La paille et la poutre

317 – Jamais fin d’année n’avait été aussi chaotique.

Dans tous les domaines, les fondamentaux les plus solides sont remis en question.

à la crise financière succède une crise économique sans précédent.

Dans ce contexte, même l’industrie pharmaceutique, habituellement à l’écart des grands mouvements, est frappée par des plans d’économie et de restructuration sans précédent qui touchent tous les secteurs de ces entreprises : social, marketing et même, pour certaines, les champs de la recherche et du développement. Ce retrait est encore plus net en pathologie cardiovasculaire du fait de la nécessité d’études gigantesques pour démontrer un gain de mortalité significatif, alors que dans d’autres spécialités, les autorités, pour délivrer les AMM et les prix correspondants, se contentent de jours de survie supplémentaires ou de Qalys.

Pour ce qui concerne la cardiologie, des « business unit » entières sont réduites à leur plus simple expression ou changent de mains.

Certes il y aura toujours des patients cardiaques relevant de médicaments et de cardiologues pour les soigner. Mais dans quel contexte : imaginez une pharmacopée constituée uniquement de génériques !

Imaginez que ce bouleversement se soit passé il y a vingt ans. L’absence de R&D aurait eu comme conséquence : ni IEC ni ARA2, seulement des fibrates pour hypolipémiants et de l’aspirine comme antiagrégant !

Les pharmaciens ne s’en plaindraient sûrement pas: 500 millions d’euros de marges arrière !

Bien sûr c’est une caricature. Bien sûr notre devoir est d’économiser tout ce qui peut l’être pour permettre de prescrire les molécules les plus chères à ceux qui en ont vraiment besoin.

Mais pour autant, nous ne pouvons pas laisser les pouvoirs publics manipuler les informations et stigmatiser les prescriptions des médecins libéraux.

Un exemple : récemment l’Assurance Maladie a publié un rapport édifiant (*) sur le montant des transferts de prescriptions hospitalières sur la ville : plus de 20 % du total des prescriptions avec des taux de croissance proches du double de celle des prescriptions ambulatoires libérales.

Il n’est sûrement pas question de remettre en cause la justification des ces prescriptions : quelles qu’elles soient, elles étaient nécessaires (antiviraux, chimiothérapie, EPO…). C’est le défaut de sincérité de l’ONDAM qui est le vrai coupable. Depuis le début de son histoire, nous soutenons qu’il est constitué en dehors des besoins et des dépenses réelles : en voici une nouvelle preuve, accablante !

Et pendant ce temps le ministre du budget nous intime l’ordre de réaliser 100 % des objectifs de maitrise médicalisée !

A-t-on déjà vu un gouvernement réaliser 100% des ses objectifs : croissance, pouvoir d’achat… ?

Alors comme dit le proverbe : la paille ou la poutre… ■

Docteur Jean-François Thébaut, _ le 22 décembre 2008 (*) Prescriptions hospitalières délivrées en ville de 2004 à 2007 : une analyse inédite de l’Assurance Maladie, 4 décembre 2008 (disponible sur le site www.ameli.fr, rubrique « presse »)




L’obligation d’anticiper !

316 – Depuis plusieurs mois, la rédaction de chacun des éditos de notre revue a surtout été l’occasion d’attirer votre attention sur de nouvelles contraintes réglementaires ou tarifaires, de réagir à chaud sur un événement ou à une annonce de telle ou telle réforme masquant, par essence même, telle ou telle menace.

D’aucuns me trouvent de ce fait « démoralisant » tout en reconnaissant que le rôle du Syndicat est bien sûr d’anticiper et de prévenir.

Une fois n’est pas coutume, c’est avec un plaisir que je ne bouderai pas que je souhaite consacrer ces quelques lignes à vous présenter le fruit d’un travail collectif d’anticipation dont la cardiologie peut être fière.

C’est dans le contexte actuel de réelle crise des valeurs morales, financières et démographiques qu’il était de notre devoir, en tant que représentants d’une spécialité aussi importante que la cardiologie, de proposer à nos patients, à nos dirigeants et à nos partenaires des solutions originales et efficaces, élaborées et partagées par toute la profession réunie autour de groupes de réflexion d’experts dirigés par Alain Coulomb, Jean-Pol Durand et Claude Le Pen.

Ce nouveau Livre Blanc de la Cardiologie (*) s’adresse à tous les cardiologues : libéraux, hospitaliers, universitaires, aux plus anciens, proches de la retraite qu’il faudra sûrement reconsidérer active, comme aux plus jeunes internes, cardiologues de demain dont les aspirations ne sont plus les mêmes que celles de leurs ainés.

Certaines de ces propositions se sont déjà concrétisées ; ainsi du fait de l’urgence de la situation délétère de la FMC et de l’EPP, le Conseil National Professionnel de Cardiologie (**), a été créé en avril dernier. D’autres vont démarrer incessamment comme la consultation de prévention : plus d’un millier d’entre vous va y participer (***). D’autres encore sont en cours de réalisation : le volet cardiologique du DMP ou le site internet destiné à nos patients, par exemple

Mais la plus grande partie d’entre elles nécessitera votre participation pour qu’elles prennent vie et que la cardiologie reste l’une des spécialités les plus actives et les plus efficaces.

La réalisation de cet ouvrage a été rendue possible par le partenariat institutionnel exemplaire de sanofi-aventis, qui montre une fois encore comment un industriel peut s’engager aux cotés d’une profession, dans une démarche de réflexion approfondie sur l’avenir de ce qui fonde notre métier commun : la qualité des soins apportés à nos patients. ■

Docteur Jean-François Thébaut, _ le 20 novembre 2008

(*) La distribution du Livre blanc sera assurée par les représentants de notre partenaire sanofi-aventis. *(**) Voir n° 310. (***) Page 5.




Un PLFSS de crise !!!… ?

315 – N’est-il pas sidérant, pour ne pas dire plus, que ce soit Éric Woerth, le Ministre du Budget, et non celui de la Santé, qui critique l’HAS sur la qualité de son travail, se félicite de la publication de référentiels médicaux portant sur la prescription des IEC/sartans et aille même jusqu’à affirmer « que la liberté de prescription doit être mieux guidée »(Quotidien du Médecin du 13 octobre 2008). _ Dans quel type de régime sommes-nous pour que puisse être ainsi affichée la volonté de guider la liberté ?

Et bien sûr malgré un ONDAM affiché prétendument optimiste – de 3,1 % pour les trois années à venir… – Monsieur Woerth dans ce même article annonce qu’il veut « resserrer les vis et les boulons d’un échafaudage qui n’est pas si mauvais que cela… ». La crise ?

La crise est partout, assurément, mais peut-être a-t-elle bon dos ?

Autant, il est impossible d’ignorer que la crise financière catastrophique actuelle aura des répercussions économiques majeures, et c’est d’ailleurs le Ministre lui-même qui estime à plus de 2 milliards d’euros les répercussions directes de ces événements des dernières semaines sur les recettes des comptes sociaux. Autant, il faut rappeler que les mesures proposées dans le PLFSS étaient antérieures à cette crise et qu’elles comportaient déjà intrinsèquement les germes de la rigueur.

Pour exemple, l’intention affichée de trouver 250 millions d’économies sur les honoraires des spécialistes : – 200 millions de baisse par une gestion « dynamique des tarifs » de radiologie et de biologie ; – 50 millions sur la rémunération de certains actes réalisés par les médecins spécialistes.

250 millions… Mais voyons 250 millions, ne serait-ce pas le montant exact du coût financier nécessaire pour passer le C à 23 euros ?

Une fois de plus, cette volonté de gérer de manière statique, à enveloppe constante, les honoraires des médecins est insupportable.

Nous engageons donc solennellement les syndicats signataires à refuser cette logique de troc qui n’hésite pas à envisager la baisse d’honoraires, bloqués pour certains depuis plus de 15 ans, et donc déjà sérieusement entamés par l’érosion monétaire, afin d’en revaloriser d’autres, aussi légitime que soit par ailleurs leur revalorisation !!! ■

Docteur Jean-François Thébaut, le 20 octobre 2008




A qui profite la division ?

314 – Les réformes annoncées dans les lois en cours d’examen ont au moins trois caractéristiques communes :

• derrière l’affichage de LA Régionalisation, il existe une volonté évidente de recentrer tous les pôles de décisions sur les services de l’État : alors même que pour tous les autres secteurs publics (Poste, EDF, transports…) la solution proposée, au nom de l’efficacité, Europe oblige, est à la privatisation, tout ce qui concerne la Santé ne répond qu’à un seul crédo : l’État en avant toute !!! Nos hauts fonctionnaires n’auraient-ils plus comme chasse gardée que ce secteur d’activité, subsidiarité oblige ?

• une volonté de culpabilisation permanente, assortie de menaces de sanctions tous azimuts : mise sous tutelle d’entente préalable pour certains actes, baisse automatique des honoraires en cas de dépassements de l’ONDAM, obligation de devis préalable pour tous les actes d’un montant total de 70 €, amendes multiples et variées, 750 € en cas de non affichage des tarifs, 3 000 € en cas de refus de soins, 7 500 € en cas de refus de réquisition. Qui dit mieux ? Pourquoi cette obstination à vouloir systématiquement transformer notre partenaire conventionnel que sont les caisses d’Assurance Maladie en garde-chiourme ?

• une volonté récurrente de division :

– classification en médecins de premier, de deuxième voire de troisième recours, au moment même où tous sont devenus spécialistes,

– EPP et FMC spécifiques pour les généralistes, les fameux cercles de qualité, comme si la qualité n’existait pas pour tous les médecins,

– contrats individuels pour les généralistes, secteur optionnel pour les spécialités à risque (anesthésie, chirurgie ou obstétrique), comme si une angioplastie assortie d’un stent ou la réalisation d’une ablation étaient sans risque,

– création de multiples collèges de médecins selon les types d’exercices et/ou de spécialités dans les futures Unions Régionales de Professionnels de Santé (URPS) qui remplaceront feu les URML,

– balkanisation syndicale annoncée par le nouveau calcul de représentativité issu des élections desdites URPS.

Centralisation des pouvoirs, menaces, culpabilisation et division des professionnels, n’est-ce que le cortège habituel des grandes manoeuvres qui ont toujours précédé les plans de « grandes réformes » ? Sont-elles seulement destinées à faire taire les oppositions, fussent-elles légitimes, ou bien sont-elles en réalité une vraie volonté politique d’asservir la médecine libérale ? ■

Docteur Jean-François Thébaut, le 22 septembre 2008




Maîtrise médicalisée, vous avez dit… rigueur !

313 – Le 24 juin dernier, dans une interview du journal Les Échos, Frédéric Van Roekeghem annonce un plan de redressement d’une exceptionnelle ampleur de 3 milliards d’euros, dont 2,3 milliards d’économies et 700 milliards de recettes supplémentaires. Il répond ainsi à une injonction du ministre du Budget et des Comptes Publics, qu’il avait « appelée de ses voeux » pour ne pas dire exigée, afin de ramener le déficit de l’Assurance Maladie à 4,1 milliards cette année et 2,8 milliards en 2009 pour un équilibre en 2011, perspective présidentielle oblige.

La forme et le contenu de ce plan appellent plusieurs commentaires :

1. à l’évidence le pouvoir décisionnel est repassé de Ségur à Bercy, rompant ainsi avec l’avancée majeure des trois ministres de la Santé précédents qui avaient obtenu la responsabilité de la gestion de l’Assurance Maladie. L’organisation reste à Ségur, mais le nerf de la guerre retourne à Bercy. La messe est dite !

2. la maîtrise médicalisée, toujours mise en avant par le DG de l’UNCAM, pour un quart des économies attendues (500 millions) change de logique. Un exemple : les contrats de bonnes pratiques individuelles qui sont passés d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Sujet cher à notre ministre de la Santé qui confond ainsi les groupes de pairs avec les fameux groupes de « progrès » de Groupama, initiative mutualiste en dehors de toutes références scientifiques et dont l’objectif principal était l’économie de prescriptions et non la qualité de celles-ci !

3. les vieilles recettes sont donc toujours à la mode : – baisse des prix de certains médicaments et surtout spectre du TFR (Tarif Forfaitaire de Remboursement) qui met le prix du princeps au prix du générique, – menace de baisse de certains actes au nom de la productivité : encore une fois la biologie et la radiologie, et cela au mépris des pré-négociations conventionnelles…, – report des revalorisations tarifaires gagées par de nouvelles exigences comme par exemple la mise en oeuvre de mesures de régulation démographique !

4. les propositions de mesures concernant les hôpitaux sont nombreuses et en particulier sur ceux qui sont les plus mal gérés ou caractérisés par une évolution d’activité « anormale » ! Là aussi la révolte des administrés est assurée. Rappelezvous la maternité de Paimpol ou la chirurgie de Saint-Affrique !

5. mais surtout pour la première fois le sanctuaire des ALD est attaqué. La première mesure de non prise en charge à 100 % des vignettes bleues des médicaments dits de confort a déjà déclenché les hurlements de certaines associations de patients.

Et pourtant c’est sur ces deux derniers postes que se trouvent les seules solutions pérennes. L’un pèse 50 % du budget de l’Assurance Maladie et l’autre progresse selon un taux de croissance de plus de 6 % quasi mécanique du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation régulière de plus de 4 % par an du nombre des patients concernés, et ce qui allége d’autant les remboursements complémentaires des mutuelles, d’où la volonté de transfert des fameuses vignettes bleues !

Et pour conclure très brièvement sur les conséquences induites à notre endroit : – à n’en pas douter, nous risquons cette année encore un ONDAM de misère ! – et l’encadrement des dépassements d’honoraires sera la concession offerte aux associations de toutes sortes, à titre d’apaisement, sur le dos des praticiens ! ■

Docteur Jean-François Thébaut, le 25 juin 2008




Les cardiologues, les assureurs et la prévention… ou le début d’une nouvelle histoire qui doit retenir l’attention

312 – Le partenariat, mis en place par trois des plus importants assureurs complémentaires privés français dans le cadre de leur fédération nationale, la Fédération Française des Sociétés d’Assurances (FFSA), avec le Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Coeur et des Vaisseaux est exemplaire à plus d’un titre :

– Conscientes du fait que leurs responsabilités vont au-delà du simple remboursement complémentaire, Axa, les AGF et Swiss-Life s’engagent ainsi résolument dans une vraie mission de service public, avec l’engagement solennel de servir leurs clients sans autre critère de sélection que celui de leur tranche d’âge.

– Les cardiologues peuvent ainsi mettre en valeur leur rôle majeur dans la prise en charge de la prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires. Les résultats récents de l’étude Interheart ont ainsi montré que plus de 50 % du gain de mortalité dans les syndromes coronariens étaient dûs à la prévention secondaire. Or, tout le monde s’accorde à penser que nos efforts doivent désormais se porter en premier lieu sur la prévention primaire : c’est le challenge que doit initier et réussir la cardiologie libérale pour renforcer l’action de nos confrères généralistes, largement débordés de travail par ailleurs…

– L’évaluation de ce dispositif, réalisée par l’UFCV qui en garantit l’absolue confidentialité, sera la source d’une base épidémiologique ambulatoire de première importance, d’autant que le référentiel de recueil de données a été réalisé par un comité scientifique regroupant les meilleurs experts de la SFC dans ce domaine.

– Mais surtout, à la veille d’une nouvelle évolution de notre système de santé, ce partenariat s’annonce assurément comme le début d’une collaboration qui ne saurait s’arrêter là : le secteur optionnel est la partie émergée de ce nouveau territoire qu’il nous faudra explorer progressivement dans le cadre de relations équilibrées et transparentes, et ceci pour le plus grand bien de nos patients.

Espérons que la Mutualité saura se remettre en question et modifier les mauvaises habitudes qui sont souvent les siennes, d’ignorer la quasi-totalité du secteur ambulatoire et 50 % du secteur hospitalier privé.

Même si ses nouvelles initiatives, en matière de « parcours mutualiste » semblent malheureusement laisser penser qu’une fois de plus, il n’en est rien… ■ _ Docteur Jean-François Thébaut, le 27 mai 2008




Le Yin et le Yang

311 – Chaque semaine apporte son lot de bonnes et de mauvaises nouvelles.

Les dernières sont particulièrement contrastées : – le Yin : _ • pour la première fois de l’histoire du syndicalisme, à notre connaissance, le Conseil de la Concurrence vient de sanctionner lourdement cinq syndicats médicaux pour avoir engagé une action nationale de revalorisation tarifaire et ce, de surcroît, avec succès. _ L’importance de la sanction, plus de 800 000 €, traduit bien la volonté de la puissance publique d’étouffer dans l’oeuf tout mouvement analogue et fortement prévisible à la veille de la période de rigueur annoncée : 5 milliards d’euros d’économies prévues pour le PLFSS 2009 ! _ Scandalisé et solidaire, le Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Coeur et des Vaisseaux s’associe à la souscription nationale ;

– le Yang : _ • concrétisant plusieurs années de collaboration au sein du Conseil National de FMC, la Société Française de Cardiologie et le Syndicat National viennent de créer le Conseil National Professionnel de Cardiologie, avec pour objectif de traiter de « tout ce qui concourt à la qualité de l’exercice professionnel ». _ C’est une avancée majeure pour la cohésion et l’avenir de notre spécialité. Cette initiative est d’autant plus opportune que lors de la clôture des EGOS, la Ministre de la Santé a enfin dévoilé officiellement ses ambitions en matière de FMC ;

– le Yin : _ • c’est, hélas, une fois de plus, partie remise : tout le dispositif devra être revu dans la prochaine Loi de modernisation : exit les CRFMC – Quid des CNFMC ? – Quid du barème ? – Quid de la FMC validante ? Qui va gérer l’EPP ? Quelle place pour l’industrie ? _ Autant de questions renvoyées à une énième mission de l’IGAS, dont on devine à l’avance les conclusions au regard des rapports antérieurs sur le même sujet. La qualité et la formation des experts de cette honorable institution ne peuvent que déboucher sur des propositions institutionnelles, dirigistes et centralistes bien éloignées des préoccupations réelles des professionnels ;

– le Yang : _ • notre nouveau Conseil National Professionnel de Cardiologie pourrait fort bien y trouver un champ d’action légitime, en palliant à l’inertie de la puissance publique, concomitamment avec des structures fédératives analogues d’autres spécialités ; prenant ainsi exemple sur d’autres pays hautement développés dans lesquels ce sont les structures professionnelles, elles mêmes, qui prennent en charge l’organisation du dispositif de formation, d’évaluation, voire même de recertification. _ Curieux pays que la France où les professionnels réclament eux mêmes le contrôle de la puissance publique ! ■

Docteur Jean-François Thébaut, le 22 avril 2008




Secteur optionnel, l’UNOCAM sort du bois !

310 – Pour la première fois, les « complémentaires santé » s’engagent explicitement dans la négociation du secteur optionnel, en s’affichant résolument comme favorables à une modernisation du mode de rémunération des médecins. Mais cet engagement est subordonné à cinq conditions largement développées dans une lettre ouverte rendue publique le 12 mars dernier.

1 – La négociation doit s’attacher à traiter, en priorité, les spécialités utilisant les « plateaux techniques ».

2 – Les OCAM veulent conserver la liberté d’inclure ce nouveau dispositif dans leurs garanties.

3 – Les compléments de rémunération qui seraient versés aux praticiens relevant du secteur optionnel doivent comporter des contreparties qualitatives mesurables.

4 – La majoration d’honoraires doit être définie.

5 – La régulation du secteur 2 est indissociable de la mise en place de ce nouveau secteur.

Commentaires :

1 – Délimiter « prioritairement » le champ du secteur optionnel aux plateaux techniques sous-entend, en pratique, son élargissement à des groupes d’actes, qui, de fait, ne seraient plus strictement limités aux seuls actes chirurgicaux, mais aussi, par exemple, aux actes d’anesthésie et aux actes invasifs. Comme, pourquoi pas, à ceux de la cardiologie rythmologique ou interventionnelle ? _ Pour autant : ceci exclurait, au moins temporairement, tous les autres actes quotidiens diagnostics et cliniques…

2 – Les OCAM ne veulent pas se faire imposer un remboursement obligatoire à l’image des contrats responsables et souhaitent conserver une marge de négociation. Mais cette négociation devra obligatoirement être tripartite : UNCAM, UNOCAM et syndicats médicaux. Tout autre mode opératoire autoritaire ne serait pas acceptable.

3 – Les contreparties qualitatives mesurables nous évoquent fortement le secteur d’excellence proposé en son temps par la cardiologie libérale.

4 – La transparence impliquera une information préalable rigoureuse : affichage et devis par exemple.

5 – Mais, et c’est ce cinquième point qui va, à n’en pas douter, soulever le plus de difficultés, il serait inacceptable que les conditions d’accès démographiques, comme les conditions d’exercice des praticiens déjà installés en secteur 2, soient les otages de la négociation. _ De surcroît, le montant du complément d’honoraires devra être significatif, pour être attractif pour les spécialistes secteur 2, et pour sortir ceux du secteur 1 du marasme des perspectives de la CCAM : – gel des valorisations des actes gagnants ; – perspective des actes perdants… ; – non revalorisation du coût de la pratique en cette période de retour de l’inflation.

En conclusion

Saluons comme il convient cette ouverture exceptionnelle de l’UNOCAM, qui permettra, peut-on l’espérer, de sortir de cette situation de blocage. Ã condition, bien sûr, d’éviter les pièges de cette difficile négociation comme, par exemple, une restriction de ce secteur aux seuls chirurgiens, alors même que ses conséquences impliqueraient tous les autres médecins, éligibles ou non au secteur 2, anciens installés ou non, et quel que soit le statut, médicalement déficitaire ou surdoté, de leur zone d’exercice.  Cette proposition vient appuyer celle du Syndicat qui s’est révélé, à ce sujet, tout à fait clairvoyant puisqu’une négociation avec la FFSA ([FFSA : Fédération Française des Sociétés d’Assurances, c’est la représentation des assureurs complémentaires privés de l’UNOCAM.)] est déjà engagée sur l’organisation d’une consultation de prévention en cardiologie. Car, bien entendu, les cardiologues doivent pouvoir bénéficier de ce nouveau secteur d’exercice dans les mêmes conditions que las autres praticiens. ■

_ Docteur Jean-François Thébaut, le 16 mars 2008




Recadrage politique ?

309 – En invitant, pour la première fois de l’histoire de la Ve République, le président d’un syndicat médical, Michel Chassang, accompagné des deux présidents de l’UNOF et de l’UMESPE, le Président de la République a manifestement voulu délivrer un message fort à l’intention des médecins libéraux, par la voix de la centrale historique des syndicats médicaux.

S’agit-il d’un simple recadrage politique, signifiant que, malgré le sentiment que donne le Gouvernement de privilégier les syndicats « contestataires », le Président souhaite continuer d’entretenir des liens spécifiques avec les signataires de la première heure ?

S’agit-il de rappeler l’attachement du Président à la médecine libérale, originalité française et l’un des piliers de la qualité des soins de notre pays, en contre point des EGOS qui pouvaient laisser penser que le Gouvernement s’orientait vers une réforme « à l’anglaise » ?

Rappelons à ce sujet que dans un communiqué récent le SNSMCV s’était déjà clairement ému de cette tendance « lourde » : – recentrage exclusif vers la médecine de soins primaires, assimilée – à tort – comme premier recours systématique ; – promotion, y compris hors zone déficitaire, de maisons médicales pluridisciplinaires avec des paramédicaux, mais sans spécialistes ; – absence de prise en considération des problèmes démographiques attendus des spécialistes ; – propositions farfelues de Jacques Attali visant à promouvoir un ratio MG/ spé de 80/20 %, fait unique dans l’ensemble des pays développés. Pour info, les pourcentages des spécialistes (libéraux et hospitaliers confondus) sont de 82 % en Suisse, 70 % en Allemagne et Grande-Bretagne, 47,5 % en Belgique et 51% aujourd’hui en France. (Chiffres cités dans eco-santé OCDE 2006) – et, pour parachever le tout, proposition d’une étatisation généralisée de la médecine à travers la réforme des ARS, centralisées par la DHOSS réalisant un véritable « NHS like ».

Ne s’agit-il enfin que d’un logique et formel tour de table en vue de l’écriture de la loi « Offre de soins » prévue pour l’automne prochain et donc simplement, en fait, d’un exercice obligé avant toute réforme majeure ?

Bien sûr, la réponse n’est pas univoque. Mais en choisissant d’inviter au sein de cette délégation un représentant national des médecins spécialistes comme Jean-François Rey, nous souhaitons vivement que le Président ait voulu signifier qu’il reconnaissait la place des spécialistes libéraux dans la coordination des soins, en ville et en établissements, dans un cadre conventionnel.

Et que contrairement aux souhaits de certains, il n’envisageait pas de les cantonner dans un environnement strictement hospitalier. ■

Docteur Jean-François Thébaut, le 20 février 2008




Avenir de la convention : divine surprise…

308 – Il y a quelques semaines encore, nous étions en droit de nous interroger sur l’avenir de la convention, critiquée alors de toutes parts. Les opposants ne cessaient d’affirmer leur caractère majoritaire et réclamaient, à corps et à cris, sa dénonciation puis la tenue d’une nouvelle enquête de représentativité, avant d’ouvrir de nouvelles négociations.

Or, divine surprise pour le directeur général de l’UNCAM ! Ã l’occasion de la signature de l’avenant 27, très consensuel pour les généralistes, puisqu’il concernait la Permanence des Soins des généralistes, ne voit-on pas les deux principaux opposants monter dans le train conventionnel pratiquement à miparcours.

Est-ce un constat d’échec face à l’impossibilité d’influer du dehors ? Est-ce le sentiment que cette convention ira à son terme ? Ou bien n’est-ce qu’une manoeuvre politicienne ?

Du côté de MG France, les propos et les intentions paraissent peu ambigus… C’est une occasion idéale de transformer l’essai des États Généraux de l’Offre de Soins, cadeau manifeste de notre ministre à cette organisation. Il ne s’agit pas d’un changement d’objectif, mais seulement de tactique : le but ultime est toujours de mettre le généraliste au premier rang de l’offre de soins en tant que gate-keeper, si possible en capitation, et cela avec la neutralité bienveillante de la tutelle qui fait semblant de confondre l’offre de premier recours avec celle des soins primaires.

Pour la FMF, les choses sont moins claires et cette adhésion devra, sans doute, être confirmée par ses instances dirigeantes.

Néanmoins, nous ne pouvons que nous réjouir que cela soit au titre des spécialistes que siègent les représentants de la FMF. Car nous sommes assurés de la fibre libérale des cadres de la FMFspé et nous ne doutons pas qu’ils contribuent à renforcer le front uni de défense des spécialistes libéraux, fort malmenés par les réformes successives.

Tel n’aurait, assurément, pas été le cas si Espace Généraliste (seul ou masqué) était venu renforcer la position de MG France.

à la veille des très importantes réformes annoncées dans la loi « Offre de soins », il est impératif que cette nouvelle unité permette des avancées significatives pour les spécialistes et les cardiologues en particulier :

• permanence des soins en établissements ;

• mise en place de la CCAM technique sans acte perdant ;

• stabilisation des perspectives de la cardiologie interventionnelle ;

• mise en place d’une CCAM des actes cliniques pérennisant la place des spécialistes dans ses fonctions d’expertise clinique, de suivi des pathologies lourdes et de prévention des patients à haut risque ;

• secteur optionnel ouvert à tous sans discrimination de spécialités. ■

Docteur Jean-François Thébaut, le 24 janvier 2008