Provence avant de s’installer en 1993 à Gaillac au départ sur 8 et maintenant 12 ha, où il s’efforce de mettre à l’honneur les cépages autochtones ancestralement cultivés dans la région.

Il se plait à stigmatiser « les décrets d’application miteux et poussiéreux tentant d’éviter le pire, mais assurément empêchant le meilleur » qui ont eu raison de sa pugnacité, et impose que la plupart de ses crus soient élevés au rang de vins de table, ce qui interdit la mention de cépages et de millésimes. Si bien qu’il contourne la réglementation en intitulant ses cuvées de duras de noms folkloriques : Du rat… des pâquerettes, Rasdu (il avait même envisagé : Hiroshima mon amour) et en les numérotant : par exemple, 6102 pour 2016 !

Biologique et  biodynamique

Le domaine de Causse Marines doit son nom au ruisseau Marines qui délimite le bas de la propriété, l’ensemble du vignoble s’étendant sur un causse (plateau calcaire) sis sur la rive droite du Tarn. Le climat entre influences atlantiques et méditerranéennes est idéal pour la vigne balayée et assainie par le vent d’autan. Les sols caillouteux et calcaires pauvres bénéficient d’une bonne hydrométrie. Toutes les vignes anciennes sont greffées sur place. Les nouvelles plantations issues de sélection massale sont méticuleusement sélectionnées.

Certifiée en agriculture biologique et maintenant biodynamique (Demeter), la viticulture, interdisant désherbants, insecticides, toute molécule de synthèse, est protégée par la phytothérapie : ortie, prèle, fougère. La totalité du vignoble est vendangée et triée manuellement.

Rendements très bas de 13 à 30 hl/ha, à « rendre dépressif un banquier et à ulcérer un chilien » selon Lescarret qui poursuit : « Nous mettons un point d’honneur à vinifier et élever nos bébés, sans artifice, ni chimie dégradante ».

Pour la cuvée « Du rat… des pâquerettes », la température de fermentation, évidemment naturelle, est écrêtée à 28°. Quelques pigeages au pied et une macération de 3 semaines sont effectués. L’élevage sur 6 mois se fait partiellement en vieilles barriques. Collage et filtration sont limités à leur plus simple expression.

Une bouche séduisante et complexe

Ce vin de France 100 % duras 2016 paré d’une robe sombre rouge grenat aux nuances violines exhale un bouquet intense de petits fruits noirs : mûre, myrtille, de cerise à l’eau-de-vie, d’épices abondantes dominées par le poivre noir (si bien qu’on peut confondre ce cépage avec la syrah), de réglisse. La bouche séduisante, vive, complexe, charnue et charpentée est garnie de tanins encore un peu fermes compte-tenu de sa jeunesse, mais qui évolueront à l’évidence vers souplesse et finesse. En fin de bouche, apparaissent des arômes de mine de crayon, de cailloux mouillés attestant d’une belle minéralité. Un peu de réduction peut apparaître à l’ouverture nécessitant un carafage.

Une âme de terroir

Ce Gaillac (quoique classé en vin de France) charpenté et épicé ouvrira agréablement le repas en compagnie d’un plateau de charcuterie, d’une salade landaise ou de foies de volaille. Mais il s’épanouira à l’évidence grâce à sa prégnance de poivre noir avec des belles viandes rouges poêlées ou grillées, et mieux encore en sauce : agneau de l’Aveyron au romarin, filet de bœuf en croûte aux champignons. Les viandes blanches finement cuisinées l’accueilleront également avec plaisir : millefeuille de veau aux pommes de terre et pommes fruit, mignon de porc et sa compotée de fruits d’automne. Sa complexité, se dévoilant au fil du repas, lui permettra d’encadrer fromages : morbier, cantal, bleu d’auvergne, puis desserts : poires à l’hypocras, figues au vin rouge.

Pascal Lescarret nous propose, à prix doux, des flacons de plaisir conviviaux reflétant le vigneron, dont la seule conviction est de produire des vins possédant une âme sur un terroir et un chai qui n’ont que faire de la technologie moderne et des poudres de perlimpinpin. Il conclut sur une note humoristique propre au personnage : « On peut faire du bio, sans avoir les cheveux longs, ni fumer la moquette ».

 

Gaillac « Du Rat…des Paquerettes » 6102 – Domaine Causse Marines – 81140 vieux




Ultima Laude 2015 IGP Alpilles

Un voyage dans le temps et dans les splendides paysages des Alpilles, voilà ce qu’inspirent les vins de l’abbaye de Pierredon.

Celle-ci fut bâtie au XIIIe siècle par les moines chalaisiens, ordre proche des cisterciens, au cœur d’un immense site protégé sur les flancs sud des Alpilles, où ils menaient une vie de silence et de prières, en pratiquant l’élevage. A la suite de différents conflits, l’institution monacale disparut et le prieuré fut sécularisé, la chapelle restant ouverte au culte. Vers 1800, l’ensemble des bâtiments fut unifié par une belle façade donnant sur une cour fermée par des grilles majestueuses. Une vaste bergerie fut entretenue. Au XXe siècle, la propriété, passée entre différentes mains, tomba en déshérence.

Le domaine fut acquis en 2001 par Lorenzo Pellicioli, grand patron de l’édition italienne qui eût le coup de foudre pour cette vaste étendue de 650 ha de garrigues et vallons boisés qu’il trouve dans une déréliction désolée. Il entreprit des travaux colossaux, pour réhabiliter l’ensemble des bâtiments et les terres alentour, et d’emblée se concentra sur la culture des oliviers, et surtout de la vigne qu’il créa ex nihilo, d’abord selon son inclinaison avec des cépages bordelais, puis méridionaux : rolle pour les blancs, grenache, syrah pour les rouges et rosés. Mr Pellicioli, totalement ignorant de la viticulture, sut s’appuyer sur 2 grands professionnels connaissant parfaitement les ressources et les exigences de la région :
Badigh Maaz à la culture et Antoine Dürrbach, fils du grand Eloi propriétaire du célèbre domaine de Trévallon, à la vinification. Le terroir argilo-calcaire se révèle idéal pour la viticulture, l’ensoleillement important et le vent puissant constituent une protection contre les maladies de la vigne, si bien que la culture biologique avec forte inclination biodynamique s’est imposée naturellement. Mr Maaz a surgreffé des sélections massales d’un pépiniériste réputé, enherbé un rang sur 2 avec de la luzerne, pratiqué sous-solages, labours et griffages. Les traitements biologiques à base de plantes, appliqués sur les pieds des ceps selon les cycles lunaires, sont réduits au minimum. Aucun produit de synthèse, ni désherbant ne sont utilisés. Le terrain calcaire et caillouteux assure un bon drainage, la vigne peut ainsi aller chercher en profondeur l’eau abondante grâce à des sources.

Les vendanges manuelles se font à pleine maturité, de nuit pour certains cépages. Les raisins sont triés à la vigne, seules les plus belles grappes conservées et amenées en douceur dans de petites caissettes de 20 kg au chai.

La cuvée blanche Ultima Laude 100 % rolle est obtenue par pressurage doux direct, fermentation lente à basse température en cuve thermorégulée, en levurage naturel pendant 15 jours. L’élevage en cuve inox, sans aucun passage par le bois, dure 4 à 6 mois. Léger collage à l’argile avant mise en bouteille avec une légère filtration, pour préserver tous les arômes.

C’est par un long chemin caillouteux et poussiéreux bordé d’oliviers, de champs de lavande, de cistes, de romarins, de genêts d’or, de pins d’Alep, surmonté d’énormes rochers calcaires éblouissants, paysage d’une beauté à couper le souffle que l’on accède, après avoir admiré en contrebas le clocher roman de l’abbaye, à un long mas parfaitement intégré dans le décor, équipé d’une cuverie gravitaire et d’un chai, où trônent grands foudres et barriques resplendissants. Les parfums odorants de garrigue, le craquètement des cigales participent à la magie des lieux.

Parée d’une robe jaune topaze pâle claire et cristalline, ce vin blanc de Pierredon « Ultima Laude » (dernière prière du soir), dont la belle étiquette évoque les vitraux du Moyen-Age, embaume dès l’ouverture les parfums de fleur blanche, aubépine, iris, jasmin, les agrumes, pamplemousse rosé, citron confit rehaussés par des touches miellées et anisées. L’attaque, en bouche, est vive, gourmande, fruitée et fraîche grâce à des effluves de cailloux mouillés. Progressivement apparaissent des fragrances typiquement provençales : fenouil, lavande, romarin, amande fraîche. Ce vin complexe et expressif au tranchant d’une épée parfumée déroule une longueur en bouche étonnante.

Ce vin délicieux va magnifier la cuisine méditerranéenne ensoleillée. En apéritif, sa vivacité s’accordera avec tapenade, anchoïade, caviar d’aubergine, puis sa richesse aromatique civilisera et flattera la puissance des traditionnelles bouillabaisse, bourride, aïoli. Les plats marins : tartare de saumon, brouillade d’oursins, saint-jacques dorées à l’épeautre et mousseline de pomme verte, daurade au safran, calmars ou encornets farcis à la marseillaise, l’accueilleront avec plaisir, de même que, dans un registre terrien, une viande blanche : côte de veau aux champignons, volaille sautée à la crème. Cette Ultima Laude enrobera agréablement les fromages de chèvre : le local banon, un bouton de culotte ou une bûchette affinée.

N’hésitez pas à visiter ce domaine et à profiter de ses vins promis à un grand avenir à des prix, pour le moment, fort doux.

L’esprit de Pierredon, si prégnant, lorsqu’on découvre ce site extraordinaire, est parfaitement résumé par Antoine Dürrbach : « respecter la nature, rendre hommage à la beauté des lieux et la retrouver dans nos vins ».

Ultima Laude 2015 IGP Alpilles

Abbaye Sainte-Marie-de-Pierredon – 13210 Saint-Rémy-de-Provence




Muscadet Sèvre-et-Maine Amphibolite 2015

Le muscadet : un petit blanc de comptoir à avaler sur le pouce après s’être protégé l’estomac contre son acidité avec du maalox ? Et bien non ! Un vrai bon vin, auquel, fer de lance d’une nouvelle génération de viticulteurs, Jo Landron, la moustache frémissante dès qu’on dénigre « son » muscadet, a su rendre ses lettres de noblesse.

Muscadet, appellation régionale du Pays Nantais peut être revendiquée par tous les vins locaux produits par un unique cépage, le melon de Bourgogne. Ici, la Loire façonne les paysages, creuse la roche primaire du massif armoricain et dégage des coteaux peu élevés propices à la viticulture, dont une bonne partie est occupée par le muscadet, cépage d’origine bourguignonne, dont le nom s’explique par la pratique des négociants hollandais très actifs en Pays Nantais, fin du Moyen-Age, qui avaient l’habitude d’ajouter au vin des épices, notamment la noix de muscade. Sa résistance au gel lui valut de conquérir les rives de la Loire et de ses affluents lors des terribles hivers de fin XVIIe siècle. Son adaptation aux différents sous-sols de granit, de gneiss, de schiste qui révèlent sa vivacité, sa souplesse ou son onctuosité, assura son succès.

Jo Landron est, depuis 1990, seul aux commandes du domaine familial après avoir travaillé pendant plus de 10 ans avec son père qui avait développé la petite exploitation dès 1945. En 1987, une parcelle de jeunes vignes allait disparaître suite à un empoisonnement par herbicides. Pour les sauver, malgré l’extrême réticence paternelle, il décida d’abandonner les herbicides et pesticides, de labourer, d’aérer le sol et de convertir progressivement l’ensemble du domaine à la culture bio, puis, depuis 2011, à la biodynamie respectant les rythmes cosmiques et les cycles lunaires, car certaines périodes lui semblaient plus favorables au développement de la racine, de la plante et du fruit. Il constata « que le vin s’améliorait en termes de buvabilité, acquérait davantage d’équilibre, de fraîcheur, de spontanéité ».

Actuellement, la propriété s’étend sur 48 ha, dont le principal domaine, la Louveterie, est sis sur les coteaux de la Sèvre. Diverses parcelles ont été isolées, pour mettre en avant la typicité des terroirs en particulier des sous-sols : outre l’Amphibolite, les Houx, sols argilo-sableux et graves sur grès et gneiss, le Fief du Breil ou la Haute Tradition sur orthogneiss et quartz. Cuvée phare de Jo Landron, l’Amphibolite, dont le nom est dû au sous-sol de roches métamorphiques constituées lors de l’effacement de l’océan, et de roches vertes en dégradation, exprime, de ce fait, une minéralité tendue, saline et des saveurs iodées. Les vignes sont âgées de 25 à 45 ans. Le travail extrêmement méticuleux du sol, le respect des règles biodynamiques préparent de beaux raisins sains. La récolte est manuelle. Les grappes entières sont pressurées pneumatiquement, puis débourbées à froid. La fermentation thermorégulée en levurage indigène s’effectue en cuves ciment verrées. L’élevage sur lie, c’est-à-dire sur levures mortes, permettant d’obtenir des vins plus onctueux et plus gras, est cependant réduit à 4 mois, afin de conserver fraîcheur et vivacité. La cuvée est légèrement sulfitée en fin de fermentation alcoolique, pour éviter la malo-lactique. Elle n’est jamais chaptalisée, ce qui explique sa légèreté en alcool. La mise en bouteille, après stabilisation au froid, s’effectue par gravité, sans filtration.

Parée d’une brillante robe jaune pâle, or blanc, cette Amphibolite 2015 dégage des parfums d’algue marine, d’eau de mer, de fruits : agrumes citronnés, pomme verte et de fleur blanche, type chèvrefeuille. L’attaque en bouche, iodée, saline est très précise et tendue témoignant d’un bel équilibre entre fraîcheur et acidité. La minéralité sur la pierre à fusil, la roche mouillée assure une vive persistance. Un léger perlant traduit la présence de gaz carbonique issu naturellement de la fermentation. Ce vin très désaltérant, expressif, énergique, remarquable de pureté et fraîcheur, incroyable de pénétration et tonicité ne peut que réconcilier les détracteurs du muscadet. Contrairement aux cuvées bénéficiant d’un long élevage (jusqu’à 24 mois), ce n’est pas un vin de garde et il est conseillé de le consommer dans l’année.

Le muscadet est un vin de grand large, d’embruns, de pêche et l’Amphibolite, exaltant ses notes salines, iodées, en est l’archétype. Il accompagnera merveilleusement les fruits de mer, en particulier les huitres, et surtout les meilleures, telles les Marennes-Oléron un peu vertes de Gillardeau ou les creuses de pleine mer de Prat-Ar-Coum d’Yvon Madec. Les coquillages : coques, bulots, bigorneaux, les crevettes, tourteaux, langoustines servis nature ou avec une mayonnaise magnifieront ses notes marines. C’est un bon partenaire de plats simples : sardines artisanales en boîte, accompagnées d’un filet d’huile d’olive, de fleur de sel et de pain grillé. Il fera honneur à des maquereaux marinés au vin blanc, une sole tout simplement grillée, une soupe de moule, un carpaccio de thon ou de Saint-Jacques. N’attendez pas le dessert, contre lequel il se heurterait, pour terminer le flacon avec un fromage de chèvre frais, tels chabichou, cabécou ou le local curé nantais au lait cru de vache.

Laissons conclure Jo Landron : « Pour moi, le muscadet doit être l’expression fidèle de son terroir traduit par sa signature minérale. Seuls, le travail au sol et le respect de la vigne permettent d’exprimer la pleine personnalité du cépage ».

Muscadet Sèvre-et-Maine Amphibolite 2015
Domaine Jo Landron – La Haye-Fouassiere

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération




Mondeuse d’Arbin La Brova 2007

C’est une erreur de limiter les vins de Savoie aux blancs acides et fluides d’hiver pour skieurs assoiffés dans les restaurants d’altitude. J’ai, au contraire, choisi l’arrivée de l’été, pour mettre en avant un cru rouge de Savoie : la mondeuse produite sur son terroir vedette d’Arbin par le domaine Louis Magnin, dont j’avais déjà vanté le Chignin Bergeron (Cardiologue n° 345). Ce cépage typiquement et uniquement savoyard descendrait de l’Allobrogica décrite dès l’antiquité par Pline l’Ancien dans le pays des Allobroges (Les Alpes). Et les études génétiques semblent démontrer que cette mondeuse serait une « grand-mère » de la syrah rhodanienne.

Le petit domaine familial Louis Magnin de 8 ha, dans la vallée de la Combe de Savoie, adossé au massif des Bauges qui le protège des vents glacés du climat alpin, est sis sur des coteaux au sol d’éboulis argilo-calcaires, aux terres caillouteuses d’argiles rouges (illites). Il bénéficie d’une exposition sud, sud-est, à une faible altitude de 250 m permettant un microclimat aux influences méditerranéennes qui contribue à la pleine maturité des raisins. Le lac du Bourget, proche, apporte l’humidité nécessaire. En 1978, Louis Magnin succède à son père qui vivait de la polyculture et décide de ne faire que du vin, et, pourquoi pas, de l’excellent. Il va se convertir progressivement à la culture bio, puis biodynamique après un essai concluant, pour dynamiser un sol, où les plantations de Bergeron peinaient à s’implanter. Les vignes plantées à 8 500 pieds/ha sont taillées en gobelet pour les plus vieilles et cordons de Royat palissées sur fil de fer. Tout engrais chimique et antipourriture est banni. Les traitements sont à base de tisanes de plantes, poudre d’argile, bouse de corne de vache, soufre et cuivre à doses infinitésimales.

La mondeuse La Brova est issue d’une sélection de parcelles cinquantenaires, récoltées du fait du caractère tardif du cépage, en fin de vendange en grande maturité. Les vendanges sont manuelles, totalement égrappées, la fermentation naturelle en cuve inox thermorégulée dure 30 jours, le vin bénéficie d’une extraction douce quotidienne par remontage. L’élevage en barriques de chêne s’étend sur 18 mois.

Cette mondeuse La Brova 2007, à la robe rubis pourpre sombre parée d’un violet intense, s’annonce par de séduisants arômes de fleur : violette, pivoine et surtout de fruits rouges et noirs : framboise, cassis, myrtille associés à de prégnantes senteurs épicées, puissantes de poivre noir, plus douces de coriandre et réglisse qui évoquent beaucoup la syrah. La bouche est riche, ample, complexe. Les tanins puissants à la trame encore un peu grenue ne demandent qu’à se fondre et s’intégrer lors de la dégustation des mets complices. La longue finale minérale très aromatique fait apparaître des touches fondues de vanille et de cuir témoignant de la garde de 10 ans.

Mariant la fleur et le feu, pivoine et poivre noir, ce vin démonstratif et exubérant se prête à de nombreux accords culinaires et doit stimuler l’imagination des cuisiniers. Trop jeune, sa rugosité tanique le limite à accompagner les belles charcuteries savoyardes : noix de jambon sec, saucisson au beaufort, au sanglier, saucisses de Diot, caillasse de Savoie, entrées à base de légumes relevés type achards. Mais après quelques années, cette mondeuse va s’épanouir avec les plats en cocotte qui, grâce à leur onctuosité, arrondissent ses tanins : coq au vin, veau Marengo, daube de joue de bœuf, civet de lapin à l’ancienne, tripoux aveyronnais, bien entendu, accompagnés de gratin dauphinois. Généreux avec les plats de ménage, ce vin épousera aussi ceux de la grande cuisine : filets de cannette aux cerises avec purée Robuchon, carré d’agneau de lait fumé au four et crémeux de pistache de Jean Sulpice, pigeonneau rôti, oignons roussis, chénopodes de Maxime Meilleur. Cette Brova, âgée de 10 ans, fera fête aux gibiers à poil : le chevreuil cuit saignant avec une sauce grand veneur bien poivrée, le civet de marcassin ou le rôti de biche. Ce vin est un athlète capable de couvrir l’ensemble du repas, après avoir accompagné certains fromages locaux : tomme de Savoie, Abondance, Tome des Bauges, il terminera la fête en compagnie de desserts chocolatés : cœur fondant, gâteau chocolat noir.

La Brova qui signifie la brave ou la fière, peut être confondue à l’aveugle avec certaines grandes syrahs de la vallée du Rhône, mais comme le déplore Louis Magnin : lorsque le consommateur découvre l’appellation Savoie, l’enthousiasme retombe ! Laissons le viticulteur conclure : « notre recherche constante de la qualité et notre philosophie a conduit à une culture biologique pour le plus grand respect du terroir ».

Mondeuse D’arbin La Brova 2007

Domaine Louis Magnin 73800 Arbin




Les Orientales 2014 – Côtes du Roussillon Villages Lesquerde

Comme le rock qui inspire leur friande et juteuse cuvée roc’n Rousselin, l’aventure de Pascal et Laurence Rousselin a débuté dans un garage, où ils ont commencé à vinifier, en très petite quantité, leur production.

Ce petit domaine qui atteint actuellement 8 ha, a été créé en 1995 sur le plateau de Lesquerde, minuscule appellation des Côtes du Roussillon Villages, perché à 350 m d’altitude sur les rives de l’Agly, au terroir granitique venté et ensoleillé. Sis sur la route des châteaux cathares entre Maury et St-Paul de Fenouillet, proche de la Méditerranée lui procurant ces arômes sudistes caractéristiques, la propriété bénéficie d’une vue magnifique sur le mont Canigou. C’est en 2005 que Pascal, venu à la vigne par passion et Laurence, professionnelle de la communication convertie à l’aventure vinicole, se détachent de la coopérative, pour commencer à produire leurs propres vins optant d’emblée pour des microcuvées typées. La volonté de travailler en agriculture biologique s’impose à la suite d’une intoxication aux désherbants de Pascal, où ils prirent conscience de la dangerosité de ces produits, dont la vigne n’a pas besoin.

Ils se lancent alors dans un parcours initiatique, pour travailler leur terre, sans aucun intrant chimique, la traitant uniquement par des doses très faibles de soufre et bouillie bordelaise, des piégeages d’insectes, des labours, des engrais naturels, pour obtenir de beaux et sains raisins.

Les vins sont élaborés par microcuvées entièrement à la main : cueillette des raisins en cagettes de 10 kg, égrappage, remplissage des cuves au seau, pressurage par pressoir vertical à cage bois. Le garage a fait place à un chai neuf climatisé. Les vinifications sont les plus traditionnelles possibles, sans aucun intrant autre que des doses de soufre très inférieures au cahier des charges bio, pour être au plus près d’un vin naturel : macérations raccourcies à 2 semaines, levurage endogène, pigeage, décuvage sans pompage, élevage en cuves béton sur 15 mois, sans aucune utilisation de bois pour les Orientales, 2 ou 3 soutirages avant la mise en bouteille sans collage ni filtration.

Parées d’une robe rouge sombre, aux reflets prune, limpide et brillante, ces Orientales 2014, assemblant 60 % de syrah, 30 % de grenache et 10 % de très vieux carignan, font exploser en nez des arômes de fruits noirs compotés : cassis, mûre, myrtille, des senteurs de fleur blanche, iris, jasmin. Rapidement des parfums de garrigue : thym, ciste, laurier, romarin, olive noire viennent caractériser l’ancrage méditerranéen. En bouche, les tanins fins caressent le palais par des notes épicées, où les poivres noirs, roses, les baies de genièvre se dévoilent en extrême délicatesse. Ce vin complexe, alliant le soyeux des tanins et la richesse des fruits et des épices, est doué d’une longue finale sensuelle. Cette cuvée d’une rare justesse, d’un équilibre raffiné, forte de ses senteurs méditerranéennes de garrigue et de ses arômes épicés illustre parfaitement son nom : « les Orientales ». Ce vin qui n’a pas encore été « repéré » par les grands guides commerciaux, peut ainsi bénéficier d’un prix inférieur à 18 euros, très raisonnable pour cette qualité.

A signaler que Pascal Rousselin propose, entre autres, un très intéressant muscat sec d’Alexandrie, Rendez-Vous, idéal pour l’apéritif.

Ces Orientales aux arômes sudistes épouseront avec plaisir toutes les recettes traditionnelles du midi : lapin au thym, porc à la sauge, agneau au romarin, daube provençale. Un bel accord simple et rustique s’obtiendra avec un jambon de montagne à la couenne épaisse et grasse accompagné d’une salade de tomates à l’huile d’olive. Mais, comme l’indique leur nom, elles s’épanouiront plus encore avec les plats exotiques épicés : évidemment un couscous royal, un tajine d’agneau aux pruneaux, mais aussi un colombo de porc au curry, un poulet tandoori. La proximité du vignoble avec l’Espagne leur permet d’être un interlocuteur privilégié pour la paëlla, surtout si elle est riche en viande : chorizo, lapin ou poulet. Après quelques années de vieillissement, ce vin participera avec brio à des préparations hivernales à base de gibier, tel un sanglier nappé de miel de bruyère ou un civet de lièvre au thym et épices douces. En fin de repas, on peut le servir avec certains fromages : tommette de brebis, cantal ou salers en évitant ceux à pâte lavée.

Quelle belle réussite pour ces jeunes et dynamiques viticulteurs ! Quel plaisir de déguster un vin du Roussillon qui, grâce à sa fraîcheur, sa finesse, vous réconcilie avec les vins rouges de cette région qui souffrent souvent d’un excès de puissance, d’alcool donc de lourdeur.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

Les Orientales 2014 – Côtes du Roussillon Villages Lesquerde

Domaine Rousselin 66220 Lesquerde




Champagne Extra-Brut « Mémoire »

Que nous réserve l’année 2017 ? Sans gros risques d’erreurs, nettement mieux que 2016, marquée par les attentats, la régression économique, les mensonges politiques, les attaques sans précédent contre la médecine libérale !! Aussi, pour fêter la fin de cet « annus horribilis » et l’espoir d’un avenir plus souriant, je vous invite à partager un remarquable champagne.

Le champagne Huré est une affaire de famille depuis plus de 50 ans ; actuellement, François et Pierre travaillent avec Raoul, leur père retraité qui, lui-même, produisait avec ses frères. « Aujourd’hui, notre approche est de fabriquer des vins identitaires, explique François, en tout cas essayer d’exprimer au mieux notre terroir, nous voulons des vins représentatifs de leur origine ». Le domaine exploite une superficie d’environ 10 ha, complantée des 3 cépages classiques : chardonnay, pinots noir et meunier, sur la commune de Ludes dans la Montagne de Reims, où s’épanouit le pinot noir. Les vignes bénéficient d’un climat océanique modéré et continental dégradé. Le terroir est composé de 1ers crus sur les sols argilo-calcaires de Ludes, sur les graveluches (mélange de calcaires et d’argiles) et les sables de Villedommange. La craie, quoiqu’assez profonde, est bien présente. D’autres vignes sont morcelées sur la vallée de l’Ardre et dans le Vitryat. Cette mosaïque de terroirs offre des profils aromatiques variés que le viticulteur veut respecter et exhausser : finesse et élégance sur Ludes, rondeur et fruité sur Villedommange, minéralité et tension sur le Vitryat.

Les pratiques culturales, respectueuses de la plante et de la terre, sont raisonnées et évoluent vers le bio, pour conserver des sols vivants : suppression des herbicides, utilisation de composts organiques pour amendements, maintien d’un enherbement naturel, taille soignée et adaptée à chaque cep, travaux en vert tels qu’ébourgeonnage et palissage.

Les raisins, récoltés à bonne maturité, sont immédiatement pressés et fermentent en cuves inox thermorégulées. La fermentation malo-lactique est évitée pour le chardonnay. Quoique le domaine ait une petite activité de négoce, il travaille sur ses cuvées de prestige en récoltant – manipulant, ne vinifiant que ses propres raisins, chaque parcelle et chaque cépage séparément, ce qui garantit la régularité et la précision des assemblages. La méthode champenoise traditionnelle est bien entendu utilisée. Après prise de mousse (ajout de levures et de sucres), le remuage des bouteilles est effectué de façon manuelle sur pupitre. Le vieillissement sur lattes dure 3 ans pour la cuvée « Mémoire ». Le dépôt, accumulé dans le goulot, est dégorgé à la volée. La liqueur de dosage ne comporte que 3 g/l de sucre, ce qui classe ce champagne en extra-brut. La cuvée assemble 10 % de chardonnay, 45 % de pinot noir et 45 % de meunier provenant essentiellement des 1ers crus de la Montagne de Reims complétés par certaines parcelles de la vallée de l’Ardre et du Vitryat. L’élevage repose sur le principe de la soléra, bien connue à Jerez en Espagne. Il s’agit d’une réserve perpétuelle, où, chaque année, les vins de la vendange compensent le vin soutiré. La soléra des Huré date de 1982, soit un assemblage de 30 millésimes jusqu’à 2012 réalisant une véritable « carte postale » du domaine. Cet élevage, particulièrement long, comporte une année en foudre de chênes avant la mise en bouteille.

Dans le verre, ce champagne « Mémoire » des frères Huré offre le spectacle d’un pétillement or pâle, brillant et scintillant de fines bulles se dégageant, sans discontinuité en fines chaminées, pour rejoindre une mousse crémeuse. Le nez capte d’agréables parfums de fleur d’acacia, de pralin, de pain de mie avec des notes de noisette fraîche et de mirabelle. En bouche, la minéralité saline monte en puissance, la sensation haptique, due au choc du gaz carbonique contre la langue et le palais, est vive, tendue, fraîche. L’élevage en foudre apporte une texture, une richesse et une complexité en parfait équilibre. Je laisse une journaliste œnologue qui m’est très proche, analyser : « cette cuvée, Mémoire, est tout simplement sidérante, c’est une bourrasque d’une énergie redoutable, presque sauvage. Les notes citronnées s’effacent derrière une puissance en bouche tranchante avec beaucoup de longueur. On en sort décoiffé, on regarde son verre avec respect ».

Ce champagne Huré « Mémoire » est un vin de gastronomie. Certes, il reste très plaisant en apéritif, car son pétillement met en valeur des petits feuilletés au fromage, des rillettes de saumon ou de colin, des gougères, et, plus surprenant, est-ce un clin d’œil à son élevage en soléra : les salaisons ibériques, les fameux jambons serrano, bellota, le lomo (filet séché de pata negra).

Mais ce vin est un merveilleux compagnon de table pour une terrine de foie gras, un turbot sauce champagne, une sole à la crème, un croustillant de bar au foie gras, des saint-jacques à la crème de cèpes. C’est peut-être avec une belle viande blanche qu’il s’épanouira le mieux : médaillon de veau en grenadin sauce foie gras, selle de veau prince orloff, croustillant de ris au curry. Cet extra-brut n’apprécie guère les desserts sucrés, offrez-lui simplement en fin de repas… un bon camembert !

Pourquoi choisit-on le champagne ? Parce que c’est le remède à la morosité, et nous avons bien besoin d’un flacon de cette qualité par les temps actuels.

Champagne Extra-Brut « Mémoire »

Huré Frères 51500 Ludes




Libero Volpaiole 2013 Fuori Mondo

Malgré son physique de play-boy, Olivier Paul-Morandini a réalisé, à 46 ans, ce que certains mettraient 3 vies à accomplir. Né en Belgique, petit-fils d’immigré transalpin, il est, dès son enfance, irrésistiblement tourné vers l’Italie, où il retourne très souvent avec ses parents.

Malgré des études tumultueuses, il est diplômé d’un grand institut de communications à Bruxelles et, dès lors, se consacre à de nombreuses activités humanitaires, dont une au Tibet, où, tel Tintin, il frôle la mort, en accompagnant l’exil d’enfants tentant de traverser l’Himalaya. Puis déploie un intense lobbying auprès de la Commission Européenne pour l’instauration d’un numéro d’appel de secours européen : le 112, et plus récemment pour la transparence des vins dans le marché commun.

En 2003, lors d’un séjour en Italie, il est subjugué par un vin intitulé Volpaiole (la tanière du renard, dont la tête stylisée figure maintenant sur ses étiquettes) et, immédiatement, rend visite aux propriétaires du domaine, au pied du plateau de Maremme, un couple de retraités zurichois. Une amitié naît et, après de nombreux contacts, le retraité Armin lui propose de racheter le domaine en 2008, ce qu’il accepte immédiatement, sans aucune assise financière, ni connaissance de la viticulture.

Heureusement, Armin le formera jusqu’en 2012 et Vasile, le très compétent maître de chai, continuera à le guider et l’épauler. Avec « l’avantage de l’ignorance », l’instinct, l’empirisme, cet autodidacte va vaincre tous les obstacles (« sa nouvelle traversée de l’Himalaya ! » et s’en donnera tous les moyens : montages financiers, assistance de professionnels réputés pour la pédologie, les plantations, la vinification.

Le domaine, couvrant actuellement 5 ha de vignes réparties en une douzaine de parcelles en culture bio et conversion biodynamique, est sis à 8 km de la mer tyrrhénienne sur les hauteurs de Campiglia Maritima, à 15 km au sud de Bolgheri, tiens donc le fief des supertoscans tel Sassicaïa ! Le climat, atténué par les brises marines, est méditerranéen et montagneux, sans excès de chaleur l’été, ni de froideur l’hiver, la pluviosité est habituellement suffisante. Les sols sont très variés : schistes (pour le cillegiolo), argilo-calcaires, couches sablonneuses.

Une faune et une flore abondantes, préservées dans cet isolat, ont inspiré le nom qu’a choisi Olivier : fuori mondo (le bout du monde).

Contrairement à la tradition toscane des assemblages, il vinifie séparément chaque cépage en cuvée spécifique : alicante (D’Acco), merlot (Pemà du nom d’une petite tibétaine), cabernet sauvignon (Amaë), sangiovese (Lino) et l’ancestral cillegiolo cousin du sangiovese (Libero). Les vignes, taillées en Guyot-Poussard ne sont pas irriguées, mais labourées manuellement, pour éviter le stress hydrique. Certains rangs restent enherbés. La biodynamie régit les traitements, sans aucun produit chimique, d’autant que le mildiou est quasi absent.

Les rendements sont limités à 20 à 26 hl/ha. Les vendanges manuelles nécessitent plusieurs passages sélectionnant méticuleusement sur pied les grappes qui, après passage sur table de tri, sont versées par gravité dans des cuves en acier, où les macérations sont poursuivies 4 à 10 jours avec remontage quotidien pendant le temps de la fermentation alcoolique par levurage indigène. Le moût est ensuite pressé et mis en élevage en barriques de 500 l de chêne français neuf, pendant 6 mois pour le cillegiolo, puis affiné en bouteilles pendant 3 mois. Le sulfitage est minimal.

Le Libero 2013, pur cillegiolo, paré d’une robe éclatante rouge grenat foncée, exhale des arômes de fruits rouges mûrs : cerise burlat, fraise, de confiture de prune, et de fortes flaveurs épicées : poivre noir, cardamone. Le boisé, marqué par des notes torréfiées et vanillées, n’est pas encore totalement intégré. La bouche est souple, fraîche, sensuelle sur un fruit juteux, une acidité vibrante, des tanins policés et structurants. La finale élégante, savoureuse sur les fruits rouges et la réglisse confirme, à l’instar de son créateur, la forte personnalité de ce vin.

Ce cépage italien ancestral appelle les mets traditionnels transalpins et il serait dommage de se limiter à la classique pizza. Fort de sa structure et ses arômes, ce Libero 2013 accompagnera parfaitement les viandes rouges, dont le fameux bistecca alla fiorentina, mais mieux encore les viandes en sauce : braciola (basses côtes farcies) à la sauce bolognaise, spezzatino de bœuf, côtelettes de veau ou osso bucco à la milanaise, saltimbocca à la romaine. Une porchetta, des brochettes de brebis (arrosticini), de la mortadelle grillée lui feront également fête. Si nous voulons rester dans l’Hexagone, nous lui proposerons un poulet chasseur, des rognons de veau à la moutarde, un lapin aux olives. Avec quelques années de vieillissement, ce vin fera merveille avec des gibiers à plume : faisan, perdrix ou à poil : civet de chevreuil, pappardelle au sanglier.

Olivier Paul-Morandini avoue : « J’ai changé ma vie pour un vin ! Pour me sauver et pour donner un sens à ma vie, car le vigneron possède tous les atouts pour cette quête de sens ». Mais gageons que cet hyperactif pourrait nous réserver d’autres surprises en dehors du vin…




Clos Saint-Vincent Blanc 2013 Vin De Bellet

Des vignes dans la ville, en l’occurrence le quartier nord-ouest de Nice, ne sont pas la seule originalité de l’appellation Bellet A.O.C. depuis 1941. Petite par sa taille, Bellet est grande par sa renommée et son histoire remontant à la fondation phocéenne de Marseille. 

L’appellation Bellet réunit, actuellement, 10 vignerons produisant du vin, au milieu des villas, tous en culture bio ou biodynamique, sur des terrasses (restanques) où les machines ne passent pas, ce qui nécessite un gros travail manuel, y compris pour les vendanges. Mais la difficulté principale tient à la frénésie immobilière de l’agglomération niçoise dopant le prix du foncier sur ces zones constructibles et aux conflits de voisinage, les traitements, pourtant bio, inquiètent les parents d’élèves de l’école toute proche voyant déambuler des viticulteurs protégés de masques à la « Dark Vador » !…

Mais les vignerons de Bellet restent optimistes : l’appellation couvre 600 ha, dont seulement 60 sont cultivés et Nice est la deuxième ville la plus touristique de France (malgré les événements tragiques du 14 juillet), c’est ainsi profiter d’une belle clientèle, des restaurants gastronomiques, des vacanciers qui s’offrent une petite escapade dans les vignes à quelques kilomètres de la plage.

La chance des vins de Bellet tient à la conjonction de nombreux facteurs : l’ensoleillement méditerranéen, le temps doux toute l’année, les pluies suffisantes, la double influence de la brise marine et des vents des Préalpes du sud, des vignes enracinées sur des restanques silicocalcaires à une altitude de 250 à 300 m, le sol composé de galets maritimes roulés à fort pouvoir filtrant, mélangé à un sable clair appelé « poudingue », mais aussi le choix de cépages originaux : rolle, équivalent du vermentino corse, pour le blanc, folle noire pour le rouge, braquet pour le rosé qui, exception louable en Provence, ne représente que
17 % de la production. Ces conditions favorisent la maturité du raisin, l’expressivité des arômes tout en préservant une fraîcheur caractéristique. Il ne faut pas s’étonner que le prix de ces vins dépasse facilement 20 euros.

En 1993, les familles Siccardi et Sergi acquièrent la propriété du Clos Saint-Vincent, relancent le domaine, achètent de nouvelles vignes, pour atteindre actuellement 6 modestes ha. Gio Sergi privilégie la production de raisins de qualité sur des vignes plantées en restanques sur la colline de Saquier, un respect rigoureux de l’environnement par culture biodynamique, selon le calendrier lunaire, à base de préparations comme les tisanes d’orties, le compost de fumier, la silice pilée, sans aucun produit chimique. Les raisins sont ramassés manuellement en cagettes à l’optimum de leur maturité et soigneusement triés sur table. La vinification du blanc suit les étapes suivantes : macération pelliculaire, pressurage, débourbage à froid, fermentation en fûts ou demi-muids, batonnage 5 à 6 mois sur lies fines, élevage sous bois pendant 1 an, mise en bouteille sans filtration.

Un vin magnifique qui respire les vacances

Le Clos Saint-Vincent blanc, servi au banquet de mariage du Prince Albert de Monaco, s’habille, dans son cru 2013, d’une robe claire jaune citron aux nuances émeraude. Le nez puissant est marqué par les fruits : agrumes tels le citron confit et le pamplemousse, la pêche, le melon, et par des arômes floraux de menthe et d’acacia. Un peu de réduction noble disparaît après aération. La bouche se révèle fine, enrobée avec une belle minéralité, une touche crémeuse, des notes d’amande grillée. L’élevage de qualité s’affirme par un moelleux épicé, incisif et une finale précise tout en fraîcheur, l’ensemble est franc, charmeur, éblouissant comme un rayon de soleil.

Ce magnifique vin aux arômes frais et minéraux respire les vacances, et tout naturellement les accords les plus aboutis sont réalisés avec la cuisine ensoleillée du Midi : beignets de courgettes, tians de légumes, petits farcis, langoustines rôties à l’orange amère. Il épousera délicieusement les beaux poissons de la Méditerranée marinés ou grillés comme le pajot, le loup, la dorade et bien sûr les plats traditionnels aux goûts relevés : bouillabaisse, bourride. Mais il accompagnera aussi avec bonheur certains plats terriens : volaille accompagnée de ratatouille, ris de veau meunière.

Sa fraîcheur et sa rondeur enroberont des fromages de chèvre, frais tel le local banon, secs ou un comté.

Ce Clos Saint-Vincent doit être apprécié sur place, mais aussi rapporté de vos vacances, pour affronter les frimas de l’hiver et, telle une belle carte postale de la Côte d’Azur, rappeler de savoureux souvenirs…

Gio Sergi – Saint-Roman de Bellet 06200 Nice




Cotes du Rhône – Château de Fonsalette Syrah 2003

Il est une tradition familiale, lors de l’anniversaire de ma fille, de déguster un menu immuable, concocté par mon excellente cuisinière d’épouse : chaussons de truffe et canard à l’orange que j’accompagne toujours d’un Vouvray moelleux pour le second et d’un Fonsalette Syrah pour le premier. Diable ! Un simple Côtes du Rhône pour ce grand classique de la gastronomie ? Oui, mais pas n’importe lequel. Elaboré par Emmanuel Reynaud (voir Le Cardiologue n°308), également propriétaire du mythique Châteauneuf-du-Pape Rayas, le château de Fonsalette, dont il est considéré comme son petit frère, est un vin « monumental » !

Albert Reynaud, l’arrière-grand-père d’Emmanuel, alors notaire en Avignon, devint sourd et dut se reconvertir. Il acheta le château de Rayas en 1880, fut l’un des premiers dans la région à embouteiller son vin. Son fils Louis acheta, en 1935, le domaine des Tours à Sarrians, puis, en 1945, le château de Fonsalette. En 1978, Jacques, le fils cadet, succède à son père et s’attire par la qualité de ses vins un respect et une admiration sans bornes. En 1997, Jacques Reynaud, célibataire endurci, décède subitement, alors qu’il s’adonnait à une de ses rares distractions matérialistes en s’achetant des chaussures. La direction et l’exploitation des domaines sont confiées à Emmanuel Reynaud, son neveu, qui vinifiait déjà le château des Tours.

Ma première rencontre avec Rayas et Fonsalette date des années 90, où, sous le faux prétexte d’être ancien client, j’eus le privilège d’être reçu par Jacques Reynaud. En voyant les bâtiments délabrés aux volets fermés de la propriété (un château ?!) qui se trouvait au bout d’un chemin de terre chaotique, sans aucune signalisation, en constatant un amoncellement de foudres, fûts, demi-muids si vieux qu’ils en apparaissent minéralisés, sans aucune trace de contrôle de température, de chêne neuf, d’œnologue, je crus m’être trompé d’endroit, Jacques Reynaud que j’ai toujours connu bougon et renfrogné, m’accueillit par ces mots « C’est toi qui vient de Lorraine ? » et me tendant un verre « Tiens ». Je fus tout de suite déçu et ne pus qu’émettre quelques borborygmes « Oui… heu… peut-être trop jeune ou un défaut, je ne retrouve pas vraiment les arômes de Rayas (que je n’avais encore jamais bu de ma vie) ». « T’es con », me répondit-il, « çà c’est le vin pour la coopérative, maintenant on va boire mon vin ». C’est ainsi que je fus intronisé et pus bénéficier d’une petite allocation annuelle de Rayas et Fonsalette que son neveu Emmanuel eut, par la suite, la gentillesse de poursuivre.

Château Fonsalette est un vignoble situé au nord d’Orange sur la commune de Lagarde-Paréol, en bonne part sur l’appellation massif d’Uchaux sur des terroirs de calcaires quartzeux et dans la partie est d’alluvions avec sables et grès jaunes… Le climat est méditerranéen avec pluies abondantes, températures très chaudes l’été. Le mistral assainit le vignoble qui est cultivé par Emmanuel Reynaud sur le mode bio : travail du sol méticuleux, pas de traitements phytosanitaires, pas d’engrais azotés, respect des cycles lunaires. Les rendements de la cuvée syrah qui vient de sélections massales à partir des vignes de Chave en Hermitage, sont minuscules : 10 hl/ha !

Quoique plus souriant et avenant que son oncle, Emmanuel reste très réservé et secret, et il m’a été impossible d’avoir le moindre renseignement sur ses méthodes de vinification. Tout ce que j’ai pu savoir : récolte à pleine maturité, vinification simple et naturelle en grappes entières, sans recherche d’extraction maximale, élevage long, 5 à 6 ans certaines années, en vieux foudres.

Ce Fonsalette syrah, dans le difficile millésime de la canicule 2003, s’annonce par une robe rubis sombre intense et profonde. Du verre, aux larmes abondantes, jaillissent des arômes de mûre, de framboise confiturées, d’encens, des senteurs méditerranéennes d’olive noire, de réglisse fondu, auxquels se mêlent les notes typiques de syrah : violette, cannelle, poivre blanc, fumée. L’âge respectable se marque par des fragrances de viande rôtie, de venaison, de musc largement dominées par la truffe, ce qui constitue une complexité incroyable.

En bouche, alors qu’on s’attend à un vin tanique, solide, c’est tout l’inverse : les tanins sont très soyeux, racés, avec une sensation graphite de minéralité, de fraîcheur, une matière ultra-riche, dense, épaisse, juteuse et toujours truffée, d’une longueur superlative !

Ce grand vin rouge, à l’aune des meilleurs châteauneufs, est magnifié par les riches plats sauciers comme la queue de bœuf sauce marchand de vin, le veau marengo, le bœuf bourguignon et encore mieux par les gibiers à poil : gigue de chevreuil sauce poivrade, pavé de biche grand veneur, lièvre à la royale. Des pieds paquets, un canard aux olives font ressortir ses notes méditerranéennes.

Le Fonsalette a besoin de vieillir, pour exprimer ses arômes épicés, son bouquet prégnant de truffes, alors toute la race de cette syrah se marie merveilleusement avec l’expression aromatique du tuber melanosporum surtout tiède : notre chausson au truffe et foie gras familial, une truffe sous la cendre, un filet en croûte sauce Périgueux, un tournedos Rossini, une volaille de Bresse sauce Albufera. Ce vin est assez aromatique, pour enrober les fromages bourguignons affinés : époisses, citeaux, charolais.

Ce château de Fonsalette syrah que l’on ne peut dénicher, dans des millésimes récents, que chez certains cavistes renommés à des prix évidemment nettement supérieurs aux Côtes du Rhône des supermarchés, émerveillera tout amateur qui aura la chance de se le procurer et le courage d’attendre son apogée. Avec les Reynaud, mauvais caractère ou non, la patience est souvent exigée, mais toujours récompensée : du bonheur en bouteille ! n

Emmanuel Reynaud 84230 Chateauneuf Du Pape  




Vin de Pays de Méditerranée Saint-Césaire 2011 – Abbaye de Lerins – Ile Saint-Honorat

A quelques encablures de Cannes, du luxe de sa Croisette, des fastes et agitations frénétiques de son Festival, les moines cisterciens de l’abbaye de Lérins sise sur l’île Saint Honorat, suivant la règle de Saint Benoît : « ora et labora », prient au rythme des offices journaliers aux chants byzantins et vivent modestement grâce au fruit de leur travail : la production ancestrale de vins et de liqueurs.

Saint Honorat est un lieu historique, où l’abbaye, fondée au début du Ve siècle, abrite actuellement une communauté d’une vingtaine de moines, tous unis dans l’élaboration de vins exceptionnels. L’ancien monastère fortifié, éperon fendant l’écume des vagues, donjon hérissé de créneaux et de mâchicoulis fût bâti, pour résister aux assauts des Sarrasins et des pirates génois. En haut, le chemin de ronde offre une vue magnifique sur la côte méditerranéenne jusqu’aux cimes blanches des Alpes.

L’origine du vignoble remonte au Moyen-Age, mais ce n’est qu’à partir des années 1990 que la viticulture se professionnalisa : identification des parcelles les plus adaptées à tel type de vin, remplacement des vieux cépages par des plants plus qualitatifs en introduisant de façon surprenante, en pleine Méditerranée, des variétés septentrionales : pinot noir, chardonnay, culture raisonnée (pas d’herbicides, ni d’insecticides), hygiène draconienne dans le chai.

Saint Honorat est constitué de roches sédimentaires calcaires et dolomitiques, recouvertes d’un limon argileux rouge riche en matière végétale. Une source naturelle d’eau douce protège les vignes du stress hydrique. Le vignoble, situé dans la partie centrale de l’île, comprend un peu plus de 8 ha, 5 dédiés au vin rouge, 3 au blanc, dont 2 pour le chardonnay qui trouve un sol propice argilo-calcaire similaire à celui de la Bourgogne. Les rendements sont limités en moyenne à 35 hl/ha grâce aux vendanges vertes. Le climat méditerranéen offre des conditions très favorables pour le développement de la vigne : ensoleillement remarquable, air nocturne chargé d’humidité, embruns marins conférant au vin fraîcheur et salinité. La biodiversité étonnante de l’île, où les vignes sont entourées de forêts de pins d’Alep, de chênes verts de micocouliers, d’oliviers, de champs, où croissent bruyère blanche, myrte, ciste, explique certainement les parfums profonds et singuliers de certaines cuvées.

La culture est raisonnée avec très peu de chimie, les sols sont enherbés. Tous les travaux : taille, ébourgeonnage, effeuillage, pour aérer les grappes, vendanges sont effectués manuellement, mobilisant l’ensemble de la communauté autour d’un seul but : produire les meilleurs raisins et les meilleurs vins possibles. Tout le travail de vinification nécessite, par-contre, sur l’île, un équipement important et performant. Les dates des vendanges sont déterminées scientifiquement, afin d’obtenir des raisins bien mûrs à bonne maturité phénolique. La récolte manuelle, soigneusement triée, est transportée en petites caissettes. Les raisins blancs sont pressés pneumatiquement, le jus frais est envoyé dans des cuves inox thermo-régulées, puis levurées, pour débuter la fermentation. La vinification est contrôlée par un œnologue suisse, Jean-Pierre Novelle. L’élevage se poursuit pendant 8 à 11 mois dans de barriques de chêne neuf préparées selon un protocole très précis, afin d’éviter le goût souvent trop boisé du chardonnay. La maturation se poursuit au minimum pendant
1 an en bouteilles dans une cuverie à température constante, climatisée et humidifiée.

La cuvée 100 % chardonnay Saint Césaire, servie à la table des Chefs d’Etats du G20, classée 4e parmi les 100 meilleurs blancs de Bourgogne lors d’un concours à l’aveugle, dévoile, dans son millésime 2011, une lumineuse robe jaune or pâle brillante et limpide. Pourvu d’un nez intense, ce vin fait jaillir du verre des senteurs impétueuses et opulentes, fruitées de confiture de poire, d’agrumes confits, florales d’iris et de pivoine avec une petite note citrique, une vaste palette aromatique typique chardonnay avec des touches successives de vanille, de beurre frais, de brioche et de miel signant un élevage de grand luxe. Sa bouche dense, d’une fraîcheur incroyable, liée à une belle acidité, fait ressortir une riche texture grasse, lactée, où les notes fruitées deviennent méditerranéennes, voire exotiques : anis, ananas, noix de coco. La finale longue finement toastée laisse apparaître une pointe réglissée.

Ce vin (divin ?) gras, généreux, très aromatique épouse délicieusement les produits nobles de la mer : loup sauce vierge de tomates fraîches et confites, turbot, saint-pierre en sauce crémeuse, daurade au jus de légumes confits, émulsionnée à l’huile d’olive selon Passédat, noix de saint-jacques aux truffes. La persistance en bouche des crustacés s’harmonise parfaitement avec la complexité de ce chardonnay : homard rôti aux morilles, langouste à l’armoricaine ou à l’émulsion crémée aux poivrons selon Robuchon, mieux encore avec une sauce à l’oignon, telle que proposée dans le restaurant de l’île tenu par les moines.

Mais ce vin sublimera aussi des mets terriens : foie gras en terrine, vol-au-vent, quenelles, poularde à la crème, risotto aux pleurotes et citron confit. Après le plat principal, ce vin fait aussi merveille avec des fromages d’alpage, tels comté, gruyère, appenzeller, vieux fribourg.

Quel pourrait-être plus bel hommage que cette déclaration de frère Marie – Pâques : ce vin trouve son sens dans sa devise, « une île, des frères, un grand vin », qui veut avant tout mettre en avant des valeurs : l’amour du travail bien fait, la fraternité des frères qui vivent dans le respect des différences, la solidarité, le partage, le respect, la tolérance, le service mutuel, la justice, la paix, des valeurs qui nous mènent à l’excellence, l’excellence des produits bien-sûr, mais aussi l’excellence en toute chose, dans les relations, dans les rapports avec la nature, dans la vie… Quelle actualité !




Grand vin de Reignac 2009

Après les Japonais (Cardiologue n ° 383), les Européens, nouveau cataclysme, fin 2009, sur la hiérarchie des seigneurs bordelais lorsque, lors d’une dégustation à l’aveugle, le grand jury européen, composé de spécialistes de réputation mondiale, classe le Grand Vin de Reignac en deuxième place devant les « 4 fantastiques » : Lafitte, Latour, Pétrus, Cheval Blanc 10 à 100 fois plus onéreux !… Un simple Bordeaux Supérieur vendu en promotion par les hypermarchés Leclerc !

Qui est Reignac ? Un château construit au XVIe siècle par le seigneur Baude de Peyron, plus connu par ses magnifiques serres grillées par Gustave Eiffel, que par la qualité de ses vins jusqu’à son rachat par Yves Vatelot grâce à la revente de son épilateur électrique « Silk Epil » à Gillette. D’emblée, le nouveau propriétaire rénove le château et ses chais et, surtout, s’assure des conseils du célèbre œnologue Michel Rolland qui suit toujours les vinifications. Dès 1996, la grande cuvée Reignac est remarquée par Parker avec l’excellente note de 90/100. Parallèlement, en fin connaisseur du marketing, Yves Vatelot fait commercialiser sa production par E. Leclerc dans ses hypermarchés et, malgré le succès, fidèle au soutien initial, continue à en écouler une partie dans les foires aux vins Leclerc à moins de 20 euros !

Le domaine, situé à Saint-Loubes sur une croupe au confluent de l’Entre-deux-Mers, bénéficie d’une particularité rare sur une même propriété : les meilleurs terroirs argilo-calcaires de la rive droite et argilo-graveleux de la gauche, graves profondes permettant des vendanges de qualité, argiles gonflantes, calcaires durs offrant un équilibre nutritionnel et hydrique idéal pour la vigne. Ainsi sont réunies les conditions d’un terrain exceptionnel digne d’un grand cru. Les vignes couvrent 70 ha au sein d’un vaste écosystème composé de bois, de prairies, et même d’un étang.

Une culture raisonnée

Un travail obsessionnel régit la viticulture : gérer l’impact environnemental par retraitement des différents déchets, dont les effluents vinicoles par remédiation au bambou, aller toujours plus loin vers une culture raisonnée.

Le désherbage est remplacé par un labour sous les rangs de vigne, des semis d’engrais verts diminuent les produits chimiques, les traitements phytosanitaires sont réduits au minimum grâce à l’utilisation d’oligo-éléments, pour aider la vigne à se défendre par elle-même. La densité des ceps est volontairement élevée à 6 000 pieds/ha. Les rendements sont limités à 36 hl/ha par ébourgeonnages, épamprages, effeuillages au soleil levant, 2 ou 3 vendanges au vert.

Les vendanges manuelles de raisins sains à parfaite maturité les acheminent dans des clayettes directement sur table pour un double tri avant et après égrappage. Les grains sont foulés au-dessus de petites cuves inox lot par lot. Après macération préfermentaire à froid durant une semaine, la température des cuves est remontée progressivement pour la fermentation alcoolique et une macération postfermentaire, afin d’arrondir les tanins avec remontages et pigeages manuels. L’élevage sur lies fines se fait en barriques neuves qui sont posées sur un tin, permettant par un système rotatif, un batonnage des lies et une extraction douce des tanins. L’élevage s’étend sur 16 à 20 mois selon les millésimes. Mise en bouteille sans collage ni filtration.

Paré d’une robe rubis violacée intense et profonde, ce Grand Vin de Reignac 2009, assemblant 75 % de merlot et 25 % de cabernet-sauvignon, déploie, dès l’ouverture, d’intenses arômes de fruits : douce crème de cassis, noyau de cerise griotte, confiture de mûre, rapidement suivis par de belles senteurs d’épices : poivre blanc, cannelle, muscade, réglisse. Le boisé élégant de chêne grillé, de santal, de café torréfié n’apporte aucune dissonance. En bouche, la matière est juteuse, soyeuse, veloutée, une possible petite astringence initiale disparaît après carafage. Les tanins charnus, l’acidité rafraîchissante confirment sa maturité et sa vigueur. La longue et surprenante finale sur des fruits noirs épicés fait rêver à un défilé de mannequins en pleine campagne : élégance, délicatesse, voluptuosité, mais aussi expression du terroir.

Extraverti et charnel

Ce Grand du Bordelais s’épanouira, comme ses homologues, sur une selle d’agneau rosé, à condition d’éviter les légumes verts qui durcissent le vin et leur préférer les traditionnels flageolets, un gigot de 7 heures aux fèves, un simple navarin. Personnellement, je lui ai fait escorter, avec bonheur, une épaule d’agneau confite à la Choisy selon Yannick Alléno. Grâce à ses arômes boisés, ses notes de cassis, mûre, réglisse, il épousera plaisamment des viandes robustes, grillées ou rôties : bavette de bœuf à la Bordelaise, contrefilet saignant, belle côte de veau bien épaisse avec gratin de macaroni, magret de canard. Il accompagnera, de la même façon, certaines viandes en sauce : bœuf bourguignon, alouettes sans tête, civet de biche. Reignac apprécie les vieux hollandes (les fromages !) : gouda, édam, ainsi que le Saint-Nectaire.

Si vous aimez sincèrement les Bordeaux, surtout s’ils sont grands et à prix raisonnable, la recherche d’une bouteille de ce vin extraverti et charnel est une faveur que vous vous devez à vous-même.




Crémant du Jura

J’espère que vous avez, malgré les menaces présentes et les incertitudes futures, passé de bonnes fêtes de fin d’année, pour lesquelles le champagne, boisson de la joie, de l’amitié et de la gaité, a pris toute sa place. Pour ma part, crise et retraite obligent, j’ai dégusté (outre, tout de même, quelques verres de champagne) plusieurs vins effervescents qui m’ont confirmé la qualité et les progrès constants de cette production. Parmi ceux-ci, le Crémant du Jura, élaboré par le domaine Labet, m’a, tout particulièrement, séduit.

J’avais déjà vanté sur notre revue en ligne la qualité du chardonnay ouillé La Bardette du même producteur, et force est de reconnaître qu’il excelle également avec ce crémant.

Le domaine Labet est situé à Rotalier dans le Révermont, à la pointe sud du vignoble jurassien réputée pour ses chardonnays. Depuis 2013, les Labet parents et enfants, après une courte dissidence du fils Julien, ne forment plus qu’un seul domaine conduit par la fratrie formée de Julien, Romain, Charline, mais le crémant reste vinifié par le père Alain.

Parti de 9 ha en 1974, le vignoble ne s’est que modestement étendu à 13,5 ha, mais s’est tourné, sous l’impulsion de Julien, farouche militant, vers une culture bio, puis biodynamique. Actuellement, 3 ha de vignes sont certifiées Ecocert depuis 2013, les autres sont en cours.

Les sols sont bêchés au printemps, les ceps butés de janvier à avril, des griffages de mai à juillet maîtrisent l’herbe. Les traitements excluent tout produit chimique et engrais, utilisent le soufre, et le cuivre à faibles doses, le petit lait, les tisanes d’orties, de prêles, d’osiers.

La spécificité du domaine est l’approche parcellaire : une cuvée, issue d’une seule vigne, laisse ainsi s’exprimer la personnalité d’un cépage, d’un lieu, d’un sol, d’un terroir. Tous les vins sont produits par une fermentation spontanée grâce aux levures indigènes présentes naturellement, mais différentes d’une parcelle ou d’un millésime à l’autre influençant donc la personnalité et l’expression de chaque cuvée.

 

Un vin non millésimé

L’AOC Crémant du Jura, obtenue en 1995, impose des vendanges manuelles, un transport en caisses percées, un pressurage par grappe entière. Ce vin effervescent est obtenu, comme le champagne, par une double fermentation, dénommée « méthode traditionnelle ». La première fermentation, essentiellement en cuve inox, suivie d’un élevage, sur lie, en foudre pour 79 % et fûts anciens pour 21 % pendant 8 à 10 mois, permet d’obtenir un vin sec et tranquille très peu brassé, non soutiré. Les raisins proviennent de vignes de 28 à 50 ans, de 6 parcelles assemblées sur des terroirs argileux du Lias et calcaires Bajocien. L’assemblage final comporte 95 % de chardonnay et 5 % de pinot noir.

Après l’élevage, est opérée la « prise de mousse ». Le vin de base est mis en bouteille hermétiquement close après ajout de levures et sucre. Le gaz carbonique ne peut s’échapper pendant cette deuxième fermentation et forme des bulles. Les bouteilles sont stockées sur lattes pendant 12 mois, puis dégorgées en remplaçant le dépôt de levures constitué dans le goulot par une liqueur d’expédition composée de vin, sans rajout de sucre donnant, pour ce crémant, la qualification d’un brut nature non dosé. Même si les bouteilles ne sont pas millésimées, le vin de base est issu d’une seule année.

Ce crémant du Jura de Labet comble, à l’instar du champagne, toutes les sensorialités !

Plaisir de l’ouïe : le murmure des bulles harmonise une musique apaisante.

Plaisir de l’œil : la belle robe jaune d’or pâle fait miroiter les fines colonnes de bulles pétillantes, légères, et intenses.

Plaisir du nez : les arômes très riches de raisin muscaté, de fleurs blanches aubépine, chèvrefeuille, de fruits exotiques, ananas, mangue sont magnifiés par de légères notes oxydatives de fruits secs : noix de cajou, noisettes, de champignons, de curry typiques des vins du Jura.

Plaisir de la bouche : l’arrivée des bulles contre la langue est vive, fraîche, désaltérante.

Ce vin effervescent, expressif, puissant et très sec ne copie pas un champagne, mais exprime parfaitement ses origines terriennes jurassiennes.

 

Une merveille pour les poissons fumés

Ce crémant est un merveilleux vin d’apéritif, vin de soif ouvrant les papilles gustatives, sans les charger en sucre avec juste sa petite pointe d’acidité. Ses bulles, sa discrète oxydation accompagnent à merveille poissons fumés, en particulier le saumon, surtout s’il est tranché dans le gras du dos. Il est recommandé par le chef local Marc Tupin pour sa préparation de tartare de truite rose du Jura sur caviar d’aubergines et perles du Japon. Il séduira en compagnie de grosses langoustines croustillantes au pistou. En raison de son acidité, ce vin s’avère difficile sur un dessert en dehors de ceux peu sucrés à base de fruits : granité de cerises au sabayon de macvin, soupe de fraise à la crème fouettée.

Cet élégant effervescent, servi frappé autour de 8°, fait pétiller tous les instants de convivialité. Laissez-vous entraîner par la danse délicate de ses bulles chatoyantes qui caressent le palais, d’autant que son prix, inférieur à 9,00 euros, est tout aussi doux.

Crémant du Jura – Domaine Labet 39190 Rotalier




Chatus Terre de Châtaignier 2011

Le Chatus ou l’histoire d’un cépage qui, après avoir officiellement disparu, a pu renaître grâce au courage et à l’opiniâtreté de vignerons coopérateurs.

Typiquement cévenol, ancré dans le patrimoine viticole ardéchois, ce cépage, cité par l’agronome Olivier de Serres en 1599 comme un des principaux cépages rouges français, couvrira, pendant 3 siècles, la majorité du vignoble du Bas-Vivarais. Le phylloxera détruisit, fin XIXe siècle, la quasi-totalité des plantations. La reconstruction privilégia des variétés mieux adaptées à la production des vins de table. Seuls quelques anciens, dont la famille Allamel, gardèrent quelques rangées de ceps en les greffant sur des plants américains. Mais, lorsque le nouveau répertoire français des cépages fut établi en 1950, le Chatus ne fut pas déclaré : pour l’administration, cépage et vin avaient donc disparu… Heureusement, le petit-fils Allamel, gérant de la cave de Rosières, décida de retrouver le vin de ses ancêtres. Le rassemblement des coopératives en un groupement, les Caves des Vignerons Ardéchois, permet d’entreprendre, depuis 25 ans, un programme de sauvegarde, puis de réimplantation du cépage sous l’égide du « Syndicat de défense des producteurs de Chatus », mais il faudra beaucoup de luttes et démarches, pour que l’administration le reconnaisse à nouveau sous le label IGP.

L’aire de production est délimitée sur une bande de 30 km au sud-est de l’Ardèche, où commencent les Cévennes sur des terrasses exposées plein sud, à l’abri du vent, reposant sur des faïsses du Trias à fort pourcentage de grès rouge, là où poussent fougères, pins, genêts, bruyères : la zone des châtaignes. Sur une surface de 50 ha, il est produit environ 1 000 hl/an de Chatus. La bonne identification des terroirs (plantation uniquement sur du grès limitant le caractère trop puissant des tanins), l’amélioration des équipements (cuves en inox, pressoirs pneumatiques, contrôle des t°) et des processus de vinification, grâce au groupement coopérateur, ont grandement contribué à hausser la qualité du vin.

Mais ce cépage est loin d’être « complaisant » : les ceps doivent être taillés en longs bois courbés en arc de cercle sur fil de fer, d’où un gros travail de main d’œuvre. Son mûrissement est très tardif dans la 1ère quinzaine d’octobre, donc très soumis aux aléas climatiques et aux infections cryptogamiques. Certains plants, datant du grand-père Allamel, atteignent 120 ans, mais la plupart sont jeunes, 10 à 20 ans, grâce aux replantations des coopérateurs. La culture est traditionnelle, nécessitant si besoin des traitements chimiques compte-tenu de la fragilité du Chatus. Les vendanges sont manuelles avec un rendement moyen de 40 hl/ha. Les raisins sont éraflés, foulés pour une vinification classique longue en cuve inox thermorégulée. L’élevage en fûts de chênes français s’étend sur 12 mois avec bâtonnage pendant les 3 premiers.

Paré d’une brillante et cristalline robe grenat-pourpre évoluant vers le rouge sombre, ce Chatus Terre de Châtaignier 2011 exhale d’agréables parfums de fruits noirs et de griottes à l’eau-de-vie, vite rejoints par des arômes particuliers de pâte de coing, figue, pruneau, et d’épices douces : cannelle, poivre blanc, réglisse. En bouche, ce vin exprime une complexité et une richesse en tanins, mais ceux-ci ont perdu cette astringence que j’ai notée dans des millésimes plus jeunes et apparaissent fins, souples donnant cependant opulence et puissance à ce flacon doté d’une solide acidité, d’une typicité racée avec des notes de châtaignes (suggestibilité ?). La belle finale persistante retrouve des arômes de fruits confits et quelques touches de café, probablement liées à l’élevage sous bois. La typicité de ce cépage Chatus résulte de l’alliance de fruits mûrs, confits et secs avec des tanins bien présents.

En harmonie avec le chocolat noir

Sur ce vin puissant à forte personnalité, les accords culinaires semblent compliqués. Je n’adhère pas à la proposition de certains, probablement pour des raisons géographiques, de tenter des mariages avec la cuisine provençale. La situation montagneuse, le terroir, en particulier cette Terre de Châtaignier du vignoble, m’inclineraient vers une cuisine robuste comme celle de la proche Auvergne : choux farci, potée auvergnate ou tripoux. Des viandes en sauce, un civet ou une selle de sanglier « grand veneur » l’escorteront gaillardement. Mais « à cuisine régionale, vin de la même provenance », pourquoi ne pas se tourner vers la, certes lourde et calorique, gastronomie ardéchoise : porc à la cévenole, caillette (pâté mélangeant viande de porc et vert de blette), bombine (pommes de terre, carottes, morceaux de viande, lard), maôche (panse de porc farcie de chair à saucisses, de choux, de pommes de terre) et, bien-sûr, cousina (soupe de châtaignes). Au moment du fromage, il faut privilégier les chèvres locaux : le picodon, le rogeret des Cévennes ou les brebis : le pérail, l’ossau-iraty basque qui épousent bien les vins rouges. Bonne surprise au dessert : ce Chatus est en harmonie avec le chocolat noir : fondant, tarte coulante aux noix, brownies et, pour rester dans la légèreté ( !), truffe ardéchoise : crème de marron, cacao, beurre, biscuit à la châtaigne…

Quelques remarques complémentaires doivent être formulées : ce Chatus offre un rapport qualité/prix aux alentours de 7 Ä remarquable. Cependant, la dégustation d’autres vins de Chatus, plus jeunes, moins bien vinifiés m’a beaucoup moins convaincu. On ne peut que conseiller de ne pas le boire avant 5 ans, ce vin appelant un vieillissement de 5 à 10 ans, et surtout de l’aérer très soigneusement en ouvrant et carafant la bouteille plusieurs heures, voire une ½ journée avant le service.

Ces précautions prises, n’hésitez pas à soutenir ces courageux vignerons-coopérateurs en les aidant à ressusciter ce vin qui le mérite indéniablement.




Chatus Terre de Châtaignier 2011

Le Chatus ou l’histoire d’un cépage qui, après avoir officiellement disparu, a pu renaître grâce au courage et à l’opiniâtreté de vignerons coopérateurs.

Typiquement cévenol, ancré dans le patrimoine viticole ardéchois, ce cépage, cité par l’agronome Olivier de Serres en 1599 comme un des principaux cépages rouges français, couvrira, pendant 3 siècles, la majorité du vignoble du Bas-Vivarais. Le phylloxera détruisit, fin XIXe siècle, la quasi-totalité des plantations. La reconstruction privilégia des variétés mieux adaptées à la production des vins de table. Seuls quelques anciens, dont la famille Allamel, gardèrent quelques rangées de ceps en les greffant sur des plants américains. Mais, lorsque le nouveau répertoire français des cépages fut établi en 1950, le Chatus ne fut pas déclaré : pour l’administration, cépage et vin avaient donc disparu… Heureusement, le petit-fils Allamel, gérant de la cave de Rosières, décida de retrouver le vin de ses ancêtres. Le rassemblement des coopératives en un groupement, les Caves des Vignerons Ardéchois, permet d’entreprendre, depuis 25 ans, un programme de sauvegarde, puis de réimplantation du cépage sous l’égide du « Syndicat de défense des producteurs de Chatus », mais il faudra beaucoup de luttes et démarches, pour que l’administration le reconnaisse à nouveau sous le label IGP.

 

« Avant lorsqu’on voulait faire du bon vin, on mettait du Chatus dans la cuve »

Proverbe cévenol

 

L’aire de production est délimitée sur une bande de 30 km au sud-est de l’Ardèche, où commencent les Cévennes sur des terrasses exposées plein sud, à l’abri du vent, reposant sur des faïsses du Trias à fort pourcentage de grès rouge, là où poussent fougères, pins, genêts, bruyères : la zone des châtaignes. Sur une surface de 50 ha, il est produit environ 1 000 hl/an de Chatus. La bonne identification des terroirs (plantation uniquement sur du grès limitant le caractère trop puissant des tanins), l’amélioration des équipements (cuves en inox, pressoirs pneumatiques, contrôle des températures) et des processus de vinification, grâce au groupement coopérateur, ont grandement contribué à hausser la qualité du vin.

Mais ce cépage est loin d’être « complaisant » : les ceps doivent être taillés en longs bois courbés en arc de cercle sur fil de fer, d’où un gros travail de main d’œuvre. Son mûrissement est très tardif dans la 1ère quinzaine d’octobre, donc très soumis aux aléas climatiques et aux infections cryptogamiques. Certains plants, datant du grand-père Allamel, atteignent 120 ans, mais la plupart sont jeunes, 10 à 20 ans, grâce aux replantations des coopérateurs. La culture est traditionnelle, nécessitant si besoin des traitements chimiques compte-tenu de la fragilité du Chatus. Les vendanges sont manuelles avec un rendement moyen de 40 hl/ha. Les raisins sont éraflés, foulés pour une vinification classique longue en cuve inox thermorégulée. L’élevage en fûts de chênes français s’étend sur 12 mois avec bâtonnage pendant les 3 premiers.

Paré d’une brillante et cristalline robe grenat-pourpre évoluant vers le rouge sombre, ce Chatus Terre de Châtaignier 2011 exhale d’agréables parfums de fruits noirs et de griottes à l’eau-de-vie, vite rejoints par des arômes particuliers de pâte de coing, figue, pruneau, et d’épices douces : cannelle, poivre blanc, réglisse. En bouche, ce vin exprime une complexité et une richesse en tanins, mais ceux-ci ont perdu cette astringence que j’ai notée dans des millésimes plus jeunes et apparaissent fins, souples donnant cependant opulence et puissance à ce flacon doté d’une solide acidité, d’une typicité racée avec des notes de châtaignes (suggestibilité ?). La belle finale persistante retrouve des arômes de fruits confits et quelques touches de café, probablement liées à l’élevage sous bois. La typicité de ce cépage Chatus résulte de l’alliance de fruits mûrs, confits et secs avec des tanins bien présents.

Sur ce vin puissant à forte personnalité, les accords culinaires semblent compliqués. Je n’adhère pas à la proposition de certains, probablement pour des raisons géographiques, de tenter des mariages avec la cuisine provençale. La situation montagneuse, le terroir, en particulier cette Terre de Châtaignier du vignoble, m’inclineraient vers une cuisine robuste comme celle de la proche Auvergne : choux farci, potée auvergnate ou tripoux. Des viandes en sauce, un civet ou une selle de sanglier « grand veneur » l’escorteront gaillardement. Mais « à cuisine régionale, vin de la même provenance », pourquoi ne pas se tourner vers la, certes lourde et calorique, gastronomie ardéchoise : porc à la cévenole, caillette (pâté mélangeant viande de porc et vert de blette), bombine (pommes de terre, carottes, morceaux de viande, lard), maôche (panse de porc farcie de chair à saucisses, de choux, de pommes de terre) et, bien-sûr, cousina (soupe de châtaignes). Au moment du fromage, il faut privilégier les chèvres locaux : le picodon, le rogeret des Cévennes ou les brebis : le pérail, l’ossau-iraty basque qui épousent bien les vins rouges. Bonne surprise au dessert : ce Chatus est en harmonie avec le chocolat noir : fondant, tarte coulante aux noix, brownies et, pour rester dans la légèreté ( !), truffe ardéchoise : crème de marron, cacao, beurre, biscuit à la châtaigne…

Quelques remarques complémentaires doivent être formulées : ce Chatus offre un rapport qualité/prix aux alentours de 7 € remarquable. Cependant, la dégustation d’autres vins de Chatus, plus jeunes, moins bien vinifiés m’a beaucoup moins convaincu. On ne peut que conseiller de ne pas le boire avant 5 ans, ce vin appelant un vieillissement de 5 à 10 ans, et surtout de l’aérer très soigneusement en ouvrant et carafant la bouteille plusieurs heures, voire une ½ journée avant le service.

Ces précautions prises, n’hésitez pas à soutenir ces courageux vignerons-coopérateurs en les aidant à ressusciter ce vin qui le mérite indéniablement.

J. Helen

 

Chatus Terre de Châtaignier 2011
Les Vignerons ardéchoix 07120 Ruoms

 

« L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération ».




Gewurztraminer Qvevri 2011 – Vin Orange

Le drapeau tricolore des vins : rouge, blanc, rosé, viendrait-il à se déchirer ? Car voilà qu’apparaît une 4e couleur : l’orange.

L’histoire des vins oranges remonte à plusieurs millénaires en Géorgie, mais ils n’ont été « redécouverts » que depuis une vingtaine d’années par les producteurs occidentaux révélant, de ce fait, non seulement une nouvelle couleur, mais surtout un nouveau goût dans le vin.

Le vin orange est tout simplement un vin blanc vinifié comme un vin rouge. Classiquement, les raisins blancs, après vendange, sont, de suite, pressés et le jus immédiatement mis en fermentation. Pour les vins oranges, la fermentation s’opère sur des raisins entiers, égrappés ou non, le jus restant en contact, plus ou moins longtemps avec les peaux et autres éléments solides qui contiennent des tanins, polyphénols pour certains colorants. Ceux-ci confèrent cette couleur orangée et une certaine tannicité au vin.

Cette opération nécessite qualité et maturité optimales des raisins, car les longues macérations permettent une forte extraction de substances aromatiques. Plus les raisins sont mûrs et sains, plus le bouquet aromatique sera noble, plus les températures seront stables et fraîches, plus subtils seront les arômes. En outre, les structures solides doivent être toujours immergées, pour éviter le contact avec l’air et l’apparition de bactéries acétiques. C’est là qu’intervient l’amphore, dont les dimensions et la forme garantissent une température fraîche, constante et uniforme dans tout le liquide et une mineure surface de son exposition à l’air. Mais 2 difficultés apparaissent : les jarres traditionnelles de Géorgie nécessitent un tapissage interne, pour rester étanches au liquide et poreuses à l’air, habituellement par de la cire d’abeille qui apporte des arômes particuliers très différents du boisé classique. De plus, leurs contenances, au minimum 500 litres, obligent, pour garder une t ° constante basse et éviter l’éclatement, d’être enterrées, d’où les puissantes notes terreuses et racinaires qui peuvent souvent rebuter.

Quoiqu’il en soit, cette vinification par macération des vins blancs, qu’elle s’opère ou non en amphores enterrées, connaît un succès grandissant, illustré par Radikon, Gravner (Frioul), Movia (Slovénie), Mathier (Valois), Gauby (Roussillon), Tissot (Jura), Bannwarth (Alsace).

L’aventure, pour Laurent Bannwarth, débute en 2001, lorsqu’il accueille un étudiant géorgien qui l’amène à s’intéresser au mode original de vinification dans son pays. Viticulteur déjà réputé pour son choix d’agriculture biologique et biodynamique, la qualité de ses vins, il décide d’adopter les techniques géorgiennes pour une petite partie de sa production et importe, avec difficultés, les jarres traditionnelles en terre cuite, les qvevris, qui donnent leur nom à ses cuvées.

A l’issue du pressurage, le jus est mis à fermenter et à macérer avec les parties solides enfermées dans des sacs de jute, comme de géants sachets de tisane, immergés dans les jarres enterrées. La quantité de marc, la durée de l’infusion permettent de nuancer la couleur, l’extraction des tanins, et arômes. Au bout de 6 mois en moyenne, le vin est soutiré et relogé dans d’autres qvevris pour un élevage sur lies fines pendant 4 mois. La présence d’air et l’absence de voile levurien permettent une oxydation modérée et contrôlée. Il n’y aucun levurage, sulfitage pendant la vinification, ni collage ou filtration pour la mise en bouteille, ce qui aboutit à un vin le plus naturel possible.

Parmi les quatre cuvées oranges obtenues par macération dégustées au domaine, le Gewurztraminer 2011 nous est apparu le plus convaincant. La robe soutenue d’un bel orange saumoné aux reflets acajous d’un vieux cognac est légèrement trouble (absence de filtration). Le nez est envahi par des fragrances prégnantes de rose fanée, de fruit de la passion, d’orange sanguine typiquement Gewurztraminer, puis se révèlent progressivement de riches arômes d’épices, poivre blanc, fruits secs et des notes de cire d’abeille, d’encens, de fumée. En bouche, s’exhalent beaucoup de prestance, une saveur prenante, des tanins suaves liés à un peu de sucre résiduel. La longue finale fait ressortir les flaveurs typiques de vin orange : notes racinaires d’humus, de mousseron.

En résumé, ce Gewurztraminer « Qvevri » développe une tonicité, une fraîcheur de tanins et une puissance des expressions aromatiques jusqu’ici inconnues qui réellement « décoiffent ».

Les vins oranges arrivent sur nos tables à l’improviste, leurs arômes, textures, saveurs particuliers, leur structure tanique créent une nouvelle dimension et une grande richesse en matière de mariages culinaires, mais tout reste à découvrir ! D’emblée, je proposerai des accords autour de la terre, du fumé, des épices. J’ai essayé, avec une réussite certaine, de goûter ce Gewurztraminer Qvevri en apéritif sur poissons fumés, œufs de lump, tarama. Il s’accordera probablement avec des plats orientaux épicés, des tajines… mais je le positionnerai préférentiellement, pendant l’automne, pour escorter viandes fumées, poêlées de champignons, châtaignes rôties. Il se confrontera, sans difficulté, à des fromages forts, époisses, vieux lille et surtout munster.

Petits conseils de dégustation : ces vins ne doivent pas être servis frais, mais chambrés comme un vin rouge, le carafage est préconisé après ouverture, il faut les boire rapidement ( !) après le débouchage, car ce sont des vins « vivants » qui évoluent vite.

Laurent Bannwarth 68420 Obermorschwihr