Le casse-tête explosif des comptes épargne temps

Instaurés en même temps que les 35 heures, en janvier 2002, les Comptes Epargne Temps (CET) ont permis au personnel hospitalier (médecins, infirmières, administratifs, etc.) de cumuler leur RTT pendant dix ans. A quelques semaines de leur échéance, en janvier prochain, les voilà comme une bombe à retardement prête à exploser.

A eux seuls, les 40 000 praticiens hospitaliers ont cumulé deux millions de jours de RTT. En l’état actuel des textes, deux voies s’offrent pour liquider les comptes : soit les médecins soldent l’ensemble de leurs jours de RTT, soit on leur paye. La première solution ? « Même pas en rêve » ! A l’heure où la FHF se lance dans une grande campagne de communication pour inciter les jeunes médecins à embrasser la carrière hospitalière, cherchant ainsi à pourvoir les quelque 10 000 postes vacants à l’hôpital public, on voit mal comment pourraient fonctionner les établissements hospitaliers qui se débattent déjà avec la pénurie actuelle de personnel. La deuxième solution reviendrait à débourser entre 600 et 700 millions d’euros pour les seuls médecins. Or, les hôpitaux ont « majoritairement peu provisionné cette dépense », selon le ministère qui estime qu’entre 30 % et 50 % seulement des établissements ont constitué cette cagnotte. Quant à l’Etat, il a fait savoir qu’il ne débourserait pas un euro pour payer les RTT des hospitaliers.

Sur l’insistance des organisations syndicales hospitalières, des négociations ont donc commencé. Sauf à se retrouver devant un vide juridique au 1er janvier prochain, un décret doit paraître « pour donner de la souplesse » au dispositif des CET, selon l’expression de Xavier Bertrand, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé.

Une décision irrévocable

Une première rédaction de ce décret prévoit l’annulation de l’échéance décennale, ce qui repousserait la date fatidique qui approche. Cela peut donner du temps au temps, mais ne constitue pas une solution. Parmi les autres mesures d’assouplissement, Xavier Bertrand a aussi indiqué que les médecins pourraient « soit partir un peu plus tôt à la retraite, soit se faire payer des jours ». Le projet de décret prévoit en effet qu’au-delà de 20 jours de RTT sur le compte, le praticien pourrait opter pour une prise en compte de ces jours au titre du régime de retraite complémentaire, pour une indemnisation, qui serait de 300 euros par jour, ou pour un maintien de ses jours dans son CET. Le praticien devrait choisir son option au plus tard le 1er avril de l’année suivante et cette option serait « irrévocable »]. En l’absence de choix, les jours sur son compte excédant le seuil abonderaient le régime de retraite complémentaire. En deçà de 20 jours de RTT sur son CET, le praticien pourrait les utiliser sous forme de congés.

Vers un accord tripartie

Le projet de décret prévoit de permettre de déplafonner le nombre de jours inscrits par an sur un CET dans une limite fi xée par un arrêté et qui pourrait être de 30 jours. Le même arrêté fixerait aussi à 300 jours le nombre de RTT pouvant être inscrit sur un CET. Enfin, obligation pourrait être faite aux établissements de constituer des provisions pour les CET des praticiens. A l’issue des dernières réunions entre les organisations syndicales et le ministère de la Santé, on s’acheminait vers un accord sur trois solutions possibles. Les praticiens pourraient, soit prendre leur RTT de façon échelonnée, soit se les faire payer, soit les thésauriser sur un plan d’épargne retraite. ■




Rémunération à la performance : une prochaine expérimentation dans les établissements de santé

Lors du premier congrès du syndicat des cliniques de médecine, chirurgie, obstétrique de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHPMCO) qui s’est tenu à Paris le mois dernier, la directrice de la DGOS, Annie Podeur, a annoncé qu’une expérimentation sur la prise en compte de la qualité dans le mode de financement des établissements de santé pourrait démarrer en 2013. Après les médecins libéraux, les hôpitaux connaîtraient ainsi eux aussi la « rémunération à la performance ». L’idée n’est pas tout à fait nouvelle, et déjà, en mai 2010, en marge d’Hôpital-Expo, la ministre alors en charge de la Santé, Roselyne Bachelot, avait dit avoir demandé aux services ministériels d’y réfléchir. Annie Podeur a précisé que la DGOS et les fédérations hospitalières s’étaient engagées sur la définition d’un modèle permettant la prise en compte des « efforts de qualité particuliers consentis par un établissement ». Ce modèle se fonderait sur des indicateurs de qualité à commencer par ceux concernant les infections nosocomiales « disponibles, publics et généralisés » (www.icalin. sante.gouv.fr). Mais d’autres indicateurs sont en cours de construction (www.platine.sante.gouv.fr).

Ne pas prendre de l’argent aux uns pour le donner aux autres _ « Il s’agit d’une démarche conjointe de la DGOS et de l’ensemble de l’hospitalisation, pour une fois sur la même longueur d’onde, ce dont nous nous félicitons, commente Lamine Gharbi, le président du syndicat FHP-MCO. Il faut se rendre à l’évidence, il n’y aura pas de hausse de tarif de sitôt ; l’on cherche donc des moyens d’obtenir une rémunération complémentaire. Il n’est pas question de pénaliser les établissements qui connaissent déjà des difficultés, mais de valoriser les meilleurs, ceux qui feront montre de créativité pour aller un peu plus loin que le standard commun de qualité, en leur donnant un supplément de rémunération dont le taux reste à définir. Et cela doit se faire avec un budget spécifique, et non en prenant de l’argent aux uns pour le donner à d’autres. A la FHP-MCO, nous avons constitué un groupe de travail qui réfléchit à des indicateurs, qui pourraient concerner, par exemple, le taux de chirurgie ambulatoire ou le taux de réhospitalisation. Nous devrions être en mesure de faire des propositions à la fi n de l’année ou au début de 2012. »

Le flou le plus total _ Président de la Coordination Médicale Hospitalière (CMH), François Aubart n’est pas opposé au principe, mais émet quelques doutes quant à sa concrétisation. « Lier activité, qualité et financement relève du bon sens. Mais la mise en forme de ce principe n’a pas à ce jour d’exemple abouti et je suis préoccupé par l’absence de modèle qui puisse être cloné et adapté au système français. Il faut tout élaborer de A à Z, sinon, on risque de n’avoir qu’une apparence de qualitatif, un simple vernis. La tarification à l’activité est pervertie par la régulation prix/volume qui n’est pas autre chose que la gestion d’une enveloppe façon budget global, et quant à la rémunération à la qualité, on est pour l’instant sur ce sujet dans le flou le plus total. » Effectivement, un « scénario opérationnel des expérimentations » reste à trouver avec les fédérations hospitalières, ainsi que la directrice générale de la santé l’a indiqué. ■(gallery)




Rapport Toupillier : Accompagner la mutation de l’exercice médical hospitalier

345 – La refondation de l’exercice médicale à l’hôpital doit reposer sur l’équipe, unité de base, et la contractualisation. Et la carrière d’un praticien devrait évoluer à travers différents « modules » lui permettant de varier son activité.

Fin 2010, Roselyne Bachelot chargeait un groupe de travail, coordonné par Danielle Toupillier, la directrice générale du Centre National de Gestion (CNG), de proposer des évolutions pour l’exercice médical à l’hôpital. Après une enquête d’opinion auprès de 305 établissements, l’audition de personnalités et des débats interrégionaux, une évidence s’impose : qu’elle s’organise autour d’une spécialité, d’une discipline, d’un organe ou d’une pathologie, « l’équipe médicale, unité de base de l’organisation hospitalière constitue le fondement de l’identité hospitalière ». Dans les grands établissements, cette équipe se superpose peu ou prou au service, mais « sans en reprendre le mode de fonctionnement obsolète ». Dans ceux de taille moyenne intégrés à des Communautés Hospitalières de Territoire (CHT), des équipes territoriales doivent être constituées, avec des pôles inter-établissements. Le projet de l’équipe doit être le « moteur des CHT ».

L’équipe est constituée en fonction des missions et activités défi nies par type de structure. Elle peut intégrer « tout praticien, quel que soit le statut (public/privé) et le mode d’exercice (salarié/libéral), pour répartir l’obligation de continuité et de permanence des soins et renforcer la cohésion des équipes et la solidarité entre professionnels de santé ». Le chef d’équipe est choisi parmi ses pairs, « sans discrimination de statut, pour une période définie et en favorisant le renouvellement ». Il est « le garant des engagements contractualisés entre l’équipe médicale et les praticiens qui la composent ». Car l’équipe fonctionne sur le mode contractuel : contrat collectif, intégré à celui du pôle, contrats individuels d’engagement pour chaque professionnel. Ces derniers formalisent les « devoirs » des professionnels en matière de soins, de prévention et d’éducation thérapeutique, de mission d’intérêt général interne ou externe, d’enseignement, de recherche clinique, d’investissement institutionnel, de participation à la permanence des soins ; ils formalisent aussi leur « droits » (congés, formation, stages, projets personnels…).

Ayant rappelé la nécessité impérative de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences médicales, la mission Toupillier propose de segmenter la carrière des praticiens hospitaliers – d’une durée moyenne de 35 ans – en « modules » de trois à dix ans. Une carrière serait constituée d’au moins trois modules. A l’entrée d’un module, le praticien choisirait son quota de temps de travail dans le cadre de la gestion nationale confi ée au CNG, et s’intégrerait ensuite dans une ou plusieurs équipes territoriales, une fois son bilan personnel réalisé. Ce système modulaire et la contractualisation permettrait au PH « resté maître in fine des bases de son temps de travail, d’alterner des années plus centrées sur le soin et d’autres sur la formation, l’enseignement, la recherche, la prise de responsabilité, le tutorat ou un projet personnel ». Le premier module intégrerait le postinternat et la deuxième partie du troisième cycle des études médicales, ce qui donnerait « un signal fort aux jeunes médecins, pharmaciens et odontologistes en les intégrant de facto dans les carrières hospitalières ». Quant au dernier module de le carrière, les membres de la mission suggèrent qu’afin de « conserver le dynamisme et l’engagement du praticien », on modernise le statut de consultant en CHU et le cumul emploi-retraite.

Les libéraux ne sont pas les seuls à crouler sous les tâches administratives, les hospitaliers ont aussi vu augmenter cette part de leur travail d’année en année. La mission Toupillier considère que l’aide d’assistants et de techniciens spécialisés dans le traitement de l’information et dans la gestion administrative et logistique « serait probablement une réponse adaptée ».

Il y a de longs mois que les hospitaliers attendent le démarrage de véritables négociations avec le ministère de la Santé. A l’occasion d’une réunion avec les syndicats en juillet dernier, Xavier Bertrand leur avait donné rendez-vous en septembre. Puis on a attendu que sorte le rapport Toupillier… C’est aujourd’hui chose faite, et Xavier Bertrand a affirmé qu’il s’engageait à le mettre en oeuvre « rapidement ». Il devrait signer avant la fin de l’année un accord-cadre avec les syndicats de praticiens hospitaliers. ■

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Le délicat passage du public au privé

à l’issue de leur clinicat de deux ans, renouvelable une fois, soit au bout de quatre ans en post internat, un praticien peut s’installer en libéral sans problème. Les dernières statistiques de l’Ordre montrent qu’ils sont peu nombreux à le faire : parmi les nouveaux cardiologues inscrits au tableau ordinal au 1er janvier dernier, moins de 5 % (4,7 % exactement) des nouveaux cardiologues inscrits au tableau de l’Ordre au 1er janvier dernier ont choisi le secteur libéral, 85,30 % ayant opté pour le salariat. Installé lui-même depuis deux ans en libéral (à mi-temps), Benoît Lequeux avance une explication parmi d’autres : « La lourdeur administrative que représentent l’installation et l’exercice en libéral est dissuasif, et nous ne sommes absolument pas formés à cela au cours de nos études. Pour des certains, qui ne sont pas extrêmement motivés, c’est trop lourd. »

Pour autant, il arrive que ceux qui ont choisi le secteur public aspirent à rejoindre le secteur privé au bout d’un certain temps, les conditions d’exercice à l’hôpital n’offrant plus aujourd’hui autant d’attractivité que naguère.

Mais pour ces médecins qui ont passé le concours de praticien hospitalier, le « passage » peut s’avérer difficile. D’autant que la loi HPST a introduit une nouvelle disposition selon laquelle un PH ne peut pas s’installer en secteur privé dans une zone proche de l’établissement public où il exerce durant les deux ans qui suivent son départ de cet établissement.

« Mais le décret d’application n’est toujours pas paru, explique Philippe Burnel, délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Le ministère a donc donné comme instruction d’appliquer la règle commune à tous les fonctionnaires qui souhaitent passer dans le privé : ils doivent passer devant une commission de déontologie qui les autorise ou non à le faire. Dans deux cas récents, la commission a donné un avis favorable au passage dans le secteur privé, mais également un avis défavorable concernant les cliniques que les médecins souhaitaient intégrer, parce qu’elles ont été jugées directement concurrentes avec l’hôpital. Dans les deux cas, les avis étaient justifiés. L’un des médecins, notamment, étant le seul à exercer son activité dans l’établissement public qu’il quittait, son départ signifiait donc la suppression de cette activité à l’hôpital public au profit de la clinique privée. »

Selon Philippe Burnel, ce décret d’application pourrait bien ne jamais voir le jour… « Cela supposerait de préciser, notamment, ce qu’on entend par “établissement concurrent”, et ce n’est pas simple. Le critère de proximité géographique est loin d’être pertinent : deux établissements peuvent être proches et ne pas être concurrents. En fait, je pense que la loi était inutile et qu’il n’y avait pas lieu de faire une exception pour les praticiens de la fonction hospitalière. Le passage devant la commission de déontologie pour tous les fonctionnaires est une bonne chose. » Cependant, la FHP reste très attentive aux avis rendus, et à ce que, composée exclusivement de fonctionnaires – dont des fonctionnaires hospitaliers – cette commission ne statue pas selon une logique uniquement fonction publique… « Ã cet égard, souligne Philippe Burnel, le discours actuel des doyens au sujet des conditions optimales que doivent offrir les cliniques privées aux internes qui peuvent désormais y faire des stages, cache peut-être aussi la crainte qu’ils ont de voir ces internes ne pas revenir dans le secteur public après leur internat, et rester dans le privé… » Selon lui, l’attractivité financière du privé doit être relativisée : « L’idée selon laquelle le privé paye mieux est loin d’être toujours fondée, cela dépend très fortement des spécialités. Si cela est vrai pour la radiologie, par exemple, c’est tout à fait faux pour la pédiatrie où les praticiens hospitaliers gagnent bien mieux leur vie que les libéraux. Beaucoup de jeunes étant attirés par le salariat, l’hôpital n’est pas sans argument. Par ailleurs, la vraie compétition ne concerne pas tant l’aspect financier que les conditions d’exercice, qui se sont dégradées à l’hôpital public. C’est cela le vrai problème. »

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Intégration des DMI aux GHS : la qualité des soins n’y gagne pas

Depuis l’instauration de la T2A, la logique veut que toutes les dépenses soient intégrées dans les Groupes Homogènes de Séjour (GHS). Ce n’est pas encore tout à fait le cas à ce jour. Dans une période transitoire, on avait maintenu certains produits sur la liste des prestations remboursables. C’était le cas de nombre de Dispositifs Médicaux Implantables (DMI) qui continuaient d’être remboursés par l’Assurance Maladie. L’année dernière, les valves cardiaques ont été intégrées dans les GHS, et ce mouvement se poursuit avec l’intégration d’autres DMI, notamment des défibrillateurs et des stimulateurs cardiaques. Quelles vont en être les conséquences pour les équipes médicales, dans le public comme dans le privé ?

Pour Marie-Claude Morice de l’Institut cardiovasculaire Paris-Sud à l’hôpital Jacques-Cartier de Massy, « Tout va dépendre de la quantification des DMI. Si on définit une moyenne de 1,5 ou 1,6 dispositif par patient, on va limiter la qualité de la prise en charge. Il est ainsi évident que si l’on ne rembourse qu’un stent, on n’en posera qu’un, mais que le patient qui en nécessite deux devra revenir pour la pose du second. Cela représente à tout le moins un inconfort pour le patient, voire un risque, et cela n’a, au final, aucun intérêt économique non plus. Mieux vaut prendre le patient en charge en une seule fois quand cela s’impose. L’idéal serait qu’il y ait au moins trois GHS selon la gravité de l’état des patients, dont un pour les patients complexes. Une moyenne n’est pas une bonne chose : c’est trop pour les patients simples, et pas assez pour les patients complexes. Si l’intégration des DMI dans les GHS n’a que des visées économiques, on va aller vers la médiocrité, et c’est inadmissible. »

Chef du département de cardiologie au CHU de Rennes et président du groupe de rythmologie à la Société Française de Cardiologie (SFC), le Pr Philippe Mabo redoute lui aussi les effets délétères d’une intégration des DMI dans les GHS à visée purement économique. « Intégrer les dispositifs médicaux implantables dans les GHS est une façon de faire pression pour limiter les coûts, ce qui n’a rien en soi de répréhensible. Mais cette intégration doit se faire selon une logique médicale et pas seulement comptable, commente ce spécialiste. Or, le ministère entend mettre tous les défibrillateurs dans le même GHS, ce qui revient à y mettre des indications et des patients différents. » Les sociétés savantes, et la Société Française de Cardiologie notamment, ont pourtant émis des recommandations pour cette intégration. « Nous avons recommandé trois GHS différents, explique Philippe Mabo. Un pour les bradycardies, un autre pour les tachycardies ventriculaires et la prévention de la mort subite, qui relève de la pose de dispositifs simples et à double chambre, et enfin, un troisième GHS pour l’insuffisance cardiaque nécessitant des stimulateurs cardiaques et défibrillateurs à triple chambre. Nous nous sommes heurtés à un refus, et nous allons être mis devant le fait accompli. Le prix moyen du GHS va être calculé à partir d’un “case mixt“, calculé sur des données du passé, et qui ne prendra pas en compte ni l’évolution prévisible dans les années à venir des indications, ni le progrès médical. Ce qui ne favorisera pas la qualité de prise en charge des patients, et ce qui pénalisera les centres dont l’expertise est reconnue et qui seront limités dans leur activité. »(gallery)




La loi HPST en cacherait-elle une autre ?

L’année 2010 a vu la parution de nombreux textes d’application de la loi HPST, parmi lesquels plusieurs concernaient les établissements hospitaliers dans leur nouvelle « gouvernance ». Pour autant, le fonctionnement interne des hôpitaux s’en trouve-t-il transformé ? Pas sûr. Ou du moins pas encore, comme le souligne Francis Fellinger, chef de service de cardiologie à l’hôpital d’Haguenau (Bas- Rhin), et président de la conférence nationale des présidents de CME des centres hospitaliers. « La loi HPST est une loi très complexe, et sa mise en place ne l’est pas moins. » Si la création des agences régionales de santé (ARS) marque, selon lui, « une avancée majeure » dans la réforme de notre système de santé et répond à une demande du monde hospitalier, si leur mise en place « à marche forcée » représente « une gageure », il constate aussi qu’à ce jour « les hospitaliers n’ont pas encore trouvé le point d’équilibre dans leurs relations avec “ces grosses machines administratives” ». Quant à l’organisation interne des établissements, malgré la publication de l’essentiel des textes s’y rapportant, Francis Fellinger constate qu’elle n’a encore guère évolué : « Les directoires sont en place, mais les gens continuent de fonctionner comme avant. Les pôles sont confortés par la loi, mais les relations avec les directions restent inchangées, du moins en l’attente des contrats de pôle à venir ». Quant aux CME, dont beaucoup ont estimé que les textes d’application les concernant réduisaient considérablement le pouvoir des médecins à l’hôpital, Francis Fellinger considère, lui, que « leur positionnement est maintenu », et que leurs présidents ont acquis un statut et un pouvoir « confortés » par la loi HPST. Rien dans les textes n’enlève aux CME un pouvoir qui n’était d’ailleurs pas davantage inscrit dans les précédents textes. De même, on a beaucoup commenté le pouvoir octroyé au directeur d’hôpital, mais il est susceptible d’être destitué tous les mercredis en conseil des ministres ! On observe donc un décalage important entre la réalité des textes et le ressenti des médecins sur le terrain, où un gros effort de pédagogie est à faire.

Mais aux yeux de Francis Fellinger, la « légalisation de la télémédecine avec la sécurité juridique et le financement qui vont en découler, de même celle des coopérations interprofessionnelles, qui vont permettre de déléguer certaines tâches à d’autres professionnels, sont beaucoup plus importantes que les problèmes de gouvernance ». « Particulièrement pour nous, cardiologues, ces deux points de la loi marquent une rupture positive », juge-t-il.

Au total, pour Francis Fellinger, la loi HPST n’est pas « la catastrophe décriée » même si elle pèche par « un excès de complexité et d’ambition ralentissant sa mise en oeuvre ». Et pour ce qui est de la gouvernance, il estime que « c’est l’ordonnance Mattei-Xavier Bertrand qui a vraiment changé les choses », et constate : « En fin de compte, les hôpitaux qui fonctionnent bien sont ceux qui reposent sur le triptyque alliant une stratégie territoriale claire, un travail effectif sur la qualité des soins, et un couple directeur-médecins qui fonctionne. »

Bien différente est l’opinion de Rachel Bocher. Pour la présidente de l’Intersyndicale des praticiens hospitaliers, il n’y a rien à sauver de la loi HPST : « La réforme de la gouvernance n’est pas celle attendue par les professionnels, qui n’ont d’ailleurs pas été consultés, la copie du DPC est entièrement à revoir, les ARS sont des grandes boîtes dans lesquelles les gens se demandent ce qu’ils font et ce qu’ils ont à faire. La loi HPST marque le retour en force de l’État dans le contrôle du système, et cette étatisation met à bas toute notion de responsabilisation des professionnels qui se sentent des pions dans une hiérarchie très pyramidale. Pour autant, d’inspiration très libérale, cette loi met à mal le service public et dessine un hôpital-entreprise loin de tout enjeu de solidarité, et qui laisse de côté aussi bien les patients que les professionnels de santé. Ce n’est pas la grande réforme qui fait entrer l’hôpital dans le XXIe siècle. »

Selon elle, le seul résultat tangible de la loi HPST aujourd’hui est « un désinvestissement des professionnels de santé, mais aussi des directeurs, largement désabusés eux aussi, et qui marque le désaveu de la réforme ». « L’hôpital sera un enjeu majeur des élections présidentielles de 2012 », estime Rachel Bocher, qui ne doute pas que, dans cette optique, on s’achemine vers une version 2 de la loi HPST à laquelle travaille la mission sénatoriale Fourcade. Reçue il y a quelques semaines par Xavier Bertrand, la présidente de l’INPH dit avoir rencontré un ministre convaincu du malaise du monde hospitalier et de la nécessité d’y remédier.

Reste à savoir, si V2 de la loi HPST il y a, dans quelles proportions elle reniera la version originale.

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