Pouilly-Fumé « Pur Sang » 2003 – Didier Dagueneau – 58150 Saint-Andelin

Il nous laissera le souvenir d’une personnalité hors du commun : barbe broussailleuse, cheveux longs, véhément, passionné, parfois agressif, il ne pouvait laisser indifférent : – révolté à l’évidence, pour s’être brouillé avec son père, lui-même vigneron, et s’être installé à son compte, sans aucun appui, refusant tout compromis avec ses confrères viticulteurs de la même appellation ; – révolutionnaire certainement, donnant au Pouilly Fumé une grandeur que personne ne pouvait imaginer, en utilisant l’élevage en fûts de chêne, ce vin de cépage Sauvignon ayant été longtemps réduit à un rôle de p’tit blanc sec de comptoir, Didier Dagueneau, avec d’autres excellents vinificateurs (Le Bardon de Ladoucette, Michel Redde), a impulsé au Pouilly-Fumé une renommée mondiale ; ses bouteilles étaient saisies chaque année avec avidité par les restaurateurs, les cavistes et les connaisseurs de tous les continents ; – provocateur sûrement : n’avait-il pas rebaptisé sa rue du nom de son idole (?) Che Guevara et ne proposait-il pas une cuvée Astéroïde au prix effectivement cosmique de 460 € (la bouteille !) ?

Le qualificatif Fumé des vins de Pouilly serait, pour certains, dû à la fine pruine grise, dont les raisins de Sauvignon se recouvrent, ou pour d’autres, aux arômes de pierre à fusil, terreux et herbacés que l’on retrouve dans ces vins.

Mais, heureusement, ce ne sont pas ces flaveurs que déploient les vins de Didier Dagueneau. La perfection de ses vins n’est pas due au hasard : soins méticuleux de la vigne avec ébourgeonnage réguliers, permettant des rendements faibles : 35 à 40 hl/hectare, vendanges manuelles avec sélections draconiennes, vinification alliant une science oenologique et une intuition incomparables, élevage en demi-muids et petits fûts ovales, spécialement fabriqués à son intention, maîtrise stricte de la température, pour éviter l’interaction entre le vin et le chêne des fûts.

Le Pouilly-Fumé « Pur Sang » 2003 se caractérise par une extraordinaire minéralité, une puissance, une concentration et une profondeur superbes ; des arômes de zestes d’oranges, d’huile d’agrumes, de coing et de noisettes s’entremêlent, sans se heurter. En bouche, on remarque le raffinement, l’onctuosité, mais aussi l’acidité fabuleuse, pénétrante, mais non agressive et la caudalie impressionnante.

La race de ce « Pur Sang » permet des accords gastronomiques remarquables : les poissons nobles de rivière ou lac : brochet, omble chevalier, féra, l’épouseront avec béatitude. Un loup en croûte de sel, des coquilles Saint- Jacques en carpaccio ou en daube façon Ducasse, un saumon à l’aigrelette de Marcon, un filet de sole à l’émulsion de persil de Lameloise, procureront certainement « le coup de foudre ».

Classiquement, les fromages de chèvre secs, tel le crottin de Chavignol, se marient idéalement avec les Sauvignon de Loire, mais il serait dommage de limiter ces accords avec les vins de Didier Dagueneau compte-tenu de leurs prix inhérents à leur qualité et à la demande. Les vins de Didier Dagueneau sont appelés à un long vieillissement, 10 à 15 ans, mais peuvent cependant être appréciés dans leur jeunesse. Étant donné la commercialisation en « flux très tendus », vous ne pourrez acquérir que des vins très jeunes (actuellement le 2006). Oubliez-les dans votre cave !…

Je sais que ses enfants vont reprendre l’exploitation. Souhaitons-leur la même réussite qu’avait connue leur père.

Monsieur Dagueneau, où que vous soyez maintenant, vous pouvez être fier de l’oeuvre accomplie et sachez que vous avez réussi l’impossible avec vos cuvées qui sont, elles, immortelles.




Côtes de Provence Domaine des Nibas « Ingénue » 2004 – Nicolas Hentz, 83550 Vidauban

La tradition vinicole provençale remonterait à plus de 2 600 ans, mais, bien que la région continue à bénéficier de conditions climatiques idéales pour la vinification, la qualité est rarement au rendez-vous, nombre de viticulteurs misent sur la quantité privilégiant les rosés, afin d’approvisionner la multitude de restaurants azuréens, se perdant dans des assemblages complexes et parfois folkloriques, maîtrisant mal les années difficiles.

Passons rapidement sur les rosés, dont le fleuve (145 millions de bouteilles annuelles) déferle sur les touristes assoiffés, mais peu exigeants. Ã mon humble avis, la majorité des rosés provençaux est médiocre et leurs accords gastronomiques se limitent à l’accompagnement d’un barbecue sous un soleil torride ou à la dégustation d’un poisson grillé sur la plage…

La Provence produit d’excellents vins blancs musclés et charnus dans des appellations très limitées : Bellet, Palette, quelques viticulteurs de Cassis et Côtes-de-provence.

En fait, la bonne surprise vient des rouges qui ne cessent de croître en qualité : vins typiquement méditerranéens, dont les Bandol sont la figure emblématique. Mais certains viticulteurs de l’appellation Côtes-de-provence produisent aussi de remarquables vins rouges. Nicolas Hentz, d’origine alsacienne, dont il tire probablement le sérieux et la rigueur dans son travail de vinificateur, parfaitement amariné sur les côtes méditerranéennes, exerce sur un petit Domaine de 5 hectares au coeur de la plaine des Maures. Il s’assure des conseils d’un oenologue à chaque étape de la vinification de ses différentes cuvées et s’est mis à la conversion Bio depuis 2006.

Les vendanges sont manuelles en caissettes permettant d’emblée les assemblages.

Sa cuvée spéciale « Ingénue » 2004 est un assemblage complexe : syrah 25 %, grenache 25 % (avec des rendements de 35 hl/hectare faibles pour la région), cinsaut, carignon et un peu de cabernet-sauvignon qui assure l’excellente qualité des tanins.

La vinification est très artisanale, mais particulièrement soignée, les marcs ne sont pas pressurés, l’élevage est réalisé en petites barriques de bois qui sont tournées manuellement, pour permettre la gravitation et l’homogénéisation, et dure 9 mois. Cette cuvée est peu filtrée et non collée.

Le vin à la robe pourpre cardinalice dégage au nez des arômes de fruits noirs : cassis, mûre, et de poivre assez caractéristique de la syrah, mais aussi des arômes méditerranéens grâce aux cépages grenache et cinsaut : épices, garrigue : thym, romarin. En bouche, on apprécie une matière dense et des tanins déjà bien fondus, souples et soyeux.

Ce Côtes-de-provence accueillera volontiers une viande rouge, un cabri ou un chevreau tout juste rôtis, mais il peut solliciter des mariages plus subtils avec un osso bucco, un lapin aux pruneaux et, pour les amateurs d’accords : poissons – vins rouges : un beau rouget ou une fricassée de supions à l’encre.

Nicolas Hentz ne produit cette cuvée spéciale que dans les années réunissant les conditions optimales, mais sa vinification très artisanale peut entraîner d’assez importantes différences qualitatives. Ainsi, son « Ingénue » 2004 m’est apparue un peu « coriace » avec des tanins âpres et rudes, mais il est très probable que cette cuvée se « civilise » avec le vieillissement.

En revanche, vous pouvez, sans aucune hésitation, acquérir ses blancs et ses rosés proposés à des prix très doux._

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Ã consommer avec modération.(gallery)




Châteauneuf-du-Pape blanc 2005 – Domaine du Vieux Télégraphe, 84370 Bédarrides

La dénomination de Châteauneuf-du- Pape, qui a toujours été très porteuse sur le plan commercial, est parfaitement expliquée historiquement : Clément V dût transférer le Siège de la Papauté de Rome en Avignon en 1309 sous la pression de la Couronne de France « fille aînée de l’église » qui menaçait le Saint Siège d’un schisme. Ce Clément V était probablement un fin oenologue ayant, lors d’un passage dans le Bordelais, contribué à l’élaboration d’un grand vin de Graves, toujours connu sous le nom de « Château Pape-Clément » et il ne lui déplaisait probablement pas de s’installer en Avignon, les vignobles des Côtes du Rhône méridionales ayant déjà une flatteuse réputation. Son successeur, Jean XXII (Jean XXIII est venu beaucoup plus tard !) construisit un grand château dans la localité, pour s’éloigner de l’atmosphère chaude et pesante d’Avignon.

Les Châteauneuf-du-Pape rouges sont universellement reconnus pour leur richesse explosive, leur puissance et leur opulence. Nombreux sont les viticulteurs, parmi les plus de 300 recensés, qui produisent d’excellents vins et, pour certains, d’exceptionnels : Rayas, Beauvastel, Bonneau.

à l’opposé, les Châteauneuf-du-Pape blancs, représentant une production très minoritaire (7 % du total), souffrent d’une certaine déconsidération : vins très corsés, très alcooliques, monolithiques, parfois oxydés par défaut de fermentation malolactique.

Mais il existe de belles exceptions, dont fait partie ce Vieux Télégraphe blanc 2005.

Le domaine du Vieux Télégraphe, conduit depuis plus d’un siècle par la famille Brunier, est actuellement dirigé par Pierre et Frédéric Brunier. La propriété doit son nom au fait que Claude Chappe, inventeur du télégraphe optique, avait installé, fin XVIIIe siècle, un de ses sémaphores sur le plateau de la Crau qui allait être ensuite complanté de vignes par Hippolyte Brunier. Ce plateau bénéficie d’une situation géoclimatique exceptionnelle avec une épaisse couche d’argile très chargée avec les fameux galets roulés qui permettent une concentration dans les sous-sols de la chaleur torride de la journée.

Les raisins sont l’objet de soins méticuleux : ébourgeonnage manuel, vendange au vert, effeuillage permettant des rendements sévèrement contrôlés, les vendanges sont manuelles avec un double tri sévère. Les raisins sont pressurisés pneumatiquement et la fermentation est réalisée pour 60 % en cuves, 40 % en barriques, l’élevage pour partie en cuve, pour partie en barrique.

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L’assemblage très atypique en Châteauneuf-du- Pape blanc comporte peu de roussane (15 %) mais privilégie la clairette (40 %), le grenache blanc (30 %) et un peu de bourboulenc (15 %).

Ce Châteauneuf-du-Pape blanc 2005 est enthousiasmant : ce qui est bien évidemment lié au millésime exceptionnel, mais également et surtout au tour de main expert du vinificateur.

Il exhale de superbes parfums d’agrumes miellées et de fleurs d’acacias, en bouche d’abondantes notes de fruits : poire, ananas. Il recèle un gras et une puissance étonnants pour ce type de vin.

J’ai réussi, dans le même week-end, un accord quasi-parfait avec d’abord des ris de veau truffés légèrement crémés, puis avec un gratin de homard « Prince Wladimir », grâce aussi, il faut le dire, aux talents culinaires de mon épouse.

Ce vin magnifique épousera certainement avec tendresse des plats méditerranéens : coquilles Saint-Jacques provençales, rougets grillés aux herbes, la fricassée de coquillages au thym de Senderens ou des petits chèvres type Banon.

Je pense qu’il ne repoussera pas une quenelle de brochet ou une blanquette de veau et toute préparation à base de truffes.

à signaler que, contrairement à leurs homologues rouges, ces Châteauneuf-du-Pape ne sont pas aptes à un long vieillissement et que la garde ne doit pas excéder 4 ou 5 ans.

« L’usage de vin est affaire de modération. La sobriété n’est pas abstinence, c’est la mesure de cette boisson délicieuse. » (Saint Thomas d’Aquin)(gallery)




Klein Constantia 2002 : Vin de Constance – Constantia 7800 South Africa

Revers de la médaille : les nombreux historiens partisans de la thèse de l’empoisonnement de Napoléon 1er à Sainte Hélène soutiennent que l’arsenic avait été versé dans un tonneau de vin de Constance, dont l’empereur raffolait et dont il s’était réservé l’exclusivité.

Le Gouverneur du Cap, Simon Van Der Stel, avait, dès 1685, choisi Constantia, pour en faire le berceau de la viticulture Sud-Africaine. Ce site, proche de la ville du Cap, bénéficie d’un micro-climat adouci et humidifié par les vents de la False Bay, d’un sol granitique apte à produire des vins de dessert fins et parfumés, à très long potentiel de garde, qu’aucun autre terroir d’Afrique du Sud n’a jamais atteint.

Ce vin légendaire disparut début du XXe siècle à la suite de l’épidémie du phylloxera qui dévasta les plantations, mais aussi parce que les responsables de l’époque ne croyaient plus en l’avenir des vins liquoreux. Il renaît depuis 1980 par la volonté des nouveaux propriétaires Duggy et Lowell Jooste qui essayent de reproduire à l’identique ce vin, tel qu’il y a 300 ans, avec les mêmes méthodes artisanales et les mêmes sélections draconiennes.

Le « sweet, luscious and excellent wine of Constantia » est un vin liquoreux de muscat élaboré à partir de vendanges tardives sublimées par la pourriture noble. Il ne s’agit pas d’un vin « fortifié », dont la vinification a été bloquée par l’ajout d’alcool et, à ce sujet, on peut regretter que la plupart des Muscat français : Baumes de Venise, Frontignan, Rivesaltes, Cap Corse, aient suivi cette voix plus facile et lucrative, plutôt que d’essayer, comme nos voisins Italiens ou Espagnols, d’élaborer de grands Muscat de vendanges tardives…

La dégustation d’un verre de Klein Constantia est un grand moment : magnifique robe orangée, nez de miel, d’abricot sec, d’épices : cannelle, curry, raffinement, élégance, puissance et longueur en bouche avec une caudalie comparable à celle d’un vieux cognac. Avec un tel nectar, les accords culinaires s’avèrent difficiles, car ce vin est un dessert à lui seul. Je pense qu’il vaut mieux éviter toute base chocolat qui s’accomode mieux des vins mutés, type Porto ou Banyuls, mais des figues rôties et tarte à la cannelle, des coings pochés, un feuilleté de mirabelles à la crème d’amande, une tarte fine aux pommes et cannelle devraient épouser le Klein Constantia, sans pudeur. Je précise qu’en l’occurrence, c’est le mets qui doit accompagner le vin et non le contraire… J’ai tenté un accord avec un foie gras poêlé, discrètement vinaigré, accompagné de raisins et pommes caramélisées qui ne m’a pas vraiment enthousiasmé.

Ce vin est introuvable en France (sauf peutêtre chez Lavinia). Profitez d’un passage au Cap, pour en prélever quelques bouteilles chez un caviste averti.

Mais laissons conclure Charles Baudelaire qui, dans les Fleurs du Mal, le décrit comme « l’expression ultime de la sensualité »…

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé (même pour les poètes).

|| |Le Manor House, corps principal de la propriété de Groot Constantia. _ Constantia fut la première et la plus grande exploitation viticole d’Afrique du Sud. _ Elle fut séparée ensuite en plusieurs propriétés : Klein Constantia, Constantia Uitsig et la plus grande Groot Constantia.|(gallery)




Chambolle-Musigny 1er Cru Les Baudes 2000 – Sérafin Père et Fils, 21220 Gevrey-Chambertin

Mais ma conversion définitive vient de ma rencontre avec Henri Jayer, « le pape du Pinot noir », dont la disparition récente a été déplorée par tous les oenologues : j’eus l’honneur, grâce à lui, de déguster et d’apprécier la sublimité que peuvent atteindre les vins des Côtes de Nuits.

Les Bourgogne rouges, monocépages de Pinot noir, sont cependant des vins d’une complexité et d’une variabilité déroutantes. D’un climat(Climat en Bourgogne désigne une petite zone géographique déterminée par le sous-sol, l’exposition et le microclimat.) l’autre, parfois distants de quelques dizaines de mètres, d’un producteur à son voisin, d’un millésime raté ou réussi, vous pouvez déguster des bouteilles sublimes, correctes ou franchement médiocres.

Le classement en appellations communales (Vosne-Romanée, Gevrey-Chambertin, Nuits-saint-Georges, etc.), en premier cru ou en grand cru (Chambertin, Clos Vougeot, etc.) n’est, en aucune façon, une garantie, car tout dépend de la qualité du viticulteur et de celle du millésime. Le Pinot noir, « bête à chagrin », disait Henri Jayer, réserve continuellement des surprises, parfois agréables, mais souvent très décevantes.

Ainsi, je considère que, parmi les multiples producteurs (près de 300 en Côtes de Nuits), 25 % sont dignes d’intérêt et moins de 15 % élaborent avec régularité de bons, voire d’excellents vins. Il faut enfin souligner que les grands ou les très grands viticulteurs, au nombre d’une quarantaine en Côtes de Nuits, sont quasiment inaccessibles pour le particulier, soit par leurs tarifs prohibitifs (Romanée-Conti, Clos de Tart), soit par la rareté de leur production (E. Rouget, Domaine D. Mortet).

C’est pourquoi je tiens à vous recommander une des vedettes des Côtes de Nuits, encore, je crois, relativement accessible.

Christian Sérafin est un personnage singulier, d’abord difficile : bourru, « taiseux », il ne se découvre pas au premier venu. Ce n’est qu’à ma troisième visite que j’ai pu commencer à appréhender sa riche et, au demeurant, très sympathique personnalité. J’ai compris qu’il est assez timide, mais aussi étonnamment modeste ; ne vous confie-t-il pas au détour de la conversation que « certes son Gevrey, Les Cazetiers, était arrivé en tête d’une dégustation à l’aveugle à New-York, parmi toutes les autres bouteilles de Côtes de Nuits, mais que plusieurs de ses collègues méritaient tout autant que lui cette distinction ».

Il dédaigne et refuse la publicité des grands guides oenologiques français, en partie du fait de la limitation des disponibilités sur un petit domaine de 5,5 hectares et d’une demande massive de l’étranger où part près de 80 % de sa production. En définitive, la vente au particulier en France plafonne à 10 %…

Christian Sérafin soigne méticuleusement ses vignes de la façon la plus naturelle possible. La vinification de ses premiers crus se fait, pour 80 %, en fûts neufs. Ses vins ne sont, ni filtrés, ni collés.

Tous les crus qu’il produit et que j’ai eu l’honneur de déguster, sont remarquables et son habileté lui permet de gommer les difficultés de certains millésimes et de maintenir un niveau qualitatif quasi-constant. J’apprécie toute sa gamme de Gevrey-Chambertin : Villages, premiers crus : Corbeaux, Fonteny et le quasiintrouvable Cazetiers, mais mon coup de coeur actuel est décerné à son Chambolle-Musigny 1er Cru Les Baudes 2000.

Le Chambolle-Musigny est considéré comme le vin le plus fin des Côtes de Nuits : vin de dentelle, vin de « femme ». Peut-être, mais pas pour la production de Christian Sérafin : puissance, ampleur, mais aussi élégance le caractérisent. La robe rubis aux reflets lumineux est inhabituelle pour un Pinot noir, nez de petits fruits rouges : cerise griotte, framboise et également pruneau et violette, on retrouve en bouche de copieuses saveurs de mûres, d’épices et de truffes.

Sa délicatesse charnue ne l’empêche pas de conserver une structure solide et durable, promesse d’un long vieillissement.

Ce vin, associant puissance et subtilité, épousera avec plaisir des viandes goûteuses et sophistiquées : petits gibiers à plumes, un simple perdreau rôti, un colvert au céleri et aux truffes, un faisan vigneronne. Le chapon de Bresse farci aux truffes de Régis Marcon, le jarret de veau caramélisé de Alain Ducasse seront délicatement enrobés par les tanins soyeux de ce Chambolle.

Des fromages très crémeux, type Brillat- Savarin, Chaource l’encadreront gaillardement en fin de repas. Christian Sérafin(gallery)




Riesling Hugel : « Hommage à Jean Hugel » 1997 (68340 Riquewihr)

Les Alsace : vins blancs du XXIe siècle ? C’est ce que nombre de connaisseurs prophétisent, tant la qualité du vignoble et le savoirfaire de très nombreux viticulteurs ont progressé durant ces vingt dernières années, alors que les prix sont restés très raisonnables, sans commune mesure, avec ceux des grands Bourgognes blancs. Certains experts pensent que le réchauffement climatique va également jouer en leur faveur.

Les vins d’Alsace sont des vins de cépages : Muscat, Gewurztraminer, Pinot blanc et gris, mis à part certains assemblages comme l’Edelzwicker, où certains vignerons atypiques, tel Marcel Deiss qui s’obstine à produire des vins de terroir. Mais le cépage roi est incontestablement le Riesling qui se caractérise par une complexité et une variété d’arômes étonnantes : vif et nerveux jeune, soit fin et raffiné, soit charpenté et opulent, tantôt sec et minéral, tantôt fruité ou floral. Cette diversité extrême s’explique évidemment par la nature géologique des sols, les microclimats qui déterminent une palette de terroirs très différents et aboutit au classement en grands crus. Mais il faut se garder d’oublier le rôle majeur du viticulteur qui imprime souvent son style et sa signature.

Le Riesling Hugel, « Hommage à Jean Hugel », 1997 m’a enthousiasmé. Cette cuvée a été élaborée par ses neveux Marc et Etienne, pour célébrer la 50e vendange consécutive de Jean Hugel, figure emblématique du vignoble alsacien, concepteur et rédacteur des textes régissant les appellations vendange tardive et sélection de grains nobles, et probablement également pour montrer que les « jeunes » pouvaient égaler le maître.

La robe très éclatante malgré l’âge fait miroiter une intense dominante jaune paille avec de beaux reflets verts.

Au premier abord : important nez pétrolé avec des arômes d’agrumes caractéristiques des grands Riesling, mais on est très vite désorienté et émerveillé par la complexité olfactive : beaucoup de fruits exotiques : mangue, fruit de la passion, nuances d’herbes sauvages : sauge, menthe, flaveurs de verveine et mélisse, si bien qu’on en vient à douter : s’agit-il bien d’un Riesling, ne serait-ce pas un vin méditerranéen, un grand blanc des Côtes de Provence ? un Pinot Gricio italien ? un Albarino espagnol ?

Revenons sur terre : l’étiquette fait foi, mais sa sobriété nous cache comment cet étonnant Riesling a été élaboré. Ã l’évidence avec des grands crus provenant principalement ou exclusivement du terroir vedette de Riquewihr : le Schoenenbourg, il s’apparente, du fait d’une relative richesse en sucres résiduels, à une vendange tardive, mais n’en a pas toutes les caractéristiques. Enfin, il faut souligner qu’il est issu d’un très grand millésime, le 1997, qui, en Alsace, a atteint des maturités records.

Avec quoi, avec qui déguster un tel nectar ? Avec de bons amis, répond malicieusement Jean Hugel… Personnellement, je lui ai présenté des langoustines au safran et coriandre qu’il a entourées avec délectation, mais un tronçon de turbot, un homard sauce aigre doux, le saumon à l’argile de Senderens, la mousseline de grenouille de Paul Haeberlin, le bar en écailles grillées aux épices douces de Guy Savoy l’épouseraient tout aussi voluptueusement.

Cette cuvée spéciale n’a été, à ma connaissance, élaborée qu’en 1997 et 1998 ; 1998 est encore disponible dans les caves éponymes. Par contre, le 1997, certainement le plus réussi, est quasi-introuvable. Ã moins que vous n’ayez de bons amis alsaciens !

à consommer avec modération. (gallery)




« Epicurea » de Château Martinat (Côtes de Bourg 2003) 33710 Lansac

Un de mes très bons amis, gastroentérologue retraité et reconverti dans la viticulture, m’a fait rencontrer Stéphane Donze, jeune quadra dynamique qui produit un excellent Château Martinat, mais dont j’ai tout particulièrement apprécié la cuvée Epicurea. Stéphane Donze ne veut pas qu’elle soit intitulée cuvée de prestige, et encore moins vin de garage, quoique… la faible production, 12 000 bouteilles par an, les rendements de 20 hectolitres par hectare, étonnamment faibles, pourraient lui valoir cette dénomination.

L’Epicurea est produit sur des sols argilograveleux, la vendange est manuelle, ce qui est exceptionnel dans cette région, l’élevage est réalisé en cuvées de bétons thermo-régulés, puis en barriques 100 % de chêne neuf, où a lieu la malo-lactique. L’élevage en barrique se déroule pendant 18 mois.

Chaque lot est vinifié séparément et l’assemblage est opéré après sélection qualitative.

L’assemblage est atypique : 80 % de Merlot et 20 % de Malbec. Le moût est bâtonné, très peu soutiré, l’Epicurea 2003 n’est quasiment pas acidifié malgré la très faible acidité des vins de cette année de la canicule et n’a été ni filtré, ni collé.

D’emblée, ce vin en bouche associe puissance et rondeur avec des tanins doux et charmeurs, il évite, grâce au travail méticuleux du viticulteur, surextraction et surmaturation. Il dégage en nez des arômes de cassis, de cerise, puis, en rétrolfaction, poivre et épices, réglisse, vanille.

Ce grand vin, qu’en aveugle on pourrait confondre avec un grand cru médocain, épousera toutes viandes grillées ou en sauce ; mais il s’épanouira tout particulièrement avec un canard aux olives et surtout les préparations à base d’agneau navarin, petites côtes grillées et, bien évidemment, le gigôt ou l’épaule d’agneau aux flageolets. Il nous a enchantés au réveillon en accompagnant un chapon aux marrons.

Attention ! Mon petit doigt me dit que ce jeune producteur n’a pas fini de progresser et de nous étonner (pour preuve, la note « énorme » décernée par Parker pour son Epicurea 2005). Que les amateurs n’hésitent pas à se le procurer dès maintenant, d’autant que le rapport qualité-prix reste très correct, avant que sa renommée ne le rende difficilement accessible. _ Attention à l’abus d’alcool, à consommer avec modération.

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« Jamais homme noble ne hait le bon vin » (F. Rabelais)

Il n’est pas vraiment choquant qu’une revue, destinée aux cardiologues, consacre des chroniques au vin. Depuis la publication retentissante de S. Renaud démontrant une diminution des risques de décès cardiovasculaires de 30 % pour les consommateurs habituels de 2 à 3 verres de vin rouge, de l’Étude MONICA prouvant une diminution de la maladie coronaire du nord au sud de l’Europe, alors que la consommation de vin augmente, l’accumulation de preuves expérimentales des actions antiagrégantes et antioxydantes des polyphénols associés à l’alcool ont étayé la réalité du « French Paradox » évoqué pour la première fois par Édouard Dolnick en 1990 dans la revue HEALTH.

Mais, depuis, d’innombrables études épidémiologiques, contestées seulement par quelques intégristes abstinents, ont démontré l’effet favorable de la consommation modérée de vin (le plus souvent rouge) sur le risque d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, un effet préventif sur le vieillissement cérébral, la maladie d’Alzheimer, un certain nombre de cancers, dont celui du colon.

La messe est dite (avec le vin du même nom), la consommation modérée de vin peut être bénéfique pour la santé, mais en ne célant pas un certain nombre de bémols : – le risque d’addiction est réel, et c’est pourquoi on ne peut conseiller que les bons vins, d’abord parce qu’ils contiennent certainement plus de substances actives, tels les polyphénols dans les tanins, et parce que leurs prix relativement élevés représentent un frein à la surconsommation. L’éducation du goût du dégustateur est certainement l’une des meilleures préventions contre l’addiction à l’alcool. C’est dans cette optique : information sur les bons vins, initiation à la dégustation, que se situera ma démarche dans cette rubrique ; – la consommation immodérée a un effet exactement inverse de celui bénéfique rapporté par les études expérimentales et épidémiologiques : augmentation des risques cardiovasculaires ; – la conduite automobile sous l’emprise de l’alcool est un fléau que nous dénonçons bien évidemment.

J’ai choisi un pseudonyme (assez transparent pour ne pas créer de confusions entre mes activités syndicales, importantes sur le plan national, et ma deuxième passion qu’est l’oenologie). Je tiens également à préciser que les choix, préférences, coups de coeur que je vous présenterai, sont d’abord et surtout subjectifs. Telle bouteille que j’aurai appréciée dans un certaine ambiance, avec un plat particulier, pourra apparaître décevante, voire franchement mauvaise dans d’autres circonstances et surtout dans un millésime différent. Je ne prétends, ni à l’exhaustivité, ni à l’exactitude de mes choix, je sais parfaitement que, dans les appellations proposées, certains connaissent des vins largement supérieurs, bien plus délectables, etc. J’affirme, par ailleurs, ma totale indépendance et l’absence de conflits d’intérêts avec tous les viticulteurs dont j’aurai l’occasion de vanter les produits.

Je suis prêt à recevoir toutes les remarques, critiques, propositions et améliorations pour cette rubrique qui débute…

Et si vous avez de beaux flacons à faire connaître, adressez des échantillons à la rédaction qui me les transmettra… peut-être !

Bonne dégustation, mais avec modération.

|VACQUEYRAS CHÃTEAU DES TOURS 2001
(Emmanuel Reynaud – 84260 Sarrians)| |Le VACQUEYRAS a été longtemps discrédité par les rendements intensifs qu’imposaient nombre de viticulteurs produisant des vins riches en alcool, mais âpres et durs, tout juste dignes de figurer sur les gondoles des supermarchés. _ Mais quelques viticulteurs dynamiques ont réhabilité ce vignoble des Côtes-du-Rhône méridionales en limitant leur production et en soignant méticuleusement leurs vignes. _ Emmanuel Reynaud qui a succédé à son oncle, le regretté Jacques Reynaud, victime d’une mort subite début 1997, à la direction du mythique CHÃTEAUNEUF-DU-PAPE, RAYAS, est certainement une des vedettes de l’appellation VACQUEYRAS. _ Rendements très faibles, 15 à 20 hl/hectare, composé de 90 % de GRENACHE et 10 % de SYRAH, robe trompeuse rubis, relativement claire qui cache une opulence, une longueur et une complexité étonnantes, ce CHÃTEAU DES TOURS 2001 est une réussite incontestable. _ Nez de cerise kirchée, de mûre, de thym, de réglisse et de poivre moulu, intensité et corpulence en bouche, longue garde prévisible, mais, dès maintenant, délectable. _ Emmanuel Reynaud a le scrupule de déclasser son VACQUEYRAS en « CÔTES-DU-RHONE » simple lors des années moyennes, tel 2002, et de ne le commercialiser que lorsqu’il l’estime prêt à la dégustation. Ainsi, le 2003 qui s’avère mémorable, ne sera proposé qu’en 2008. _ Ce vin épousera, sans risque de divorce, toutes les viandes en sauce, le gigot de 7 heures, le boeuf bourguignon (et oui !) et surtout tous les gibiers à poil, tel le civet de marcassin. _ Ã consommer avec modération. Site internet : www.vacqueyras.tm.fr|