Tourmente numérique : le débat

« Le médecin et le patient dans le monde des datas, des robots, des algorithmes et l’intelligence artificielle. » C’est sur ce thème que, dans le prolongement de son Livre Blanc, l’Ordre a organisé un débat il y a quelques semaines. Verbatim.

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




Jacques Lucas (CNOM) : « La formation des médecins doit inclure le numérique »

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




Médecins et patients : la tourmente du numérique

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




Les cardiologues testent l’adhésion des hypertendus aux objets connectés

Les objets connectés peuvent-ils améliorer la prise en charge des patients hypertendus, notamment en ce qui concerne le suivi des mesures hygiéno-diététiques, de l’activité physique et du traitement ?

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




L’éclosion de la santé mobile et connectée

Le marché des applications et des objets connectés de santé est actuellement en pleine croissance. Mais alors qu’ils séduisent un nombre croissant de Français, ils laissent encore les médecins quelque peu dubitatifs.

smiling couple with earphones running outdoors
La M-santé pose des questions éthiques que l’on ne doit pas négliger. © Syda Productions

Comme ils l’ont fait avec internet, il faudra pourtant bien qu’ils se mettent au diapason de leurs patients et adoptent ces nouveaux outils dans leur pratique. C’est le message que leur délivrent l’Ordre des Médecins dans le Livre Blanc qu’il consacre au sujet, assorti des quelques recommandations pour un déploiement fiable et sécurisé de la santé connectée.

379 – Alors que la santé devient mobile et connectée et que les Français y sont très majoritairement favorable (voir article page 12), le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) vient de publier un Livre Blanc « De la e-santé à la santé connectée » qu’il a présenté à l’occasion de sa dernière matinée-débat consacrée aux « enjeux de la santé connectée ». Pour l’Ordre, cette initiative répond à la nécessité d’accompagner les médecins dans cette évolution, pour ne pas dire cette révolution technologique, qui va impacter qu’ils le veuillent ou non, leur pratique.

Dans l’introduction de ce Livre Blanc, le président du CNOM, le Dr Patrick Bouet, et le vice-président, le Dr Jacques Lucas, incitent les médecins à « accompagner le déploiement du monde numérique appliqué à la santé et à en adopter eux-mêmes les aspects utile et bénéfiques dans leurs pratiques médicales », sans tomber dans la « fascination technologique » qui pourrait faire oublier « les menaces qui pourraient en découler sur les libertés individuelles et collectives ». Estimant que les applications et objets connectés de santé peuvent constituer des outils complémentaires utiles à la prise en charge des patients, l’Ordre souhaite « réguler sur le futur plutôt que sur les pratiques du passé », selon les mots de Jacques Lucas, et énonce quelques recommandations.

Evaluer scientifiquement les applications

Pour commencer, il s’agit de « définir le bon usage de la santé mobile au service de la relation patients-médecins », et le CNOM entend y contribuer par ses publications, en association avec la Haute Autorité de Santé (HAS).  Ensuite, l’instance ordinale souhaite « promouvoir une régulation adaptée, graduée et européenne ». Les outils connectés devraient faire l’objet d’une déclaration de conformité à des standards portant sur la confidentialité et la protection des données recueillies, la sécurité informatique, logicielle et matérielle et la sûreté sanitaire. En troisième lieu, une évaluation scientifique des applications et objets connectés doit permettre d’en évaluer les bénéfices sur la santé individuelle et/ou collective, et de les distinguer de simples gadgets. Si l’intérêt est avéré, l’Ordre estime qu’il serait alors « cohérent » d’envisager leur prise en charge par l’Assurance Maladie.

Le développement de la santé mobile ou m-santé (appellation qui vient de l’anglais mobile-Health) pose des questions éthiques qu’il est « indispensable de traiter dans le cadre de débats publics, ouverts », estime le CNOM, qui met notamment en garde sur les conséquences d’un modèle économique fondé sur la valorisation des données. De même, il est important qu’une éducation au numérique concerne « tous les publics », y compris les entrepreneurs qui ont « tendance à méconnaître ou ignorer les cadres tant juridique (réglementation) que technique (interopérabilité) dans lesquels devraient s’inscrire leurs innovations ». Enfin, l’Ordre appelle de ses vœux « une stratégie nationale d’e-santé », et la constitution d’un « conseil national stratégique placé sous l’autorité ministérielle » permettant de clarifier la gouvernance de l’e-santé et, notamment, de préciser les impératifs éthiques liés à son déploiement.




e-santé : entretien avec Jacques Lucas (CNOM)

Pour le vice-président du CNOM et délégué général aux systèmes d’information en santé, il faudrait une volonté politique forte pour accompagner le développement de la e-santé, aussi irrépressible que le déploiement de l’écrit avec l’invention de l’imprimerie.

lucas300
© esante.gouv.fr

Qu’est-ce qui a amené l’Ordre à rédiger ce Livre Blanc sur la santé connectée ?

Jacques Lucas. J’ai déjà produit plusieurs documents dans le domaine du numérique, en particulier le Vade-mecum de la télémédecine, et à ce moment-là il m’est apparu que tout ce qui paraissait sur la m-santé méritait qu’on s’y attache, qu’il était nécessaire que nous parlions des objets connectés en liaison avec la pratique médicale.

Selon vous, dans quelles conditions doit se faire ce développement de la e-santé pour que soient respectées la sécurité et la qualité ?

J. L. La puissance réglementaire en France doit se saisir de ce sujet et s’engager dans une régulation, plutôt qu’une réglementation d’ailleurs. On ne peut pas rester dans le no man’s land actuel concernant la protection des données. Mais sachant qu’il est illusoire de chercher à fermer les frontières, puisque Internet les passe, il semble indispensables que la régulation prenne une dimension européenne au même titre que le processus de certification pour les dispositifs médicaux. Concernant les objets connectés, il importe que les sociétés qui les diffusent puissent agir selon des référentiels relatifs à la fiabilité et à la sécurité des données. Il me semble qu’on pourrait instaurer un système de déclaration de conformité a priori mais accompagné d’audits réalisés par un organisme disposant lui-même d’un pouvoir de sanction économique en cas de fausse déclaration de conformité. Je pense que cette mission d’audit et de sanction pourrait être confiée à la CNIL, elle-même pourrait œuvrer pour que les CNIL européennes prennent le relais.

On sent une certaine résistance à la e-santé de la part des médecins. Qu’en pensez-vous ?

J. L. C’est une résistance naturelle à tout changement. Pour en revenir à l’invention de l’imprimerie, rappelons-nous qu’à cette époque, l’Eglise brûlait les livres et, pour plus de sûreté, ceux qui les avaient écrits. Dieu merci, nous n’en sommes plus là ! Il faut que les médecins comprennent que le développement de l’e-santé est irrépressible, comme le déploiement de l’écrit avec l’invention de l’imprimerie. Les résistances ne viennent d’ailleurs pas seulement des médecins mais aussi des autorités sanitaires, du ministère et du financeur. C’est pourquoi il nous paraît souhaitable que l’ensemble des acteurs soit réuni au sein d’un conseil national stratégique de la e-santé. Il y a un marché et la France à des atouts dans ce domaine et un savoir-faire médical, ce serait dommage de n’en rien faire. Il faudrait une forte impulsion politique pour la e-santé et ce n’est malheureusement pas le cas. On parle beaucoup du numérique mais je constate que Madame Axelle Lemaire n’est « que » secrétaire d’Etat chargée du Numérique ce n’est pas le ministère de la Santé qui pourra imposer ses vues à Bercy !




Santé mobile : savoir de quoi l’on parle

La e-santé

L’expression e-Health apparaît pour la première fois en 1999. Son auteur, John Mitchell, l’a définit comme « l’usage combiné de l’internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance ».

Sa traduction française fait son apparition en 2000 et désigne aujourd’hui tout ce qui contribue à la transformation numérique du système de santé. 

La m-santé

En 2005, le terme de Mobile Health est employé par l’universitaire londonien, le Pr Robert Istepanian, pour désigner « l’utilisation des communications mobiles émergeantes en santé publique ». En 2009, l’OMS la définit comme recouvrant « les pratiques médicales et de santé publique reposant sur de dispositifs mobiles tels que téléphones portables, systèmes de surveillance du patient, assistants numériques personnels et autres appareils sans fil ».

Télémédecine

Définie par la loi HPST et par le décret du 19 octobre 2010, la télémédecine en France comporte cinq actes passibles : téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance médicale, téléassistance médicale, réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médicale. Les attentes vis-à-vis de la m-santé s’expriment essentiellement dans le contexte de télésurveillance médicale, en raison du potentiel des technologies à faciliter le suivi des paramètres cliniques et la transmission d’alertes.

La télésanté

Elle désigne « l’utilisation des outils de production, de transmission, de gestion et de partage d’informations numérisées au bénéfice des pratiques tant médicales que médico-sociales » et peut s’appliquer notamment à l’information, la vigilance, le monitoring, l’animation, la formation, la prescription dématérialisée.

Les applications mobiles santé/bien-être 

« Appli » en français, « app » pour les anglo-saxons, ce sont des logiciels spécifiquement conçus pour fonctionner sur un équipement tel que smartphone ou la tablette. Ce marché s’est considérablement développé ces dernières années pour devenir un facteur déterminant du déploiement de la santé mobile.

Les objets connectés de santé/bien-être

Bracelets pour surveiller l’activité physique, ou le sommeil, balances, piluliers… C’est le grand déferlement des objets connectés revendiquant un bénéfice sanitaire souvent douteux. Mais à côté de ces « gadgets », on trouve aussi tensiomètres, lecteurs de glycémie, cardio fréquencemètres, etc., tandis qu’apparaissent des objets intégrés au corps comme les lentilles qui mesurent le taux de sucre dans le sang ou le patch électronique greffé sous la peau qui analyse les signes vitaux.

Le quantified self

Selon l’auteur du « Guide pratique du quantified self, Emmanuel Gadenne, cela « regroupe de façon générique les outils, principes et méthodes permettant à chacun d’entre nous de mieux nous connaître, de mesurer des données relatives à notre corps, à notre santé, à notre état général ou aux objectifs que nous nous fixons ». Cette pratique se caractérise également par le partage, voire la comparaison des données, entre adeptes. Ce qui différencie le quantified self de l’automesure, c’est la connexion.

Le Cardiologue 379




Les objets connectés ont la cote mais sont sous-utilisés

Orange healthcare et la MNH, groupe de protection professionnelle, ont rendu public récemment les résultats de leur Baromètre 360 réalisé par ODOXA, avec le concours scientifique de la Chaire Santé de Sciences Po, sur la perception qu’ont le public, les patients et les médecins des objets connectés au service de la santé. 

379 – Les objets connectés sont un moyen pour les patients de s’autonomiser et de se responsabiliser face à leur maladie, mais alors que les Français estiment majoritairement (54 %) que « pour que la médecine soit la plus efficace possible, il faut que les patients laissent faire les médecins et interviennent le moins possible dans leur traitement et le suivi de leur maladie », les médecins pensent au contraire, à une écrasante majorité (72 %) qu’il faut que « les patients interviennent le plus possible dans leur traitement et le suivi de leur maladie ». D’ailleurs, ces mêmes médecins sont une majorité  déclarer prescrire à leurs patients des objets connectés médicaux (62 % en ont déjà prescrit au moins un) et un sur deux déclarent avoir déjà recommandé l’usage d’un objet connecté grand public. Mais seuls 5 % des patients disent que leur médecin leur a déjà prescrit ou recommandé l’un ou l’autre. Pourtant, 29 % des Français et 23 % des patients utilisent déjà des objets connectés grand public. Un potentiel d’utilisation important de ces objets existe donc, mais les médecins sous-estiment  manifestement la capacité de leurs patients à les accepter. Il est vrai que pour les médecins leur usage semble être réservé quasi exclusivement aux malades chroniques : ils sont 70 % à considérer que les objets connectés sont particulièrement adoptés à cette catégorie de patients. D’ailleurs, les objets connectés les plus utilisés sont ceux qui concernent les maladies respiratoires (59 % de citations), l’HTA ou l’insuffisance cardiaque (54 %) et, loin derrière le diabète (18 %).

Les Français, le médecins et les patients sont unanimes – et dans de fortes proportions – pour considérer que la santé connectée constitue un opportunité pour la qualité des soins et pour améliorer la prévention, de même que les objets connectés sont unanimement perçus comme contribuant à l’Education Thérapeutique du Patient (plus de 74 % d’accord pour chacune des cibles) et utile dans le parcours de soins pour éduquer les patients sur les bonnes pratiques (plus de 73 % d’accord). Dans de moindres proportions  mais tout aussi unanimement, 46 % des patients, 49 % des médecins et 50 % des Français ont des craintes quant à la menace que la santé connectée peut représenter pour le secret médical. Enfin, 57 % des patients estiment qu’une meilleure information des médecins est la clé n° 1 pour développer l’usage des objets connectés, un avis partagé par 47 % des médecins eux-mêmes.




e-santé : les chiffres s’envolent

LES APPLICATIONS

– Le volume mondial des applications mobiles santé (au sens large) est passé de 6 000 en 2010, à 20 000 en 2012 et 100 000 en 2013.

– En France, sur une veille de 4 000 applis santé/bien-être réalisée par la société DMD, on observe que 60 % sont destinées au grand public et 40 % aux professionnels de santé. Mais la tendance serait en cours d’inversion.

Les objets

– 15 milliards d’objets connectés sont recensés aujourd’hui dans le monde, 80 à 100 milliards sont annoncés d’ici à 2020.

– 3 millions ont été achetés en France l’année dernière pour un chiffre d’affaires de 64 millions d’euros : balances, montres, bracelets, etc.

– 23 % de Français déclarent utiliser un objet connecté, 11 % en auraient déjà adopté un dans le contexte santé/bien-être.

Le Cardiologue 379