Ce mois-ci, une fois n’est pas coutume, nous n’allons pas parler de médecine ! Encore que…

Les deux livres que l’on vous recommande aujourd’hui sont des romans, mais leur particularité, et c’est la raison de leur présence ici, est qu’ils ont été écrits tous les deux par des cardiologues. 

L’un et l’autre ont pour toile de fond le conflit du Moyen-Orient.

Le premier a pour titre « Les clefs de la maison d’Albassa en Galilée ».

Cet ouvrage, écrit dans un style vif et direct, tient le lecteur en haleine du début à la fin ; mais c’est avant tout une histoire d’amour : le récit débute au commencement des années 70 et met en scène, dans le Paris libertaire de l’époque, la rencontre et le rapprochement de Fouad et Sarah, deux êtres que tout a priori sépare puisque lui est Palestinien, elle Israélienne ; et, malgré les lignes de fracture, les tensions, les pressions familiales et politiques, les pièges et les séparations, ces deux êtres vont construire leur relation jusqu’à incarner un exemple de réconciliation et de dialogue.

Cette œuvre, dont on ignore si elle comporte une part d’autobiographie car Fouad, le personnage principal, est également cardiologue, est un hymne à l’espérance, qui veut démontrer que les dissensions peuvent être vaincues par la passion et que les enfants peuvent, ensemble, dépasser les conflits de leurs parents.

L’auteur, Nabil Naaman, cite dans son préambule Gandhi, Churchill et De Gaulle et sa connaissance de la littérature française et de l’histoire de notre pays est remarquable. Né à Beyrouth,  il vit en France et réside à Paris ; chroniqueur médical bilingue français-arabe, il milite en faveur de la francophonie et de la laïcité et fait partie du groupement des écrivains médecins ; il signe là son premier roman.

L’autre ouvrage, signé par Alain Sterling, est intitulé « Les guerres jumelles ». 

Qualifié par l’auteur dans le sous-titre de « thriller politico-militaire d’espionnage », il s’agit plutôt d’un roman d’aventure ; et, c’est vrai, les rouages du Mossad et du Hamas semblent n’avoir que peu de secrets pour l’auteur tant sont précises et pertinentes les descriptions du fonctionnement des services secrets, comme de la politique des belligérants.

Le livre raconte l’histoire de David et Farouk, deux êtres que tout oppose puisque le premier est un médecin juif qui vit à Paris, le second un avocat du Hamas ; ils vont pourtant se retrouver, à leur insu, plus que liés, et destinés à jouer par la suite un rôle primordial dans le conflit israélo-palestinien qui est alors à son comble.

L’ouvrage qui va de rebondissements en rebondissements fait vivre les dessous du conflit de Gaza, mais aborde aussi la question très actuelle de l’antisémitisme en France. Surtout, ce qui frappe, c’est la description si développée des personnalités des deux principaux protagonistes qui relève à l’évidence d’une étude psychologique extrêmement poussée.

Alain Sterling était cardiologue à Paris avant de prendre un peu de recul ; Les guerres jumelles sont également son premier roman.

Deux ouvrages passionnants et instructifs, à lire et, en cette approche des fêtes, à offrir sans hésitation.

 

« Les clefs de la maison d’Albassa en Galilée »

Auteur : Nabil Naaman
Editeur : Société des écrivains
Pagination : 426 pages
Prix public : 23,95 € version papier
11,99 € pour la version eBook

 

« Les guerres jumelles »

Auteur : Alain Sterling
Editeur : CreateSpace Independent Publishing Platform
Pagination : 284 pages
Prix public : 22,00 € version papier
9,99 € pour la version eBook




Karakorum une cité fantôme

Et pourtant, elle a frappé des générations d’historiens et de voyageurs! Située sur l’une des routes de la soie les plus fréquentées, au centre de la Mongolie, dans la vallée de l’Orkhon (1), Karakorum demeure une cité mythique. Il ne faut pas la confondre avec le massif de montagnes homonymes situées aux frontières de l’Inde, de la Chine et du Pakistan, amoncellement de glaciers gigantesques avec ses quatorze sommets de plus de 8 000 m.

La cité d’Ögedei

Qara-Qorum, en mongol Khara-Khorin, situé sur la plus importante route Est-Ouest traversant la Mongolie, non loin de la rivière Orkhon, fut initialement un simple camp de base pour l’armée de Gengis Khan (2). Outre sa valeur stratégique, la vallée de la rivière Orkhon, fut de tout temps, pour les peuples des steppes, une terre sacrée où l’on découvre de nombreuses inscriptions (du VIIIe au IXe siècle) turques, chinoises, ouighoures sogdiennes, etc. Traditionnellement, ils y édifiaient leur capitale, comme les turcs Ouighours, à la fin du VIIIe siècle et au début du IXe siècle, où Bayanchur Khan fonde Khar-Balgas-Ordu-Baliq (la cité noire) dont il ne reste que les murs d’enceinte du palais.

Gengis Khan avait désigné pour lui succéder son troisième fils Ögedei. Il fait de Karakorum sa capitale dans les années 1230, « omphalos » de son vaste empire, lieu de passages et d’échanges favorisés par la Pax Mongolica qui assure une certaines stabilité au sein de territoires immenses s’étendant de la mer Noire à la mer de Chine.  Son implantation, au milieu de la steppe est loin d’être innocente, un choix judicieux sur tous les plans (religieux, politiques, historiques, économiques et écologiques).

En 1247 des voyageurs chinois avaient remarqué l’importance de l’élevage et de la culture céréalière favorisées par l’existence d’un microclimat. La ville fut entièrement rasée par les troupes Ming en 1382, bien longtemps, après que Khubilaï l’ait abandonnée pour Pékin. Quand en 1585 le très important monastère bouddhique d’Ederne Zuu fut fondé par Abataï-Sakjin-Khan, l’ancienne cité n’était qu’un vague souvenir. L’enceinte, de plan rectangulaire comprend vingt-cinq stupas sur chaque côté, ainsi que deux stupas à chaque angle hors du mur d’enceinte. Ces stupas sont au nombre de cent huit. Karakorum, modeste bourgade, est de nos jours un des lieux les plus importants du festival annuel Nadam où continuent à être célébrés les sports mongols traditionnels (lutte, courses de chevaux, tir à l’arc) et la danse rituelle Tsan.

Une cité légendaire

Aujourd’hui, ironie du sort, il ne reste pratiquement rien de cette cité qui a stupéfait les voyageurs contemporains. La ville était entourée par une enceinte rectangulaire (1 500 m x 2 500 m) percée de quatre portes. Seuls vestiges visibles, deux des quatre sculptures de tortues (symbole de longévité et de stabilité) en granit local marquaient les portes d’entrée de la ville. Une cavité était creusée à l’intérieur pour y disposer un mat.

Les fouilles ont permis de découvrir de nombreux vestiges notamment dans le quartier commercial chinois au centre de la ville, des résidences de marchands et des bâtiments religieux. Les soubassements, les bases des colonnes d’un grand bâtiment situé le long du centre historique serait le palais du Khan Ogodei ; de plan carré avec une plate-forme au centre, le palais de Tumen Amagadlan (« Les mille Tranquillités »). L’existence d’un temple bouddhique a été évoquée devant la découverte d’une centaine de petits stupas en argile, en fait il s’agirait plutôt d’un autre palais, celui où le grand Khan recevait ses hôtes. Les vestiges de ce temple bouddhique dateraient du XIIIe siècle. Des bâtiments de style chinois semblent avoir été assez communs à Karakorum. Ce petit noyau d’habitations permanentes était entouré par un espace important où les mongols avaient installé leurs yourtes

Un franciscain chez le grand Khan (3)

Guillaume de Rubruck fut le premier européen à voir de ses propres yeux Karakorum : « Pour ce qui est de la ville de Caracorum, Votre Majesté saura qu’excepté le palais du Khan, elle ne vaut pas la ville de Saint-Denis en France, dont le monastère est dix fois plus considérable que tout le palais même de Mangu. Il y a deux grandes rues : l’une dite des Sarrasins, où se tiennent les marchés et la foire. L’autre rue s’appelle de Cathayens, où se tiennent tous les artisans. Là sont douze temples d’idolâtres de diverses nations et deux mosquées de sarrasins, puis une église de chrétiens au bout de la ville, qui est ceinte de murailles faites de terre, où il y a quatre portes. À celle d’Orient l’on vend le millet et autres sortes de grains, qui d’ailleurs sont rares » (…)

« Le palais du Khan ressemble à une église ayant la nef au milieu, et aux deux côtés deux ordres de colonnes ou piliers, et trois grandes portes vers le midi ; le Khan était assis au côté du nord en un lieu haut élevé, pour être vu de tous »(…)

« Vis-à-vis la porte du milieu était planté un grand arbre (la superbe fontaine dans la cour du palais par l’orfèvre parisien Guillaume Bouchier), au pied duquel étaient quatre lions aussi d’argent, ayant chacun un canal d’où sortait du lait de jument. Quatre vases étaient cachés dans l’arbre, montant jusqu’au sommet et de là s’écoulant en bas. Sur chacun de ces canaux il y avait des serpents dorés, dont les queues venaient à environner le corps de l’arbre. De l’une de ces pipes coulait du vin, de l’autre du caracosmos ou lait de jument purifié, de la troisième du ball ou boisson faite de miel, et de la dernière de la téracine faite de riz. Au pied de l’arbre, chaque boisson avait son vase d’argent pour la recevoir. Entre ces quatre canaux, tout au haut, était un ange d’argent tenant une trompette, et au-dessous de l’arbre il y avait un grand trou, où un homme se pouvait cacher, avec un conduit assez large qui montait par le milieu de l’arbre jusqu’à l’ange. Ce Guillaume y avait fait au commencement des soufflets pour faire sonner la trompette, mais cela ne donnait pas assez de vent »

Un carrefour économique 

Il régnait à l’intérieur de la cité une intense activité économique. Karakorum était un centre de production d’objets variés en métal décorés (chaudrons en fer, braseros, pointes de flèche, bagues d’essieu pour les chariots analogues à ceux que l’on rencontre encore aujourd’hui en Mongolie). Des forges étaient installées le long du canal la reliant avec la rivière Orkhon.

Les récentes fouilles opérées par des équipes allemandes et mongoles ont mis au jour des céramiques, des canalisations, de la vaisselle de table, des sculptures, des tuiles et des antéfixes en terre cuite vernissés retrouvés sur les bâtiments chinois. Les archéologues ont exhumé des fours de céramique susceptibles de produire de tels objets. Il est hors de doute que la technicité provenait de Chine. Quant aux fragments de soie et à la porcelaine (le fameux bleu et blanc de là première moitié du XIVe siècle), ils étaient destinés à l’élite mongole. L’industrie locale produisait aussi des perles de verre pour les bijoux. Des fuseaux sont le témoin de la présence de métiers à tisser qui utilisaient la production de laine locale.

De nombreuses pièces de monnaies venant de pays différents ont été trouvées en particulier des pièces chinoises d’époque Tang et Yan (la pièce la plus ancienne est une pièce islamique de 1237-1238). Des documents confirment le rôle des marchands musulmans mettant en contact Karakorum avec l’Asie centrale.

En 1164, un garçon de neuf ans, Temüdjin, un mongol, le futur Gengis Khan, arrive de sa Mandchourie ancestrale pour s’installer avec sa famille dans les steppes du nord de la future Mongolie. Cet enfant va devenir, en quelques décennies, le plus grand conquérant de la terre. Son père est assassiné par les Tatars. Sa mère doit mener avec ses cinq enfants une existence vagabonde, « se nourrir d’aulx et d’oignons sauvages », « se disputer les poissons » qu’ils pêchent ou les oiseaux qu’ils tirent avec leurs petits arcs.  Temüdjin sort de la misère et se fait des relations chez les puissants. Chef de son clan, il commence par se venger des Tatars et achève l’unification de la Mongolie. En 1206, une assemblée générale, un quriltaï, le proclame empereur « océanique », c’est-à-dire universel, Tchingis Qaghan, Gengis Khan. A sa mort en 1227 il contrôle une grande partie de l’Asie (la Chine du Nord, la Sogdiane, la Mongolie). En quelques décennies ses successeurs construiront un empire colossal s’étendant de la mer de Chine à la mer Noire. Mais, en 1260, après avoir laissé de faibles troupes d’occupation en Syrie, les Mongols subissent leur première défaite devant les Mamelouks et doivent se retirer. En ce milieu du XIIIe siècle, les chevaux des Mongols boivent l’eau du Pacifique, de l’océan Indien, de la Méditerranée et de l’Adriatique.

 

(1) La Vallée de l’0rkhon : La partie supérieure de la Vallée de l’0rkhon a été appelée par l’archéologue Ser-Odjav « la Vallée aux mille sites archéologiques ». Cette région occupe l’Aymag de Khangai à 400 km à l’Ouest de la capitale Oulan-Bator. L’Orkhon coule dans une vaste plaine aux reliefs très doux, à une altitude moyenne de 1 400 mètres. Le fond de la vallée, légèrement marécageux, permet cependant l’élevage de bovins, ovins et camélidés. L’agriculture y a été pratiquée depuis des temps anciens grâce à un microclimat favorable. 

(2) Une stèle érigée en 1347 commémore la restauration du principal temple bouddhique. L’inscription précise que Gengis Khan était en quelque sorte le fondateur de la cité ou du moins y avait résidé. 

(3) Le frère franciscain Guillaume de Rubrouck réalisa l’exploit d’un voyage jusqu’au cœur de l’empire de Gengis Khan. Porteur d’un message de Saint Louis, de 1253 à 1255, il a parcouru pieds nus et à cheval, 16 000 kilomètres de Constantinople à Karakorum, pour y rencontrer le Grand Khan Mangu (Möngke) quatrième fils et  successeur de Gengis Khan. Il écrivit à son retour le récit de son aventure. « Lorsque j’entrai parmi les Tartares, il me sembla véritablement que j’entrais en un autre monde.»

Bibliographie

[1] Jean Paul Roux. L’Asie Centrale. Histoire et civilisation. Ed. Fayard, Saint Amand Montron, 2001.

[2] Waugh D. C. Karakorum. Capital of the Mongol Empire and Heir to the Earlier Traditions of Urban http://depts.washington.edu/silkroad/cities/karakorum




Mise à jour majeure pour Windows 10

Y aller ou ne pas y aller ? Telle est la question que vous vous posez naturellement. Pour les utilisateurs de Windows 7 supérieur, la mise à jour sera gratuite la première année de disponibilité.

Nous vous conseillons trop de ne pas vous précipiter et d’attendre quelques semaines, voire quelques mois avant de prendre la décision de la migration.

Dans tous les cas, faites une sauvegarde radicale de votre machine avant de vous lancer. Pensez également qu’elle peut ne pas redémarrer comme vous le souhaitez.

Enfin, si vous ne vous sentez pas de tailler à affronter un tel changement, faites appel à un professionnel qui le fera pour vous. L’investissement vous évitera des sueurs.

Vous trouverez ci-contre les dix problèmes majeurs que vous pourriez rencontrer. Si aucun d’entre eux ne vous concerne, lancez-vous… après avoir vérifié que vos périphériques pourront être reconnus par la version 10.

Sur Mac, la transparence est de rigueur et tout se fait (presque) dans le meilleur des mondes.

 

1 – Vous avez un vieux PC et/ou utilisez Windows XP ou Vista. Passez votre chemin. Pas de migration gratuite, vérifiez votre processeur et mémoire vive. Idem chez Apple.

2 – Un menu Démarrer inachevé. Il s’agit surtout d’un condensé de lanceur d’applications.

3 – OneDrive fait marche arrière. Microsoft est revenu à de la synchronisation partielle de base.

4 – Les Gadgets disparaissent. Fini la consultation rapide de la météo, de la bourse ou d’écouter une radio en streaming. Chez Apple, elles existent.

5 – Vos périphériques et logiciels ne sont pas compatibles. Attendez que les constructeurs de vos périphériques aient mis à jour les pilotes.

6 – Windows Media Center fait ses adieux. L’ambition d’un PC pilotant tout votre salon disparaît.

7 – La synchronisation de toutes vos machines. Avec Windows 8, c’était 81 machines, aujourd’hui c’est 10 (tablettes, smartphones, consoles compris). Apple, c’est 5…

8 – Des mises à jour incontrôlables. Les mises à jour seront systématiques et en tâche de fond. Des restrictions également chez Apple pour Al Capitan (un nouveau correctif vient d’être édité).

9 – Des applications natives inachevées. Des plantages fréquents ont été décelés, notamment sur Photos ou Windows Store. Plantage régulier chez Apple mais sans grande conséquence.

10 – Une mise à jour bancale. Problèmes de téléchargement, blocage…




Chatus Terre de Châtaignier 2011

Le Chatus ou l’histoire d’un cépage qui, après avoir officiellement disparu, a pu renaître grâce au courage et à l’opiniâtreté de vignerons coopérateurs.

Typiquement cévenol, ancré dans le patrimoine viticole ardéchois, ce cépage, cité par l’agronome Olivier de Serres en 1599 comme un des principaux cépages rouges français, couvrira, pendant 3 siècles, la majorité du vignoble du Bas-Vivarais. Le phylloxera détruisit, fin XIXe siècle, la quasi-totalité des plantations. La reconstruction privilégia des variétés mieux adaptées à la production des vins de table. Seuls quelques anciens, dont la famille Allamel, gardèrent quelques rangées de ceps en les greffant sur des plants américains. Mais, lorsque le nouveau répertoire français des cépages fut établi en 1950, le Chatus ne fut pas déclaré : pour l’administration, cépage et vin avaient donc disparu… Heureusement, le petit-fils Allamel, gérant de la cave de Rosières, décida de retrouver le vin de ses ancêtres. Le rassemblement des coopératives en un groupement, les Caves des Vignerons Ardéchois, permet d’entreprendre, depuis 25 ans, un programme de sauvegarde, puis de réimplantation du cépage sous l’égide du « Syndicat de défense des producteurs de Chatus », mais il faudra beaucoup de luttes et démarches, pour que l’administration le reconnaisse à nouveau sous le label IGP.

L’aire de production est délimitée sur une bande de 30 km au sud-est de l’Ardèche, où commencent les Cévennes sur des terrasses exposées plein sud, à l’abri du vent, reposant sur des faïsses du Trias à fort pourcentage de grès rouge, là où poussent fougères, pins, genêts, bruyères : la zone des châtaignes. Sur une surface de 50 ha, il est produit environ 1 000 hl/an de Chatus. La bonne identification des terroirs (plantation uniquement sur du grès limitant le caractère trop puissant des tanins), l’amélioration des équipements (cuves en inox, pressoirs pneumatiques, contrôle des t°) et des processus de vinification, grâce au groupement coopérateur, ont grandement contribué à hausser la qualité du vin.

Mais ce cépage est loin d’être « complaisant » : les ceps doivent être taillés en longs bois courbés en arc de cercle sur fil de fer, d’où un gros travail de main d’œuvre. Son mûrissement est très tardif dans la 1ère quinzaine d’octobre, donc très soumis aux aléas climatiques et aux infections cryptogamiques. Certains plants, datant du grand-père Allamel, atteignent 120 ans, mais la plupart sont jeunes, 10 à 20 ans, grâce aux replantations des coopérateurs. La culture est traditionnelle, nécessitant si besoin des traitements chimiques compte-tenu de la fragilité du Chatus. Les vendanges sont manuelles avec un rendement moyen de 40 hl/ha. Les raisins sont éraflés, foulés pour une vinification classique longue en cuve inox thermorégulée. L’élevage en fûts de chênes français s’étend sur 12 mois avec bâtonnage pendant les 3 premiers.

Paré d’une brillante et cristalline robe grenat-pourpre évoluant vers le rouge sombre, ce Chatus Terre de Châtaignier 2011 exhale d’agréables parfums de fruits noirs et de griottes à l’eau-de-vie, vite rejoints par des arômes particuliers de pâte de coing, figue, pruneau, et d’épices douces : cannelle, poivre blanc, réglisse. En bouche, ce vin exprime une complexité et une richesse en tanins, mais ceux-ci ont perdu cette astringence que j’ai notée dans des millésimes plus jeunes et apparaissent fins, souples donnant cependant opulence et puissance à ce flacon doté d’une solide acidité, d’une typicité racée avec des notes de châtaignes (suggestibilité ?). La belle finale persistante retrouve des arômes de fruits confits et quelques touches de café, probablement liées à l’élevage sous bois. La typicité de ce cépage Chatus résulte de l’alliance de fruits mûrs, confits et secs avec des tanins bien présents.

En harmonie avec le chocolat noir

Sur ce vin puissant à forte personnalité, les accords culinaires semblent compliqués. Je n’adhère pas à la proposition de certains, probablement pour des raisons géographiques, de tenter des mariages avec la cuisine provençale. La situation montagneuse, le terroir, en particulier cette Terre de Châtaignier du vignoble, m’inclineraient vers une cuisine robuste comme celle de la proche Auvergne : choux farci, potée auvergnate ou tripoux. Des viandes en sauce, un civet ou une selle de sanglier « grand veneur » l’escorteront gaillardement. Mais « à cuisine régionale, vin de la même provenance », pourquoi ne pas se tourner vers la, certes lourde et calorique, gastronomie ardéchoise : porc à la cévenole, caillette (pâté mélangeant viande de porc et vert de blette), bombine (pommes de terre, carottes, morceaux de viande, lard), maôche (panse de porc farcie de chair à saucisses, de choux, de pommes de terre) et, bien-sûr, cousina (soupe de châtaignes). Au moment du fromage, il faut privilégier les chèvres locaux : le picodon, le rogeret des Cévennes ou les brebis : le pérail, l’ossau-iraty basque qui épousent bien les vins rouges. Bonne surprise au dessert : ce Chatus est en harmonie avec le chocolat noir : fondant, tarte coulante aux noix, brownies et, pour rester dans la légèreté ( !), truffe ardéchoise : crème de marron, cacao, beurre, biscuit à la châtaigne…

Quelques remarques complémentaires doivent être formulées : ce Chatus offre un rapport qualité/prix aux alentours de 7 Ä remarquable. Cependant, la dégustation d’autres vins de Chatus, plus jeunes, moins bien vinifiés m’a beaucoup moins convaincu. On ne peut que conseiller de ne pas le boire avant 5 ans, ce vin appelant un vieillissement de 5 à 10 ans, et surtout de l’aérer très soigneusement en ouvrant et carafant la bouteille plusieurs heures, voire une ½ journée avant le service.

Ces précautions prises, n’hésitez pas à soutenir ces courageux vignerons-coopérateurs en les aidant à ressusciter ce vin qui le mérite indéniablement.




Chatus Terre de Châtaignier 2011

Le Chatus ou l’histoire d’un cépage qui, après avoir officiellement disparu, a pu renaître grâce au courage et à l’opiniâtreté de vignerons coopérateurs.

Typiquement cévenol, ancré dans le patrimoine viticole ardéchois, ce cépage, cité par l’agronome Olivier de Serres en 1599 comme un des principaux cépages rouges français, couvrira, pendant 3 siècles, la majorité du vignoble du Bas-Vivarais. Le phylloxera détruisit, fin XIXe siècle, la quasi-totalité des plantations. La reconstruction privilégia des variétés mieux adaptées à la production des vins de table. Seuls quelques anciens, dont la famille Allamel, gardèrent quelques rangées de ceps en les greffant sur des plants américains. Mais, lorsque le nouveau répertoire français des cépages fut établi en 1950, le Chatus ne fut pas déclaré : pour l’administration, cépage et vin avaient donc disparu… Heureusement, le petit-fils Allamel, gérant de la cave de Rosières, décida de retrouver le vin de ses ancêtres. Le rassemblement des coopératives en un groupement, les Caves des Vignerons Ardéchois, permet d’entreprendre, depuis 25 ans, un programme de sauvegarde, puis de réimplantation du cépage sous l’égide du « Syndicat de défense des producteurs de Chatus », mais il faudra beaucoup de luttes et démarches, pour que l’administration le reconnaisse à nouveau sous le label IGP.

 

« Avant lorsqu’on voulait faire du bon vin, on mettait du Chatus dans la cuve »

Proverbe cévenol

 

L’aire de production est délimitée sur une bande de 30 km au sud-est de l’Ardèche, où commencent les Cévennes sur des terrasses exposées plein sud, à l’abri du vent, reposant sur des faïsses du Trias à fort pourcentage de grès rouge, là où poussent fougères, pins, genêts, bruyères : la zone des châtaignes. Sur une surface de 50 ha, il est produit environ 1 000 hl/an de Chatus. La bonne identification des terroirs (plantation uniquement sur du grès limitant le caractère trop puissant des tanins), l’amélioration des équipements (cuves en inox, pressoirs pneumatiques, contrôle des températures) et des processus de vinification, grâce au groupement coopérateur, ont grandement contribué à hausser la qualité du vin.

Mais ce cépage est loin d’être « complaisant » : les ceps doivent être taillés en longs bois courbés en arc de cercle sur fil de fer, d’où un gros travail de main d’œuvre. Son mûrissement est très tardif dans la 1ère quinzaine d’octobre, donc très soumis aux aléas climatiques et aux infections cryptogamiques. Certains plants, datant du grand-père Allamel, atteignent 120 ans, mais la plupart sont jeunes, 10 à 20 ans, grâce aux replantations des coopérateurs. La culture est traditionnelle, nécessitant si besoin des traitements chimiques compte-tenu de la fragilité du Chatus. Les vendanges sont manuelles avec un rendement moyen de 40 hl/ha. Les raisins sont éraflés, foulés pour une vinification classique longue en cuve inox thermorégulée. L’élevage en fûts de chênes français s’étend sur 12 mois avec bâtonnage pendant les 3 premiers.

Paré d’une brillante et cristalline robe grenat-pourpre évoluant vers le rouge sombre, ce Chatus Terre de Châtaignier 2011 exhale d’agréables parfums de fruits noirs et de griottes à l’eau-de-vie, vite rejoints par des arômes particuliers de pâte de coing, figue, pruneau, et d’épices douces : cannelle, poivre blanc, réglisse. En bouche, ce vin exprime une complexité et une richesse en tanins, mais ceux-ci ont perdu cette astringence que j’ai notée dans des millésimes plus jeunes et apparaissent fins, souples donnant cependant opulence et puissance à ce flacon doté d’une solide acidité, d’une typicité racée avec des notes de châtaignes (suggestibilité ?). La belle finale persistante retrouve des arômes de fruits confits et quelques touches de café, probablement liées à l’élevage sous bois. La typicité de ce cépage Chatus résulte de l’alliance de fruits mûrs, confits et secs avec des tanins bien présents.

Sur ce vin puissant à forte personnalité, les accords culinaires semblent compliqués. Je n’adhère pas à la proposition de certains, probablement pour des raisons géographiques, de tenter des mariages avec la cuisine provençale. La situation montagneuse, le terroir, en particulier cette Terre de Châtaignier du vignoble, m’inclineraient vers une cuisine robuste comme celle de la proche Auvergne : choux farci, potée auvergnate ou tripoux. Des viandes en sauce, un civet ou une selle de sanglier « grand veneur » l’escorteront gaillardement. Mais « à cuisine régionale, vin de la même provenance », pourquoi ne pas se tourner vers la, certes lourde et calorique, gastronomie ardéchoise : porc à la cévenole, caillette (pâté mélangeant viande de porc et vert de blette), bombine (pommes de terre, carottes, morceaux de viande, lard), maôche (panse de porc farcie de chair à saucisses, de choux, de pommes de terre) et, bien-sûr, cousina (soupe de châtaignes). Au moment du fromage, il faut privilégier les chèvres locaux : le picodon, le rogeret des Cévennes ou les brebis : le pérail, l’ossau-iraty basque qui épousent bien les vins rouges. Bonne surprise au dessert : ce Chatus est en harmonie avec le chocolat noir : fondant, tarte coulante aux noix, brownies et, pour rester dans la légèreté ( !), truffe ardéchoise : crème de marron, cacao, beurre, biscuit à la châtaigne…

Quelques remarques complémentaires doivent être formulées : ce Chatus offre un rapport qualité/prix aux alentours de 7 € remarquable. Cependant, la dégustation d’autres vins de Chatus, plus jeunes, moins bien vinifiés m’a beaucoup moins convaincu. On ne peut que conseiller de ne pas le boire avant 5 ans, ce vin appelant un vieillissement de 5 à 10 ans, et surtout de l’aérer très soigneusement en ouvrant et carafant la bouteille plusieurs heures, voire une ½ journée avant le service.

Ces précautions prises, n’hésitez pas à soutenir ces courageux vignerons-coopérateurs en les aidant à ressusciter ce vin qui le mérite indéniablement.

J. Helen

 

Chatus Terre de Châtaignier 2011
Les Vignerons ardéchoix 07120 Ruoms

 

« L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération ».




Reprendre le contrôle de soi sur le « data driven »

Dans notre précédent numéro, nous avons vu à quel point notre univers peut être surveillé, non pas seulement par l’extérieur (ceux qui ont un possible accès à nos données), mais aussi – et surtout – par nous-mêmes en introduisant des applications dans notre vie quotidienne.

Des études ont été lancées sur les nouvelles addictions que sont les applications connectées, à tel point que les psychologues tirent la sonnette d’alarme, non pas seulement sur les enfants qui passent trop de temps sur leurs tablettes, mais également sur les adolescents et les adultes pour qui connexion rime avec sociabilité. La vie « Data-Driven » interpelle les anthropologues et autres chercheurs qui explorent la relation entre la conception de la technologie et la dépendance.

Les gens ne sont pas intéressés par les données, ils veulent simplement des objets de haute technologie qui les aident et les transforment dans leur vie courante. L’enjeu n’est pas tant la connaissance de soi que d’objets qui prennent soin de vous. Mais en élargissant ces aides technologiques à la hauteur d’une journée (voir notre précédent numéro), on mesure à quel point le temps nous échappe et peut nous amener vers notre propre infantilisation.

Générateurs de stress

Utiliser par exemple une application qui vibre lorsque vous ne vous tenez pas correctement en corrigeant vos postures vous aide à vous tenir droit toute la journée. Vous pouvez également surveiller votre cerveau et comprendre votre état d’esprit, en quelque sorte une méditation connectée et assistée qui vous aiderait à retrouver votre calme (je vois déjà Matthieu Ricard en sourire). C’est l’un des pouvoirs de la technologie à vivre mieux, pourrait-on dire. Une technologie statique, passive et qui ne persiste pas dans le temps n’engage à rien, a rapporté Nuance Communications en rappelant que les utilisateurs abandonnent les objets quelques semaines après s’être connectés…

Si croisement technologique et connecté entre la mesure de soi et le comportement pose de réels problèmes en générant une forte anxiété, les chercheurs se sont aperçus qu’ils se révélaient peu utiles.

Sur l’alimentation par exemple, une étude sur les applications déterminant les apports caloriques [1] a montré que seules 3 % sont utilisées plus d’une semaine. Il a également été montré que ces applications tendent plutôt à décourager quand les progrès ne sont pas au rendez-vous, ce qui est le cas de la plupart des utilisateurs.

Il est en effet impossible, par exemple, de déterminer précisément son apport calorique via ces applications : imprécision, liste des ingrédients incomplète… Beaucoup de personnes sous-, ou sur-estime, leur apport calorique, ce qui favorise également l’abandon. Pire, il est plus facile d’obtenir les informations nutritionnelles des aliments industriels, ce qui favorise évidemment une alimentation moins saine et équilibrée.  Enfin, le temps passé à rentrer les informations nutritionnelles devient chronophage.

Tout cela conduit un individu à être moins spontané et à éviter les situations inconnues ou non quantifiables, ce qui sous-entend une dépendance directe des applications. Un tracker d’activité (ou montre connectée pour faire simple) qui a du mal à maintenir son signal donne une certaine angoisse à celui ou celle qui l’utilise en permanence (courir dans les bois par exemple). La connexion devient anxiogène, d’autant qu’il interfère en permanence dans votre emploi du temps. Un chercheur en avait d’ailleurs fait l’expérience : « Mon anxiété était le résultat de ne pas être en mesure de capturer de manière fiable mes données tout en me sentant obligée de le faire. Sans mesures fiables et complètes, comment pouvais-je devenir la version idéale de moi-même ? » [2]

Pas sûr pourtant que cela réponde aux angoisses que le contrôle de soi génère. Car si demain les objets parviennent à développer des mesures toujours plus fines et précises, ils ne parviendront pas pour autant à faire s’éloigner l’angoisse que la mesure et le contrôle de soi cherchent à combler : c’est-à-dire devenir cet inatteignable modèle idéal de soi-même. n

[1] Science of Us

[2] Candice Lanius (@misclanius) pour Cyborgology,




L’Homme de Tollund (IIIe siècle av. J.-C.)

L’homme de Tollund fut découvert, fortuitement, le 8 mai 1950 dans les tourbières du Danemark à dix kilomètres à l’Ouest de Silkeborg. Son état de conservation, notamment de son visage, était tel, que les découvreurs, les frères Höjgaard, venus prendre de la tourbe pour se chauffer, ont cru au meurtre d’un adolescent récemment disparu. Très rapidement, les analyses faites par les archéologues, montrent qu’il s’agit  d’un individu appartenant au groupe de ce que l’on appelle les hommes des tourbières, un homme de l’âge du fer (VIIIe – Ier siècle avant notre ère).  

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Une découverte stupéfiante

Trouvé à 2,50 mètres sous le sol, il était en décubitus latéral droit, les membres inférieurs repliés sur le torse, une main au dessus du genou, l’autre sous son menton. Il avait une corde tressée de deux bandes de cuir, attachée autour du cou à l’origine de traces profondes sur le devant et les côtés de la gorge (rien au niveau de la nuque). Les cheveux sont coupés courts. Le visage, très bien conservé, est surprenant de réalisme, avec une pilosité d’un à  deux millimètres prés de la lèvre inférieure, les sourcils sont intacts. En raison de la rigidité cadavérique, il a du être enterré huit à douze heures après sa mort, après un à trois jours d’attente. Il a sans doute marché pieds nus car il a deux cicatrices aux pieds dont une s’est infectée.  Des empreintes du pouce droit ont pu être réalisées.

corde_corpsSa taille était d’un mètre soixante et un, sa peau est tannée (liée à l’acidité du milieu). Il portait, un bonnet fait de huit pièces de mouton, doublé de laine et tenu par une fine lanière située sous le menton et, une ceinture étroite en cuir de buffle. La désagrégation (milieu acide) des vêtements constitués en fibres végétales, peut expliquer leur absence.

Son cœur, ses poumons et son foie ont été bien préservés. Les différentes études ont démontré qu’il a pris son dernier repas de douze à vingt-quatre heures avant sa mort. Il était constitué de purée d’orge, de graines de lin, de carmeline et de mauvaises herbes, mais sans fruit (mort probable en hiver). L’analyse des dents confirme qu’il n’avait pas moins de 22 ans. La présence de d’arthrose vertébrale permet de situer son âge autour de trente, quarante ans. Il souffrait de tricocéphalose. Il est mort par pendaison mais sans chute libre (pas de dislocation vertébrale).

Selon la palynologie, il aurait vécu vers 350 av. J.-C. La datation au carbone 14 situe sa mort vers 355 av. J.-C. L’échantillon d’ADN d’un cheveu établit  son existence entre 265 et 40 av. J.-C.

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Les hommes des tourbières 

Il s’agit de restes humains naturellement momifiés, retrouvés dans les tourbières  du Nord de l’Europe (Scandinavie, Allemagne du Nord, Iles britanniques). La momification naturelle est liée au phénomène de la dessiccation correspondant au processus de déshydratation.

Si les momies égyptiennes sont le fait d’un phénomène culturel  (par l’action de l’homme), la momification des hommes des tourbières repose sur la particularité du climat et du milieu. Les tourbières se forment en règle dans des cuvettes d’eau stagnante sur un sol de schiste ou de granit (donc acide). La compression de la tourbe ne permet pas la pénétration d’oxygène et la température régnante est inférieure à 4°C.  Dans ces lieux venteux, froids, anaérobiques, acides et cumulant continuellement de l’eau, les micro-organismes ne peuvent pas se développer et, ainsi, la putréfaction se réaliser. Ces conditions spécifiques permettent  la conservation de la peau, des cheveux et des organes internes. Il est, par exemple, possible de faire des analyses ADN pour préciser l’origine géographique, de connaître la dernière alimentation, etc. Par contre le milieu acide dissout le carbonate de calcium, aussi, le squelette est-il rarement intact.

L’homme de Grauballe, la Dame d’Elling…

Plus d’un millier de corps datant de l’âge du fer, ont été retrouvés dans les tourbières du Nord de l’Europe. Les momies artificielles sont vidées des intestins, du cerveau, des muscles, et embaumées, ce qui n’est pas le cas des cadavres des tourbières qui présentent des échantillons de peau et d’organes internes très bien conservés. Parfois sont préservés les tatouages, les empreintes digitales, ou encore certains indices permettant de déterminer les causes de leur mort. Si certains individus semblent morts par accident d’autres ont été étranglés ou égorgés ,ce qui posent de nombreuses questions sur l’origine de leur mort : sacrifices rituels, exécutions ?

L’homme d’Old Croghan (Irlande), âgé de vingt à trente ans, a été poignardé au niveau de la poitrine, l’un de ses bras a été profondément entaillé, et ses seins tranchés (torturé avant d’être mis à mort ?) ; l’homme de Grauballe (Danemark) a été égorgé et assommé (avant ou après le mort ?) ; la jeune fille d’Yde (Pays Bas) a été étranglée et poignardée ; la Dame d’Elling (Danemark) de vingt-cinq à trente ans a été pendue. D’autres corps ont été retrouvés poignardés et éviscérés, ou la tête fracassée, ou décapités…

Une offrande aux dieux

On pourrait penser que ces morts ont été torturés ou assassinés. Cependant ils ont reçu des funérailles soignées (soin dans la position, soin du corps parfois enveloppé d’un vêtement). Les cadavres sont déposés volontairement dans la tourbière. Pour les hommes de l’âge du fer, les tourbières avaient une signification particulière. Ces mises à mort dépasseraient le cadre de la justice et les raisons morales. On y retrouve des offrandes de valeur, comme le chaudron de Gundestrup, des collections d’armes (Illerup Adal), des dépôts de vaisselle en terre cuite, des morceaux de bétail, etc.

Les tourbières seraient habitées par les dieux, un lieu de passage entre le monde des vivants et celui des morts, ce qui expliquerait la pratique d’inhumations dans de tels endroits.

Différentes hypothèses ont été émises :

– une offrande aux dieux pour les remercier de pourvoir à l’approvisionnement en tourbe permettant de supporter les hivers longs et froids,

– parce que les tourbières leur procurent le fer (la seule source au Danemark de minerai de fer),

– pour faire revenir le printemps (rite de fécondité).

Le meurtre, un suicide semblent moins probables.

On peut observer l’homme de Tollund au musée de Silkeborg dans le Jutland.

Christian Fischer, conservateur du Musée de Silkebo : les derniers instants de l’Homme de Tollund.

« Un jour d’hiver – ou peut-être était-ce tôt au printemps –, il y a approximativement 2 300 ans, un homme s’assied pour manger un repas de gruau, ou une sorte de porridge cuisiné de graines et de céréales broyées avec une meule de pierre. L’homme est en bonne santé, ou tout au moins son état ne trahit aucun signe de maladie apparente. Environ 12 heures après son repas, il est pendu – probablement en sacrifice aux dieux. Tout ceci s’accomplit sans l’usage de la force, car ses poignets et ses chevilles n’ont pas été ligotés. Son corps ne chute pas brutalement durant la pendaison. Une fois mort, la corde de cuir qui a servi à le pendre est coupée et son corps est transporté à pieds dans la tourbière sur un chemin de planches. Il est déposé en position fœtale, dans un trou dans la tourbe, préalablement drainé. Sa face devrait présenter les stigmates de la pendaison – les yeux exorbités, la bouche ouverte, la langue pendante. Mais on s’est assuré que son visage paraisse si paisible qu’on le croit endormi. (…) On ne sait pas à quel dieu il a été sacrifié. Mais le fait que les hommes des tourbières du Danemark se trouvent là où la tourbe était utilisée à l’âge de Fer laisse à penser que ces corps ont été sacrifiés aux dieux en remerciement pour la tourbe qui leur a été prélevée. »

 

 Bibliographie

1/ The Tollund Man- A face from Prehistoric Denmark : www.tollundman.dk

2/ Chloé CORBEX, Charlotte DEFER. L’homme de Tullund, la Sorbonne 2015.

3/ P-V GLOB. Les hommes des tourbières. « Résurrection du Passé ». Ed. Fayard Paris 1966

4/ Valérie Morisson. L’intemporel incarné : les corps des tourbières entre métaphore et littéralité. etudesirlandaises.revues.org › Numéros › 34.1 › Art et image




Gewurztraminer Qvevri 2011 – Vin Orange

Le drapeau tricolore des vins : rouge, blanc, rosé, viendrait-il à se déchirer ? Car voilà qu’apparaît une 4e couleur : l’orange.

L’histoire des vins oranges remonte à plusieurs millénaires en Géorgie, mais ils n’ont été « redécouverts » que depuis une vingtaine d’années par les producteurs occidentaux révélant, de ce fait, non seulement une nouvelle couleur, mais surtout un nouveau goût dans le vin.

Le vin orange est tout simplement un vin blanc vinifié comme un vin rouge. Classiquement, les raisins blancs, après vendange, sont, de suite, pressés et le jus immédiatement mis en fermentation. Pour les vins oranges, la fermentation s’opère sur des raisins entiers, égrappés ou non, le jus restant en contact, plus ou moins longtemps avec les peaux et autres éléments solides qui contiennent des tanins, polyphénols pour certains colorants. Ceux-ci confèrent cette couleur orangée et une certaine tannicité au vin.

Cette opération nécessite qualité et maturité optimales des raisins, car les longues macérations permettent une forte extraction de substances aromatiques. Plus les raisins sont mûrs et sains, plus le bouquet aromatique sera noble, plus les températures seront stables et fraîches, plus subtils seront les arômes. En outre, les structures solides doivent être toujours immergées, pour éviter le contact avec l’air et l’apparition de bactéries acétiques. C’est là qu’intervient l’amphore, dont les dimensions et la forme garantissent une température fraîche, constante et uniforme dans tout le liquide et une mineure surface de son exposition à l’air. Mais 2 difficultés apparaissent : les jarres traditionnelles de Géorgie nécessitent un tapissage interne, pour rester étanches au liquide et poreuses à l’air, habituellement par de la cire d’abeille qui apporte des arômes particuliers très différents du boisé classique. De plus, leurs contenances, au minimum 500 litres, obligent, pour garder une t ° constante basse et éviter l’éclatement, d’être enterrées, d’où les puissantes notes terreuses et racinaires qui peuvent souvent rebuter.

Quoiqu’il en soit, cette vinification par macération des vins blancs, qu’elle s’opère ou non en amphores enterrées, connaît un succès grandissant, illustré par Radikon, Gravner (Frioul), Movia (Slovénie), Mathier (Valois), Gauby (Roussillon), Tissot (Jura), Bannwarth (Alsace).

L’aventure, pour Laurent Bannwarth, débute en 2001, lorsqu’il accueille un étudiant géorgien qui l’amène à s’intéresser au mode original de vinification dans son pays. Viticulteur déjà réputé pour son choix d’agriculture biologique et biodynamique, la qualité de ses vins, il décide d’adopter les techniques géorgiennes pour une petite partie de sa production et importe, avec difficultés, les jarres traditionnelles en terre cuite, les qvevris, qui donnent leur nom à ses cuvées.

A l’issue du pressurage, le jus est mis à fermenter et à macérer avec les parties solides enfermées dans des sacs de jute, comme de géants sachets de tisane, immergés dans les jarres enterrées. La quantité de marc, la durée de l’infusion permettent de nuancer la couleur, l’extraction des tanins, et arômes. Au bout de 6 mois en moyenne, le vin est soutiré et relogé dans d’autres qvevris pour un élevage sur lies fines pendant 4 mois. La présence d’air et l’absence de voile levurien permettent une oxydation modérée et contrôlée. Il n’y aucun levurage, sulfitage pendant la vinification, ni collage ou filtration pour la mise en bouteille, ce qui aboutit à un vin le plus naturel possible.

Parmi les quatre cuvées oranges obtenues par macération dégustées au domaine, le Gewurztraminer 2011 nous est apparu le plus convaincant. La robe soutenue d’un bel orange saumoné aux reflets acajous d’un vieux cognac est légèrement trouble (absence de filtration). Le nez est envahi par des fragrances prégnantes de rose fanée, de fruit de la passion, d’orange sanguine typiquement Gewurztraminer, puis se révèlent progressivement de riches arômes d’épices, poivre blanc, fruits secs et des notes de cire d’abeille, d’encens, de fumée. En bouche, s’exhalent beaucoup de prestance, une saveur prenante, des tanins suaves liés à un peu de sucre résiduel. La longue finale fait ressortir les flaveurs typiques de vin orange : notes racinaires d’humus, de mousseron.

En résumé, ce Gewurztraminer « Qvevri » développe une tonicité, une fraîcheur de tanins et une puissance des expressions aromatiques jusqu’ici inconnues qui réellement « décoiffent ».

Les vins oranges arrivent sur nos tables à l’improviste, leurs arômes, textures, saveurs particuliers, leur structure tanique créent une nouvelle dimension et une grande richesse en matière de mariages culinaires, mais tout reste à découvrir ! D’emblée, je proposerai des accords autour de la terre, du fumé, des épices. J’ai essayé, avec une réussite certaine, de goûter ce Gewurztraminer Qvevri en apéritif sur poissons fumés, œufs de lump, tarama. Il s’accordera probablement avec des plats orientaux épicés, des tajines… mais je le positionnerai préférentiellement, pendant l’automne, pour escorter viandes fumées, poêlées de champignons, châtaignes rôties. Il se confrontera, sans difficulté, à des fromages forts, époisses, vieux lille et surtout munster.

Petits conseils de dégustation : ces vins ne doivent pas être servis frais, mais chambrés comme un vin rouge, le carafage est préconisé après ouverture, il faut les boire rapidement ( !) après le débouchage, car ce sont des vins « vivants » qui évoluent vite.

Laurent Bannwarth 68420 Obermorschwihr




Cardiologie nucléaire

Comme le rappellent les auteurs dans leur préface, ce livre est un peu la suite de leur « atlas pratique de scintigraphie myocardique » publié en 2006, qui avait alors connu un succès rapide et conséquent. Entre-temps, des changements substantiels ont vu le jour, qui ont justifié la réécriture de cet atlas en y intégrant les progrès récents de la discipline.

L’ouvrage actuel présente les outils, les procédures d’examen et les résultats en fonction de la pathologie ainsi que les apports technologiques récents que constituent les nouvelles caméras à semi-conducteurs CZT, qui améliorent de beaucoup la qualité diagnostique tout en réduisant drastiquement la toxicité potentielle.

Après des rappels techniques, les pathologies abordées sont représentées selon une double approche, la séméiologie topographique et la séméiologie clinique. Dans ces deux parties, les auteurs on choisi de présenter des cas cliniques, exposés de façon homogène et systématique, incluant à chaque fois les antécédents des patients et les examens pratiqués, coronarographie et scintigraphies de repos et d’effort. On peut même accéder à des compléments vidéo à partir de QR-codes, faisant de ce livre une véritable banque d’images de cardiologie.

L’ouvrage aborde également les autres explorations nucléaires cardiaques que sont l’imagerie de l’innervation myocardique et de l’amylose cardiaque, la tomographie par émission de positons pour l’étude de la viabilité myocardique, la sarcoïdose et les endocardites infectieuses ainsi que la ventriculographie isotopique.

Nul doute que cet ouvrage, didactique et pratique, devienne rapidement indispensable aux médecins nucléaires ; il est certain qu’il sera également très utile aux cardiologues désireux de se familiariser avec les apports de la cardiologie nucléaire dans la prise en charge des patients coronariens et au dépistage des patients à risque.

Ce livre, édité aux éditions Lavoisier (prix de vente de 59,00 euros), a été rédigé par B. Songy, médecin nucléaire et cardiologue, M. Guernou, médecin nucléaire, et O. Bélissant, interne en médecine.




Recommandations et prescriptions en cardiologie

Pour notre plus grande satisfaction, Robert Haïat et  Gérard Leroy récidivent ! Nul doute que cette 6e édition des désormais célèbres  « recommandations », ne devienne comme les précédentes un best-seller, incontournable pour quiconque s’intéresse à la pratique de la cardiologie.

On ne compte plus les ouvrages de ces deux auteurs sur le sujet, des grands essais cliniques en pathologie cardiovasculaire à la lecture transversale des études, en passant par la cardiopathie ischémique, etc.

Cette nouvelle mouture, qui est, comme le précisent les auteurs dans leur avant-propos, le fruit de 25 années de travail, aborde à nouveau tous les domaines de la pathologie cardiovasculaire, en synthétisant les résultats des grands essais cliniques ; les noms des médicaments sont systématiquement cités et les dernières recommandations nationales et internationales sont autant que possible rappelées à la fin des chapitres.

C’est bien pour cela que ce manuel est devenu un classique attendu et gardé en bonne place dans les cabinets médicaux  français, mais aussi étrangers si l’on se réfère à ses nombreuses traductions et mises à jour ; en fait, l’ouvrage ne se limite pas – ce qui serait déjà un gage de réussite – à simplifier le travail du cardiologue ; comme le souligne le Président de la Société Française de Cardiologie dans sa préface, il doit avoir toute sa place dans la bibliothèque du médecin généraliste ou de l’étudiant, auxquels il va grandement simplifier la tâche en les aidant à se repérer dans la masse des études, ô combien nombreuses, et l’évolution permanente des prescriptions.

Faut-il rappeler que notre ami Robert Haïat est l’un des collaborateurs les plus fidèles et les plus éminents du Cardiologue, qui lui doit depuis plusieurs années les deux numéros des « Best of en cardiologie », que nos lecteurs attendent chaque fois avec la même impatience.

Toutes nos félicitations aux auteurs pour ce magnifique précis de prescription en cardiologie que chacun devrait se dépêcher d’acquérir (Editions Frison-Roche).




L’homme malade de lui-même

383 – Ce n’est pas aux lecteurs du Cardiologue qu’il est besoin de présenter l’auteur : Bernard Swynghedauw est l’un de nos plus fidèles collaborateurs et rédacteur en chef de plusieurs de nos cahiers de FMC. On précisera simplement à nos lecteurs plus occasionnels qu’il est cardiologue et, entre autres, directeur de recherche émérite à l’Inserm, membre du groupe « adaptation et prospective » du Haut Conseil de la Santé publique et membre d’un groupe de travail à l’Académie de Médecine.

Dès la préface, remarquablement rédigée par Jean-François Toussaint, professeur de physiologie et directeur de l’Irmes, (institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport) le ton est donné : le paysage planétaire est en pleine mutation, mais celle-ci ne va pas dans le bon sens, avec son cortège de croissance tous azimuts des pathologies infectieuses, néoplasiques et auto-immunes

Les activités humaines, dont l’auteur souligne toutefois les nombreux aspects bénéfiques, bouleversent notre environnement à l’échelle planétaire ; elles modifient de même en profondeur notre santé : réchauffement climatique, accroissement et vieillissement de la population, pollutions multiples, usage immodéré des antibiotiques sont autant de facteurs qui influent négativement sur notre santé.

Quelques chiffres pour l’illustrer : en 60 ans, 300 maladies infectieuses nouvelles sont apparues chez l’homme, à l’exemple du sida ; dans le même temps, l’incidence des maladies allergiques comme l’asthme et auto-immunes telles que le diabète de type 1 ont plus que doublé, voire triplé.

L’auteur montre, exemples à l’appui, l’impact de l’homme sur sa propre santé ; comment comprendre l’émergence de nouvelles maladies et comment, autant que possible, les prévenir ? L’espèce humaine peut-elle s’adapter aux changements qu’elle a elle-même provoqués ? C’est à ces questions et bien d’autres que répond l’auteur, dessinant une discipline naissante, celle d’une approche écologique de la santé.

Et c’est bien la promotion de cette discipline encore assez mal connue qu’est l’écologie de la santé que veut assurer l’auteur de ce remarquable ouvrage.

« Atténuer si possible pour se donner le temps de s’adapter », tel est le conseil ultime, lapidaire que donne B. Swynghedauw en conclusion.

A mettre, au plus vite, entre toutes les mains.

 

Auteur : Bernard Swynghedauw

Editeur : Belin

Pagination : 240 pages environ

Prix public : 19,50 €




Comprendre le net [Partie IV] : soyons net sur le contrôle de soi

On ne parle plus aujourd’hui de self-control, mais plutôt de techno-control ou quantified-self. Les nouvelles technologies qui se sont développées rapidement grâce (ou à cause, c’est selon) aux smartphones produisent sur leurs utilisateurs de surprenantes modifications comportementale.

7h00. Ce matin, Jean se lève de bonne humeur. Il s’est fait réveiller à la meilleure heure grâce à son application Mieux dormir. Il apprécie cette application qui lui donne également son heure de coucher et optimise ainsi son sommeil.

Meteo Live lui fait signe qu’un beau soleil va l’accompagner toute la journée. Mais il habite en ville, à Paris plus précisément. Il s’inquiète, car il se demande s’il va pouvoir sortir : il n’y a aucun signe venteux. Il consulte donc Plume Air Report pour suivre l’évolution de la pollution. Elle indique un indice de 5   et n’est pas trop mauvaise. Il faut dire que Jean a une maladie chronique et doit donc faire attention.

7h15. Le matin quand il le peut, il part faire un léger footing de mise en forme dans le parc jouxtant son appartement.

Son équipement sportif dernier cri est toujours prêt : le maillot  Cityzen Sciences, le short Mbody, les chaussettes Sensoria et les baskets Nike. Même s’il n’est pas un véritable sportif, Jean ne voudrait pas sauter une étape dans sa recherche à « sa » performance. Tout son équipement est connecté et il va pouvoir courir tout en se sachant en sécurité.

Ses vêtements bardés de capteurs vont lui donner de bonnes indications et comparer ses performances du jour, mais aussi le protéger de toute malveillance de son corps. Rythme cardiaque, enregistrement des pressions systolique et diastolique, répartition du poids, distance parcourue… Tout y est pour qu’il ne s’inquiète pas, d’autant que BPMonitor envoie par mail à son médecin les rapports de ses activités sportives.

8h00. Après son petit déjeuner, Jean se dépêche, car Trafic&Météo vient de lui annoncer un délai supplémentaire sur la route suite à un accident. Sa voiture (elle est électrique) lui indique qu’elle peut aller à sa destination et revenir avec une estimation globale de dépense d’énergie de 35 %.

Mais avant de partir, il consulte Myminutes qui lui notifiera  toutes les tâches qu’il à a faire dans la journée. Plus besoin de penser, son application lui rappellera en temps et en heure toutes ses obligations quotidiennes.

9h00. Arrivé au bureau, son café l’attend – programmé – et, après avoir salué ses collègues, s’assoit à son bureau. A peine ses affaires déposées, Waterlogged le rappelle à l’ordre. Il n’a pas assez bu ce matin, surtout après son activité sportive. Et l’application lui donne la ration qu’il doit ingurgiter. Jean se met au travail.

12h00. Il se rend comme tous les jours à la cafétéria de son quartier d’affaires. Avant d’aller choisir ses plats, il dépose ses affaires pour déjeuner : fourchette connectée et balance alimentaire. Grâce à ses applications, il va pouvoir déjeuner en toute quiétude : apports caloriques, quantité ingurgitée, équilibre nutritionnel, Jean note sur Fatsecret son repas et, grâce à cette comptabilité précise, l’app lui fait savoir qu’il a utilisé 79 % de calories, avec 67,62 g de lipides, 22,25 g de glucides et 113,64 g de protéines. Il lui reste seulement 546 calories pour le reste de la journée. Jean est malgré tout optimiste, son journal alimentaire consigne des progrès depuis qu’il se fait aider par son smartphone.

16h00. C’est la pause. Jean est fumeur. Il est dehors avec ses collègues. Grâce à kwit, il fume un peu moins. Il aime bien cette application qui a été conçue sur le principe de la gamification, en d’autres termes de l’exploitation des mécanismes et des techniques de jeu. Lorsqu’il veut fumer, il secoue juste son smartphone qui lui donne un conseil ou un exercice qui lui permet de tenir bon.

16h45. Il est de temps de terminer la journée de travail. Jean termine ses dossiers, bien assis sur son siège, mais Lumo veille sur lui et lui rappelle qu’il doit se ternir droit : son smartphone a détecté une mauvaise posture ; il s’est mis à vibrer. Depuis qu’il a trouvé cette application, il est moins sujet aux maux de dos et s’en félicite.

17h15. Jean récupère sa voiture au parking. Avant de démarrer, il s’assure qu’il n’y a pas de problème sur la route et regarde à quelle heure il va arriver chez lui. 25 minutes de route fluide. Parfait.

19h30. Le repas avalé, les comptes nutritionnels sont à nouveau recensés avec Fatsecret. Ses apports caloriques sont bons, mais il n’a pas fait  assez de pas aujourd’hui malgré son footing ce matin. Il va donc sortir un peu avant la soirée. En même temps, ça lui fait du bien de marcher un peu. Jean est un peu stressé par son travail, mais il sait qu’en rentrant, il pourra se faire « cajoler » par Muse, un bandeau qui surveille les ondes du cerveau pour l’aider à comprendre son état d’esprit, des moments de méditation connectés qui l’aident à retrouver son calme.

22h42. Myminutes lui notifie que le temps passé devant la télévision est écoulé. En interrogeant Mieux dormir, il s’aperçoit qu’il lui reste peu de temps avant son heure d’endormissement : 23h05. Il est grand temps d’aller se préparer pour la nuit.

23h00. Afin de mieux se relaxer, Jean se connecte une dernière  fois avec Easy Sun qui le téléporte vers un endroit ensoleillé.

23h05. Jean s’endort. Les applications veillent sur lui.




Bordeaux Cotes de Francs Chateau Le Puy 2005

383 – Coup de tonnerre en 2009 sur l’aristocratie vinicole bordelaise, le discret Château le Puy 2003, dans l’humble appellation Côtes de Francs, est sacré par une série télévisée japonaise « Les gouttes de Dieu », meilleur vin du monde ! Ainsi, cette adaptation télévisée avait brisé le suspense entretenu par le manga éponyme très connu (35e épisode actuellement en France), où 2 frères se disputent l’héritage d’un œnologue qui, dans son testament, a laissé 12 énigmes menant à la découverte d’un vin exceptionnel et à la possession d’une cave mirifique.

Le propriétaire du Château le Puy, Jean-Pierre Amoreau, prit alors une décision étonnante en retirant immédiatement de la vente tous ses 2003, pour arrêter une spéculation effrayante, les vins vendus 15 Ä à la propriété, grimpant au Japon à 500, voire 1 000  Ä, ce afin de les réserver à ses clients fidèles.

Le domaine le Puy créé en 1610, actuellement géré par la 14e génération, est en tout point étonnant et particulier. Les vignerons de père en fils militent pour l’expression naturelle de leurs vins, les sols n’ayant jamais connu molécules de synthèse, engrais chimiques, herbicides, insecticides…, ce qui leur confère une qualité exceptionnelle avec des vignes plus que cinquantenaires, dont les racines peuvent descendre à plus de 60 m de profondeur ! Le Château le Puy est situé sur 25 ha de terrasses dans la prolongation du plateau calcaire de St-Emilion sur des sols argilo-siliceux et argilo-calcaires surplombant la magnifique vallée de la Dordogne, justement dénommée en ce lieu : vallée des Merveilles. La culture, biologique depuis toujours, est passée, depuis plus de 25 ans, en biodynamie certifiée qui, en l’occurrence, confine à l’ésotérisme. En effet, le domaine recèle en son cœur un cromlech constitué de menhir et dolmens qui, pour J.-P. Amoreau, est capable « d’attirer les énergies cosmiques, de les concentrer, les diffuser », ce qui expliquerait le bouquet étonnant de ses vins.

Le fumier est maintenant remplacé par des engrais verts dynamisés, tels bouse de corne et silice. Les défenses immunitaires sont excitées par des laminaires. Toutes les opérations s’effectuent en fonction du calendrier lunaire. La vigne enherbée subit une taille Guyot courte évitant les vendanges vertes. La date des vendanges est soigneusement déterminée avec l’aide d’une station météorologique propre au domaine, le merlot étant toujours récolté en légère surmaturité, pour équilibrer le cabernet sauvignon. Les raisins, bien sûr, cueillis manuellement, font l’objet d’un tri drastique sur pied et sont éraflés mécaniquement, puis encuvés, sans foulage. Les fermentations en cuvier béton s’opèrent en chapeau de marc immergé, sans soufrage, levurage, ni chaptalisation, la malo-lactique survenant sous voile. Au bout d’un mois, un soutirage élimine la lie. L’élevage s’étend sur
deux ans avec bâtonnages réguliers sous des doses infinitésimales de SO2, d’abord en foudres, puis en barriques de 3 à 15 ans d’âge aseptisées à la vapeur, car, pour J.-P. Amoreau, « le bois neuf est un défaut ». La mise en bouteille, au moment du milieu d’une pleine lune, s’effectue, sans soufrage, collage, ni filtration.

Fidèle à la tradition, l’assemblage comporte régulièrement : 85 % de merlot, 14 % de cabernet sauvignon, 1 % de carménère.

D’un rubis profond, légèrement orangé sur le disque, discrètement voilé en l’absence de filtration, le Château le Puy 2005 délivre au nez une richesse aromatique impressionnante, où se succèdent des odeurs animales, viandées, de sous-bois, d’humus évoquant le cabernet franc, alors qu’il n’entre pas dans l’assemblage, puis prédominent des senteurs de fruits noirs, cassis, myrtille, mûre, d’épices douces. La bouche très concentrée, mais ronde, fait ressortir des notes de café, de moka, d’amandes grillées avec une texture serrée, des tanins tendus, mais cependant veloutés. La finale longue, persistante confirme une belle minéralité.

un « anti-Parker » absolu

En définitive, il s’agit d’un vin fougueux, racé, d’une grande complexité, mais où nul boisé, nulle note alcoolisée (12 ° annoncés) n’apparaissent, bref un Bordeaux naturel, à l’ancienne, un « anti-Parker » absolu…

La rondeur et les arômes de ce vin l’adaptent parfaitement aux viandes grillées, tels les classiques du Bordelais : entrecôtes grillées aux sarments de vignes, magret de canard, brochettes de rumsteck. Il s’accorde bien avec l’agneau, plutôt un navarin qu’un gigot ou une épaule, mais sa prédominance merlot l’incline vers les champignons, en particulier les cèpes accompagnant viandes d’agneau et de veau, tels les grenadins de veau aux cèpes, un ris de veau braisé avec poignée de girolles.

La complexité de son bouquet permet de s’aventurer vers des alliances plus osées : osso bucco, poitrine de poulet grillé et mariné aux olives, pigeons aux choux ou à la purée de pois cassés ou même un poisson : dos de saumon rôti et sarrasin.

Je dois signaler que le Château le Puy, baptisé depuis quelques années Emilien, est d’un excellent rapport qualité-prix aux alentours de 20 euros, que la cuvée vedette Barthelemy plus classique, mais de très haut niveau, est beaucoup plus onéreuse et qu’une longue aération avant dégustation est indispensable.

Bordeaux Cotes de Francs
Chateau Le Puy 2005

J.-P. Et P. Amoreau – 33570 Saint-Cibard




Une gisante à longue histoire : Valentine Balbiani

383 – L’idée traditionnelle du gisant est celle du chevalier allongé. Pourtant, dès la fin du Moyen Âge, une vision plus crue de la mort apparaît, avec les « transis » (« passé de l’autre côté »), tandis qu’Italiens et Espagnols revenaient au modèle accoudé des Etrusques. 

Pour sa femme Valentine Balbiani, décédée en 1572, le chancelier René de Birague fit faire par le sculpteur attitré du roi, Germain Pilon, et sans lésiner, un gisant accoudé et un « transi » que le Louvre expose aujourd’hui suivant la disposition originelle. 

Si ce tombeau a connu bien des vicissitudes (en particulier les saisies révolutionnaires), nous avons la chance qu’un érudit contemporain de Louis XIV, Roger de Gaignières, en ait fait faire une aquarelle très fidèle (conservée à la BnF). 

Autre chance, les contrats notariés passés entre le sculpteur et le commanditaire renseignent sur l’élaboration de ce monument spectaculaire.

Une tombe « pariétale » somptueuse

Génie de droite v2_600L’aquarelle montre en effet une foison décorative à l’italienne, alors que la France privilégiait des tombeaux isolés, nous avons ici une tombe « pariétale » surmontée d’une architecture. La gisante plus grande que nature, luxueusement vêtue, le marbre très fin permettant des détails virtuoses, reposait sur un énorme sarcophage, orné de la plaque en très bas-relief du « transi », mais aussi de têtes ailées de chérubins (le Louvre en garde une) et de bas-reliefs à thème funéraire. Deux « Génies funéraires », en marbre, assis et tenant une torche renversée, symbole de la mort, sont conservés : ils encadrent la gisante. Au-dessus de la gisante, une structure de marbre polychrome, avec sept anges en bronze dont trois déployaient une tenture aux armes du mari, frangée d’or, garnie à l’intérieur d’étoiles dorées.

Germain PILON (Paris, connu depuis 1540 – mort en 1590) Tombeau de Valentine Balbiani (1518 – 1572). Marbre H. : 0,83 m ; L. : 1,91 m ; Pr. : 0,49 m.

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Ce luxe comporte néanmoins deux paradoxes

D’abord, il est étrangement profane pour un contexte à religiosité exacerbée. Valentine est morte l’année du massacre de la Saint-Barthélemy et son veuf est entré dans les ordres, recevant même la dignité de cardinal. Pourtant le seul signe totalement chrétien est la croix nue au centre : Génies funéraires et autres chérubins reprennent les « putti » antiques, revisités par la Renaissance.

Second paradoxe : Valentine semble absente. La très jeune femme représentée, si lisse, ne peut pas être la défunte, qui avait alors 54 ans. Il est vrai qu’elle avait une fille, qui a pu servir de modèle, et que longtemps les morts ont été représentés à l’âge « idéal » du Christ lors de la Résurrection, 33 ans. Mais Pilon n’a pas travaillé d’après nature : au départ, le chancelier avait commandé une dalle nue et le décès remontait à quatre mois quand la gisante fut ajoutée. Il n’y avait ni portrait ni masque mortuaire pour guider Pilon, car les contrats, excessivement précis, n’auraient pas oublié de tels documents. Valentine laisse place à une beauté idéalisée.

Sur le « transi », la morte plus réaliste a effectivement l’âge requis, mais Valentine en aurait-elle aimé la crudité violente : présentée à demi nue, la mort a déjà commencé son travail, avec ventre et seins affaissés, et ces mains décharnées qui n’ont plus rien à voir avec les jolis doigts fuselés de la gisante. Valentine étant effrayante dans son « transi », absente de son gisant, les yeux perdus dans le vague malgré le livre qu’elle fait mine de lire, les Génies lui tournant le dos, il reste heureusement la touche très originale du petit chien quêtant son affection pour apporter un peu de vie. Il aurait été sculpté sur le modèle de son favori, d’une race italienne à la mode, qui se serait laissé mourir de désespoir après sa maîtresse.

Germain Pilon innove : le chien, associé, attribut de la fidélité sur les tombes féminines, dort habituellement aux pieds de la défunte.

Germain Pilon, un sculpteur novateur

Germain Pilon a beaucoup innové dans ce tombeau : position accoudée pour une femme (les rares exemples en France avant Valentine sont des guerriers appuyés sur leurs armes), ajout du chien vivant, superstructure luxueuse. Ces innovations viennent peut-être d’une situation particulière, avec un client riche et prêt à payer comme le laissent entrevoir les contrats. Le premier contrat, d’avril 1573, prévoit la gisante, les Génies et le chien pour une livraison en octobre.

Mais le chantier fut retardé, et un second contrat, en avril 1574, ajouta notamment l’architecture, le transi et les bronzes. Suggestion – intéressée – de Pilon, ou du chancelier ? La première hypothèse est plus vraisemblable, le chancelier n’étant pas connu pour sa culture artistique. Il est rare de voir naître une œuvre dans des documents qui mentionnent même les vêtements de la défunte confiés au sculpteur, le modèle du chien, sans oublier des maquettes de terre cuite (procédé fréquent à la Renaissance). Il est même possible qu’il y ait eu un troisième contrat ajoutant par exemple la tenture visible sur l’aquarelle.

Quant au veuf, il y mit un prix considérable

Presque autant que pour son propre tombeau, aussi confié à Pilon, et près du double des comparables répertoriés. Chagrin ou ostentation ? Il est clair qu’il voulait laisser sa trace : ses armes tréflées sont partout, sur le socle de la gisante, sur les écussons (armes de Birague et armes d’alliance, composées pour moitié… des armes du mari), sur la tenture étoilée.

Il a choisi ce qui se faisait de mieux comme sculpteur, celui du roi, car il était lui-même proche du pouvoir (Italien de naissance, il s’est compromis lors des guerres d’Italie et a continué à servir François 1er et ses successeurs, mais  en France). Or Pilon venait de terminer, en 1573, le monument que Catherine de Médicis avait fait commencer par Le Primatice pour elle-même et Henri II, son époux, mort après un tournoi en 1559. Pilon, simple membre de l’équipe, en prit la tête quand le Primatice mourut en 1570. Ce tombeau architecturé, avec représentation en « vif » et en « transi », démontrait ses capacités : quelle meilleure recommandation pour Birague ?

Aujourd’hui, Birague est bien oublié, malgré sa dépense et son étalage d’armoiries, et Valentine était déjà absente de son tombeau… Cet ensemble nous parle donc aujourd’hui surtout du talent de Pilon, de sa virtuosité italianisante. Pilon a peut-être voyagé en Italie et, si ce n’est pas le cas, il a suffisamment coopéré avec les Italiens travaillant en France ou vu d’estampes (qui véhiculaient les modèles tels que Michel-Ange) pour adopter cette aisance, ces poses élégantes des Génies ou l’idée des gisants accoudés.

Ce modèle a fait école : le XVIIe siècle a conservé des gisants accoudés bien plus que des priants agenouillés. Pilon est le grand sculpteur de la fin du XVIe siècle, jusqu’à sa mort en 1590 : son rival Jean Goujon a disparu de Paris vers 1572, peut-être victime des persécutions (il était protestant).

Valentine Balbiani nous donne donc l’occasion de voir les relations entre France et Italie ou le mode opératoire d’un artiste avec ses clients. Pilon a démontré une véritable virtuosité mais, par une certaine sobriété évitant le pathos, il écrit ici une page de l’histoire de la sculpture dans une tradition plus classique que baroque. L’importance de cet ensemble n’a pas échappé à Alexandre Lenoir, controversé créateur du musée des monuments français, qui l’a sauvé de la fureur révolutionnaire et exposé dans son musée.

 

 Bibliographie

– Grodecki, Catherine, « Les marchés de Germain Pilon pour la chapelle funéraire et les tombeaux des Birague en l’église Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers », Revue de l’Art, 54, 1981, p. 61-78.

– Beaulieu, Michèle, Description raisonnée des sculptures du musée du Louvre, tome II, Renaissance    française, Paris, Réunion des musées nationaux, 1978, p. 136-138.

– Ceysson, Bernard et al. « La grande tradition de la sculpture du XVe au XVIIe siècle », dans DUBY, Georges et DAVAL, Jean-Luc, dir., La Sculpture, Cologne (Allemagne), Taschen GmbH, 2013, p. 702-703.

– Zerner, Henri, « Chapitre X : la sculpture et la mort », dans L’art de la Renaissance en France l’invention du classicisme, Paris, Flammarion, [19961], 2002, coll. Tout l’Art, p. 351-394.

– Bresc-Bautier, Geneviève, dir., Germain Pilon et les sculpteurs français de la Renaissance : actes du colloque organisé au musée du Louvre (Paris), les 26 et 27 octobre 1990, Paris, La Documentation française, 1993, p. 63-89, 113-129, 163-175, 193-211.

– Ciprut, Edouard-Jacques, « Nouveaux documents sur Germain Pilon », La Gazette des Beaux-Arts, 73, mai-juin 1969, p. 257-276.

– Ciprut, Edouard-Jacques, « Chronologie nouvelle de la vie et des œuvres de Germain Pilon », La Gazette des Beaux-Arts, 74, décembre 1969, p. 333-344.

– Terrasse, Charles, Germain Pilon, biographie critique illustrée, Paris, H. Laurens, 1930, p. 83-92.




Une gisante à longue histoire : Valentine Balbiani

Catherine Chancel-Le Corre

382 – L’idée traditionnelle du gisant est celle du chevalier allongé. Pourtant, dès la fin du Moyen Âge, une vision plus crue de la mort apparaît, avec les « transis » (« passé de l’autre côté »), tandis qu’Italiens et Espagnols revenaient au modèle accoudé des Etrusques. Pour sa femme Valentine Balbiani, décédée en 1572, le chancelier René de Birague fit faire par le sculpteur attitré du roi, Germain Pilon, et sans lésiner, un gisant accoudé et un « transi » que le Louvre expose aujourd’hui suivant la disposition originelle. Si ce tombeau a connu bien des vicissitudes (en particulier les saisies révolutionnaires), nous avons la chance qu’un érudit contemporain de Louis XIV, Roger de Gaignières, en ait fait faire une aquarelle très fidèle (conservée à la BnF). Autre chance, les contrats notariés passés entre le sculpteur et le commanditaire renseignent sur l’élaboration de ce monument spectaculaire.

Une tombe « pariétale » somptueuse

L’aquarelle montre en effet une foison décorative à l’italienne, alors que la France privilégiait des tombeaux isolés, nous avons ici une tombe « pariétale » surmontée d’une architecture. La gisante plus grande que nature, luxueusement vêtue, le marbre très fin permettant des détails virtuoses, reposait sur un énorme sarcophage, orné de la plaque en très bas-relief du « transi », mais aussi de têtes ailées de chérubins (le Louvre en garde une) et de bas-reliefs à thème funéraire. Deux « Génies funéraires », en marbre, assis et tenant une torche renversée, symbole de la mort, sont conservés : ils encadrent la gisante. Au-dessus de la gisante, une structure de marbre polychrome, avec sept anges en bronze dont trois déployaient une tenture aux armes du mari, frangée d’or, garnie à l’intérieur d’étoiles dorées.

Ce luxe comporte néanmoins deux paradoxes

D’abord, il est étrangement profane pour un contexte à religiosité exacerbée. Valentine est morte l’année du massacre de la Saint-Barthélemy et son veuf est entré dans les ordres, recevant même la dignité de cardinal. Pourtant le seul signe totalement chrétien est la croix nue au centre : Génies funéraires et autres chérubins reprennent les « putti » antiques, revisités par la Renaissance. Second paradoxe : Valentine semble absente. La très jeune femme représentée, si lisse, ne peut pas être la défunte, qui avait alors 54 ans. Il est vrai qu’elle avait une fille, qui a pu servir de modèle, et que longtemps les morts ont été représentés à l’âge « idéal » du Christ lors de la Résurrection, 33 ans. Mais Pilon n’a pas travaillé d’après nature : au départ, le chancelier avait commandé une dalle nue et le décès remontait à quatre mois quand la gisante fut ajoutée. Il n’y avait ni portrait ni masque mortuaire pour guider Pilon, car les contrats, excessivement précis, n’auraient pas oublié de tels documents. Valentine laisse place à une beauté idéalisée.

Sur le « transi », la morte plus réaliste a effectivement l’âge requis, mais Valentine en aurait-elle aimé la crudité violente : présentée à demi nue, la mort a déjà commencé son travail, avec ventre et seins affaissés, et ces mains décharnées qui n’ont plus rien à voir avec les jolis doigts fuselés de la gisante. Valentine étant effrayante dans son « transi », absente de son gisant, les yeux perdus dans le vague malgré le livre qu’elle fait mine de lire, les Génies lui tournant le dos, il reste heureusement la touche très originale du petit chien quêtant son affection pour apporter un peu de vie. Il aurait été sculpté sur le modèle de son favori, d’une race italienne à la mode, qui se serait laissé mourir de désespoir après sa maîtresse. Germain Pilon innove : le chien, associé, attribut de la fidélité sur les tombes féminines, dort habituellement aux pieds de la défunte.

Germain Pilon, un sculpteur novateur

Germain Pilon a beaucoup innové dans ce tombeau : position accoudée pour une femme (les rares exemples en France avant Valentine sont des guerriers appuyés sur leurs armes), ajout du chien vivant, superstructure luxueuse. Ces innovations viennent peut-être d’une situation particulière, avec un client riche et prêt à payer comme le laissent entrevoir les contrats. Le premier contrat, d’avril 1573, prévoit la gisante, les Génies et le chien pour une livraison en octobre. Mais le chantier fut retardé, et un second contrat, en avril 1574, ajouta notamment l’architecture, le transi et les bronzes. Suggestion – intéressée – de Pilon, ou du chancelier ? La première hypothèse est plus vraisemblable, le chancelier n’étant pas connu pour sa culture artistique. Il est rare de voir naître une œuvre dans des documents qui mentionnent même les vêtements de la défunte confiés au sculpteur, le modèle du chien, sans oublier des maquettes de terre cuite (procédé fréquent à la Renaissance). Il est même possible qu’il y ait eu un troisième contrat ajoutant par exemple la tenture visible sur l’aquarelle.

Quant au veuf, il y mit un prix considérable

Presque autant que pour son propre tombeau, aussi confié à Pilon, et près du double des comparables répertoriés. Chagrin ou ostentation ? Il est clair qu’il voulait laisser sa trace : ses armes tréflées sont partout, sur le socle de la gisante, sur les écussons (armes de Birague et armes d’alliance, composées pour moitié… des armes du mari), sur la tenture étoilée. Il a choisi ce qui se faisait de mieux comme sculpteur, celui du roi, car il était lui-même proche du pouvoir (Italien de naissance, il s’est compromis lors des guerres d’Italie et a continué à servir François 1er et ses successeurs, mais  en France). Or Pilon venait de terminer, en 1573, le monument que Catherine de Médicis avait fait commencer par Le Primatice pour elle-même et Henri II, son époux, mort après un tournoi en 1559. Pilon, simple membre de l’équipe, en prit la tête quand le Primatice mourut en 1570. Ce tombeau architecturé, avec représentation en « vif » et en « transi », démontrait ses capacités : quelle meilleure recommandation pour Birague ?

Aujourd’hui, Birague est bien oublié, malgré sa dépense et son étalage d’armoiries, et Valentine était déjà absente de son tombeau… Cet ensemble nous parle donc aujourd’hui surtout du talent de Pilon, de sa virtuosité italianisante. Pilon a peut-être voyagé en Italie et, si ce n’est pas le cas, il a suffisamment coopéré avec les Italiens travaillant en France ou vu d’estampes (qui véhiculaient les modèles tels que Michel-Ange) pour adopter cette aisance, ces poses élégantes des Génies ou l’idée des gisants accoudés. Ce modèle a fait école : le xviie siècle a conservé des gisants accoudés bien plus que des priants agenouillés. Pilon est le grand sculpteur de la fin du xvie siècle, jusqu’à sa mort en 1590 : son rival Jean Goujon a disparu de Paris vers 1572, peut-être victime des persécutions (il était protestant).

Valentine Balbiani nous donne donc l’occasion de voir les relations entre France et Italie ou le mode opératoire d’un artiste avec ses clients. Pilon a démontré une véritable virtuosité mais, par une certaine sobriété évitant le pathos, il écrit ici une page de l’histoire de la sculpture dans une tradition plus classique que baroque. L’importance de cet ensemble n’a pas échappé à Alexandre Lenoir, controversé créateur du musée des monuments français, qui l’a sauvé de la fureur révolutionnaire et exposé dans son musée.

 

Germain PILON (Paris, connu depuis 1540 – mort en 1590)
Tombeau de Valentine Balbiani (1518 – 1572). Marbre H. : 0,83 m ; L. : 1,91 m ; Pr. : 0,49 m.

gisante

Génie de droite v2

annothomie

Bibliographie

GRODECKI, Catherine, « Les marchés de Germain Pilon pour la chapelle funéraire et les tombeaux des Birague en l’église Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers », Revue de l’Art, 54, 1981, p. 61-78.

BEAULIEU, Michèle, Description raisonnée des sculptures du musée du Louvre, tome II, Renaissance    française, Paris, Réunion des musées nationaux, 1978, p. 136-138.

CEYSSON, Bernard et al. « La grande tradition de la sculpture du XVe au XVIIe siècle », dans DUBY, Georges et DAVAL, Jean-Luc, dir., La Sculpture, Cologne (Allemagne), Taschen GmbH, 2013, p. 702-703.

ZERNER, Henri, « Chapitre X : la sculpture et la mort », dans L’art de la Renaissance en France l’invention du classicisme, Paris, Flammarion, [19961], 2002, coll. Tout l’Art, p. 351-394.

BRESC-BAUTIER, Geneviève, dir., Germain Pilon et les sculpteurs français de la Renaissance : actes du colloque organisé au musée du Louvre (Paris), les 26 et 27 octobre 1990, Paris, La Documentation française, 1993, p. 63-89, 113-129, 163-175, 193-211.

CIPRUT, Edouard-Jacques, « Nouveaux documents sur Germain Pilon », La Gazette des Beaux-Arts, 73, mai-juin 1969, p. 257-276.

CIPRUT, Edouard-Jacques, « Chronologie nouvelle de la vie et des œuvres de Germain Pilon », La Gazette des Beaux-Arts, 74, décembre 1969, p. 333-344.

TERRASSE, Charles, Germain Pilon, biographie critique illustrée, Paris, H. Laurens, 1930, p. 83-92.




Comprendre le net [Partie III] : le royaume des états

De tout temps l’homme a surveillé et épié ses amis ou adversaires, et l’ère d’internet a permis aux Etats d’établir de nouvelles stratégies pour leur protection ou de les transformer, pour certains, en de vastes plans de propagande. 

381 – Depuis le drame du 11 septembre 2001, les états occidentaux n’ont cessé d’accroître leur législation sur la sécurité intérieure face à un terrorisme grandissant. La France, convaincue de cette menace, a mené une profonde réorganisation de son système de sécurité, créé à la base pour crypter les communications interministérielles ayant trait aux exportations d’armements, ce dispositif est devenu un projet d’une autre ampleur.

En quinze ans, le tout sécuritaire a fait sa route. Les attentats de Paris en janvier dernier ont permis de remettre au goût du jour la surveillance des « connectés ». La nouvelle loi du Gouvernement Valls doit donner aux fonctionnaires et militaires français une panoplie d’outils inédite destinée à surveiller de potentiels terroristes ou fauteurs de troubles : installation de boîtes noires chez les opérateurs, récoltes à distance des informations contenues dans nos téléphones mobiles, implantation de logiciels malveillants…

Un parfum de contestations

Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est voulu rassurant en déclarant que ce n’était que « mensonge de parler de surveillance généralisée ». « La bataille contre le terrorisme ne se gagne pas dans l’approximation juridique ni au détriment des libertés ». S’il est évident et sans discussion que l’Etat a le devoir de se protéger et surveiller la toile, il ne doit pas se faire au détriment des libertés civiques des internautes.

Les hébergeurs français, OVH (1) et Gandi en tête, jugent que, en l’état actuel, le texte peut aboutir à la mise en place d’une « surveillance de masse » avec un contrôle direct ou indirect et la connaissance des données par les services de l’Etat. Ces hébergeurs menacent de devoir déménager leurs infrastructures, leurs investissements ainsi que leurs collaborateurs.

A la monarchie de Kim Jong-un 

Si le terrorisme tient la dragée haute dans nos contrées, il n’en va pas de même dans certains pays totalitaires ou la toile, si elle existe, sert avant tout la propagande. La Corée du Nord, par exemple, a fait,  il y a quelques temps, son entrée officielle sur le World Wide Web pour y mener sa cyber guerre. Le régime s’est doté d’une armée de hackers chargée de destruction de sites et d’espionnage. Sans fournisseur d’accès privé, elle maintient soigneusement la grande majorité de la population à l’écart du Web, voire de l’intranet national, pourtant très limité et ultracensuré.

Le pays a été déclaré pays « ennemi d’internet » par Reporters sans frontières.

… Au royaume d’Erdogan

Autre pays, autre lieu, la Turquie qui dispose d’un réel dispositif internet, mais le pouvoir bloque régulièrement des réseaux sociaux (YouTube, Facebook et Twitter) tout en les utilisant pour valoriser sa politique… et surveiller les internautes qui ont appris à manipuler les outils informatiques pour contourner la censure (encadré ci-dessous).

…à la nébuleuse de Daech

On ne pourrait pas terminer ce petit tour d’horizon sans parler des leaders du moment, l’Etat islamique, qui n’a de cesse de nous montrer à quel point la toile est l’outil incontournable pour le recrutement, la formation, la propagande.

Ces exemples nous montrent à quel point internet joue aujourd’hui un rôle de tout premier ordre. Symbole de liberté ou outil de propagande, le cyber-siècle commence juste à nous faire prendre conscience des enjeux géopolitique et social pour les générations à venir.

(1) OVH.com

 

Le jeu des  détournements

VPN

La solution la plus populaire pour contourner la censure est l’utilisation des VPN (l’acronyme de réseaux virtuels privés en anglais). En utilisant cet outil, l’internaute accède au site bloqué via un ordinateur tiers (celui du fournisseur de VPN). Pour les censeurs, impossible de savoir que l’internaute se connecte en fait à un site censuré.

DNS

Une autre possibilité pour contourner la censure consiste à modifier les réglages DNS de sa connexion, une opération un peu plus compliquée à réaliser techniquement. Les DNS sont en quelque sorte les postes d’aiguillage d’Internet. Lorsqu’un internaute demande à se rendre sur twitter.com, par exemple, il interroge du point de vue technique les serveurs DNS de son fournisseur d’accès qui lui indique le chemin à suivre pour parvenir sur le site du réseau social.

Tor

Tor est un navigateur Internet (qui se connecte à un réseau du même nom) permettant d’accéder à des sites censurés. La connexion chemine à travers d’ordinateurs-relais. Comme dans le cas des VPN, il est impossible de savoir à quel site se connecte l’internaute utilisant Tor, rendant la censure impraticable.

(1) Le VPN est un système permettant de créer un lien direct entre des ordinateurs distants qui permet, entre autres, de contourner les restrictions géographiques de certains services proposés sur internet.

(2) Le réseau Tor peut rendre anonymes tous les échanges internet fondés sur le protocole de communication TCP. Les utilisateurs du réseau deviennent alors impossible à identifier.




Vin de Corse Figari Clos Canarelli blanc 2013

L’hiver s’éloigne, les beaux jours estivaux approchent et, en avant-goût savoureux, je vous invite en Corse du Sud chez Yves Canarelli.

381 – En 30 ans, le vignoble corse a connu un bouleversement considérable. Fin des années 1970, les vignes occupaient plus de 30 000 ha, pour l’essentiel plantés de cépages rustiques amenés par les rapatriés Pieds Noirs sur la côte orientale de l’île avec des rendements pléthoriques. Actuellement, il reste moins de 8 000 ha, mais cette réduction du vignoble s’accompagne d’une progression qualitative étonnante grâce à l’émergence d’une nouvelle génération de viticulteurs corses privilégiant les cépages autochtones, modernisant les caves, adoptant la culture bio.

A la suite du canal historique (de la viticulture !) représenté par les comtes Abbatucci, Christian Imbert, Jacques Bianchetti, de jeunes et audacieux vignerons sont apparus allant toujours plus loin dans la recherche de l’excellence, tels Antoine Arena, Nicolas Mariotti-Bindi et tout particulièrement Yves Canarelli.

Celui-ci, fêtard invétéré durant sa jeunesse, décida, en 1992, de devenir vigneron se levant à l’heure, où il se couchait auparavant. Il reprit donc le petit domaine familial complanté, en 1968, au milieu de chênes verts et de blocs de granit, pour l’agrandir jusqu’à près de 30 ha âprement gagnés sur le maquis, remarquablement cultivés en biodynamie, uniquement amendés par du compost. Le domaine, blotti dans une vallée qui monte des eaux turquoises du golfe de Figari jusqu’aux contreforts de la montagne de Cagna aux sols granitiques riches en argile, bénéficie d’un climat, tant marin que montagneux. Les fortes amplitudes thermiques jour-nuit, les vents venant de la Méditerranée rafraîchissent les raisins. Les meilleurs parcelles, exposées nord, nord-ouest, constituent les cuvées baptisées Clos Canarelli. Les vignes, dont les pieds sont buttés, taillées courtes, palissées en cordon simple, font l’objet de soins attentionnés, sans aucune chimie. Le cépage blanc vermentino n’est pas effeuillé, afin de le protéger du soleil.

Les raisins, cueillis manuellement, sont triés sur table, entonnés en grappe entière, pour le blanc, par gravité dans le pressoir pneumatique et les jus sont mis à débourber pendant 48 heures. Les jus blancs sont démarrés en cuve inox thermo-régulées, dont les pieds contiennent des levures indigènes, puis fermentent en foudres, sans batonnage. L’élevage en foudre évite une trop longue imprégnation par le bois, un sulfitage léger est associé, sans collage, avec une légère filtration lors de la mise en bouteille.

Une continuelle innovation

Yves Canarelli, assisté par l’œnologue, Antoine Pouponneau, innove continuellement : nouveau chai rutilant, comme j’ai pu le constater, équipé d’un matériel moderne et performant, réhabilitation de cépages ancestraux, tels le bianco gentile en blanc, le carcaghjolu neru en rouge, expérimentation de la vinification en œuf béton, en amphores, ce qui le positionne à la pointe de la viticulture corse.

Son Clos Blanc 2013, pur vermentino, est certainement une de ses plus belles réussites. Paré d’une robe or pâle aux reflets verts, ce vin exhale des parfums délicats de fleur blanche, aubépine, chèvrefeuille, de fruits, pommes et poires fondantes, citron confit. Une petite note de pêche et d’abricot pourrait égarer vers un Condrieu, mais, très vite, émergent des arômes de maquis, thym, anis, herbes grillées, de vanille signant l’élevage sous bois. La bouche onctueuse, suave, racée offre une vaste palette aromatique avec des sensations de minéralité intense, de zestes d’agrumes équilibrant et rafraîchissant la puissance. La finale, d’une longueur étonnante pour un blanc sec, confirme le caractère envoûtant de ce beau flacon.

La belle réussite du Clos Canarelli

Ce vin respire le soleil, la mer, les vacances pour tout dire… Il n’est donc pas étonnant qu’il réalise les accords et les équilibres les plus aboutis avec la cuisine ensoleillée et les beaux produits de la Corse. A l’occasion d’un pique-nique sur la plage, la complicité avec les savoureuses charcuteries : coppa, lonzu, prisuttu, salami, les odorants fromages (en évitant les plus forts) : brocciu, tome d’Appietto, brebis de Bastelicaccia, est évidente. Mais ce vin, surtout avec quelques années de plus, exprimera encore mieux sa race avec les préparations marines : poissons de roche grillés, aïoli, bouillabaisse corse (aziminu), langoustines à l’ail et tomate, carpaccio d’empereur, denti au four, dont le goût s’enrobe de laurier, de fenouil, de tomates à la provençale. Pour Olivier Poussier, un gaspacho de homard à l’huile d’olive ou une langouste simplement grillée le sublimeront.

La beauté de cette île qui porte bien son nom, n’est plus à vanter, et il faut savoir découvrir certains villages perdus dans la montagne, contempler la mer du haut d’une corniche, admirer ses côtes escarpées, humer les violentes fragrances d’une nature luxuriante, déguster ses savoureux produits et goûter ses admirables vins, dont le renouveau qualitatif est un exemple pour les viticulteurs continentaux. Et n’oubliez pas de les acheter sur place, car, depuis un certain Napoléon Bonaparte, les taxes et droits de régie y demeurent abolis.




Antonello de Messine (v. 1430-1479) oU l’art du portrait

Lorsque qu’Antonello de Messine (v.1430-1479) meurt prématurément d’une probable tuberculose pulmonaire, avec lui disparaît l’un des grands portraitistes italiens du Quattrocento.

 

381 – Giorgio Vasari (1511-1574) relate qu’à la mort d’Antonello de Messine, « les artistes lui rendirent hommage, non seulement pour ses peintures d’une beauté et d’une composition singulière, mais aussi parce qu’il a apporté le premier à la peinture italienne, la splendeur et la pérennité de la peinture à l’huile » ; ses portraits en buste de trois-quarts, privilégiant les petits formats, se sont imposés par l’exceptionnelle expressivité des regards, l’« intensité antonellienne », illustrée par Le Condottiere (1475) du musée du Louvre. 

Antonello de Messine : un artiste méconnu

Le Condottiere - Musée du Louvre (1475).
Le Condottiere – Musée du Louvre (1475).

Né vers 1430 à Messine d’un père tailleur de pierres et maçon, Antonello est actif à partir de 1456. Il est alors un sujet de la couronne d’Aragon puisqu’en 1442, après le bref règne (1435-1442) du roi René d’Anjou (1409-1480), le roi Alphonse V d’Aragon (1396-1458), roi de Naples de 1435 à 1458, réunit les royaumes de Sicile et de Naples séparés depuis les Vêpres siciliennes (1282) (1), en créant ainsi le royaume des « Deux-Siciles ». La Méditerranée est alors le lieu d’un intense trafic de navires marchands entre les territoires sous influence espagnole mais aussi en relation étroite avec les Flandres. Naples devient ainsi un grand centre politique et culturel où convergent les grands maîtres flamands, provençaux et catalans. Antonello fait probablement son apprentissage vers 1450 chez Niccolò Colantonio (1420 – actif à Naples entre 1440 et 1470 environ) qui est alors le peintre local le plus renommé et un grand admirateur et copiste de la peinture flamande. Antonello entre ainsi en contact avec une importante collection d’œuvres de Primitifs flamands favorisée par le mécénat royal.

Cette influence flamande s’est avérée si forte qu’on a longtemps cru qu’Antonello avait été un élève personnel de Jan Van Eyck (actif 1422-1441) alors que, contrairement aux dires de Vasari, il ne l’a jamais rencontré dans les Flandres puisqu’il mourut alors qu’Antonello n’était encore qu’un jeune enfant.

En 1457, Antonello travaille pour son propre compte avec la commande d’un gonfalone (2) pour une confrérie de Reggio de Calabre ; il s’agit alors de répondre à la demande d’images religieuses de la Sicile orientale et de la Calabre. En 1460 il est de retour à Messine puis on perd sa trace entre 1465 et 1471. Probablement remarqué par la colonie vénitienne de Messine, il est probable qu’il a dû profiter d’une galéasse (3) vénitienne pour rejoindre Venise où il séjourne de 1474 à 1476, et qui était alors l’état le plus prospère et puissant de la péninsule. Ce séjour à Venise lui permet de peindre un retable monumental (dont il ne reste que quelques fragments au Kunsthistorisches Museum de Vienne), pour l’église de San Cassiano et qui fit forte impression ; en outre, d’après Vasari « bon vivant et très attiré par les femmes, il trouva là le genre de vie qui lui convenait » tant il est vrai que la Sérénissime était réputée pour ses courtisanes mais Antonello y a surtout beaucoup travaillé. Il côtoie Giovanni Bellini (1430-1516) qu’il « aura révélé à lui-même en fondant la grande peinture vénitienne à travers lui » même si les recherches de Bellini dans ce domaine étaient antérieures à sa venue.

Antonello applique une technique souvent mixte, associant l’huile de lin ou de noix permettant de représenter les moindres détails des cheveux ou des broderies avec des retouches transparentes peu chargées en pigments (glacis) d’une luminosité extraordinaire, et la détrempe, peinture aqueuse à base de liants et de colle. Il imite ainsi les subtilités lumino-chromatiques du réalisme flamand mais en développant une technique personnelle au sein d’une conception italienne des formes et de l’espace intégrant la perspective florentine comme dans son Saint Jérôme dans son étude (National Gallery Londres) (1474-1475) reprenant ainsi un thème inventé par Van Eyck et traité par Colantonio.

La Vierge de l’Annonciation

La Vierge de l’Annonciation - Palais Abatellis Palerme (v. 1475).
La Vierge de l’Annonciation – Palais Abatellis Palerme (v. 1475).

La Vierge de l’Annonciation ou Maria Annunziata (v. 1475) huile sur toile 45 x 34,5 cm de la Galerie Régionale de Sicile (Palais Abatellis), montre, sur un fond sombre soulignant l’effet de la lumière sur le visage, la figure idéalisée de la Vierge bien différent des portraits d’individus aux expressions psychologiques volontairement marquées. L’attitude de Marie à l’annonce de l’ange Gabriel comporte trois temps: un trouble initial ou conturbatio retrouvé dans de nombreuses Annonciations, puis une incertitude dubitative suivie de l’acceptation sereine avant que l’ange ne la quitte. Antonello nous montre une Vierge restée seule et apaisée, Vergine Annunziata, après l’annonce du messager divin ; le souffle d’air, le « vent du message » soulevant les pages du livre d’heures sur un petit lutrin, suggère la porte par laquelle l’ange annonciateur, Angelo Annunziante, est entré puis reparti.

Conformément à sa tendance à styliser les objets, Antonello nous montre, en forme de cône, le manteau bleu de la Vierge dont elle maintient un pan sur son décolleté à rapprocher du réflexe initial de frayeur. L’ « exquise Vierge au voile bleu » est légèrement de biais et sans auréole, contrairement à une autre Vierge d’Annonciation peinte deux ans plus tard (Alte Pinakothek de Munich) ; son visage « renfermé sur son secret bienheureux » présente « la pureté absolue de l’ovale ».

Le portrait du marin inconnu

Le portrait du marin inconnu - Musée Mandralisca Cefalù (v. 1470).
Le portrait du marin inconnu – Musée Mandralisca Cefalù (v. 1470).

Le portrait du marin inconnu (v.1470) ou ritratto d’Ignoto (huile sur toile 31×24,5 cm) du musée Mandralisca de Cefalù fut rapporté, d’après Consolo, de Lipari par le baron Enrico Mandralisca di Pirajno (1809-1864) après que la fille de l’apothicaire Carnevale eut lacéré le tableau, au poinçon d’agave, car elle était « agacée par l’insupportable sourire de cet homme » ; des balafres sont encore visibles sur les yeux et la bouche bien que le tableau ait été restauré à plusieurs reprises. La provenance insulaire a contribué au qualificatif de marin bien que ceci soit très incertain car les tableaux « de genre » n’étaient pas encore d’actualité ; en tout état de cause il s’agissait probablement d’un personnage aisé. En l’occurrence, l’effet de contraste est saisissant entre le noir et le blanc de la chemise et du revers du justaucorps et la subtile transition du bonnet noir sur fond noir, nero su nero.

Ainsi, Antonello attire notre attention par l’acuité du regard du personnage avec une touche d’ironie et d’autodérision. Le sourire narquois avec « l’expression du visage à jamais fixée dans le froncement subtil, mobile, fugitif de l’ironie » est à rapprocher de certains nus masculins ou kouros de la Grèce archaïque et a pu être interprété comme sardonique ou « de fripon » mais aussi comme une marque d’intelligence témoignant d’une supériorité culturelle ou sociale, « la duplicité des propriétaires de latifundia ». La bouche reste fermée et il faudra attendre Le portrait de jeune homme (Gemäldegalerie Berlin) réalisé par Antonello en 1474 à Venise pour voir, pour la première fois, s’entrouvrir les lèvres comme le « oui hors de la bouche qu’il aurait fallu les yeux pour l’entendre » de la Divine Comédie de Dante.

Le portrait de Cefalù , unique exemple en Sicile et considéré comme le plus ancien du grand maître bien que non signé ni daté, avec le caractère particulièrement innovant du sourire, s’inscrit dans une série de portraits peints par Antonello; il s’agit constamment d’hommes anonymes représentés en buste très court sur fond noir, la lumière les éclairant de face, tournés de trois-quarts vers la gauche du spectateur qui est, où qu’il se trouve, fixé avec une intensité remarquable.

L’art du portrait, une place ambiguë au sein de la hiérarchie des genres

Le premier exemple connu depuis l’Antiquité d’un portrait peint indépendant est celui de Jean le Bon (1319-1364), futur roi de France venu rendre visite au pape en Avignon en 1349 avant d’accéder au trône ; il s’agit d’un portrait de profil strict d’un peintre anonyme faisant peut-être partie de sa suite, mais on y trouve un désir d’expressivité d’inspiration italienne à rapprocher de la présence, peu de temps auparavant en Avignon, du grand peintre siennois Simone Martini (1284-1344).

Jusqu’au début du XVe siècle, les rares portraits ne concernent que des personnes de grande notoriété représentées de profil sur le modèle des monnaies romaines, seul le divin étant représenté de face. Au milieu du XVe siècle s’impose un art réaliste du portrait d’origine flamande, en buste et de trois-quarts, se substituant aux profils hérités de la numismatique antique puis du Gothique international. Dès lors le portrait prend toute son importance avec Antonello de Messine et ses déviations accentuées du regard interpellant le spectateur.

Après la mort prématurée d’Antonello à Messine, son fils Jacobello dirige l’atelier de Venise puis suivent des apparentés de telle sorte qu’à la fin du XVe siècle une abondance de peintures aboutit à « un mélange d’antonellisme et de vénitianisme » sous l’impulsion de Giovanni Bellini anticipant les portraits de Giorgione (1478-1510) et du Titien (v. 1485-1576) à rapprocher de ceux empreints de plus d’autorité de Léonard de Vinci (1452-1519) et d’Albrecht Dürer (1471-1528), l’un et l’autre ayant pu rencontrer Giorgione lors de leurs séjours respectifs à Venise, ouvrant ainsi la voie à la grande peinture européenne.

Remerciements au Dr Philippe Rouesnel pour sa visite guidée de Sicile

(1) « Vêpres siciliennes » : révolte populaire contre la domination féodale du roi d’origine française Charles d’Anjou, survenue à Palerme et Corleone, le mardi de Pâques 31 mars 1282. À la suite du massacre des Français, les Siciliens se libèrent du joug angevin en passant sous la protection du roi d’Aragon.

(2) gonfalone : tabernacle à faces peintes porté en procession 

(3) galéasse : grosse galère vénitienne

 Bibliographie

– Consolo V. Le sourire du marin inconnu. Grasset 2010

– Dal Pozzolo E.M. Giorgione. Actes Sud 2009

– Fernandez D. Le Radeau de la Gorgone. Promenades en Sicile. Photos de Ferrante Ferranti. Le Livre de Poche 1989.

– Laneyrie-Dagen N. Le métier d’artiste dans l’intimité des ateliers. Larousse 2012

– Lucco M. Antonello de Messine. Hazan 2011

– Panofsky E. Les Primitifs flamands. Hazan 2012

– Ratzinger J – Benoît XVI. L’enfance de Jésus. Flammarion 2012

– Steer J. La peinture vénitienne. Thames & Hudson 1990

– Vasari G. Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes. Commentaires d’André Chastel. Acte Sud 2005

– Veyne P. Mon musée imaginaire ou les chefs-d’œuvre de la peinture italienne. Albin Michel.




L’éducation thérapeutique du patient

C’est un lieu commun que d’écrire que l’éducation thérapeutique (ETP) a le vent en poupe, même si, sur le terrain, sa pratique laisse souvent à désirer faute de temps, de moyens, ou plus simplement d’un manque de formation adéquate ; et, comme l’écrit fort justement l’auteur, « le fait pour un soignant de développer une dimension éducative le dérange dans ses procédures habituelles de soin, et peut même engendrer burn out et turn over ».

generisches buch 1381 – L’auteur, Catherine Tourette-Turgis, enseignante, qualifiée Professeur des Universités, dirige le master en éducation thérapeutique à l’UMPC-Sorbonne Universités où elle a fondé en 2009 l’université des patients.

Chercheur au centre de recherches sur la formation au Conservatoire National des Arts et Métiers, elle a enseigné à l’université de Berkeley en Californie où elle a vécu plusieurs années.

Engagée dans la lutte contre le sida dès 1984, spécialiste de l’observance thérapeutique, elle en est devenue l’un des experts nationaux et internationaux.

La première partie de l’ouvrage décrit les enjeux sociaux et théoriques de la reconnaissance de  l’expérience des malades et interroge les constructions théoriques sur la catégorisation de l’expérience de la maladie.

La deuxième partie décrit la complexité du travail conduit jour après jour par les sujets en soin.

Dans la troisième partie, l’auteur, s’appuyant sur sa pratique d’accompagnement et de formation, veut montrer comment la maladie est l’occasion d’un redéploiement du sujet qui se trouve transformé par l’expérience vécue.

La dernière partie entre encore un peu plus dans le concret, s’attachant à formuler des propositions innovantes « pour faire évoluer les pratiques de l’ETP ».

En fait, ce livre fourmille d’idées nouvelles, tout au moins en France, sollicitant entre autres l’expertise de l’expérience des malades validée au sein de cette université des patients créée par l’auteur, en encourageant la prise en compte des savoirs du malade dans les politiques de soin.

Au total, il s’agit d’un ouvrage d’une haute tenue que les cardiologues, comme tous les praticiens désireux d’élever leur niveau de réflexion, se doivent de lire.

Auteur : Catherine Tourette Turgis

Editeur : De Boeck

Format : 160 x 240 mm

Pagination : 168 pages

Prix public : 19,00 €

 




Chateauneuf-Du-Pape : Les Arpents des Contrebandiers 2011

Quoiqu’en pensent certains, les guides œnologiques peuvent être sacrément utiles. Ainsi je n’aurais jamais songé à goûter les vins du Mas Saint-Louis, si la dernière parution du Bettane et Desseauve n’avait consacré « révélation de l’année » ce domaine constitué il y a plus de 100 ans par Jean-Louis Geniest.

379 – Il fit l’acquisition en 1909 de la maison vigneronne en plein cœur de Châteauneuf, pour y vinifier les récoltes produites par ses parcelles situées autour d’un vieux mas qui allait donner son nom au domaine et qui, encore maintenant, sert de chai d’élevage. Son petit-fils Louis acquit, au fil des ans, de nouvelles parcelles de vignes, regroupa certaines par des échanges et aboutit ainsi à un domaine homogène de plus de 30 ha d’un seul tenant autour du mas. Jusqu’à ces dernières années, ce vignoble restait ultraconfidentiel, les propriétaires successifs négligeant toute publicité, ne présentant jamais leurs vins, ne recherchant ni notation, ni louange des critiques, se contentaient d’une clientèle fidèle, mais vieillissante.

Au décès de son mari il y a 5 ans, Monique Geniest, pourtant octogénaire, décida de tout restructurer avec l’arrivée de son neveu, Vincent Tramie, s’entourant d’une équipe jeune, motivée et compétente. Les installations sont rénovées : mise en place de cuves béton neuves, acquisition de barriques et de mi-muids permettant une vinification par parcelles, dosage de l’extraction, affinage de l’élevage. Bien lui a prît ! Le terroir au sud-est de Châteauneuf, sur la partie basse de l’appellation, est sous-estimé par les spécialistes, mais les sols sablonneux, les terrasses de galets roulés, les strates de mollasse burdigalienne se révèlent idéaux pour la réalisation de grands vins.

La culture traditionnelle, mais raisonnée, limite considérablement l’utilisation des produits chimiques. Les grenaches sont taillés en gobelet, les syrahs soigneusement palissées. Un ébourgeonnage important, des vendanges au vert, s’il n’y a pas de coulure, limitent les rendements aux alentours de 25-30 hl/ha. Lors des étés trop secs, une irrigation au goutte à goutte préserve la vigne. Les vendanges totalement manuelles, dont la date soigneusement choisie sur des critères stricts, sont régulièrement tardives de façon à obtenir la maturité optimale des raisins, dont le tri très attentif s’effectue lors de la cueillette. Les raisins sont foulés, avant d’être chargés vers de vastes cuves béton qui, pour les élaborateurs, assurent une meilleure maîtrise thermique pour les fermentations qui se prolongent sur un mois avec trois délestages, des pigeages et remontages biquotidiens permettant une extraction optimale. Le pied de cuve est constitué par des raisins non égrappés représentant 10 % du total. L’élevage en demi-muids et barriques de chêne français s’étend, pour la cuvée 2011, sur neuf mois. Lors de la mise en bouteille, filtrage léger, sans collage.

Surprenant et charmant

La cuvée, les Arpents des Contrebandiers, assemblant 75 % de grenache, 15 % de syrah, quelques pincées de cinsault et mourvèdre, est issue de vieilles vignes, 50 ans de moyenne, sur des parcelles privilégiées des lieux-dits, la Côte et la Lionne, dont le terroir particulier procure des intensités colorantes et aromatiques remarquables.

Ces Arpents 2011 s’avèrent d’emblée surprenants, car ce vin se présente « masqué », pour déconcerter et charmer le dégustateur : première impression d’un grand pinot bourguignon, puis arômes d’une noble syrah (pourtant minoritaire dans l’assemblage) du Rhône septentrional. La robe intense et vive d’un grenat profond révèle des nuances pourpres avec une pointe orangée. Le nez découvre des flagrances florales de tubéreuses, d’iris, de pivoine, fruitées de cerises noires, griottes. Les épices, réglisse, poivre blanc, forment une séduisante aromatique. Sur le palais, ce vin apparaît élégant et profond avec une délicieuse délicatesse. La belle harmonie entre fruit, alcool et sucre, l’équilibre sans aucune note d’élevage, la finesse et le soyeux des tanins, la texture solide, quoique légère, la longueur dévoilant « in fine » des arômes de truffes, de fruits noirs confiturés, transportent d’enthousiasme.

Et, pour comble de plaisir, les tarifs incroyablement modestes, aux alentours de 20 euros pour cette cuvée, la positionnent comme un des meilleurs rapports qualité/prix de toute la vallée du Rhône.

Un vin d’hiver par excellence

Le Châteauneuf-du-Pape, par la chaleur que lui transmet sa force alcoolique, 14°5 en l’occurrence, est un vin d’hiver par excellence restituant le soleil reçu pendant l’été. Il se magnifie donc avec des plats riches et puissants en goût : pavé ou queue de bœuf sauce marchand de vin, bœuf bourguignon. Dans sa prime jeunesse, il accompagnera agréablement : confits, canard braisé aux navets, pieds paquets, tout comme les saveurs épicées et pimentées des tajines. Bien-sûr, les châteauneufs ont besoin de vieillir, pour exprimer leur race, mais ces Arpents 2011 du mas Saint-Louis ont déjà cette opulence, ce moelleux, ces notes poivrées et truffières qui leur font épouser avec délice, truffes sous la cendre, œufs brouillés aux truffes et, pour vos réveillons futurs, un chapon ou une dinde rôtie aux truffes. Les partenaires privilégiés de cette cuvée restent les gibiers plutôt à poils qu’à plumes : gigue de chevreuil sauce grand veneur, côtes de sanglier aux poires, civet de lièvre, dont le goût très fort et la sauce liée au sang sont adoucis par la finesse des tanins. L’accord suprême se fera avec un lièvre à la royale, dont la sauce tournée au foie gras sublimera l’onctuosité du vin. Les notes bourguignonnes de ce vin permettent un bel accord avec les fromages affinés de Bourgogne, tels qu’époisse, citeaux, ami du chambertin.

Alors oui, quelle merveilleuse découverte ou inconnue, pour plagier les experts, que ce mas Saint-Louis, profitez-en avant qu’il ne devienne introuvable !

Chateauneuf-Du-Pape : Les Arpents Des Contrebandiers 2011 – Mas Saint-Louis 84230 Chateauneuf-Du-Pape




La mort peut attendre : un grand chirugien se confesse

Derrière ce titre à la James Bond se cache un ouvrage sensible, émouvant et d’une exceptionnelle gravité puisqu’il met en scène le rôle du médecin, et au-delà, du monde des soignants, face à l’évolution la plus redoutable et inéluctable des maladies qu’est l’issue fatale.

generisches buch 1379 – L’auteur, le Professeur Maurice Mimoun, dirige le service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique et le centre des brûlés de l’hôpital Saint-Louis à Paris ; il avait commencé à écrire un livre sur l’euthanasie, quand un drame, un cancer survenu chez l’un de ses amis âgé de 40 ans, a bouleversé ses repères et modifié encore un peu plus sa réflexion.

En racontant l’histoire de cet ami, et celles de plusieurs autres patients atteints de cancer, grands brûlés ou en fin de vie, le Pr Mimoun choisit de dévoiler son expérience exceptionnelle, son ressenti, voire son désarroi devant les situations où le pronostic, les statistiques, le savoir médical sont en déroute. Et c’est là que le médecin, à son corps défendant, se retrouve confronté à des situations difficilement tenables, où il doit tenir tour à tour le rôle de l’ami, du thérapeute, du soutien psychologique, voire du menteur patenté.

Jusqu’au moment où survient, inéluctable, le débat sur l’euthanasie, euthanasie active, euthanasie passive, que l’auteur refuse de différencier, et, sans grande hésitation – apparente du moins – refuse d’envisager comme un moyen d’action (« combien d’euthanasiés ratés cultivent, heureux, leur jardin ? »).

Le style est alerte, clair, concis, le livre est émouvant et se lit comme un roman ; mieux, le lecteur, malgré la gravité du sujet, ne se sent ni désemparé ni même déprimé, quand il arrive à son terme.

On voit bien que le Professeur Mimoun aime les gens.




Les lécythes funéraires attiques à fond blanc

Les lécythes funéraires à fond blanc sont des vases à parfum, spécifiques de l’art grec. Ils se caractérisent par leur fragilité et la finesse des scènes peintes et offrent la possibilité d’entrevoir la décoration murale dont nous ne conservons aucun élément.

Vases
Le lécythe se caractérise par une forme allongée, une panse cylindrique où est peinte la scène, une épaule plate, généralement ornée d’un motif à palmettes, un col étroit, une embouchure étroite et évasée, avec un petit pied. Il mesure en règle générale autour de 30 à 50 cm, mais peut atteindre jusqu’à 1 mètre (fin du Ve siècle), et est doté d’une embouchure amovible. Souvent réalisés sur commande, ils étaient utilisés une seule fois, soit mis dans la tombe après décès, soit sur la tombe lors des visites régulières des proches expliquant les thématiques représentées. On y versait des huiles pour parfumer la tombe

379 – Les lécythes ont été produits et utilisés sur une période limitée du début de la période classique (vers 480-470) jusqu’à la fin du Ve siècle, l’apogée de leur production se situe vers 430-420 av. J.-C. Selon J. Boardman « au début de la période classique, le fond blanc comme technique et la forme lécythe furent étroitement associée même si d’autres formes furent décorées de fond blanc ».

Une destination funéraire

Les premiers lécythes à fond blanc sont ornés de figures noires (vers 620- vers 530) puis de figures rouges (apparaissant vers 530/25/00). Le Ve siècle voit apparaître leur destination presque exclusivement funéraire comme le montre leur décoration. Ils sont de fabrication en majorité attique.

Limités dans quelques sites, ces vases n’ont pas eu une diffusion importante. Leur disparition progressive à la fin du Ve siècle est sans doute le fait d’une demande moins importante, favorisée par la défaite d’Athènes lors de la guerre du Péloponnèse.

Un fond blanc avec rajouts de couleurs

La technique du fond blanc n’est pas une exclusivité du lécythe, on la retrouve à l’intérieure de coupes, sur de grands cratères en figures noires comme en figures rouges. Vers la fin du Ve siècle, des lavis de couleurs sont rajoutés, ce qui deviendra l’une des caractéristiques des lécythes ultérieurs.

Il ne reste souvent que les contours, la couleur ayant disparu au cours du temps. La couverte blanche des lécythes attiques est d’une couleur laiteuse, parfois blanc neige, peu luisante, fragile souvent craquelée. La pâte est fine et tendre, facile à rayer au couteau, à base d’argile blanchâtre kaolinique. La panse, le pied, l’anse, le goulot avec le couvercle sont fabriqués à part. Après séchage à l’air (ou très légère cuisson), les lécythes reçoivent deux enduits, l’un blanc sur la panse, l’autre noir, puis toute la surface est polie. Les artistes ne se servaient pas de calque.

Ils réalisaient une esquisse au moyen d’un crayon à pointe fine, de couleur grise ou bleuâtre. A l’aide d’un pinceau très fin, imprégné de couleur (noir, jaune, rouge), le peintre dessine le contour des personnages, puis indique les détails anatomiques et les plis des vêtements en utilisant une grande variété de couleurs et de nuances (élargissement de la palette vers 450 av. J.-C.). Le motif de la grecque, généralement noir ou jaune rehaussé de noir, et des languettes de couleur noire disposées autour de la base du col complètent la décoration.

Des scènes variées liées au contexte funéraire

lecythe3_600Toutes les phases des funérailles sont plus ou moins figurées. La figure centrale est habituellement un monument funéraire sous diverses formes, le plus souvent un pilier reflet de la stèle présente sur la tombe. Il est enrubanné, et le témoin des visites rendues au mort, parfois sculpté, ailleurs surmonté d’une lyre, d’une coupe, etc. Les auteurs considèrent qu’ils seraient une représentation fidèle de stèle en bois. L’exposition du mort, le prothésis, n’est autre que le cadavre étendu sur son lit, les yeux clos la bouche entrouverte, en fait relativement rare. Il s’agit soit d’un homme, soit d’une femme.

Le transport du corps, enveloppé dans un linceul, aux enfers par les jumeaux ailés ou non Hypnos (le Sommeil souvent doux et imberbe) et Thanatos (la Mort, souvent rude et barbu) parfois en présence d’Hermès coiffé du pétase, vêtu d’une chlamyde, assurant le rôle de psychopompe (conducteur des âmes) et de Charon dans sa barque avec sa perche.

lecythe4_600Dans Les scènes d’offrandes, des personnages généralement debout tiennent des objets dans leurs mains (bandelettes et couronnes, vases à parfums, objets de toilette, oiseaux, fruits et libations). Ils s’avancent vers la tombe sur laquelle on peut voir parfois des lécythes. C’est une forme de visite, de culte rendu au mort.

La tombe peut être soit signalée par une stèle, soit par un monticule élevé au-dessus de la fosse et sur lequel est posé un vase. A l’époque archaïque les tombes étaient indiquées par des amphores ou des cratères monumentaux que l’on a retrouvés au cimetière du Céramique telle l’amphore dite du Maître du Dipylon.

Les artistes

Le peintre Achille (actif entre environ 460 et 430 avant J.-C.), le peintre de Thanatos (actif entre 445 et 425 avant J.-C.) peut-être l’élève d’Achille, le peintre des Roseaux, sont les décorateurs les plus renommés. Le peintre des Roseaux, actif entre 430 et 400 av. J.-C., est le chef de file du groupe R qui provient du mot Reed (Roseaux) car souvent représentés sur les vases de sa main. Citons également le peintre de Bosanquet, le peintre des Oiseaux, le peintre de la Femme…

Les lécythes funéraires attiques à fond blanc déposés sur les tombes, notamment à la fin du Ve siècle en devenant monumentaux, sont une réminiscence des amphores et cratères qui signalaient les tombes à l’époque archaïque, remplacés ensuite par des stèles. L’ajout de lavis de couleurs, la richesse des nuances, la qualité du dessin, sont les nouveautés observées dans la céramique du Ve siècle av. J.-C..

Ils sont un témoignage de ce que pouvaient être les décors à fresques muraux. La défaite d’Athènes annonce « le déclin de l’artisanat et un retour à un art plus sobre  moins ambitieux même si certains artistes étaient encore capable de produire des chefs d’œuvres » (.J Boardman).

 

Bibliographie

– Holtzmann B., Pasquier A., l’art Grec, histoire de l’art antique. Ed RMN. 2011.

– Martin R., l’art grec. Ed. Le Livre de Poche, la Pochothèque. 1994.

– Schefold K., La Grèce classique. Ed. Albin Michel. L’art dans le monde 1965.

– Boardman J., les vases athéniens à figures rouges, la période classique. Ed. Thames & Hudson, l’univers de l’art. 2000.

– Pottier M. E., Lécythes à fond blanc et à fond bistre du cabinet des Médailles. Ed. A Lévy. 1885.

– Pottier M. E., les lécythes blancs attiques à représentations funéraires. Ed. La Librairie des Ecoles françaises d’Athènes et de Rome du Collège de France et de l’Ecole Nationale supérieure. 1883.

– Pottier E., Étude sur les lécythes blancs attiques à représentations funéraires. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 8, 1884. pp. 223-224.

– Collignon M., Deux lécythes attiques à fond blanc et à peintures polychromes (Musée du Louvre et musée archéologique de Madrid). In: Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, Tome 12, fascicule 1, 1905. pp. 29-54.




Comprendre le net [Partie II] : Le réseau Internet

Tout a commencé en 1972 lorsqu’un chercheur américain, Robert Kahn, a parlé la première fois d’internetting lors de la première conférence internationale de communication par ordinateur. Le mot internet est devenu officiel en 1983 pour désigner un ensemble de réseaux informatiques appelé Arpanet d’où sont nés différents protocoles afin de les relier entre eux. Ces protocoles ont évolué pour permettre une vaste communication entre tous ces réseaux, formant une formidable toile (1) d’araignée, sans centre névralgique, composée de millions de réseaux publics, privés, commerciaux, gouvernementaux,… eux-même regroupés en 47 000 réseaux autonomes.

La base de ces protocoles a été le TCP (2) qui a permis l’évolution des réseaux et popularisé par l’apparition du world wide web (www). Puis le protocole IP (3) est apparu, donnant les informations d’adresse de l’expéditeur et du destinataire.

Mais pour le grand public, il en fallait plus, est donc venu en 1996 le http (4) qui reliait le monde des adresses web avec le langage html (5), en d’autres termes de regarder des pages web. Tous ces noms, devenus familiers sans en connaître réellement les principes, ont finalisé cette formidable création technique humaine du XXIe siècle.

L’évolution…

La popularisation de l’internet a donné naissance à une multitude de développeurs et les demandes en matière de besoins étaient immense. Sont nés les protocoles IRC pout discuter en direct (Skype, Viber…), FPT pour faire des transferts de fichiers (Dropbox, Transfertnow, Yousendit…), puis d’autres après qui ont rendu le réseau accessible à la planète entière.

… et la révolution

Internet a permis de développer des sociétés qui n’auraient jamais vu le jour autrement et qui se sont développées de manière exponentielles. Les principales sont les « Big four » avec Google  (créée en 1998 dans un garage, 50 000 employés et une valorisation de 107 milliards $), Apple (créée en 1976 dans un garage et une valorisation de 680 milliards $ [6]), Facebook (créée en 2004 à l’université Havard et une valorisation de 180 milliards $) et Amazon (créée en 1994, plus de 50 000 employés et une valorisation de 172 milliards $). Ces chiffres vertigineux sont le reflet de l’engouement que le monde a eu sur l’internet depuis quinze ans et le changement radical des rapports humains, tant social que comportemental, mais aussi polique et commercial, ce qui sera développé dans notre prochaine partie.

Les chiffres

(1) d’où le nom de web en anglais

(2) TCP :Transmission Control Protocol

(3) IP : Internet Protocol

(4) HyperText Transfer Protocol

!5) Hypertext Markup Language

(6) International Business Times 13-11-2014




La villa romaine du Casale

Inscrite depuis 1997 sur la World Heritage List de l’UNESCO, cette majestueuse résidence de l’époque impériale romaine est réputée pour ses mosaïques. Située au cœur de la Sicile dans la province d’Enna, à Piazza Armerina, La construction de cette villa remonte au IVe siècle après J.-C.

378 – Un peu d’histoire

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La villa fut construite à la fin de l’Empire romain, sur les bases d’un édifice rural (sans doute une ferme) plus ancien, datant de la fin du 1er siècle après J.-C. La stratigraphie confirme qu’elle fut occupée jusqu’à la période de la Tétrarchie, à la fin du IIIe siècle. Elle appartenait alors à Maximien Herculius (1) et fut détruite au début du IVe siècle par un tremblement de terre. A la mort de Maximien en 310 après J.-C., elle passa probablement à son fils tué à la bataille du Pont de Milvius près de Rome en 312 apr. J.-C. La date de la construction de la villa actuelle oscillerait entre 310 et 340 apr. J.-C. Le nom de son propriétaire reste méconnu, mais étant donné la superficie des ruines et la qualité des structures, elle fut édifiée soit sous les ordres d’un membre de l’aristocratie romaine (préfet de Rome ?), soit par un riche terrien. La villa fut occupée au cours de l’invasion arabe du IXe siècle et finalement détruite par le souverain normand de Sicile, Guillaume Ier le Mauvais, vers 1155.

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Les premières fouilles datent de 1820 suite à la découverte occasionnelle de colonnes antiques. En 1919 on découvre le premier morceau de mosaïque. En 1929, puis dans la seconde moitié des années 1930 et enfin au cours des années 1950, sous la direction du Professeur Gentili, furent trouvées plus de 40 mosaïques polychromes sur près de 3 500 mètres carrés de superficie.

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Des mosaïques polychromes d’une rare beauté

La situation de la villa aux pieds du Mont Mangone explique sa construction en terrasses formée de quatre groupes :

1/ l’entrée principale, la palestre ovale et les thermes (frigidarium, tépidarium et trois caladaria). Un aqueduc alimentait directement les piscines.
2/ Le péristyle dont le centre est occupée par une fontaine, aux salles servant de chambres, de salles de séjour, de réceptions.

3/ Les pièces privées et la grande basilique.

4/ Le triclinium avec des absides sur trois de ses côtés et  la cour elliptique.  De tels regroupements, qui formaient un unique corps dans l’édifice, servaient aux différentes fonctions nécessaires au déroulement de la vie  quotidienne, à l’hospitalité et aux réceptions.

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Les mosaïques couvrant le sol des salles sont visibles grâce à un système de passerelles très élaboré. Multiples sont les thèmes représentés : mythologie, chasse, flore et faune, scènes domestiques, etc. Les colonnes et les murs de la villa étaient également décorés de stucs peints, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Les salles et piscines des thermes sont décorées de mosaïques représentant des serviteurs préposés aux massages et onctions après le bain, ailleurs, une scène de mer avec des petits amours pêcheurs, des tritons, des centaures et montres marins. Une course de chars au cirque Maximus de Rome, avec les quadrilles de quatre factions, anime le sol de la palestre.  La course est gagnée par la faction bleu foncé, l’aurige a déjà devant lui la palme de la victoire offerte par un magistrat en toge. Le péristyle  (cour entourée d’un portique aux colonnes de marbre surmontées de chapiteaux ioniens) est entouré de salles couvertes de mosaïques à sujets divers (vestibule : personnages avec candélabres et rameaux d’olivier accueillant le visiteur, salles avec dessins géométriques, salle dite des danses avec une jeune fille dont le voile se soulève aux mouvements de danse, salle des saisons présentées dans des cercles géométriques, salle des petits amours pêcheurs, salle dites de la petite chasse, tableau pittoresque de la vie noble). En face de la grande basilique (vaste salle de réception pavée en marbre), le promenoir de la grande chasse (capture des fauves transportés à Rome) a deux exèdres à ses extrémités.

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La mosaïque de la salle des dix jeunes filles en « bikini » est l’une des plus célèbres. Selon le Professeur Gentili, leurs attitudes correspondraient à des exercices de gymnastique (lancement de disque, course, saut, etc.). A côté et attenante, la salle dite de la Diète d’Orphée,  avec une statue en marbre  copie de l’Apollon de Praxitèle, montre Orphée jouant de la cithare  charmant tout ce qui l’entoure… La cour elliptique entourée d’un portique où il y avait deux fontaines donne accès au triclinium décoré des travaux d’Hercule (de style baroque, violent presque barbare) avec des scènes mythologiques dans les trois absides.

Cette description succincte permet d’entrevoir la qualité du travail des mosaïstes (deux ?) qui ont travaillé dans la villa, des artistes venus des grands centres portuaires du Nord de l’Afrique (Carthage, Hippone, Caesarea) du fait du style des scènes  figurées. Elles constituent le plus extraordinaire document d’ensemble sur l’art de la mosaïque africaine du Bas-Empire.

Christian Ziccarelli




Comprendre le net [Partie I] : Les réseaux sociaux

Lancés pour les premiers en 2003, les réseaux sociaux connectés n’ont cessé de prendre de ampleur ces dernières années. Chaque personne, chaque communauté ou chaque entreprise peut y poster ses messages, que ce soit dans un but d’information, de marketing… ou de propagande. Tout y est.

378 – Sur les 3,025 milliards d’internautes à travers le monde, 2 milliards sont actifs sur les réseaux sociaux, soit 68 % des internautes et 28 % de la population mondiale, ce qui est considérable. Le plus connu, Facebook, en a le monopolise. Suivent Google+, YouTube et Twitter.

Les réseaux sociaux sont des espaces de liberté où chacun peut communiquer, découvrir ou s’épanouir. Il existe pour cela une quantité de réseaux différents où chacun peut y trouver son compte  et le temps à y consacrer (2 heures par jour dans le monde et 1 h 30 en France. Certains regroupent des amis (de la vie réelle), d’autres aident à se créer un cercle de relations, à trouver des partenaires commerciaux ou un emploi. D’autres réseaux sociaux se concentrent sur la découverte et le partage de contenu de loisirs, tel que StumbleUpon ou Reddit pour les pages web, 500px ou Pinterest pour les photographies.

La liberté d’expression

De cette liberté totale du net, tout peut y être colporté, échangé et diffusé, du simple post au message graveleux. La communication des réseaux est devenue la principale source des échanges mondiaux de diffusion. La pénétration des réseaux dans certains pays (tableau ci-dessous) est intéressante et reflète insidieusement la philosophie du net : le partage des idées. Elle peut être soit due à une forme de répression (Chine), soit à un  manque de moyens (Nigéria), soit culturel (Japon, Corée du Sud).

Enfin, pour d’autres, les réseaux sociaux sont une source de déchaînement de violence et de haine qui attise un vivier de prospects. Les récents événements survenus en France ont fait réagir le Gouvernement qui est en train de réfléchir à une action de prévention, car dans la pratique, c’est la directive européenne du commerce électronique qui a fixé les règles du jeu : la suppression des contenus illicites n’a lieu qu’après signalement (1), sans pour autant aller dans le sens des Etats-Unis qui opteraient pour une surveillance en temps réel (2), mais aussi d’analyses, car il s’agit de faire toute la différence entre propos humoristiques et sarcastiques.

(1) HAROS, la Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements permet de signaler les comportements illicites sur internet.

(2) France-Info – 4-06-14

 

Les principaux réseaux sociaux

Nombre d’utilisateurs (en millions)

Facebook (amis, collègues de travail et relations diverses) : 1 350

YouTube (vidéos) : 1 000

Twitter (plate-forme de microblogage) : 500

Google+ : 340

LinkedIn (réseau professionnel) : 200

Tumblr (plate-forme de microblogage) : 166

Instagram (service de partage de photos et de vidéos) : 100

Pinterest (outil de découverte par l’image) : 60

Viadeo (réseau professionnel) : 60

Reddit (site web communautaire de partage de signets) : 43

MySpace (spécialisé dans la musique et la vidéo) : 24

EntreNousNetwork (réseau de relations)

SoundMeet.net (site de rencontres par affinités musicales

Identi.ca (plate-forme de microblogage)

Mupiz (destiné à trouver des musiciens)

The_Changebook (réseau social alternatif)

Blupps (réseau social de proximité immédiate)

Pheed (réseau social gratuit pour les esprits libres)

StumbleUpon (système de recommandation web)

500px (partage de photos)…

Source blog du modérateur

Ces chiffres sont donnés à titre indicatif.




Chablis 1er cru butteaux 2012 – Domaine Pattes-loup

Les arbres perdent leur feuillage roux, les vignes frissonnent, l’hiver approche… La saison appelle à savourer ce Chablis voluptueux et chaleureux de Thomas Pico.

Vin300378 – Force est de reconnaître qu’à part quelques grandes stars, Dauvissat (Le Cardiologue 226), Raveneau, Fèvre, les vignerons chablisiens, ronronnant sur le succès de l’appellation, ne livraient pas tout leur potentiel, se contentant d’un style plus proche de l’agriculture mécanisée et chimique industrielle que de celui de la petite viticulture artisanale.

Thomas Pico, jeune trentenaire, est le parfait exemple du renouveau audacieux d’un vignoble encore trop conventionnel. Tout seul, il crée en 2006, le domaine Pattes-Loup, nom judicieux dans la bergerie chablisienne. Sa première décision fut de ne rien faire comme les autres vignerons de l’appellation : conduite du vignoble en bio, travail des sols enherbés, maîtrise des rendements, rejet de la machine à vendanger.

Il a multiplié par quatre ses 2,5 ha initiaux grâce aux transferts de vignes appartenant à son père, lui-même viticulteur traditionnel. La construction toute récente d’un nouveau chai permet un travail par gravité limitant les pompages.

Les vignes du 1er cru Butteaux, pour certaines plus que cinquantenaires, poussent le long de la grande côte de Montmains (dont il est une sous-appellation) à 160 m d’altitude, en exposition sud-est, bien ventilées, sur des sols d’argiles brunes reposant sur le fameux calcaire du kimméridgien.

Un travail respectueux de la nature

La viticulture biologique certifiée exclut tout intrant chimique, nécessite des tailles raisonnées, des effeuillages et palissages très soignés. Au printemps, les ceps sont buttés.

Les vignes sont enherbées et labourées à la charrue, car, pour le viticulteur, l’herbe maîtrisée permet de pomper l’humidité, évite la pourriture et l’érosion des sols.

Les vinifications sont les plus naturelles et les moins interventionnistes possibles. Les raisins, récoltés manuellement, soigneusement triés sur table, sont pressés, les moûts envoyés en fermentation naturelle sur fûts ou cuves inox, sans aucun ajout de levures. Les fermentations alcooliques et malolactiques quasi simultanées peuvent être longues au rythme de la nature.

Ce travail à haut risque nécessite un suivi ultra-rigoureux de l’acidité volatile, pour calculer l’utilisation, souvent infinitésimale, du soufre, afin d’assurer la stabilité du vin, sans en altérer sa pureté. La cuvée Butteaux est élevée sous bois, avec 40 % de neuf pour le 2012, pendant 1 an, puis 6 mois en cuve, avec un soutirage entre les deux. Mise en bouteille, sans collage, ni filtrage.

Habillé d’une robe jaune or pâle, élégante, brillante, teintée de reflets de chrysolite, ce Butteaux 2012 dévoile, au nez, une intensité aromatique magnifique de citron confit, de poire mûre, de fruits exotiques, rehaussée par des touches miellées et safranées.

La bouche est envahie par une matière voluptueuse, veloutée, séveuse avec des saveurs minérales de craie et de pierre mouillée tempérées par une fraîcheur vivifiante de pamplemousse, conjuguées à des arômes très murisaltiens de beurre et toast grillé.

Cette fusion entre le gras, le fruit juteux, la fraîcheur, la minéralité se retrouve dans la longue finale tendue, saline, vibrante d’intensité.

Un vin gastronomique

Ce 1er cru de Chablis, même encore dans les limbes, appelle des plats de gastronomie. Carafez-le actuellement et encore pendant quelques années, commencez les agapes par l’apéritif sur quelques dés de comté et des gougères. Il s’épanouira ensuite avec les classiques : sole meunière, quenelles de brochet Nantua, huîtres chaudes au gratin. Mais ses notes exotiques et son opulence permettront des arômes merveilleux avec des plats d’inspiration asiatique : langoustines rôties au safran, carpaccio de saint-jacques aux agrumes confits, riz sauté aux crevettes et basilic thaï. N’attendez pas les fromages, même de chèvre, qu’il apprécie modérément, pour terminer (ou non) la bouteille.

Thomas Pico, ce jeune loup, fait partie d’une espèce à protéger. Puisse-t-il, dans les prochaines années, faire des émules et constituer une meute ?

 

Chablis 1er cru butteaux 2012 domaine pattes-loup

Thomas Pico Courgis 89800 Chablis




Cardiopathies valvulaires de l’adulte

Rédigé sous la houlette de deux cardiologues et deux chirurgiens cardiaques, préfacé par M. Enriquez-Sarano, professeur à la Mayo Clinic, cet ouvrage monumental ambitionne de devenir le traité de référence pour tout ce qui concerne les valvulopathies acquises de l’adulte, dont les techniques de diagnostic, d’évaluation et de prise en charge ont subi une évolution considérable depuis une quinzaine d’années.

generisches buch 1378 – La rédaction  de l’ouvrage a mobilisé 120 experts français ou francophones, réunis, pour la plupart des chapitres, en équipes multidisciplinaires, ce qui permet l’élaboration de décisions centrées sur le patient en intégrant la collaboration de toutes les compétences : cardiologues interventionnels ou non interventionnels, chirurgiens cardiaques, anesthésistes-réanimateurs, gériatres, radiologues, pneumologues, néphrologues et soignants unissent leurs talents pour nous livrer une vision claire et non dogmatique de l’ensemble des sujets traités.

La présentation de l’ouvrage est des plus classique : les données dites fondamentales (anatomie pathologique, épidémiologie et génétique) précèdent les méthodes d’exploration générale et les aspects cliniques et thérapeutiques proprement dits ; les différentes techniques chirurgicales sont ensuite largement détaillées dans une partie spécifique consacrée aux traitements médicaux et chirurgicaux ; et c’est le suivi postopératoire à court, moyen et long terme qui ferme, logiquement, la marche. Les avancées les plus récentes, telles les réparations valvulaires, la chirurgie mini-invasive, les traitements percutanés, sont naturellement bien développées et une iconographie en couleur illustre abondamment toutes ces données, grâce notamment à des clichés d’imagerie et des schémas explicatifs.

Il s’agit bien d’un traité de référence, qui s’adresse aux internes désireux de regrouper en un seul volume la formation de la spécialité, mais aussi, et peut-être surtout, aux cardiologues, chirurgiens cardiovasculaires et réanimateurs, intéressés par la prise en charge de cette pathologie.

Auteurs : B. Cormier, E. Lansac, J.-F. Obadia, Ch. Tribouilloy

Editeur : Editions Lavoisier-Médecine Sciences (262 p)

Pagination : 662 pages

Prix public : 260,00 €




Les objets connectés, ça va, ça vient…

Nous vous avons déjà parlé des objets connectés qui sont en passe de faire leur révolution.

376 – Certains secteurs, et non des moindres – assurances et banques – investissent déjà les lieux alors que les objets connectés ne sont pas encore tous présents sur le marché.

AXA surveille…

Le cas le plus connu d’utilisation d’objets connectés dans le cadre d’une assurance est certainement l’expérimentation menée par AXA. La compagnie d’assurances a proposé à mille clients un bracelet connecté Pulse O2 en échange du partage des données récoltées par ce dispositif.

L’appareil, porté classiquement comme une montre, enregistre l’exercice physique quotidien par l’intermédiaire du nombre de pas parcourus, de la fréquence cardiaque, du taux d’oxygène dans le sang ou de la qualité du sommeil. Associé à un Cloud, les données peuvent être visualisées par l’intermédiaire d’un smartphone ou tablette et recevoir des recommandations personnalisées.

La proposition d’AXA consiste à offrir des bons de réductions pour récompenses les assurés qui ont une « hygiène de vie saine », sanctionnée par plus de 7 000 pas par jour pendant une semaine et jusqu’à 10 000 pas/jour comme le recommande l’Organisation Mondiale de la Santé.

BNP PARIBAS analyse…

La banque BNP Paribas, explore quant à elle les opportunités des objets connectés par l’intermédiaire de son « Cardif Lab » visant à identifier des innovations technologiques permettant de modifier l’approche et la pratique des métiers de la banque et de l’assurance. L’assureur a ainsi lancé une application « Pay How You Drive » au Royaume-Uni, permettant d’analyser les comportements au volant et d’accorder des remises aux automobilistes qui ont un comportement vertueux ou qui conduisent moins que la moyenne. Rien de moins…

… Et l’écureuil se plante

C’est depuis mars dernier que l’on parle des Caisses d’Epargne version assurance et de leur application pour les Google Glass (voir le Cardiologue n°368) permettant de faciliter les démarches de leurs assurés automobile en cas d’accident. La banque, en tant qu’assureur, voit dans les Google Glass un moyen de capturer la scène de l’accident au plus près de la réalité sans faire déplacer un expert.

Problème : Google va bientôt fermer ses magasins et bureaux de démonstrations dédiés aux Google Glass. Les lunettes connectées seront toujours supportées, réparées et vendues mais uniquement sur le web.. Bombe marketing s’il en est, elles devaient représenter un outil avant-gardiste et « changer radicalement la vue que l’on a sur le monde ». Certes, mais finalement le prix des lunettes version grand public a tué dans l’œuf le produit (1 500,00 dollars), mais également parce que « le monde » n’est pas près à vivre de cette façon-là.

Revenons à la Caisse d’Epargne dont on voit bien l’intérêt de l’assureur pour cet objet, mais lors d’un sinistre automobile, comment va réagir la personne qui s’est fait rentrer dedans par un conducteur qui sort de sa voiture téléguidé par ses lunettes (intrusion d’une caméra, enregistrement de conversation…) ? D’autant plus qu’une nouvelle application a fait son apparition début décembre, le e-constat. Plus besoin de papier pour remplir son constat en cas d’accident : les dommages, photos et géolocalisation, sont téléchargés dans le smartphone et envoyés directement à l’assureur.

Sur eBay, aux Etats-Unis, les Google Glass sont actuellement vendues à moitié prix, faute d’acheteurs intéressés. On parle aujourd’hui d’une orientation professionnelle des lunettes. n




Précis de cardiologie

Synthétique mais complet, conformiste mais moderne », c’est ainsi que le Président de la Société Française de Cardiologie, Yves Juillière, décrit l’ouvrage dont il a rédigé la préface.

generisches buch 1376 – Edité en format poche, fourmillant de tableaux, schémas en couleurs et figures en tous genres, ce « précis » qui mérite bien son nom tant il est concis et facile à lire regroupe néanmoins toutes les données nécessaires à l’apprentissage et à l’exercice de la médecine cardiovasculaire.

L’ouvrage, qui repose sur neuf chapitres présentés avec originalité, clarté et esprit didactique, traite naturellement et avec exhaustivité du diagnostic et du traitement des maladies cardiaques et vasculaires. Tous les domaines font en effet l’objet d’un développement approprié, de l’établissement du diagnostic en cardiologie à la prise en charge des diverses pathologies que sont les coronaropathies, l’insuffisance cardiaque, les valvulopathies, les affections péricardiques et myocardiques, les arythmies, les cardiopathies congénitales adultes et les atteintes vasculaires périphériques. Et tout cela, encore une fois, avec force tableaux et algorithmes décisionnels.

C’est le neuvième chapitre qui est peut-être le plus original : en quelque quarante pages, sous le titre générique de « varia », l’auteur s’intéresse à divers sujets moins systématisés mais d’un intérêt pratique évident : les facteurs de risque certes – HTA, diabète, arrêt du tabac, etc. –, grand classique de la pratique quotidienne pour un cardiologue praticien, mais aussi, et c’est moins habituel, les complications cardiovasculaires des intoxications, traumatismes et maladies de système et jusqu’à la réanimation cardio-respiratoire dont les gestes sont décrits avec toute la précision nécessaire.

L’auteur, David Laflamme, cardiologue à l’hôpital de Longueuil, indique dans son avant-propos que ces quelque 350 pages qui ont en fait condensé plus de 10 000 pages de références s’adressent autant à l’étudiant désireux d’acquérir les connaissances fondamentales qu’au clinicien qui recherche ponctuellement une information précieuse ou une mise à jour.

S’il en était besoin, ce second tirage, survenu moins d’un an après sa première édition, prouve le succès de ce livre, à mettre entre les mains de tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la sphère cardiovasculaire.

Le rapprochement avec un autre monument de l’enseignement de la cardiologie est inévitable, je veux parler de l’ouvrage colossal de David Attias et al, intitulé « médecine cardiologie vasculaire », édité et réédité, qui, avec ses 650 pages, est plus précisément destiné aux candidats à l’examen classant national mais rend des services immenses à tous les cardiologues « de terrain » désireux d’effectuer une médecine de qualité.




Miraval Pink Floyd 2013 – Côte de Provence rosé

Ils ont convolé. Qui ? Angelina Jolie et Brad Pitt. Quand ? Le 23 août 2014. Où ? Dans leur propriété de Provence, le château de Miraval. Comment ? Dans la plus stricte intimité et le plus grand secret, entourés de leurs six enfants et de quelques amis, devant un juge américain dans la petite chapelle du château.

Vin600376 – Ainsi, le journal Le Cardiologue deviendrait un magazine « people » se penchant sur l’union de ce couple célébrissime, la sulfureuse Angelina Jolie ayant longtemps revendiqué sa bisexualité et le gendre idéal, Brad Pitt, ne dédaignant cependant pas de faire le coup de poing avec les paparazzis ?

En fait, c’est le domaine viticole du château Miraval qui m’intéresse. En effet, la nouvelle carrière vigneronne des deux stars hollywoodiennes débute en 2008 par l’achat de cette propriété dans le Var pour la coquette somme de 60 millions de dollars, la bâtisse du XVIIe siècle ne compte pas moins de 35 chambres, le domaine s’étend sur 800 ha, dont 45 de vignes complantées de cabernet sauvignon, syrah, grenache blanc et noir, rolle, cinsault. Le terroir argilocalcaire, blotti dans une vallée boisée, le vignoble s’épanouissant sur des terrasses à une altitude de 350 mètres balayées par les vents, permettant un climat assez frais avec des gradients importants de température, bénéficient de conditions très favorables pour la viticulture. L’eau, inestimable richesse en Provence, coule en abondance. Les traditionnelles restanques en pierre sèche, quelque peu usées, restaurées à l’ancienne participent à la beauté du site. Angelina Jolie et Brad Pitt tentent d’appliquer leur image « glamour » aux vins du domaine, et pour améliorer leur qualité, s’associent en 2013 avec Marc Perrin, propriétaire du très réputé Château de Beaucastel à Châteauneuf-du-Pape, pour prendre en charge la vinification du domaine Miraval qui produisait, depuis près de 30 ans, des vins bio certifiés en vendanges manuelles. Il apporte d’emblée un certain nombre d’améliorations : remplacement des cuves inox, bâtonnage de 10 % des vins.

Vous connaissez ma réticence envers les rosés, tout particulièrement ceux de Provence, mais je n’ai pu résister, durant cet été, à la curiosité de déguster le vin des « Brangelina », d’autant que j’apprenais que le magazine The Wine Spectator l’avait tout bonnement désigné meilleur rosé du monde !

Un hommage au groupe mythique

Ce rosé Miraval 2013 Pink Floyd, ainsi baptisé en hommage au groupe mythique qui venait enregistrer ses disques dans le château, bien avant son achat par les Pitt, assemblant cinsault, grenache noir, syrah et rolle, est obtenu par pressurage (rosé de presse). Il repose dans une bouteille aussi sexy qu’élégante, dont les hanches plantureuses n’évoquent pas vraiment celles d’Angelina. Son étiquette fait apparaître en très petites lettres : mis en bouteille par Jolie, Pitt et Perrin, ce qui est foncièrement honnête, car on imagine mal Brad ébourgeonner les ceps ou Angelina guider les assemblages.

La robe rose églantine pâle n’attire pas l’attention par un blush trop séduisant. Des arômes floraux avec des notes douces de rose, puis fruités avec des saveurs de groseille, de fraise des bois, de framboise sauvage, de zestes de citron vert, envahissent le nez. Dès la première gorgée, une structure délicate, une acidité rafraîchissante se développent en bouche. Certes, ce vin n’a pas la puissance ou la corpulence de certains rosés des Côtes du Rhône ou de Bourgogne, mais sa finesse prononcée, sa subtilité aérienne, malgré ses 13 ° sont tout à fait charmants. Une pointe de minéralité offre une belle persistance et une agréable finale sur le poivre blanc.

Il s’agit d’un excellent rosé de Provence qui n’est, ni un vin de gastronomie, ni encore moins le meilleur rosé du monde, n’en déplaise aux laudateurs d’outre-Atlantique, mais qui se situe dans une gamme de prix très convenable, bien inférieure à celle de nombre de rosés prétentieux de Provence.

Il s’appréciera parfaitement sous le soleil de la Côte d’Azur, au bord de la Méditerranée, en apéritif avec une tapenade, une anchoïade, des olives de Lucques, des poivrons marinés dans l’herbe et l’huile d’olive. Il épousera avec plaisir des poissons grillés, tels des sardines, des rougets au barbecue, un loup juste sorti de l’eau. Il s’accordera avec des salades italiennes ou niçoises, des pâtes avec une sauce un peu relevée, des gambas à la plancha.

Brad Pitt est l’un des héros du film « The billionnaire’s vinegar » qui doit prochainement sortir et relate l’histoire de bouteilles grandioses ayant appartenu à Thomas Jefferson, mystérieusement retrouvées en 1985, vendues à des prix exorbitants et qui se sont finalement révélées être des faux… Mais rassurez-vous, le rosé de Miraval ne triche pas et n’est pas vinaigré.




Le jugement dernier de Pietro Cavallini (1250- v.1330) ou les anges polychromes

C’est dans le quartier du Trastevere, « au-delà du Tibre » que furent bâties deux des églises les plus anciennes de Rome, le titulus (1) Callixti (Sainte-Marie-du-Trastevere) et le titulus Cecilae (Sainte-Cécile-du-Trastevere).

376 – Dans la seconde moitié du Duecento (XIIIe siècle), Pietro Cavallini réalise à Sainte-Cécile-du-Trastevere, une série de fresques dont subsistent les restes fragmentaires d’un Jugement dernier (1293).

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Sainte-Marie-du-Trastevere et Sainte-Cécile-du-Trastevere

Les premières églises privées, ecclesiae domesticae, prenaient le nom de la noble famille qui accordait les pièces pour le culte, telle que la gens Cecilia d’où est issue Cécile martyrisée au IIIe siècle après J.-C. à cause de sa foi chrétienne, et qui, ayant entendu de la musique céleste en allant au martyr, devint plus tard la patronne des musiciens.

Au fil des siècles, la basilique va s’embellir à la faveur d’une dévotion renforcée par l’exhumation du corps de la sainte le 20 octobre 1599, avec la réalisation d’une statue de marbre blanc particulièrement réaliste, visible dans la basilique, par le sculpteur Stefano Maderno (1576-1636).

A partir du XVe siècle, d’importants travaux destinés, en particulier, à permettre aux nones de suivre la messe tout en étant cachées par une claustra, finirent par masquer les fresques qui ne furent découvertes qu’au début du XIXe siècle. De nos jours, la partie inférieure des fresques reste masquée et il faut passer par le couvent des Bénédictines pour découvrir le Jugement dernier de Pietro Cavallini.

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Pietro Cavallini (1250- v.1330)

Le peintre romain Pietro de Cerroni dit Pietro Cavallini occupe une place de premier plan dans la peinture italienne de la fin du Duecento au début du Trecento aux côtés des peintres florentins Giotto (1267-1337) élève de Cimabue (1240-1302) et de Duccio (1255-1319). Cette fin du XIIIe siècle voit apparaître en Toscane et à Rome des artistes de talent qui vont chercher à s’affranchir de la « maniera greca » liée à la tradition byzantine héritée de l’Antiquité tardive et de l’époque paléochrétienne.

Ces « pères de la peinture moderne » vont insuffler la vie aux personnages des fresques, sous l’influence des sculpteurs gothiques tels que Giovanni Pisano (1250-1315) et de son père Nicola Pisano (1220-v.1278). Pour le peintre et biographe Giorgio Vasari (1511-1574), Pietro Cavallini aurait été influencé par Giotto qui « venait de rendre la vie à la peinture. En 1278, Cimabue, âgé de 38 ans, et Pietro Cavallini, âgé de 28 ans, contribuent à la décoration de la basilique franciscaine d’Assise, influençant le jeune Giotto (il a alors 11 ans) qui se forme à leur contact. Ainsi, « Pietro Cavallini pourrait prétendre, aussi valablement que Cimabue, être le maître de Giotto en tant que peintre florentin transformé par son expérience romaine » (Panofsky).

Pietro Cavallini exerça son activité dans les plus importantes églises romaines et napolitaines. Parmi ses œuvres subsistantes, la plus ancienne est, à Rome, la décoration en mosaïques de l’abside de Sainte-Marie-du-Trastevere (1291). Elles montrent que l’artiste s’éloigne de l’influence byzantine, bien qu’encore très présente, en donnant « du relief aux figures ».

Cette tendance réaliste est illustrée par la fresque du Jugement dernier peinte avec une grande maîtrise de telle sorte que « les joints (la juxtaposition des surfaces murales peintes jour après jour) sont si bien dissimulés que la peinture semble avoir été faite en un seule journée » d’après Vasari qui mentionne plusieurs œuvres perdues  et indique que Pietro Cavallini eut pour disciple un certain Giovanni da Pistoia et qu’il mourut à Rome à l’âge de 85 ans d’une maladie de hanche contractée en travaillant à un décor mural, en raison de l’humidité et de son acharnement au travail. Il fut enterré solennellement à Saint-Paul-hors-les-Murs et l’on mit sur sa tombe cette épitaphe : « L’honneur fait par Pietro à la ville de Rome comme peintre, vaut aussi pour tout l’univers ».

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La Vierge et l’Enfant en majesté entourés de six anges Cimabue, Cenni di Pepe dit (vers 1240-1302).

Le Jugement dernier (1293)

La fresque fragmentaire, située au revers de la façade de l’église, est tout ce qui reste d’un cycle qui, par le passé, a recouvert les murs d’entrée et de la nef. Au centre, dans une mandorle ou auréole lumineuse (gloire), le Christ Pantocrator sur son trône et en toge rouge héritée de la statuaire romaine, domine les instruments de la passion dont le marteau, les clous et la lance du centurion ; la vue frontale provient de la tradition byzantine, tandis que les tons chauds des couleurs et le jeu de la lumière, d’origine incertaine, sur les visages et les drapés des personnages sont absolument nouveaux.

En dessous, peut-être peints par un élève du maître, des anges tournés vers l’extérieur appellent, avec de longues trompettes, les béates d’un côté et les damnés de l’autre à se rassembler. Le Christ est entouré d’anges alignés verticalement, en nombre identique de part et d’autre de l’axe de symétrie que représente le Christ.

Les corps des anges se recouvrent en partie, esquissant une disposition en profondeur ou pseudo-perspective frontale selon un modèle proche de la Vierge à l’Enfant en majesté entourés de six anges (musée du Louvre) v.1270 (?) et de la Vierge en majesté ou Maesta v.1280 (Florence, Galerie des Offices) toutes deux peintes par Cimabue et à rapprocher de la Madone Rucellai de Duccio (Offices) peinte en 1285, même si les anges semblent flotter dans les airs malgré leur pose agenouillée et ne semblent pas différenciés.

On retrouve chez Cimabue le dégradé des couleurs des ailes, mais les visages sont alors plus figés sur le modèle byzantin, soulignant par contraste le caractère particulièrement innovant de Pietro Cavallini dont les visages sont beaucoup plus expressifs. La hiérarchie angélique s’exprime par le nombre de leurs ailes : quatre pour les chérubins et six ailes rouges pour les séraphins : deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds et deux pour voler… Les ailes sont polychromes avec des bandes de couleur de même teinte, qui se chevauchent selon un superbe dégradé allant des tons obscurs à une vive lumière blanche ou jaune. Au côté du Christ se situent la Vierge sur sa droite et Jean-le-Baptiste sur sa gauche en attitudes de prière, le visage tourné vers le Christ, puis suivent les apôtres regardant le Christ, six de chaque côté, à commencer par Saint-Pierre et Saint-Paul de part et d’autre, assis sur des sièges sur le modèle des stalles.

« Vers 1300, l’Italie se situe, pour la première fois depuis la chute de l’Empire romain, en mesure d’exercer une influence décisive dans le monde des arts (…) à la confluence des deux courants les plus puissants de l’art du Moyen-Âge, le byzantin et le gothique français » (Panofsky). La fresque du Jugement dernier de l’église Sainte-Cécile-du-Trastevere est considérée comme l’une des plus importantes œuvres romaines de la fin du XIIIe siècle. C’est en dehors des « chemins giottesques », que l’influence de Pietro Cavallini, maître en son temps, va s’exprimer de façon propre à la peinture romaine.

Avec Pietro Cavallini, on sort des expressions figées des icônes byzantines pour entrer dans un monde nouveau : des figures du Christ et des apôtres se dégage un sens particulier de la réalité, des volumes, des surfaces et de la lumière. Le caractère et le modelé des visages et des mains, les drapés, la douce harmonie des couleurs et les figures des anges aux plumes graduellement colorées viennent subtilement nuancer le hiératisme byzantin en créant les bases de la future peinture européenne.

Le nom d’ange fait alors référence à leur fonction et non à leur nature. C’est en ce sens que Giotto les peignit avec la partie inférieure du corps désincarnée et qu’on a pu parler de l’«immatérialité séraphique de Fra Angelico » (Théophile Gautier) qui « fait les anges brillants et frêles » (Sully Prudhomme). Au Moyen-âge, la popularité des anges, avant tout messagers divins, atteignit son plus haut niveau.

Avec le réalisme de la Renaissance, les anges deviendront des êtres à figure humaine à part entière, passant progressivement du rêve au réel, en s’inspirant des génies, genii, ailés de l’Antiquité. Ceci illustre l’intégration d’un sujet antique à une iconographie chrétienne avec des spiritelli ou « petits esprits » dénomination florentine des putti même si, jusqu’au IVe siècle, les anges étaient représentés sans ailes (aptères). Lorsque les ailes firent leur apparition, les artistes leur donnèrent plus d’importance qu’au corps au point même que le Baroque représentera des têtes ailées sans corps.

Bibliographie

[1] Dictionnaire d’Histoire de l’Art du Moyen-Âge occidental. Robert Laffont 2009

[2] Du Gothique à la Renaissance. Les Protagonistes de l’Art italien. Ed. Scala 2003

[3] Grubb N. Figures d’anges. Messagers célestes à travers les arts. Abbeville Press 1995

[4] La Basilique de Sainte-Cécile à Rome. Ed d’Arte Marconi 1992

[5] Panofsky E. La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art d’Occident. Flammarion 2008

[6] Renault Ch. Reconnaître les saints et les personnages de la Bible. Ed. J-P Gisserot 2002

[7] Vasari G. Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes. Commentaires d’André Chastel. Thesaurus Actes Sud 2005

Remerciements au Dr Philippe Rouesnel pour sa visite guidée de Rome pour ses conseils érudits et amicaux.




Saint-Pourcain Authentique 2011

 

Le vignoble de Saint-Pourçain, partie intégrante de l’appellation Auvergne sis dans le Bourbonnais à 60 km de Clermont-Ferrand, pratiquement au centre de l’Hexagone, est reconnu comme l’un des plus anciens de France. 

374 – La réputation de ses vins a largement précédé l’avènement de la dynastie des Bourbons, puisqu’ils étaient servis à la table de Saint-Louis et des papes d’Avignon, mais devinrent presque le breuvage officiel de la cour de

Louis XIV. Les vignes couvraient 8 000 hectares fin XIXe siècle, mais furent totalement détruites par le phylloxera. Sa renaissance difficile, du fait du morcellement des terres, de la désaffection des paysans, de l’émergence des vins de Bourgogne et de Loire, lente et progressive, doit beaucoup à l’union des vignerons de Saint-Pourçain qui obtinrent tout récemment, en 2011, leur classement en AOC après restructuration des parcelles, 70 % du vignoble actuel renouvelé depuis 30 ans, plus de 500 ha replantés depuis 1978 sous forme de clos homogènes. La superficie actuelle atteint difficilement 700 ha complantés en blanc, et rouge, à mon avis, la couleur de loin la plus intéressante grâce au mariage du gamay et du pinot noir, dit ici neyrou.

Ce Saint-Pourçin, une redécouverte !

J’ai tout récemment redécouvert ce Saint-Pourçain qui m’a comblé par sa qualité, mais aussi par son prix très compétitif inférieur à 10 Ä. Le domaine de Lionel Vernois de 9 ha, sur les communes de Saulcet et Bransat, est situé sur des terrains argilo-calcaires pour l’essentiel et granitiques.

Le travail dans la vigne et le chai est tout à fait traditionnel, mais strict, respectant la plante et le vin. Les produits chimiques sont utilisés avec parcimonie. Un ébourgeonnage systématique et un rognage limitent les rendements aux alentours de 40 hl/ha. Les vignes ne sont désherbées que sur 70 cm sous les rangs, pour la plupart en taille Guyot, mais restent enherbées entre eux, ce qui limite considérablement les désherbants

Les vendanges, malheureusement mécaniques, éraflent d’emblée les grappes qui sont pressurées pneumatiquement à l’arrivée au chai, la macération est courte, la fermentation par levurage exogène en cuves émaillées ou en fibre de verre sous contrôle des températures, dure 10 jours. L’élevage dans les mêmes cuves, sans utilisation de bois, s’étend sur 6 mois avec remontage et pigeage. La mise en bouteille s’effectue, sans collage, après légère filtration. La cuvée Authentique assemble 60 % de gamay et 40 % de pinot noir qui sont vinifiés séparément.

Parée d’une robe rubis aux vifs reflets carmin, ce Saint-Pourçain Authentique 2011 révèle des arômes de fruits, fraise, cerise, groseille, signant le gamay, rehaussé par des notes épicées de clou de girofle, de muscade. Le palais est tapissé par une vraie matière conjuguant délicatesse des arômes de fruits et de fleurs, violette, pivoine, texture gentiment tannique, tension minérale. La palette d’ensemble est surprenante incluant fruits, épices et sous-bois. La finale est franche, fraîche, légèrement persistante sur le poivre blanc.

Un vin d’ambiance

Au premier abord, il s’agit d’un rouge léger, gourmand, fruité, mais qui, grâce à ses notes bourguignonnes inhérentes au pinot noir, mérite d’être dégusté avec des plats complices, avec lesquels il déploiera, alors, tout son charme. Conformément à l’adage : « à cuisine régionale, vin de la même provenance », ce Saint-Pourçain accompagne à ravir la robuste gastronomie auvergnate. Sa gaieté et son fruité en fait un vin d’ambiance, de comptoir qui supporte d’être bu debout, jeune et frais, avec les savoureuses charcuteries et cochonnailles, saucisson, saucisse sèche, godiveau, jambon sec, pâtés, terrines, rillettes, etc. Il ne se déplaira nullement en compagnie des excellents fromages locaux : saint-nectaire, cantal plutôt jeune et suave, que vieux et corsé, salers, gaperon.

Après quelques années, ce vin extériorisera ses notes bourguignonnes et appellera à la table les belles spécialités régionales : le poulet bourbonnais à la crème de Cérilly, le coq au vin de Saint-Pourçain, le chou farci, la potée auvergnate, les saucisses ou les pieds de porc accompagnés de truffade ou d’aligot, les tripoux ou le pounti cantaliens.

La reconnaissance de l’Auvergne

Les vignobles d’Auvergne, malgré les destructions du phylloxera, n’en finissent pas de lutter, pour renaître et se faire reconnaître. À l’instar de ce Saint-Pourçain, ils le méritent compte tenu de leur progression qualitative et de leur exemplaire rapport qualité-prix. Mais j’apprends que Lionel Vernois « jette l’éponge », en fait prend sa retraite de vigneron, sans successeur. Heureusement, son domaine va être repris par la cave Nebout qui s’occupait déjà, depuis quelques années, de la vinification ; ainsi, j’espère que la devise de la région : « sem d’Auvernha, lachem pas » (nous sommes d’Auvergne, ne lâchons pas), se trouvera confirmée.

Saint-Pourcain Authentique 2011
Lionel Vernois 03500 Saint-Pourcain/Sioule

 




iPhone 6 : une (r)évolution en marche

Dévoilé le 9 septembre dernier lors de la keynote de Tim Cook, l’iPhone 6 n’a pas marqué de rupture avec ses prédécesseurs, mais une continuité dans le (très) haut de gamme et des tendances technologiques pour le futur.

374 – Les tendances des smartphones aujourd’hui sont claires : orienter l’objet vers une concentration des utilisations en « virtualisant » les objets, offrir des moyens de communication plus performants, barder le smartphone de capteurs, prendre des photos ou filmer… bref, donner à l’appareil une destination qui a déjà fait son chemin et qui ne vous permettra désormais plus de vous en passer.

La keynote d’Apple est bien plus que la présentation du nouvel iPhone 6. En ayant refusé par le passé (récent) de faire des écrans plus grands en avançant une maniabilité amoindrie, Apple a signé le nouvel âge du smartphone. Il va devenir l’appareil incontournable de votre poche, partout, où que vous soyez.

Pourquoi Apple a-t-il cédé aux grands écrans ? Tout d’abord pour précéder le déclin des tablettes, mais pas seulement. La « praticité » de l’écran est devenue la pierre angulaire du smartphone. On visualise tout à travers lui. Le showrooming, (1) par exemple, est devenu un sport national. Tout allant toujours plus rapidement, il est plus aisé d’envoyer un sms, un mail, prendre une photo. On ne perd pas de temps ! La communication téléphonique est devenue presqu’obsolète. Et puis, l’air de rien, les bracelets, ces « watchs » qui, même si leurs ventes ne décollent pas, montrent le bout de leurs écrans, vont justement profiter de l’engouement de ces « grands » smartphones. Apple l’a bien compris en proposant sa Watch qui n’est finalement que la télécommande (grandement améliorée) du smartphone que vous avez dans votre poche et donc plus besoin de sortir votre écran 5,7 pouces. Lorsque vous marchez, une simple vision sur votre poignet suffira dans bien des cas. La première critique de l’AppleWatch est justement de ne pas être autonome, et c’est cette faiblesse qui va permettre aux utilisateurs de ne plus s’en passer et laisser loin d’être elle les watchs des concurrents.

Au-delà de l’iPhone 6 et de l’AppleWatch, la deuxième révolution se tient dans les applications, notamment le paiement par carte virtuelle et la santé.

Passbook

« La vision c’est de remplacer le portefeuille. Et le point de départ, ce sont les paiements ». Le sous-entendu d’Apple est d’en terminer avec le monde physique. Terminé les cartes de paiement, de crédit ou de vos magasins préférés, elles seront à terme dans votre smartphone. La fonctionnalité majeure du moment, c’est Apple Pay, le service de paiement, une application qui rassemble dans un portefeuille virtuel toutes les cartes de crédit et de paiement (Apple aurait déjà négocié des commissions avec les principales sociétés de crédit américaines… et aurait préparé le terrain en Chine avec China UnionPay, la porte ouverte du pays du soleil levant… on ne se refait pas).

La sécurité repose sur le système d’authentification biométrique touchID (pour rappel, des hackers avaient très facilement contourné la biométrie en falcifiant une empreinte digitale en septembre dernier…) et la technologie NFC (2) qui permet une utilisation avec des bornes de paiement.

Le monde de la santé (3)

Deux applications, Workout (un assistant sportif) et Activity (un compagnon du quotidien), sont en liaison directe avec l’application Health, véritable carnet de santé virtuel. Connecté à l’Apple Watch, vous aurez sur vous un véritable concentré technologique pour surveiller vos exploits sportifs ou tout simplement faire office de surveillance. Nous aurons l’occasion d’en reparler très prochainement, la santé prenant une place prépondérante dans le monde de la virtualité augmentée (ou pas) et les questions que l’on doit se poser aujourd’hui.

Conclusion

Le smartphone passe à la vitesse supérieure en prenant aujourd’hui sa véritable indépendance. Cette (r)évolution met au placard le bon vieux portable, la tablette, la montre, le paiement classique. Suite maintentant aux développeurs qui vont s’en donner à cœur joie pour nous trouver des besoins qui n’existent peut-être pas encore.

Pascal Wolff

(1) Les consommateurs recherchent des offres concurrentes via leur smartphone directement dans les magasins.
(2) Near-Field Communication. Technique de communication sans fil, lancée par Sony et Philips, qui permet l’échange d’informations entre périphériques très peu éloignés les uns des autres.
(3) Apple a déposé un brevet de capteur cardiaque il y a quelques mois.

 

Les caractéristiques de l’iPhone 6

Ecrans. iPhone 6 : 4,7 pouces. 1334×750 px.

iPhone 6 plus : 5,5 pouces. 1920×1080 px.

Processeur.
A8 avec architecture 64 bits (l’équivalent de 2 milliards de transistors…) aidé par un coprocesseur (M8) pour l’intégration des données santé.

Capacité. 16, 64, 128 Go.

Communication.
Compatible 4G sur vingt fréquences différentes, qui permet la prise en charge du VolTE (Voice over LTE) qui donne la possibilité de passer des appels d’une grand qualité sonore.
Le wifi n’est pas en reste avec une action trois fois plus rapide et permettra de passer des appels en « wifi-calling ».

Sécurité.
Touch ID. Le capteur d’empreintes a été optimisé pour une utilisation avec des applications tierces. Apple Pay (NFC) est la première destination de cette technologie.

Capteur.
8 mégapixels pour la photo. 1,2 mégapixels pour la caméra.

Batterie. iPhone 6 : 14h00 en communication 3G (données Apple).

iPhone 6 plus : 24h00 en communication 3G (données Apple).

Dimensions. iPhone 6 : 138,1 x 67 x 6,9 mm. 129 g.

iPhone 6 plus : 158,1 x 77,8 x 7,1 mm. 172 g.

Prix. iPhone 6 : 709 e (16 Go) – 819 e (64 Go) – 919 e (128 Go).

iPhone 6 plus : 809 e (16 Go) – 919 e (64 Go) – 1 019 e (128 Go).




Demain, vieux, pauvres et malades

Le titre  annonce  la couleur, et ce n’est pas le sous-titre intitulé « Comment échapper au crash sanitaire et social » qui va tempérer la première impression : le lecteur, en ouvrant ce livre, sait que le sujet est grave et ne va pas réellement, en cette rentrée morose, lui remonter le moral.

generisches buch 1374 – Effectivement, l’auteur, dans une première partie très étoffée, dresse le terrible constat, connu mais pas suffisamment reconnu, de la situation des personnes âgées dans notre pays, dans l’avenir mais déjà le présent : oui, l’espérance de vie s’allonge mais, en France comme ailleurs, les maladies chroniques qui ne tuent plus ou tuent moins rendent inéluctable le déclin de la vie sans incapacité chez les seniors ; oui, la solitude et la précarité augmentent chez les personnes âgées d’autant que, souvent, le coût de leur prise en charge explose ; non, les maisons de retraite, généralement hors de prix, ne sont pas le lieu de placement idyllique suggéré par l’entourage : nécessité le plus souvent par une perte d’autonomie, le placement en établissement, dont la multiplication est bien sûr une nécessité, est généralement vécu comme un abandon annonciateur, comme l’écrit l’auteur, de l’inéluctable « clap de fin ». D’ailleurs, comme il le répète, les vieux « se tuent aussi » et les comportements suicidaires, surtout après l’entrée en institution, pourraient devenir un vrai problème de société.

Toutes ces assertions sont bien sûr largement documentées et la bibliographie est solide.

Bref, comme le disait le Général de Gaulle (qui visait en fait le comportement du Maréchal Pétain), « la vieillesse est un naufrage » et, comme le chantait Jacques Brel, on en arrive à se demander s’il ne faut pas simplement se résigner à attendre la « pendule d’argent qui dit je vous attends » !

Eh bien non…

Après le constat, viennent les propositions et l’auteur, qui déclare en terminant que la vieillesse est un âge d’avenir, ne se veut pas pessimiste !

Après avoir rappelé quelques évidences telles que : « on n’attend pas l’avenir, on le prépare » ou « gouverner c’est prévoir », il égrène une série de propositions que son statut de médecin justifie selon lui de placer sur le seul terrain du concret et du réalisme.

Au-delà des solutions visant à développer l’économie du vieillissement et à regrouper l’ensemble des technologies et services dédiés aux personnes âgées (on parle désormais de silver économie – économie des tempes argentées), l’idée de modifier les politiques d’urbanisme est intéressante et bien détaillée : il s’agit entre autres de concevoir des logements spécifiques, sortes de « Papy Lift », situés à mi-chemin entre le chez-soi et la maison de retraite.

Le regroupement sous un guichet unique – pourquoi pas des maisons départementales d’orientation – des aidants familiaux et emplois et services à la personne âgée serait également innovant, mais la question de son financement n’est pas réellement abordée dans l’ouvrage.

Les deux dernières propositions sont plus classiques mais restent incontournables : le financement de l’assurance dépendance – le cinquième risque – esquissée dès 2004 par l’instauration de la journée de solidarité, qui figure toujours au programme de la plupart des politiques mais n’est pas encore résolu ; et le « bouclier sanitaire » destiné à plafonner le « restant à charge  ou RAC », qui correspond aux frais de santé résiduels, non remboursés aux assurés dont le montant augmente singulièrement chez les seniors ; ce bouclier consisterait à rembourser à 100 % les dépenses de santé de toute nature, une fois le plafond fixé de ce RAC atteint.

Certes, pour concrètes qu’elles soient, certaines des propositions relèvent encore du domaine de l’incantation, car elles se heurtent aux limites de la solidarité fixées par nos gouvernants en fonction de leurs critères politiques ou économiques.

Mais le Docteur Sauveur Boukris, auteur de cet ouvrage, connu du public notamment pour sa précédente publication « Médicaments génériques : la grande arnaque » a le mérite de poser les vraies questions ; en insistant sur le drame social et humain qui s ‘annonce inéluctable si rien n’est fait, il contribue largement au débat, et à ce titre, mérite notre considération et notre écoute.

Demain, vieux, pauvres et malades

Auteur : Sauveur Boukris

Editeur : Du Moment

Pagination : 224 pages

Prix public : 17,95 €




Une mosaïque carolingienne

374 – Pour la découvrir il faut vous rendre dans notre Val de Loire à Germiny-des-Prés,  un bourg voisin de l’abbaye de Fleury (Saint Benoit sur Loire) à une trentaine de kilomètres à l’Est d’Orléans.  Cette mosaïque dans un état de conservation exceptionnel et d’époque carolingienne est unique sur le sol français. Elle trône dans l’abside de l’église Saint Sauveur, un oratoire construit par Théodulf à la fin du VIIIe et au début du IXe siècle.

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Théodulf

Théodulf, clerc d’origine espagnole, dont la famille noble et cultivée s’est réfugiée en Septimanie fuyant la contre offensive arabe, serait né vers 750-760 au sein du monde wisigoth (qui a joué un rôle capital dans sa formation culturelle). Après de brillantes  études à l’abbaye d’Aniane près de Saint Guilhem du Désert, il devient un des conseillers influents, un des meilleurs « Missi  Dominici » (1) de Charlemagne, un personnage attachant de la renaissance carolingienne. Evêque d’Orléans en 798, abbé, sans être moine, de l’abbaye de Fleury, il se fait construire un oratoire, entre 799 et 818, attenant à sa villa (ferme rurale) sur le domaine de Germiny-des-Prés, le bâtiment carolingien le mieux conservé après la chapelle d’Aix.

Il est sans doute l’un ou le rédacteur de « L’Opus Caroli régis contra synodum ou libri carolini ». Il a contribué avec Alcuin à la révision de la Vulgate, version latine de la Bible de Saint Jérôme, dont de nombreux exemplaires étaient devenus inutilisables du fait des fautes de copie. Grand intellectuel, poète, il veille à la formation religieuse du clergé de son diocèse. Selon les souhaits de Charlemagne, il organise l’enseignement à trois niveaux : les écoles paroissiales gratuites, les écoles épiscopales (niveau secondaire) et les écoles monastiques pour les cadres de l’Empire. A la mort de Charlemagne en 814 faussement accusé de complicité avec Bernard, le roi d’Italie soulevé contre l’empereur Louis le Débonnaire, il est enfermé en 818 dans un monastère près d’Angers ou il mourut en 821.

L’Oratoire de Théodulf

A l’origine, l’église est de dimension modeste, un plan centré formé d’un carré de 10 mètres de côté s’ouvrant sur 4 absides (Ouest dont l’emplacement est aujourd’hui indiqué par de grandes dalles, Nord, Sud et Est). Initialement l’abside Est était entourée de chaque côté par une absidiole (la « prothésis » au Nord pour la préparation de l’eucharistie, le diakonikon au Sud pour les vases sacrés et les vêtements liturgiques).  Les fouilles ont révélé l’existence d’un porche primitif à l’Ouest faisant suite à l’abside sous forme d’un couloir.

L’édifice s’étage autour de la tour centrale soutenue par quatre piliers. Les arcs doubleaux de la tour sont surmontés par une claire-voie puis par une fenêtre en plein cintre et enfin par  une fenêtre géminée. En fait Lisch, l’architecte restaurateur de la fin du XIXe siècle a supprimé la fenêtre géminée du clocher raccourcissant sa hauteur de plus de 3 mètres et les deux absidioles Nord et sud entourant l’abside Est.

Si au XVe, XVIe siècle l’abside Ouest a été détruite et remplacée par une nef  agrandie au XIXe, le plan de l’Oratoire est unique. Il faut chercher son origine en Arménie (église de Baragan, cathédrale d’Edjmiastsin, édifices dont le plan centré s’inscrit dans un cercle contrairement à celui de Germiny).  Peut-être faut-il évoquer l’influence d’églises wisigothiques aujourd’hui disparues ? Surprenant, il ne s’agit pas d’arcs en plein cintre comme on pourrait s’y attendre mais très légèrement outrepassés (en fer à cheval) typiquement wisigothiques.

La mosaïque de l’abside orientale 

Son iconographie ne connaît pas d’équivalent dans le monde carolingien. Au lieu de voir dans l’abside Est l’image d’un Christ Pantocrator, un Christ en gloire,  on trouve l’Arche d’Alliance (2). Ann Freeman et Paul Meyvaert, deux chercheurs américains de Harvard nous apportent une réponse. Il faut tout d’abord revenir sur le contexte de l’époque. En Orient, sous le règne de Léon III l’Isaurien (717-741) débute la période iconoclaste décrétant officiellement en 730, la lutte contre le culte des images. Constantin V (741-775) son fils suit une politique encore plus sévère, seule la représentation de la croix était autorisée. Le concile œcuménique de Nicée II en 787, réuni par Constantin II et sa mère Irène, rétablit le respect et la vénération des images sacrées. Dans la traduction latine faite à Rome fort mauvaise, il n’était question que « d’adoration » des images. Troublé, Charlemagne demande à Théodulf de préparer une réfutation théologique, l’Opus Caroli (791-793). Lues en sa présence, ses remarques furent notées dans les marges du manuscrit actuellement au Vatican (Vat. Lat. 7207). Devant le contexte politique, notamment l’approbation par le pape Eugène du texte du concile de Nicée II , l’opus Caroli est resté dans les archives royales (il était délicat de résister au pape). Ce texte est la clef pour comprendre le message symbolique de la mosaïque de Théodulf.

L’Arche d’Alliance est au centre, elle est surmontée de deux petits anges d’or, disposés de façon symétrique, au dessus et de chaque côté de l’Arche, se tiennent deux anges nettement plus grands. Les ailes des petits et des plus grands sont enchevêtrées et dans l’axe qui les sépare, une main descend d’un ciel étoilé. En dessous est placé une inscription : « Regarde et contemple le saint propitiatoire et ses chérubins. Et vois ici l’Arche de l’alliance divine. Devant ce spectacle efforce toi de toucher de tes prières le Maître du tonnerre ; et ne manque pas, je t’en prie, d’associer Théodulf à tes prières. »  Les grands anges symbolisent les peuples juif et chrétien (ange avec une auréole crucifère) qui à la fin des temps s’uniront dans le Christ.

L’Arche, proprement dite, représenterait Jésus Christ ; vide et ouverte elle contenait la verge (3) d’Aaron (signifiant que le Seigneur est à la fois roi et prêtre), les tables de la loi (l’Ancien et le Nouveau Testament), et la manne (4) (l’eucharistie). Les dessins réalisés avant la restauration de Théodore Chrétin et de Prosper Mérimée confirment cette interprétation (un linge paraît sortir de l’Arche).  L’Arche, vide de son contenu, met l’accent sur l’intervention de Dieu. Les quatre anges semblent tous la pointer vers le bas, mais également vers l’autel en dessous. En montrant l’autel en même temps du doigt, ils attirent l’attention de celui qui regarde l’Arche sur la réalité de la présence du Christ sur l’autel. Pour Théodulf l’Arche d’Alliance préfigure le Nouveau Testament, le Christ et l’eucharistie. Sous l’Arche est encore visible le Jourdain, symbole du baptême, voie vers le ciel pour toute la chrétienté. Quant à la main qui sort d’en haut entre les têtes des deux plus grands chérubins, il s’agit de la main du Sauveur car portant la cicatrice de la crucifixion.

Membre de l’entourage de Charlemagne, Théodulf na pas manqué de voir, lors de son séjour à Rome (hiver 800-801), les trois panneaux sur l’Arche d’Alliance (histoire de Josué) à Ste Marie Majeure et la mosaïque de l’abside de Saints Côme et Damien. L’influence est manifeste sur le dessin de l’arche et les gestes des anges.

Une image symbolique de la doctrine chrétienne

La mosaïque carolingienne de Germiny-des-Prés unique en son genre, est le reflet de la pensée iconophobe de Théodulf, révélée par la lecture de l’opus caroli : le Christ et la Vierge ne doivent pas être représentés.  L’essentiel de la doctrine chrétienne peut toutefois être figuré par des images symboliques : l’arche vide de l’Alliance prouve que le Nouveau Testament a remplacé l’Ancien ; la célébration de l’eucharistie qui se tient sur l’autel est désormais la réalité ; le chemin qui mène l’être humain au ciel passe par les eaux du baptême, inauguré par celui du Christ dans le Jourdain.

(1) Missi Dominici : les envoyés du Maître. Ces derniers apparaissent dès 780, choisis directement par le roi pour une mission d’inspection spéciale, mais c’est seulement en 802 que Charlemagne crée des zônes d’inspection, appelées missatica. Les missi doivent quatre fois par an recueillir les plaintes des administrés, juger en appel du tribunal comtal et sanctionner les fautes des administrateurs en faisant la promotion d’une nouvelle idée de la justice. 
(2) Arche d’Alliance : coffre en bois d’acacia qui contenait les Tables de la loi (les dix commanements) données à Moïse par Yahvé au mont Sinaï, aujourd’hui à Axoum (Ethiopie) 
(3) Verge : baguette divinatoire
(4) Manne : nourriture miraculeuse, qui, d’après la bible, tomba du ciel pour nourrir les hébreux dans le désert.

 

 

Bibliographie

[1] Père G. Rebeyrat. L’église de Germiny-des-Prés, fiche documentaire.

[2] G. Bührer-Thierry, Charles Mériaux. 481, la France avant la France, édition Belin. 2013

[3] Dom J-M. Berland. Val de Loire roman. 3e Edition Zodiaque, la nuit des temps.

[4] J. Hubert, J. Porcher, W.F. Volback. L’empire carolingien. Edition Gallimard univers des formes. 1968

[5] Germiny-des Prés : l’article de Paul Meyvaert (article le plus complet sur le sujet)

[6] http://jfbradu.free.fr/mosaiques/germigny/article-p-meyvaert.htm




Que pense le législateur sur les technologies connectées ?

La législation française sur les données personnelles est stricte, mais les textes législatifs, votés avant l’apparition des capteurs connectés, sont dépassés par ces nouvelles technologies.

La Cnil, qui a commencé à travailler sur la question, doit rendre ses conclusions en juillet, mais l’évolution de la loi ne devrait pas se faire dans un avenir proche.

Le fait que les données de santé soient détenues par des acteurs privés (et donc les créateurs d’applications qui peuvent avoir accès à ces informations) soulèvent bien sûr plusieurs questions éthiques, notamment sur les complémentaires santé qui pourront ajuster leurs tarifs en fonction du « profil » de l’assuré (ce qui existe déjà aux Etats-Unis).

Les assureurs s’intéressent de près à ces données médicales. Axa, par exemple, a récemment annoncé qu’il offrirait des capteurs PulseO2 à certains de ses clients, et que les utilisateurs qui enregistreraient le plus de pas bénéficieraient d’avantages financiers. Ce qui s’appelle marcher sur les pas de son assureur !




Et les autres trackers, où en sont-ils ?

Betterise, la start-up française lancera en septembre prochain une application (voir Le Cardiologue 372) qui sera plus productive grâce à son algorythme de gestion du comportement avec conseils et outils à la clé.

Withings Pulse, entreprise également française, propose un capteur santé (tracker), fitness et sommeil nommé Pulse O2. Le bracelet, qui arrive dans une nouvelle version avec connection iPhone et Android, est capable de mesurer, outre le rythme cardiaque, le niveau d’oxygène dans le sang via un capteur optoélectronique situé au dos de l’appareil (quid de la précision d’une telle mesure…). Le tout peut-être validé dans une application maître : Health Mate.

Shine de Misfit est un petit capteur qui a pour objectif de mesurer le mouvement de jour comme de nuit. Le capteur mesure l’activité physique aussi bien lors de votre footing mais également en natation, basket, tennis, vélo… Shine est aussi capable de monitorer votre sommeil et de détecter les phases de réveil, de sommeil et de sommeil profond. En gardant le bracelet 24h/24h, Shine détectera ce que vous faites (sic) et, grâce à l’application dédiée, vous saurez tout de votre journée.

UP24 de Jawbone. On touche là le beau et élégant design. La fonction première du bracelet est de compter les pas. Difficile d’évaluer la précision de la mesure, mais ce n’est pas forcément important dans la mesure ou si vous gardez le même bracelet, c’est l’idée de la progression qu’il faudra avoir en tête.




Les mastodontes de l’informatique font leur marché santé

Samsung, Apple, Google, les géants de la communication numérique, se mettent au diapason de la santé, un marché porteur qui est à un tournant depuis les premiers capteurs connectables qui ont fait leur apparition, en attendant l’iWatch de la firme à la pomme, pour la rentrée.

Samsung, tout d’abord, a présenté en « prime time » Simband, une montre connectée et bardée de capteurs pour recueillir – entre autres – le pouls ou le niveau d’oxygène, outre les habituelles mesures sur ce genre de système. 

Mais la firme coréenne va plus loin, à l’instar de Betterise (voir article sur les trackers), en ayant réalisé un important travail sur les sciences du comportement afin d’aider les utilisateurs et les acteurs de la médecine à mettre à profit ce flot d’informations.

Les données sont stockées via la plate-forme Sami, un service de base de données destiné à accueillir notamment les informations biométriques recueillies par son bracelet connecté.

La disponibilité de cette technologie est encore floue, Samsung ayant, semble-t-il, voulu griller la politesse à Apple.

Lors de sa récente conférence annuelle destinée aux développeurs, Apple a donc présenté HealthKit. Ce kit de santé, partie prenante d’iOs8, est une base de données « centralisée et sécurisée » qui accueillera les données des utilisateurs.

Pour l’instant, les fonctionnalités de HealthKit sont plutôt limitées, mais on peut s’attendre, avec l’arrivée tant attendue du bracelet connecté Apple et de l’iPhone 6 à la rentrée (avec un écran plus grand pour suivre l’évolution), d’un déploiement d’analyse et de stockage des données de santé qui pourront être facilement collectées et stockées par la firme à la pomme. Poids, RC, évolutions physique et sportive, tous les indicateurs donneront lieu à des statistiques dans un cloud sécurisé dont vous serez le seul à avoir accès (c’est le moins que l’on puisse faire), mais également en autorisant – si l’utilisateur le souhaite – l’accès à un tiers de tout ou partie de ces données. C’est d’ailleurs ce qui se passe aux Etats-Unis où des accords ont été signés entre Apple et certains hôpitaux partenaires qui pourront accéder directement aux données de leurs patients (avec accord de cer derniers, cela va de soi).

Enfin, Fit de Google. Après un essai manqué en 2012, la firme revient avec un service qui permettra de collecter les données liées à la santé de l’utilisateur (dépenses en calories, rythme cardiaque, pression sanguine…) puis de les analyser afin de dresser un bilan, le tout à partir d’un smartphone ou d’un bracelet connecté. Les données récoltées seront uniquement consultables à partir d’un site web.

En conclusion

Ces plates-formes ouvrent la porte à une nouvelle génération de logiciels de bien-être auxquels sont de plus en plus sensibles les « connectés », grâce à la prolifération des smartphones (mais pas seulement). De nombreuses applications dédiées à la course à pied ou à la gestion des cycles de sommeil existent déjà, mais la combinaison de multiples types de données permettra de créer des logiciels beaucoup plus évolués et performants.

Mais attention à ne pas se laisser griser par la technologie et de bien connaître les aléas des clouds où les grandes firmes, par un passé on ne peut plus récent (NSA), ne s’étaient pas montrées exemplaires sur la protection des données, surtout sur la santé, loin s’en faut.




Les vertus santé du chocolat

generisches buch 1Est-il vraiment opportun de parler de chocolat dans une revue cardiologique réputée promouvoir les règles hygiénodiététiques classiques, au moment où les autorités sanitaires de notre pays martèlent la nécessité de ne manger ni trop gras ni trop sucré ?
Et bien oui, en tout cas si l’on en croit l’ouvrage du docteur Robert, qui pare cet aliment millénaire de multiples vertus, et non des moindres puisqu’elles concernent notamment la sphère cardiovasculaire.

Médecin nutritionniste, le docteur Hervé Robert a enseigné longtemps à la faculté de médecine Paris XIII ; il fait partie de ceux qui ont le plus écrit sur le sujet, il est d’ailleurs, et ce n’est que justice, membre de l’Académie Française… du chocolat.

On n’a bien sûr pas attendu cet hommage passionné pour recommander et consommer, parfois sans modération, ce produit issu de la fève du cacao : déjà, les Mayas – qui pensaient qu’il avait été découvert par les dieux – utilisaient ses propriétés pour accompagner leur peuple tout au long des événements capitaux de leur vie comme la purification des enfants, le mariage et la mort. C’était d’ailleurs un produit de luxe qui servait de monnaie d’échange dans toute l’Amérique précolombienne.

En revanche, même si les Français sont 99 % à aimer le chocolat et 83 % à en manger au moins une fois par semaine, ils restent une majorité à ne voir en lui qu’une gourmandise consommée avec un sentiment de culpabilité, qui fait grossir, favorise les migraines, fait mal au foie et peut même devenir une véritable drogue.

Autant d’idées reçues, non étayées par des travaux sérieux, que cherche à combattre ce livre dont le sous-titre est « VRAI/FAUX sur cet aliment gourmand ».

Le chocolat reste avant tout un aliment plaisir

Vibrant plaidoyer pour le produit, l’ouvrage est construit sur le modèle didactique : divisé en quatre parties, il commence par l’élaboration du chocolat, puis aborde en détail sa composition nutritionnelle, avant d’insister, on s’en doute, sur les bienfaits santé de l’aliment ; le dernier chapitre qui se veut avant tout pratique précise les meilleures façons de bénéficier de ses effets protecteurs.
En fait, avec l’appui d’une bibliographie riche de plus de 250 publications, ce livre explique pourquoi le chocolat :

– fait baisser le cholestérol,
– diminue la pression artérielle,
– protège des maladies cardiovasculaires,
– peut et même doit être consommé par les diabétiques,
– n’est pas impliqué dans l’excès pondéral,
– et surtout est bénéfique pour le moral.

Le lecteur qui chercherait dans ce livre de bonnes adresses plus ou moins secrètes de chocolatiers réputés ou artistes restera sur sa faim (!) et devra se reporter sur ses magazines culinaires habituels.

L’auteur en revanche n’est pas avare de conseils pour apprendre à acheter, conserver et surtout déguster le chocolat : une vraie dégustation passe par des étapes aussi précises et élaborées que celle d’un vin ou d’une bonne huile d’olive.

Le chocolat, comme le rappelle l’auteur, est avant tout un aliment plaisir et c’est tant mieux.

Hélas, la gourmandise reste dans le monde judéo-chrétien un pêché capital ; ne serait-il pas temps, comme le recommandait le regretté Lionel Poilâne, de lui substituer la gloutonnerie et d’en faire, pourquoi pas, une qualité ?

 

Les vertus santé du chocolat

Auteur : Hervé Robert

Editeur : Edp Sciences

Pagination : 204 pages

Prix public : 29,00 €




Le Gattamelata (Suite)

Suite de notre précédent numéro

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Visuel 1.

Reflétant l’image du héros militaire de l’antiquité, le condottiere en selle, jambes tendues, domine le spectateur. (Visuel 1) Il est habillé d’une armure, porte une épée sur le flanc gauche, tient un bâton de commandement dans la main droite levée dans un geste d’autorité. Il maintient avec fermeté les rênes de son cheval de la main gauche. La tête est légèrement penchée vers la gauche, les yeux regardent au loin avec orgueil et un certain dédain. Le cheval dans une position de repos, tourne la tête vers la gauche, la baissant légèrement en direction du sol. Le sabot de la patte avant gauche repose par son extrémité sur un boulet de canon. Une mise en scène élaborée pour montrer la supériorité et le pouvoir du personnage. 

Visuel 2.
Visuel 2.

L’armure n’est pas du XVe siècle, elle est une référence à l’antiquité. C’est la tenue militaire portée par les empereurs ou les généraux romains : la cuirasse en cuir rehaussée d’ornements métalliques, ornée d’une tête de méduse aillée, souligne l’anatomie du tronc. Le condottiere ne porte pas de casque. Outre la cuirasse protégeant la poitrine, des armatures métalliques couvrent les épaules, les coudes et les genoux ; il est chaussé de sandales évoquant les « caligae ». Autres images de l’antiquité romaine : Les rênes, la bride, l’armure sont agrémentées de petites phalères (1). Sont également sculptés des petits personnages masculins nus, des putti, parfois aillés. (Visuel 2)

Paradoxalement l’épée portée au flanc gauche est de son époque. De même, la selle, les étriers et les éperons à molettes qui n’apparaissent qu’à la fin du XIVe siècle.

 

Visuel 3.
Visuel 3.

Le visage (Visuel 3) est réaliste, Donatello s’est sans doute inspiré d’un masque mortuaire, une procédure habituelle à la Renaissance.   Les rides et les arcades sourcilières sont marquées, le menton volontaire, le regard absent, le Gattamelata semble absorbé par ses pensées. Le front est dégagé, les mèches de cheveux dispersés témoin d’un âge avancé. Ce portrait ressemble aux portraits des généraux romains vainqueurs de la fin de la république romaine.

Le piédestal sur lequel repose le Gattamelata mesure 7,77 m de haut soit environ deux fois la hauteur de la statue en bronze. Donatello a représenté en bas deux fausses portes (l’une fermée donnant sur la l’église et l’autre entrouverte sur la place) symbolisant le monde souterrain, en haut, deux reliefs. Deux anges montrent sur un relief son bouclier, sur l’autre son armure, son casque et son bouclier… Ces reliefs ont été au XIXe remplacés par des copies, les originaux se trouvant au musée de la basilique.

Une véritable prouesse technique 

Le registre comptable du banquier Giovanni Orsato est la seule source relative à la fonte du Gattamelata. Il indique qu’il fut fondu en plusieurs morceaux ; il détaille les quantités de cuivre et d’étain acheminées de Venise à Padoue. Les problèmes liés au poids inhérents aux statues équestres, accrus par le poids du bronze, l’échelle et certaines postures du cheval expliquent la raison pour laquelle Donatello glissa un boulet de canon sous l’antérieur gauche de la monture du Gattamelata

Les influences : la statue équestre de Marc Aurèle, le quadrige de Venise.

Visuel 4. Statue équestre de Marc Aurèle.
Visuel 4. Statue équestre de Marc Aurèle.

Donatello lors de son séjour à Rome a, probablement, vu la statue équestre de Marc Aurèle. (Visuel 4) Elle était lors de sa venue sans doute sur le forum. Elle ne fut érigée sur le capitole qu’en 1538 sur ordre du pape Paul III. Cette statuaire faisait l’admiration des artistes de l’époque, Filarete en fit une reproduction en petit (H 0,382, L 0,384, pr 0,20 m).

Lorsque l’on compare ces deux œuvres elles montrent incontestablement un grand nombre de points communs. Les deux cavaliers ont des attitudes très proches ; ils lèvent tous les deux le bras droit et tiennent les rênes de la main gauche. La posture des chevaux est très voisine, si ce n’est que l’un est au repos posant la patte antérieure gauche sur une sphère et l’autre à l’amble, l’un tourne la tête vers la gauche, l’autre vers la droite. La crinière, le toupet sur le sommet du crâne sont sculptés de façon identique. Quant au cavalier leur différence tient d’une part à leur tenue vestimentaire (l’un est manifestement un militaire, l’autre portant la toge est un personnage de haut rang) et d’autre part à leur portrait (l’empereur Marc Aurèle parait ouvert et intelligent, le Gattamelata semble refermé sur lui-même voir obtus). L’empereur fait un geste d’apaisement, le Gattamelata montre son autorité..

Visuel 5. Les chevaux de Saint-Marc.
Visuel 5. Les chevaux de Saint-Marc.

Padoue, sous domination de Venise en est peu éloigné. Donatello a certainement été en contact avec les chevaux du quadrige arrivé à Venise en 1204, suite à la prise de Constantinople (2) par les croisés. (Visuel 5) Cet important groupe sculpté en bronze doré a été placé sur la loggia de la Basilique entre 1253 et 1268, lors de la conception de la façade. La posture de l’un de chevaux est identique à celui du Gattamelata, une musculature puissante, la patte antérieure gauche levée, le sabot pointant vers le bas, la tête tournée vers la gauche, la bouche ouverte.

 

 

Visuel 6. Fresque de Paolo Uccelo.
Visuel 6. Fresque de Paolo Uccelo.

La fresque de Simone Martini du Condottière Guidoriccio da Fogliano dans la salle de la Mappemonde du palais public de Sienne a pu également influencer Donatello, de même que la fresque de Paolo Uccelo (en 1436) représentant le condottiere anglais, Sir John Hawkwood dans la cathédrale de Florence. (Visuel 6) Quant à la statue équestre en bronze de Nicolo III d’Este à Ferrare par les florentins Baroncelli et Antonio di Cristoforo elle est aujourd’hui disparue.

Conclusion 

La statue équestre du Gattamelata est le reflet de la place politique et du pouvoir acquis par les condottieri, ces soldats mercenaires au service des cités états et du pape. Donatello en résolvant les difficultés techniques nécessaires à la fonte de ce bronze monumental, a conçu une œuvre puissante renouant avec l’image idéalisée des héros de la Rome antique, tout en sculptant un portrait réaliste.

Le Gattamelata deviendra le prototype de toutes les figures de statues équestres ultérieures ; la statue équestre du Colleoni à Venise réalisé deux décennies plus tard par Andréa Verrocchio en est un exemple. Quant au monument équestre par Léonard de Vinci de Francesco Sforza qui devait être colossal, il ne verra jamais le jour, faute de financement, malgré l’exécution en argile du modèle et d’une fosse spéciale pour la fonte du bronze.

(1) Petite parure métallique, généralement circulaire, sur lesquelles était gravée ou ciselé quelque figure en relief.

(2) Il est admis que les chevaux se trouvaient au moment de la prise de Constantinople par les croisés sur l’hippodrome au cœur de la ville. Leur datation reste toujours l’objet de discussion, de l’époque de Lysippe (IVe siècle av. J-C) à celle de Constantin.




Vouvray demi-sec 2007

Selon la légende, le futur Saint-Martin ermite, puis évêque, aurait rapporté de Pannonie, un pied de vigne (du chenin ?), dont les moines développèrent ensuite la culture, qu’il planta au-dessus de l’abbaye de Marmoutier, qu’il avait créée en 372. Ainsi débute l’histoire du chenin, et de toutes ses déclinaisons, effervescent, sec, demi-sec, moelleux et liquoreux, avec ses succès et ses tragédies.

En effet, ce cépage, capable d’engendrer de grands vins, peut également produire des breuvages lourds ou abâtardis, si on ne soigne pas correctement la vigne en limitant sa vigueur, si on chaptalise le vin ou si on laisse opérer la malo-lactique qui fait chuter les acidités et cette sensation spécifique de « tranchant ». Divers écueils que sait éviter Philippe Foreau, un des maîtres du vignoble vouvrillon, au Clos Naudin.

Créé en 1910, par son grand-père, grâce à l’achat d’anciennes vignes, le Clos Naudin, dès cette époque, vendait directement son vin en bouteilles. Il s’étend actuellement sur 12 ha, exclusivement planté en chenin, situés en Premières Côtes, considérées par beaucoup pour donner les meilleurs crus, à flanc de coteaux dominant la Loire. Les sols, pour la plupart, sont composés d’argiles à silex riches en cailloux appelés ici « perruche ». Le sous-sol, c’est le fameux tuffeau du Turonien chargé en calcaire épais que les vignerons ont creusé, pour en faire leur cave et parfois leur habitation.

Le domaine pratique la sélection massale (1) pour les replantations, mais un tiers des vignes a plus de 40 ans. La culture de type bio ne comporte qu’un seul traitement phytosanitaire de synthèse, uniquement en cas de risque avant la fleur. Le désherbage se fait mécaniquement par labour et décavaillonnage évitant ainsi les herbicides. La lutte contre les parasites utilise la méthode de confusion sexuelle. Tout autre produit chimique, insecticide, engrais est banni. Les vignes plantées à 6 000 pieds/ha sont fortement taillées et ébourgeonnées, pour limiter les rendements à 35 hl/ha.

La production de vins demi-secs et moelleux bénéficie du climat océanique tempéré et de la douceur apportée par la Loire, mais nécessite certaines conditions favorables : automne sec et ensoleillé, vents forts soutenus, pour « sécher » le fruit, afin d’obtenir une maturation optimale du chenin et sa richesse en sucre, dont une partie ne pourra ainsi être fermentée. Ce sucre résiduel déterminera le classement en demi-sec (15 à 30 g), moelleux (30 à 50 g), liquoreux (plus de 50 g). Le botrytis, désiré en Anjou, n’est pas souhaité à Vouvray, en particulier par Foreau. La récolte, obligatoirement manuelle, par tries successives, parfois grain sur grain, permet de sélectionner les différentes cuvées en fonction de leur charge en sucre.

Les raisins sont pressurés pneumatiquement. La vinification naturelle grâce aux levures présentes sur la peau s’effectue en fûts de 300 litres, avec un maximum de 5 % de bois neuf, dans la splendide cave en tuffeau, dont la basse température permet une fermentation lente. L’élevage en fûts, avec un minimum de soufre, ne se prolonge pas au-delà de 6 mois, car le bois, selon Foreau, modifie la personnalité du chenin.

 

Une élégance remarquable

Avec sa robe éclatante jaune or parée de reflets topaze, ce vouvray demi-sec Clos Naudin 2007 est incroyable de densité et de richesse en bouche traduisant une superbe pureté de fruit. Des arômes d’agrumes, orange sanguine, pamplemousse rose, pomelo, rejoints par l’abricot, le chèvrefeuille, le coing et le massepain, envahissent le nez. En dépit de ses notes profondes douces amères de pépins de fruits, il atteste d’une élégance remarquable, et d’un équilibre presque parfait entre fruit et acidité. Cette acidité prégnante presque mordante, colonne vertébrale dirigeante des vins de Foreau, masque les 18 g de sucre résiduel, mais pas cette richesse exotique et cette complexité comparables à un pur-sang retenu dans son paddock. Sa longue finale se distingue par des notes minérales de craie, de gingembre et de douces fleurs d’une persistance proverbiale.

Oui, décidément, Philippe Foreau, gourmet passionné, sait transmettre dans ses vins le bonheur de les projeter dans l’espace qui leur revient : les grandes tables.

 

Un délice pour le cuisine thaï

Ce vin, grâce à son énergie et sa fraîcheur, sans excès de douceur, ses senteurs d’agrume et de coing, convient admirablement à la gastronomie et sublime la cuisine exotique sucrée-salée. Les poissons en sauce : sole à la crème, lotte à l’armoricaine, filets de cabillaud aux agrumes, une pastilla de pigeon ou mieux de poisson, la cuisine thaï, crevettes à l’aigre-douce, un ris de veau croustillant aux écrevisses selon Senderens, l’épouseront avec délice. J’ai un coup de cœur personnel avec deux préparations : le foie gras poêlé au coing et le canard à l’orange.

Bien que les vouvrays moelleux soient les plus adaptés aux desserts, ce demi-sec ne se déplaira pas en la compagnie d’une crème catalane, d’un gâteau aux poires ou d’un soufflé aux coings.

Philippe Foreau résume ainsi sa philosophie : « Boire du vin, au-delà de la gorgée avalée, c’est s’interroger sur les mystères de son goût, c’est comprendre son origine, son cépage, son terroir, c’est deviner les conditions climatiques qu’il a reçues ».

(1) Une technique qui permet de changer un pied de vigne tout en conservant une haute qualité de production, notamment lorsque le vignoble possède de très vieilles vignes de qualité.

 

Vouvray demi-sec 2007 – Domaine du Clos Naudin – 37210 Vouvray

 




Des outils pour vos patients – Le pilulier connecté

Un américain – AdhereTech – et un français – Medissimo – ont investi le créneau du pilulier connecté. Le concept est simple, si le patient ne prend pas sa pilule du jour, il sera rappelé à son bon souvenir et vos patients distraits vous en sauront gré.

AdhereTec1AdhereTech, la santé connectée

AdhereTech a imaginé une « smart pill bottle », autrement dit un petit flacon en plastique pour médicaments équipé de capteurs qui surveillent si le patient prend bien ses médicaments. Ce flacon vérifie le nombre de médicaments qu’il comporte et envoie les données en temps réel dans le cloud. Si le patient oublie de prendre sa dose de médicaments, un appel automatique ou un SMS lui rappelle de prendre leur dose prescrite habituelle.

L’intérêt principal est la configuration proche de zéro : pas de synchronisation ou de programmation. Cette petite machine se connecte comme un téléphone cellulaire. Les informations sont cryptées et les serveurs configurés pour des enregistrement anonymes, ce qui est le moins que l’on puisse faire…

 

Medissimo1Medissimo, le pilulier communiquant

Medissimo, a investit le même créneau qu’AdhereTech avec son pilulier communiquant. La start-up française a été récompensée en janvier dernier au CES de Las Vegas (1) pour son pilulier communiquant. Imedipac, c’est son nom, se présente sous la forme d’un semainier, avec des cases matin/midi/soir/coucher. Si l’utilisateur ne perce pas l’alvéole du lundi matin, Medissimo en est informé, et reçoit dans tous les cas l’heure de prise. Si une personne prend son traitement plus tard qu’elle ne le devrait, son médecin le saura à la fin du mois.

Imedipac se connecte à la plate-forme e-santé sécurisée de Medissimo. Le boîtier connecté est doté du GPRS, ce qui évite toute étape fastidieuse de configuration en wifi ou bluetooth (un bon point pour les allergiques à ces systèmes). Des signaux lumineux interpellent le patient lorsqu’il doit prendre un médicament. Imedipac permet aussi d’accompagner les patients lors de leurs voyages en se synchronisant automatiquement sur les fuseaux horaires. Lors d’une erreur de prise, plusieurs alvéoles se mettent à clignoter en association avec une alerte sonore. La plate-forme Medissimo en est informée, et si le patient l’a configuré sur l’espace web dédié, une alerte sera envoyée par email, SMS, et application mobile. Elle peut également déclencher une alerte téléphonique au patient, puis une alerte en cascade auprès du réseau d’aidants.

Imedipac devrait être commercialisé en fin d’année

 




Mots patients, mots passants

generisches buch 1C’est bien volontiers que nous nous faisons ici l’écho du dernier ouvrage publié par le Dr Robert Haïat.

On ne présente pas Robert Haïat à des cardiologues, tant est grande la notoriété de ses nombreux écrits sur les grandes études cliniques ou thérapeutiques et les recommandations en cardiologie.

Cardiologue, ancien chef de service de l’hôpital de Saint-Germain en Laye, Robert Haïat est aussi l’un des rédacteurs les plus éminents du Cardiologue, ses « Best of  des grands essais » sont attendus chaque année avec impatience par la population cardiologique, ils ont d’ailleurs valu à notre journal de recevoir le grand prix de la presse spécialisée en 2012.

Cette fois, l’auteur ne s’intéresse pas aux grandes innovations cliniques ou médicamenteuses  en médecine cardiovasculaire ; pour autant, on peut dire qu’il s’agit tout de même d’un livre « médical » puisqu’il concerne les patients.

En fait, Robert Haïat a réalisé ce que la plupart d’entre nous a rêvé de faire un jour ou l’autre au fil de ses consultations : il a soigneusement consigné les réflexions pertinentes ou moins pertinentes dont chacun peut être le témoin lors du « colloque singulier » qui fort heureusement permet encore au cardiologue clinicien de discuter avec son patient.

Comme il le précise très justement dans son avant-propos, « le huis clos d’un cabinet médical est souvent propice à la libération de la parole ».

Quelques exemples :

« Vous avez été soigné aux corticoïdes ? 

Non, docteur, aux Franciscaines »

Cela ne s’invente pas.

Ou encore :

« Ce jour-là, je n’avais pas la pêche pour aller à la chasse »

Et puis :

« Docteur, quand j’arrête de fumer, je grossis et quand je grossis je fume ; moi, vous le savez, c’est la graisse et le tabac ».

Et cette dernière qui a dû laisser l’auteur bien perplexe :

« Depuis que vous m’avez prescrit ce traitement, je n’ai plus eu d’arythmie ; mais, d’ailleurs, je n’en avais jamais eu auparavant ».

 

Au total, un florilège de phrases, expressions, réflexions plus cocasses les uns que les autres et parfois dépourvues de tout sens logique mais qui, ainsi que le souligne l’auteur, « n’ont pas toujours la légèreté qu’elles sembleraient avoir ».

A consommer sans modération.

 

Mots patients, mots passants

Auteur : Robert Haïat

Editeur : Editions Glyphe

Pagination : 120 pages

Prix public : 12,00 €




Château du Champ des Treilles 2011

vigneNe le celons pas, les prix des grands Bordeaux rejoignent actuellement la fantasmagorie ! Pour preuve : Angélus 2009 352 €, Cheval Blanc 2011 560 €, Lafitte 2011 572 €, Mouton 2010 791 €, Pétrus 2006 1 980 € ! Pas de méprise, ces prix hallucinants ne s’appliquent pas à une caisse de 6, mais à UNE bouteille ! Quel Français peut encore s’offrir de tels joyaux éphémères ? Certainement pas un cardiologue…

Heureusement, il est encore possible de déguster d’excellents « petits » Bordeaux aux alentours de 12 euros, tel le Champ des Treilles, beau domaine situé au sud de Sainte-Foy-la-Grande.

C’est en 1998 que, délaissant l’industrie agro-alimentaire, Corinne Comme reprend avec son époux, Jean-Michel, directeur technique du cru classé de Pauillac, Pontet-Canet, la petite exploitation familiale comptant maintenant 10 ha de vignes. La biodynamie s’est imposée à Corinne comme la meilleure solution pour le respect de la vie des sols, de la nature des cycles et de la santé des humains. C’est un retour au « bon sens » qui lui a permis de bannir tout geste inutile ou violent comme l’écimage, l’effeuillage ou les vendanges vertes. Ne cédant pas à la tentation du « tout-merlot », elle a aussi misé sur le petit verdot très à l’aise sur ses sols argilo-calcaires. Depuis 12 ans, l’accent est mis sur l’augmentation de densité de plantation, pour atteindre 10 000 pieds/ha en taille Guyot simple et double à l’instar des grands crus médocains que connaît bien Jean-Michel. Cette conduite, plus onéreuse, améliore la colonisation racinaire, la répartition des grappes et leur exposition au soleil. Le sol enherbé est labouré et décavaillonné, pour retourner la terre et éviter les herbicides.

L’agriculture biologique et biodynamique exclut évidemment tout intrant chimique. Si nécessaire, une fumure organique, des traitements à base de tisanes de plantes contribuent à améliorer la vie du sol.

Les raisins, récoltés manuellement à belle maturité en cagettes, passent sur la table de tri dès leur arrivée au chai. Les moûts fermentent spontanément en cuve inox grâce aux levures naturelles du raisin. Chaque parcelle est vinifiée séparément, les schémas de vinification étant adaptés à chaque terroir, afin d’exprimer au mieux leurs propres spécificités. Après la fin de la malo-lactique, le vin est soutiré et élevé 12 mois en fûts de chênes français. Comme à la vigne, toute action violente est bannie dans le chai, les extractions s’opérant tout en douceur. L’assemblage du Grand Vin du Champ des Treilles comporte 63 % de merlot,
20 % de cabernet franc, 9 % de cabernet sauvignon, 8 % de petit verdot.

Livré sur une robe brillante grenat sombre, paré de beaux reflets pourpres, ce Château des Treilles 2011 exhale au nez un bouquet aromatique intense très merlot de fruits noirs : cassis, mûre, griotte. Cette corbeille de fruits est soulignée par des flaveurs d’épices : cannelle, coriandre, menthe poivrée, de truffe et de réglisse qui se succèdent en une folle farandole. En bouche, la fraîcheur, la finesse, la douceur dominent avec beaucoup de suavité, de velouté grâce à une structure tannique fine, mais serrée sur un beau fil d’acidité. La finale est longue et persistante sur des notes de fruits noirs, auxquelles viennent s’ajouter des senteurs de terre chaude, de caillou frotté et de bois exotiques, en regrettant peut-être un peu de sécheresse terminale.

Ce vin encore jeune évoque les parfums d’une prairie en fin d’été, sur laquelle le crépuscule tombe doucement, qui se transforment dans un verger rempli de fruits pleins de couleurs, annonçant ainsi un beau potentiel de garde.

Avec sa finesse si particulière, ce vin de Sainte-Foy Bordeaux est un excellent compagnon pour une cuisine à son image délicate et raffinée. Un rumsteck saignant sauce Choron grosses pommes frites, une souris d’agneau confite aux épices douces, tagines de légumes, un carré de veau au soja, endives aux zestes d’orange amère lui feront fête, tout comme les classiques cèpes à la bordelaise. Je lui ai personnellement présenté une cuisse de pintade farcie qu’il a gaillardement escortée. De façon plus originale, il s’accordera avec certaines préparations marines : blanquette ou navarin de la mer, praires farcies, risotto de crevettes au curry.

N’acceptons pas la frénésie des prix des seigneurs bordelais et suivons Corinne C. qui aime ses vignes, et mieux leur fait confiance. Elles le lui rendent bien, engendrant des vins particuliers peut-être, mais sans maquillage, et qui laissent parler le terroir.

Château du Champ des Treilles 2011
Sainte-Foy Bordeaux 33220 Margueron



Votre nouvelle vie algorithmée

iPad BetteriseLa prévention est l’avenir de la médecine et du bien-être des hommes. C’est d’après ce simple constat que la start-up Betterise va prochainement lancer une application qui sera disponible sur le web et via des applications mobiles. L’un des fondateurs n’est autre que Michel Cymes, médecin et animateur de télévision.

 Notre vie quotidienne est constituée de multiples habitudes dont certaines portent atteinte à notre bien-être, sans que l’on en prenne vraiment conscience. Bettterise a pour vocation d’agir sur les petits gestes que nous reproduisons jour après jour pour réduire ceux qui pourraient être préjudiciables au bien-être, tout en sensibilisant et motivant au développement de ceux qui sont bénéfiques.

Grâce à son algorithme comportemental unique, Betterise adresse des conseils et des outils de manière ultrapersonnalisée en fonction du profil, des habitudes, des envies, des besoins…

Ce programme que nous n’avons pas encore essayé est extrêmement fourni. Hormis le classique carnet de notes pour relever toutes vos données, l’application mesure l’ensemble des données et interprète les comportements. Classiquement, un coach vous accompagne et conseille au quotidien (activité, nutrition, sommeil). L’algorithme gère également la gestion des humeurs et la prévention du stress. Il s’en prend également  à vos addictions afin de les réduire.

Enfin, un tableau de bord dédié vous permet de bien cerner ce qui va – et ne va pas – chez vous et d’y remédier.

Dans un premier temps, Betterise sera proposée aux entreprises afin de leur permettre, en améliorant la santé et le bien-être de leurs salariés, de lutter contre les phénomènes d’absentéisme et de présentéisme, d’augmenter leur productivité tout en améliorant leur image. Betterise est ainsi basée sur un modèle économique d’abonnement, pris en charge par chaque entreprise, par salarié et par an.




Le Gattamelata

La statue équestre en bronze du Gattamelata trône sur un piédestal, sur la piazza del Santo à Padoue devant la basilique de Saint Antoine. A l’origine, ce lieu entouré d’une enceinte était un cimetière, une œuvre de Donatello réalisée entre 1446 et 1450, en fait le monument funéraire du Condottiere Erasmo da Narmi appelé le Gattamelata. 

Donatello, un sculpteur de bronze reconnu

Donato Bardi, dit Donatello, né à Florence probablement en 1386/1387, fit ses premières armes dans l’atelier de Lorenzo Ghiberti (1) en participant à la réalisation des vantaux en bronze de la porte nord du Baptistère St Jean, un pendant à celles datant de 1336 de Nicolas Pisano.

Il est remarqué dès 1406, pour la qualité de ses travaux à la Cathédrale Santa Maria Del Fiore. Les sculptures des statues en marbre pour l’église d’Orsanmichele (2) (Saint Marc 1411-1413, Saint Georges,  la plus importante de ses œuvres de jeunesse, en 1416-1417) lui permettent d’accéder aux grands chantiers de la sculpture florentine. En 1423, pour une niche extérieure d’Orsanmichele, il conçoit sa première grande sculpture en bronze doré, le Saint-Louis de Toulouse (3). Lorenzo Ghiberti avait conçu, également pour Orsanmichele un Saint Jean Baptiste monumental, en bronze, dont la hauteur atteignait 2,55 m. Le Saint Louis de Toulouse  prouve le niveau technique auquel était parvenu Donatello dans l’art de la fonte du bronze. Réalisés en plusieurs morceaux ceux-ci après dorure ont été remontés en débutant par le bas de façon à ce que chaque partie se superpose à la précédente. Reconnu comme sculpteur de bronze, il reçoit de nombreuses commandes. Citons un monument funéraire pour l’antipape Jean XXIII alliant marbre et bronze doré (Il s’allie alors avec Michelozzo, un expert florentin de fonte du bronze), pour l’opéra del Duomo de Sienne le festin d’Hérode, la foi et, en 1430, le fameux  David nu placé au départ dans la cour du palais Medici Riccardi, aujourd’hui au musée du Bargello

Pour notre sujet, il est intéressant de noter qu’il fit alors un voyage à Rome en 1432-1433 où il n’a pas manqué de voir la fameuse statue équestre en bronze de Marc Aurèle.

De 1443 à 1453, il effectue un long séjour à Padoue, où il exécute plusieurs œuvres pour la basilique de Saint-Antoine : un immense crucifix puis un ensemble appelé autel du Santo, également en bronze comptant en tout 29 sculptures et bas-reliefs dont le miracle de la mule (4). Parallèlement, il travaille à la conception de la statue équestre du Gattamelata, au moment où il est au faît de son art. Donatello meurt à Florence le 13 décembre 1466.

Gattamelata, le chat rusé, un condottiere

Erasmo da Narni dit le Gattamelata, né en 1370 à Narni en Ombrie, est mort le 16 janvier 1443 à Padoue. Il fut l’un des condottieri les plus célèbres, avec Francesco Sforza, Alfonse d’Este, Federico de Montefeltro. L’Italie, depuis 1200 environ, est un assemblage de villes-états indépendantes se faisant mutuellement la guerre pour la conquête ou la défense de leur territoire et de leurs prérogatives commerciales. Ces cités font régulièrement appel aux condottieri, chefs de soldats mercenaires, ainsi le Gattamelata a servi successivement le pape, Florence et Venise, lors de combats contre les Visconti de Milan.

Padoue, un grand lieu de pèlerinage

Padoue fut, à partir du siècle IV avant J.C., le plus important centre des Vénètes, puis l’une des villes les plus prospères de l’Empire Romain.  Entièrement détruite par les Lombards en 602, elle renaît progressivement de ses cendres et devient au XIIe siècle une libre commune.  Au cours du Moyen Age, Padoue devient un grand centre universitaire et de pèlerinage. Fondée depuis 1222, l’université de Padoue attire les étudiants de l’Europe entière. La basilique Saint-Antoine, construite entre 1232 et 1300 dans un style de transition romano-gothique, abrite le tombeau de Saint Antoine, un moine franciscain né en 1195 et mort à l’âge de 36 ans, objet d’une grande vénération.

Elle connut l’apogée de sa puissance politique grâce à la Seigneurie de la Famille Da Carrara (1338-1404), une période de grande prospérité économique et artistique. Sous  la domination de la république de Venise depuis 1405, elle reste malgré tout un grand centre artistique comme en témoigne notamment les œuvres conservées à l’intérieur de la basilique.

La Statue du Condottiere

La statue équestre du Gattamelata, une commande du fils de ce dernier, a été érigée en 1453.

Cette statue équestre colossale (H 340 x l 390) est la première œuvre en bronze de cette importance réalisée depuis celle de Marc Aurèle à Rome et le premier monument consacré à un condottiere. Une telle réalisation demande non seulement une somme d’argent considérable mais exige également une haute technicité dans l’art de la fonte.

Cette statue en ronde de bosse était située à l’origine dans un cimetière en plein air et destinée à être vue sur tous les angles. Si la hauteur du piédestal rend impossible de voir nombre de détails, le Gattamelata était visible de loin et s’imposait à tout pèlerin venant à la basilique Saint Antoine…

1/ Lorenzo Ghiberti (1378-1455) : Ghiberti remporte le concours organisé par la corporation des marchands en 1401 (sacrifice d’Isaac) pour la réalisation des vantaux  en bronze de la porte nord du baptistère Saint Jean ; cette date marque, par convention, le début de la Renaissance en Italie. Sept concurrents étaient en liste dont Brunelleschi. 
2/ Orsanmichele : l’église Orsanmichele (1337) était l’un des carrefours commerciaux religieux les plus importants de Florence, proche de la place du Palazzo Vecchio. 
3/ Saint-Louis de Toulouse (H 2,85, l 1,10, pr 0,80 m) : né en 1274 à Brignoles mort en 1297 à l’âge de 23ans, fils de Charles II d’Anjou et de Marie de Hongrie, ordonné évêque de Toulouse en 1296 et canonisé en 1317. 
4/ Le miracle de la mule montre la virtuosité de Donatello à manier la perspective mise en pratique par Brunelleschi dés 1420. La scène raconte un des miracles de Saint-Antoine de Padoue : en réponse à un hérétique l’ayant bravé en lui disant qu’il croirait en Dieu quand sa mule le ferait également, Antoine présenta à la bête une hostie qui la fait docilement s’agenouiller devant l’autel de l’église.
 
Bibliographie[1] Charles Avery. La sculpture florentine de la Renaissance. Livre de poche 1970.

[2] Marc Bormand, Béatrice Paolozzi Strozzi. Le printemps de la Renaissance, la sculpture et les arts à Florence 1400-1460 Catalogue d’exposition. Edition du Louvre 2013.

[3] Gaeta Bertela. Donatello Edition Beccoci. Firenze. 1984.

[4] Neville Rowley. Donatello. La Renaissance de la sculpture. Edition A propos. 2013.

[5] F. Bacou, F. Baratte et coll. Les Chevaux de St Marc. Le Petit Journal 1981.

[6] Richard Truner. La Renaissance à Florence. Flammarion « Tout l’art ». 1997.




Côtes du jura : Fleur de Marne-la-Bardette 2008

371 – Ouiller ou ne pas ouiller ? Telle est le dilemme shakespearien soulevé par la talentueuse nouvelle vague des vignerons jurassiens.

vinjura150pxPendant longtemps, les vins blancs secs du Jura étaient appréciés par un nombre restreint d’amateurs pour leurs originalité et typicité : élevés sous voile selon la méthode traditionnelle, où l’évaporation dans les fûts n’est pas compensée par rajout de vin (ouillage), afin d’éviter la persistance d’une bulle d’air provoquant la piqûre acétique, c’est-à-dire le vinaigre.

Or, dans le Jura, le vin, en particulier le cépage savagnin, se protège par la constitution d’une pellicule levurienne, le voile, qui permet une oxydation lente et progressive accentuant les arômes. L’expression majeure de cette vinification hétérodoxe est représentée par le vin jaune, où le savagnin, maturant plus de 6 ans en fût, acquiert ses saveurs inimitables de noix, de curry et de morille.

Et puis vint Jean-François Ganevat, vigneron à forte personnalité, militant pour l’abandon du voile, privilégiant les beaux chardonnays du sud du vignoble, prônant une vinification classique à la bourguignonne avec ouillage, une culture biologique, puis biodynamique, un élevage parcellaire…

D’abord sceptique

Comme nombre d’amateurs, j’étais sceptique (Le Cardiologue n° 309) avant de découvrir ses fabuleux vins, ainsi que, grâce à un ami cardio-œnologue dôlois, ceux plus accessibles et moins onéreux de son proche voisin de Rotalier, Alain Labet, qui utilise strictement les mêmes méthodes.

Alain Labet travaille maintenant avec son fils Julien qui gère la vinification et crée ses propres appellations sur un domaine né en 1974, actuellement de 13 hectares, avec une forte dominante de blancs de chardonnay. Les plus belles cuvées, regroupées sous le nom de Fleur de Marne, proviennent de vignes de plus de 60 ans issues d’anciennes sélections massales à l’époque où les clones n’existaient pas.

Cultivées sur des marnes, terres sédimentaires du Lias avec un socle calcaire du Bathonien, les meilleures vignes poussent en pente douce, exposées ouest à une altitude de 250 mètres. L’agriculture, strictement bio sur certaines parcelles, n’utilise quasi aucun produit chimique, ni engrais. Le travail est manuel : griffage pour désherber, labourage, taille Guyot classique courte, traitements biologiques.

Les vendanges manuelles en caissettes s’étendent sur 1 mois, avec un tri sévère sur pied et au chai. Le raisin non éraflé est pressé pneumatiquement, le jus débourbé au bout de 12 heures, puis remis en suspension pour une fermentation spontanée à partir des levures présentes naturellement dans la vigne, différentes d’une parcelle à l’autre qui donnent ainsi au vin sa personnalité et ses typicités aromatiques. Cela explique, chez les Labet, le dogme des cuvées parcellaires issues d’une seule vigne portant le nom du lieu-dit, où il est né.

Le vin est élevé sur lie en barriques, sans soutirage pendant 12 à 24 mois. Elles sont complétées chaque semaine, pour prévenir l’oxydation et interdire le voile. Le bois neuf est exclu. La mise en bouteille s’effectue, sans collage, ni filtration.

Habillée d’une robe or pâle limpide aux reflets verts, cette Fleur de Marne Bardette 2008 exprime une matière séveuse juvénile et une personnalité charnue épicée. Le nez est charmé par la délicatesse des fleurs de chèvrefeuille, d’aubépine, de camomille associée à la fraîcheur d’agrumes mûrs. La bouche, envahie par des arômes d’épices, poivre blanc, cumin et de fruits, pamplemousse et abricots confits en une richesse un peu échevelée, regorge de saveurs minérales tempérées par un plaisant gras et une fine acidité typiques du sol de marnes sur socle calcaire. La finale tendue et longue confirme la noblesse de ce chardonnay jurassien. Ce vin évoque d’innombrables fleurs délicates qui se balancent sous le doux soleil de l’automne, leurs pétales aux couleurs tendres tremblant et s’abandonnant sous le murmure de la brise.

Un grand vin de gastronomie

A l’évidence, ce chardonnay du Jura la Bardette, doté d’une minéralité tranchante qui titille les papilles, est un grand vin de gastronomie. Il dédaignera les classiques fromagers jurassiens, raclettes, fondues et autres tartiflettes, mais se complaira avec des plats plus élaborés : pavé de saumon sauce fumée au lard, lieu jaune moutarde à l’ancienne, barbue ou plus prosaïquement cabillaud au jus de carottes selon Piège, salade ou tartare de Saint-Jacques aux truffes, filets de perche à la hollandaise. Les poissons de rivière et de lac, les écrevisses lui feront la fête. Il accompagnera plaisamment de belles viandes blanches, telles une escalope de veau comtoise, une volaille crémée et truffée. Il s’accordera plus avec des fromages locaux doux : mont d’or, morbier qu’avec les vieux comtés ou beauforts qui, eux, se roulent de plaisir avec le savagnin.

A Alain Labet, la conclusion : à travers mes vins, je laisse s’exprimer la personnalité d’un cépage, d’un lieu, d’un sol, d’un terroir. Le vigneron n’est que l’interprète de cette partition écrite par la nature.

Jean Helen

Domaine Labet 39190 Rotalier

 




e-Santé ou m-Santé ?

e-Santé ou eHealth

Le terme d’e-Santé désigne tous les aspects numériques touchant de près ou de loin la santé. Cela correspond à du contenu numérique lié à la santé, appelé également la santé électronique ou télésanté.

Cela concerne des domaines comme la télémédecine, la prévention, le maintien à domicile, le suivi d’une maladie chronique à distance (diabète, hypertension, insuffisance cardiaque …), les dossiers médicaux électroniques ainsi que les applications et la domotique, en passant même par la création de textiles intelligents.

La e-santé apparaît de plus en plus comme la solution à mettre en place pour palier aux difficultés de notre système de soins qui est confronté aujourd’hui à plusieurs défis majeurs :

– vieillissement de la population,

– gestion de la dépendance,

– accès universel à une prise en charge de qualité,

– accroissement significatif des dépenses,

– explosion des maladies chroniques,

– évolution de la démographie médicale qui menace l’accès égalitaire aux soins.

 

m-Santé ou mHealth

Il s’agit de tous les services touchant de près ou de loin à la santé disponibles en permanence via un appareil mobile connecté à un réseau (smartphones ou tablettes).
En d’autres termes, on peut dire également que la m-Santé est l’e-Santé accessible avec un téléphone mobile ou un tablette.

La Fondation des Nations-Unies a organisé la définition de la m-Santé avec les six catégories d’applications dans le domaine de la santé mobile :

– éducation et sensibilisation,

– téléassistance,

– diagnostic et traitement de soutien,

– communication et formation pour les professionnels de santé,

– maladie et le suivi d’une épidémie,

– surveillance et la collecte de données à distance.

Pascal Wolff




Sacré monde « médiconnecté »

370 – Les applications médicales pour smartphones et autres tablettes sont aujourd’hui légions dans les circuits de distribution. Ces apps sont avant tout destinées au grand public, bien plus facile à convaincre que les professionnels de santé pour lesquelles des développements sont synonymes de coûts et de… professionnalisme.

L‘aventure de l’AppStore a commencé en juillet 2008 avec 500 applications et 10 millions de téléchargements le jour de son lancement. Cinq ans plus tard, Apple annoncait 900 000 apps pour plus de 50 milliards de téléchargements. Dans cette avalanche de chiffres vertigineux, la catégorie santé/médecine/bien-être (car on mélange tout dans les stores) propose un grand nombre d’applications gratuites (environ 45 %) et payantes (prix moyen de 7,57 euros) avec une palme pour iStutter – une application destinée à aider les bègues à surmonter leur handicap – pour la modique somme de 799,99 euros. Et la tendance n’est pas prête de s’arrêter car, selon le rapport Research2guidance (1), le pic des 500 millions d’utilisateurs devraient être atteint en 2015.

On ne compte plus les nouveautés concernant la rubrique santé/médecine/bien-être, mais quantité ne rime pas forcément avec qualité et ce mélange fourre-tout fait la joie des sociétés de développement, et le sérieux de ces applications mobiles santé sur les différents store laissent souvent à désirer, car mal catégorisées, non évaluées et rares sont celles qui peuvent apporter une aide incontestable à l’utilisateur. On peut en vrac trouver un lecteur de bandelettes urinaires, un guide d’infectiologie, une application d’examen de la peau, un « évaluateur » de psoriasis, un lecteur de glycémie, un oxymètre de pouls, un dépisteur de mélanomes et, le cinq étoiles : une application qui oriente vos rêves en laissant le smartphone dans votre lit pour vous aider à bien dormir (sic).

Mais face à ces développements de l’e- et de la m-santé (2), certains sites internet proposent des « dossiers Médecine » et d’autres des plates-formes d’évaluation. Mais, plus important pour les professionnels de santé, ce sont les initiatives de la FDA, de la NHS ou de Vidal en collaboration avec les CNOM que certaines applications sont en train de devenir de véritables dispositifs médicaux . Cette prise en main par de hautes instances médicales montrent l’importance que les applications auront demain dans notre vie. Elles deviendront incontournables dans le suivi thérapeutique, le maintien à domicile, le monitoring/coaching, la télémédecine, dans une perspective de meilleure efficacité des traitements et des soins, et de réduction des coûts de santé. Surtout si l’on estime que les professionnels de santé prescriront et conseilleront des applications mobiles à leurs patients en plus de leurs traitements d’ici quelques années (3).

Quant à Apple, elle développerait pour sa prochaine mise à jour une app dédiée à la santé sur iOs 8 appelée Healthbook. Cette application pourrait être connectée à un bracelet ou à la future iWatch. Nous en saurons plus en juin lors des traditionelles annonces de San Francisco.

Pascal Wolff

(1) Mobile Health Market Report 2013-2017 – research2guidance.com
(2) lemondedelaesante.wordpress.com
(3) http://buzz-esante.com



La Madone de Tarquinia de Filippo Lippi (1406-1469) et la parenté du génie

370 – La Galerie Nationale d’Art Ancien du palais Barberini à Rome permet d’admirer une Vierge à l’Enfant de Fra Filippo Lippi (v.1406-1469) qui meurt à Spolète, petite ville d’Ombrie au nord de Rome, le 8 octobre 1469 entouré de son fils âgé de 12 ans, Filippino Lippi (1457-1504), sans avoir eu le temps de terminer les peintures de l’abside de la cathédrale. Dix huit ans après sa mort, Filippino s’arrêta à Spolète pour mettre en place un monument sur la tombe de son père à la demande de Laurent le Magnifique (1449-1492) soulignant les liens étroits qui les unissaient aux Médicis, à la fois mécènes et protecteurs. 

Un orphelin de talent

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Filippo Lippi : autoportrait (détail). Dans Scènes de la vie de la Vierge, fresques de la cathédrale de Spolète.

Filippo di Tommaso Lippi serait né à Florence vers 1406 ; orphelin très tôt, c’est à l’âge de huit ans qu’il est confié au couvent de Santa Maria del Carmine (du Carmel) où il va peindre ses premières oeuvres. En 1421, il prononce ses vœux avec son ami Fra Diamante (v.1400-v.1485) qui sera son alter ego et assistant jusqu’à la fin de sa vie. C’est dans la chapelle Brancacci, située dans l’église Santa Maria del Carmine, que Filippo va être influencé par les derniers raffinements gothiques de Masolino (1383-1440) et les innovations de Masaccio (1401-1428).

En 1428, Filippo est nommé sous-prieur des Carmélites de Sienne où il pu s’imprégner des peintures de l’école siennoise. En 1432, il quitte le couvent sans quitter l’habit et en 1437, il peint sa première œuvre importante, le Retable Barbadori (Louvre) qui est l’un des premiers exemples de « Sainte Conversation » regroupant la Vierge, l’Enfant et les saints sur un seul panneau.

La Madone de Tarquinia

La Madone de Tarquinia
Filippo Lippi : La Madone de Tarquinia (1437).
Tempera sur bois, 151 x 66 cm.

Cette Vierge à l’Enfant est la première œuvre datée (1437) de l’artiste, dans un cartouche à la base du trône, et se situe à un tournant dans son évolution artistique, probablement sous l’influence de peintres flamands tels que Jan Van Eyck (1395-1441) qui, dès le début du XVe siècle, montrèrent des figures célestes dans un cadre domestique. Filippo Lippi a pu découvrir ces peintres lors d’un séjour à Padoue en 1434, dans l’entourage de Cosme de Médicis dit l’Ancien (1389-1464) temporairement exilé.

La Madone de Tarquinia (ou Corneto Tarquinia), découverte au XIXe siècle dans la petite ville de Corneto située dans la région du Latium, en Italie centrale, devenue Tarquinia en référence à son passé étrusque (Tarquin l’Ancien ayant été le premier roi d’origine étrusque de la Rome antique), y fut apportée par son commanditaire, Giovanni Vitelleschi, archevêque de Florence, pour son palais construit dans les années 1430 ; on y voit l’Enfant Jésus se précipiter sur sa mère dans un bel élan de tendresse, mais il est presque grotesque, erculeo Bambino, avec une grosse tête joufflue, un torse puissant et de larges membres, sur le modèle du putto « enfant potelé et nu » partout présent, le plus souvent avec deux ailes, dans l’art hellénistique et romain.

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Filippo Lippi : buste en habit de Carme dans la cathédrale de Spolète.
par Benedetto da Maiano (1442-1497).

Ceci est à rapprocher du petit Jésus potelé et impatient, dans l’Adoration des Mages sculpté par Nicola Pisano (1220-1278) sur la chaire du baptistère de Pise avec l’une des Vertus terrestres sous l’aspect d’un Hercule nu (1260), emprunté aux vestiges antiques. Assise sur un trône jaspé en éventail dans un style byzantin, la Madone, à la tristesse retenue, a des mains massives  et une tête presque ronde et aplatie, dans un style typique de Filippo Lippi ; les plis de sa robe sont à la fois souples et larges.

La scène se situe dans le cadre privé d’une chambre ouverte sur une cour que l’on entrevoit à travers un portail semi-ouvert à l’arrière avec des volets garnis de ferrures et un paysage visible par la fenêtre ouverte sur la gauche, de tradition nordique mais aussi siennoise situant les scènes de la vie de la Vierge au sein d’une pièce communiquant avec d’autres espaces.

En outre, le peintre impose un effet d’optique sous forme d’une impression de relief « écrasé » ou stiacciato inspiré de Donatello (1386-1466) avec une lumière rasante sur le tissu et les bijoux au sein d’une pénombre nuancée. Le naturalisme flamand est retrouvé dans le réalisme du livre de prières d’où pendent des signets, avant l’influence des couleurs claires et lumineuses de Fra Angelico (v.1400-1455) et avant que l’artiste prenne ses distances avec l’influence de Masaccio. Il en résulte une grande tendresse et une sensualité inhabituelle d’autant que c’est la première fois, dans la peinture italienne, que les saints personnages n’ont pas d’auréole et sont représentés dans une ambiance intime; ils sont résolument humains.

Une vie tumultueuse

En 1438 Filippo Lippi passe au service des Médicis ; en 1452, il commence les fresques de l’église Santo Stefano à Prato parmi lesquelles la Danse de Salomé lors du Festin d’Hérode est l’expression la plus vivante qu’il ait composée. Cette même année, Filippo d’un caractère impulsif, fut compromis dans une histoire de faux en écritures, mis en prison et condamné à l’estrapade.

En 1456, il est chapelain du couvent des religieuses de Santa Margherita à Prato où il va séduire une jeune religieuse qui lui sert de modèle, Lucrezia Buti née en 1435, dont il aura un fils, Filippino en 1457. Cette liaison scandaleuse fut divulguée par le tamburazione, fente par laquelle on glissait les dénonciations anonymes.

C’est Cosme de Médicis qui va lui sauver la vie en demandant sa grâce au pape Pie II Piccolomini (1405-1464) qui accepta de relever Filippo et Lucrezia de leurs vœux ; Cosme de Médicis excusait les fautes de l’homme par le génie du peintre et « ce moine en rupture de vœux qui émancipa la peinture religieuse » avait voulu rester moine malgré ses aventures et c’est sous l’habit blanc de sa congrégation que, après son époque « pratese » (1452-1466), il arrive à Spolète pour y peindre les fresques à la glorification de la Vierge de l’abside de la cathédrale. Filippo Lippi s’y représentera en compagnie de son jeune fils adolescent. Ces fresques, restées inachevées à sa mort, seront terminées par son fils et Fra Diamante.

L’inné et l’acquis du talent : les deux Lippi

Filippo Lippi était considéré de son vivant comme l’un des plus grands artistes florentins et fut le premier à se représenter parmi les personnages de ses peintures. A la fois maître habile et tyrannique, fabuleux coloriste sachant donner une remarquable vivacité à ses œuvres, Fra Filippo Lippi eut souvent des relations compliquées avec ses élèves parmi lesquels le plus prestigieux fut Sandro Botticelli (1445-1510) chez lequel Filippino Lippi fit son apprentissage avant d’être considéré à son tour et de son vivant, comme un peintre florentin éminent. Les œuvres de Filippino sont moins sereines que celles de son père, reflétant les années de répression artistique du prédicateur Savonarole (1452-1498).

A la mort de Filippino Lippi à l’âge de quarante six ans, « d’une très mauvaise fièvre et d’une angine », les ateliers d’artistes demeurèrent fermés lors des funérailles, ce qui n’était réservé qu’aux personnalités princières. « Le père était né vers 1406, le fils mourut en 1504. A travers leurs œuvres, on peut suivre la marche du grand siècle de la peinture florentine, de son aurore à son crépuscule » (Mengin).

Louis-François Garnier

Bibliographie

[1] Baxandall M. L’œil du Quattrocento. Gallimard 2013.
[2] Deimling B. La peinture des débuts de la Renaissance à Florence et en Italie centrale. in Renaissance italienne. Editions de La Martinière 1995.
[3] Le printemps de la Renaissance. La sculpture et les arts à Florence 1400-1460 Louvres éditions 2013. 
[4] Mengin U. Les deux Lippi. Librairie Plon 1932.
[5] Molinié A.S. Filippo Lippi, la peinture pour vocation. A Propos 2009.
[6] Panofsky E. La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art d’Occident. Flammarion 2008.
[7] Paolucci A. Filippo Lippi. Art Dossier Giunti Editore 200.
[8] Toman R. et al. L’Art de la Renaissance italienne. Ullmann 2013.
[9] Vasari G. Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes. Commentaires d’André Chastel. Acte Sud 2005.
[10] Filippo et Filippino Lippi. La Renaissance à Prato. Silvana Editoriale 2009 et de façon romancée.
[11] S. Chauveau. La passion Lippi. Folio 2006.

Remerciements au Dr Philippe Rouesnel pour ses conseils érudits et au conservateur du musée Barberini pour sa bienveillante disponibilité.