Les limites des recommandations et des AMM

327 – Après un rappel des principes de responsabilité médicale, une analyse des différents types de recommandations, puis la mise en relief de certaines situations paradoxales en matière d’AMM, permettront de guider nos décisions face à un patient par définition unique et donc hors cadre !

Obligations du médecin

La lecture du code de déontologie médicale permet de cerner les principes essentiels des obligations des praticiens.

Article 8 : « dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit limiter ses prescriptions à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles ».

Article 32 : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer …des soins consciencieux …et fondés sur les données acquises de la science… ».

Article 39 : « Les médecins ne peuvent proposer aux malades comme salutaire ou sans danger un remède ou procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé ».

Les recommandations

La difficulté pour les médecins est de faire le tri entre les nombreuses recommandations qu’ils reçoivent, car elles sont de valeur scientifique inégale.

Les recommandations internationales reposent souvent sur le travail en général d’une quinzaine d’experts reconnus dans le domaine. Il s’agit de plus en plus de réactualisations de recommandations anciennes et prenant en considération les résultats des dernières études publiées et l’évolution des pratiques. Il convient d’avoir une bonne connaissance de l’anglais pour éviter les erreurs d’interprétation des textes. Même si elles sont de méthodologies rigoureuses (ACC, AHA), peut-on appliquer des recommandations nord-américaines sur une population française, dont la génétique et le mode de vie sont différents ?

Les recommandations européennes (ESC) sont peut-être plus en adéquation avec notre population.

Idéalement, les recommandations françaises de la Société Française de Cardiologie (SFC) correspondent le mieux à notre population et à notre système de soins, mais force est de constater qu’elles ne répondent pas encore à autant de questions que les précédentes.

A l’intérieur de chaque recommandation, le médecin doit être attentif sur le niveau de preuve scientifique. La recommandation a-t-elle été établie à la suite d’une étude multicentrique, randomisée à large échelle, ou s’agit-il seulement d’un consensus d’expert sans aucune étude sous-jacente ?

A coté de ces recommandations académiques, les cardiologues avaient été particulièrement choqués par la publication au Journal Officiel le 5 janvier 2007 de « recommandations » sous la forme d’« Accord de bon usage des soins relatif des antiagrégants plaquettaires » (AcBUS), dont les motivations essentiellement économiques avaient oublié un certain nombre de situations médicales (patient stenté en dehors des syndromes coronariens aigus, ischémie silencieuse.). Cet AcBUS aurait pu amener certains médecins à prendre des décisions médicalement inappropriées, sous cette pression économique. La SFC et le SNSMCV avaient alors vivement réagi pour éviter que ce genre de « recommandations » sans validation d’une société savante ne se reproduisent.

Devant l’utilisation croissante des recommandations par les plaignants dans les dossiers de responsabilité médicale, les auteurs prennent de plus en plus de précautions dans la rédaction des textes en insistant sur les limites de ces recommandations.

A titre d’exemple, on a pu lire en introduction des guides d’affections longue durée (maladie coronarienne, de mars 2007) établis par l’HAS, pour bien comprendre les limites générales des recommandations : « Ce guide ne revendique pas l’exhaustivité des conduites de prise en charge possibles ni ne se substitue à la responsabilité individuelle du médecin vis-à-vis de son patient ».

Parfois, il existe un délai de latence entre la publication d’une étude majeure validant l’effi cacité d’une thérapeutique et son inscription dans une recommandation par une société savante, ce qui rend son utilisation dans l’intervalle malaisée pour un praticien isolé.

Quand il s’agit d’une maladie ou d’une problématique rare, il n’existe alors aucune recommandation. Le médecin doit alors se forger une opinion sur ses connaissances personnelles, ou les données de la littérature. En cas d’incertitude sur le sujet, il doit soit s’entourer de l’avis de confrères, soit adresser le patient à une équipe hospitalo-universitaire. Car s’il prend une décision lourde en solitaire, il a toutes les chances de voir sa position critiquée en cas d’événements indésirables.

Hors AMM

Il y a plusieurs exemples de molécules pour lesquelles il n’y pas eu d’AMM, alors que la validation scientifi que a été parfaitement intégrée par la communauté médicale et les sociétés savantes. L’hydrogéno- sulfate de clopidogrel après implantation de stents en est la parfaitement illustration. Sous l’impulsion des cardiologues interventionnels, des registres puis des études ont été diligentés pour faire rapidement de l’hydrogéno-sulfate de clopidogrel la molécule incontournable, en association à l’aspirine, pour prévenir la thrombose de stents. Bien que n’ayant pas l’AMM dans cette indication, en dehors des syndromes coronariens aigus, personne n’oserait aujourd’hui contester son efficacité et sa légitimité.

Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), par une biodisponibilité optimalisée et une facilité d’utilisation, sont aujourd’hui utilisées, hors AMM en remplacement de l’héparine traditionnelle dans de nombreuses situations cardiologiques aussi bien en médecine libérale que dans les CHU et sont intégrées dans de nombreuses recommandations de sociétés savantes.

Ainsi, les dernières recommandations de l’HAS et du GEHT d’avril 2008 (prise en charge des surdosages et des situations à risque hémorragique et accidents hémorragiques chez les patients sous AVK) suggèrent, en cas de chirurgie programmée, un relais des AVK indifféremment par des HNF ou des HBPM (2 injections en doses curatives) aussi bien chez les patients porteurs de valves mécaniques que les patients en ACFA. Cependant, ils précisent que les HBPM n’ont pas l’AMM ! Il n’est donc pas simple d’exercer dans ce contexte parfois contradictoire. On peut néanmoins se réjouir de disposer enfin de recommandations des sociétés savantes dans ces indications complexes.

Dans le cadre des recommandations de l’HAS (guide d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, mars 2007), il est recommandé de prescrire un antiagrégant plaquettaire : aspirine faible dose ou clopidogrel, alors que les différentes formes d’aspirine commercialisées n’ont pas l’AMM pour cette indication !

La prescription hors AMM ne se limite pas à la seule prescription pour une indication non reconnue, mais concerne aussi une utilisation en dehors des doses préconisées ou sur un terrain non inclus par le laboratoire (grossesse, âge, comorbidité..).

Lorsque le médecin a décidé de prescrire hors AMM, après estimation du rapport bénéfice/risque, il doit en avertir son patient, d’autant plus que dans certaines situations, le patient pourrait ne pas être remboursé par la Sécurité Sociale. En cas de prescription hors AMM, le pharmacien qui délivre l’ordonnance ou l’infi rmière qui remet le traitement peuvent dans certains cas voir leur responsabilité engagée, car ils ont un rôle de contrôle établi par la loi.

Conclusion

Si la loi impose au médecin de délivrer des soins conformes aux données acquises de la science, elle lui consacre néanmoins une liberté dans ses prescriptions. Face à un patient donné, avec ses antécédents et ses comorbidités, le praticien reste toujours le seul responsable dans ses choix. Il tentera de suivre les recommandations, à conditions qu’elles soient pertinentes scientifiquement et pourvues d’un niveau de preuve suffisant et se conformera aux AMM. Dans les cas où il n’existe pas de recommandation, ou qu’elle ne peut pas s’appliquer au patient donné, ou bien qu’une prescription hors AMM soit nécessaire, il devra informer le patient de cette particularité et rassembler les arguments qui justifient sa stratégie s’il doit faire un jour l’objet d’une plainte.

S’il doute du bienfondé de sa réflexion, il sera alors préférable qu’il adresse son patient à un spécialiste ou à une équipe hospitalo- universitaire.

Sites utiles

_ SFC : www.sfcardio.fr/recommandations/sfc _ ESC : www.escardio.org/guidelines-surveys/esc-guidelines/Pages/GuidelinesList.aspx. _ AHA : www.americanheart.org/presenter.jhtml?identifier=9181 _ ACC : www.acc.org/qualityandscience/clinical/statements.htm _ HAS : www.has-sante.fr




Les droits du patient dans la relation de soins

325 – Nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’une source nouvelle et probablement durable de contentieux. Celui né d’une incompréhension entre le soignant et le soigné, celui né d’un dialogue non abouti entre eux. La loi du 4 mars 2002 qui régit l’essentiel de la responsabilité médicale grave dans son titre, donc « dans le marbre », les droits du malade. Il faut alors croire que le législateur voyait la relation de soins comme insuffisamment protectrice de ces droits. Mais était-ce réellement le cas ? Cela n’est pas si sûr. Toujours est-il que sa volonté a consisté à faire du patient un acteur à part entière dans sa maladie, le partenaire du praticien dans un rapport d’équité.

La force du verbe

La loi du 4 mars 2002 introduit des concepts nouveaux dont il importe d’ores et déjà de mesurer les incidences possibles. Le titre II de ce texte porte comme titre « Démocratie sanitaire ». Le chapitre II du même titre fait état « d’usagers du système de santé et d’expression de leur volonté ».

• La relation de soins est-elle démocratique ?

Dans sa définition, la démocratie induit la souveraineté, celle du peuple en général. Ce noble et beau concept peut-il se décliner à la sphère de soins ? En d’autres termes, la démocratie sanitaire existe-t-elle et la relation de soins est-elle démocratique ? Nous ne le pensons pas. La relation de soins se déploie dans une toute autre dimension faite de confiance et de respect réciproques, d’écoute, de mobilisation par l’ensemble des soignants d’un éventail de compétences ayant pour but de guérir un patient ou atténuer sa douleur physique ou psychique. L’art du médecin est à l’exact carrefour entre humanisme et haute technicité. Et cet art tend à conférer au patient une dimension centrale et non pas une dimension sériée à la seule maladie dont il souffre. Le médecin est le gardien et le garant de ses droits en matière de non-discrimination, de soins de qualité, de respect de sa dignité humaine et des secrets qu’il entend… N’est-ce pas là l’essence même de la relation de soins, indépendamment de toute notion ici un peu étrange de démocratie sanitaire ?

• Un patient est-il un usager du système de santé ?

Il faut croire que certains mots font peur et cela paraît être le cas du mot « patient » auquel on substitue celui « d’usager du système de santé ». Mais la substitution d’un mot à l’autre, du mot « usager » au mot « patient » peut, en droit, s’avérer tout sauf anodine. Un usager est une personne qui utilise un service et a, face à elle, un prestataire. En règle générale, ce prestataire demeure tenu d’une obligation de résultats. Lorsque ce prestataire ne remplit pas sa mission, l’usager dispose de droits. Peut-on raisonnablement mettre sur le même pied tous les usagers face à tous les prestataires ? La prestation de santé n’est pas la prestation de transport ou de fourniture d’électricité. Son manquement peut être dû à des facteurs qui lui sont propres – imprévisibilité des réactions de l’organisme, inconnue scientifique, « fragilité » du médecin – dans un contexte qui touche au corps, à la vie et à la mort. Le patient usager bénéficie-t-il des mêmes droits et moyens d’action que lorsqu’il prend un train ou un avion ? Evidemment non car nous sommes ici dans le domaine de l’obligation de moyens qui n’oblige pas le prestataire à parvenir, à toutes fins, au résultat exigé. Ici le résultat – la guérison du patient – ne peut être qu’espéré. Il n’empêche. Transformer le patient en usager, c’est d’abord le banaliser dans sa relation avec le thérapeute. C’est aussi, chacun l’aura compris, créer une ambiguïté gênante quant à son pouvoir d’agir contre « son prestataire ».

Un droit régalien : celui d’être informé pour consentir ou non aux soins

Informer un patient sur les risques inhérents à la stratégie thérapeutique envisagée est une obligation séculaire pour chaque médecin, obligation consacrée chronologiquement d’abord par la déontologie, ensuite la jurisprudence, enfin la loi. Et l’information de ce patient demeure l’un des aspects fondateurs de l’humanisme médical.

• Quelle information ? _ Le législateur du 4 mars 2002 nous précise que l’information porte « … sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention… leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risque fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent… et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. » Précisons si nécessaire qu’il appartient ensuite au médecin de rapporter la preuve de l’information ainsi donnée. Seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer libère le praticien de cette obligation d’information. Une fois la norme juridique fixée, reste ensuite pour chaque médecin à la faire sienne en délivrant une information « claire, loyale et appropriée » à son patient dans le but de recueillir son consentement « libre et éclairé ». Cet aspect de l’art – qui prend aujourd’hui une dimension nouvelle – demeure toujours délicat à appréhender. Il faut être compris du patient. L’information délivrée ne doit pas, en soi, apparaître comme un stress supplémentaire pour le patient, stress pouvant le conduire alors à ne pas consentir aux soins. D’où la difficulté pour le médecin de trouver le mot juste qui permet d’informer sans inquiéter davantage… Car nombre de médecins considèrent être dans une situation d’échec lorsque l’inquiétude du patient l’emporte, le poussant alors à refuser les soins proposés.

• L’impuissance du médecin en cas de refus de consentement

La question du consentement, recueilli ou non, nous ramène au propos initial de l’article : la volonté manifeste du législateur de rehausser le patient « usager » dans la relation de soins. Cette question du consentement ou non relève même de l’emblématique. Après qu’il l’ait clairement informé des conséquences de sa décision, le médecin dont la mission est d’abord de sauver des vies est impuissant devant le refus manifesté par son patient. A preuve l’arrêt rendu le 21 décembre 2006 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence saisie à la suite du décès par hémorragie d’une patiente, témoin de Jéhovah, survenu lors de son accouchement. Cette patiente avait refusé la transfusion sanguine rendue nécessaire par son état en dépit des alertes répétées formulées par son médecin sur le risque vital lié à ce refus. Poursuivi pour défaut d’information par les parents – qui pourtant avaient soutenu leur fille dans son refus d’être transfusée ! – ce médecin a vu sa responsabilité écartée par la Cour au motif « … qu’il ne saurait être reproché au médecin, qui doit respecter la volonté du malade, d’avoir éventuellement tardé à pratiquer une intervention vitale, alors qu’il ne pouvait pas la réaliser sans procéder, contre la volonté du patient à une transfusion sanguine. »

Vers une nouvelle relation de soins

La médecine est un art par essence évolutif fondé sur la réflexion, le doute, l’intelligence. Cet art qui, pour repousser les frontières de la vie en appelle à une technique de plus en plus pointue, fait aujourd’hui l’objet de normes nombreuses, la plupart pensées avec le souci de la sécurité du patient. Ce souci de sécurité s’accompagne d’une volonté de laisser à ce dernier un vaste espace de liberté au sein même de la relation de soins. Et cette liberté également fait l’objet d’une norme. L’information au patient qui relève du colloque singulier et du secret partagé entre, pour partie, dans cette norme. Parce que l’accès à cette information est, pour lui, un droit absolu et incontestable dont il appartient au médecin de prouver qu’il l’a respecté. Ensuite, c’est au patient lui-même de décider s’il accepte ou non les soins proposés, ceci en toutes connaissances de causes des risques induits soit par son aval, soit par son refus. Les choses vont très loin dans la mesure où, comme nous l’avons vu plus haut, un médecin pourra n’être pas condamné tandis qu’il a sciemment laissé mourir son patient ceci parce ce dernier lui a interdit d’agir. Souhaitons que les nouveaux équilibres qui semblent se dessiner n’en viennent pas à instaurer une sorte de rapport de forces permanent dans la relation de soins au détriment de tous : patient, praticien et société dans son ensemble.




Litige : Cotation de la MAPA

325 – Un exemple récent : Il y a peu de temps, une cardiologue a eu la surprise de recevoir la lettre suivante :

« La caisse primaire d’Assurance Maladie de… a diligenté un contrôle sur les actes que vous avez facturés.

Elle a pu relever un certain nombre d’anomalies ayant entraîné le paiement de sommes indues. En conséquence, je vous notifie par la présente les griefs qui sont retenus contre vous : Etablissement de feuilles de soins portant sur des actes non réalisés.

Les faits sont constitutifs d’un comportement abusif et permettent de considérer que la CPAM a subi un préjudice financier important. Elle est par conséquent en droit de s’appuyer sur les dispositions des articles 313-1 du code pénal et L114-13 du code de la Sécurité Sociale pour éventuellement mettre en oeuvre une procédure pénale. Un tableau joint détaille les actes litigieux, à savoir des Cs cotés deux jours de suite chez quarante patients. »

Notre collègue très étonnée répond que les cotations contestées ne correspondent pas à des actes non réalisés, mais à des holters tensionnels, puis, prend l’avis du Syndicat des Cardiologues.

Nous n’avons pas eu d’autre solution que de lui conseiller de rembourser ses cotations erronées et, pour éviter les sanctions dont on la menaçait, de plaider son ignorance, car elle était récemment installée.

La lettre qu’elle avait écrite à la caisse en toute bonne foi ne nous permettait d’ailleurs pas de voir si, dans l’ensemble des Cs contestés, quelques-uns ne remplissaient pas les éléments constitutifs d’une consultation au sens de la nomenclature (interrogatoire, examen clinique, propositions thérapeutiques éventuelles).

L’incompréhension de certains cardiologues

Nous rencontrons encore très régulièrement des cardiologues de toutes régions qui cotent ainsi leur MAPA deux fois Cs, en argumentant que les holters tensionnels sont indispensables et que leurs indications sont parfaitement justifiées.

De ce point de vue, ils ont raison, et les indications de MAPA sont bien codifiées par les différentes recommandations, et notamment celle de la HAS, mais, pour qu’un acte soit remboursé, il faut, d’une part, effectivement, qu’il soit médicalement justifié, mais, d’autre part, qu’il soit admis au remboursement par l’Assurance Maladie. Le plus souvent, heureusement, les actes médicalement justifiés sont remboursables, mais ce n’est pas le cas pour la MAPA (comme par exemple aussi, la surveillance du test au dipyridamole avant une scintigraphie myocardique).

La CCAM

La MAPA bénéficie d’un code CCAM (cf. ci-dessous extrait de la classification), mais il est notifié de façon très claire que l’acte est « non pris en charge ».

Extrait de la CCAM

|EQQP008 |Enregistrement ambulatoire discontinu de la pression intraartérielle par méthode non effractive pendant au moins 24 heures (MAPA) (Holter tensionnel) | 1 | 0 | Non pris en charge | ATM|

Utiliser de façon délibérée une lettre clef inappropriée, en l’occurrence le Cs, pour contourner la réglementation peut être assimilé à un faux en écriture, avec les sanctions qui en résultent.

C’est d’ailleurs ce que fait la caisse dans l’exemple cité ci-dessus.

Les textes dont elle menace l’application sont les suivants :Article 313-1 du code pénal : L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Article L114-13 du code de la Sécurité Sociale : Est passible d’une amende de 5 000 euros quiconque se rend coupable de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir, ou faire obtenir ou tenter de faire obtenir des prestations ou des allocations de toute nature, liquidées et versées par les organismes de protection sociale, qui ne sont pas dues, sans préjudice des peines résultant de l’application d’autres lois, le cas échéant. Il faut savoir que des cardiologues ont déjà été condamnés pour ce motif, sans qu’il soit possible de bâtir une défense basée sur les textes réglementaires.

Comment procéder en pratique ?

Le cardiologue établit lui-même le montant de ses honoraires en fonction de ses frais et de la rémunération du temps médical.

Le patient devra être informé, avant la prise de rendez-vous, que l’acte ne sera pas pris en charge par la sécurité sociale. Les honoraires ne devront pas être mentionnés sur une feuille de soins (art. 4.1.1.3 de la convention: « Lorsque le médecin réalise des actes ou prestations non remboursables par l’Assurance Maladie, ce dernier n’établit pas de feuille de soins ni d’autre support en tenant lieu, conformément à l’article L 162-4 du code de la Sécurité Sociale. »)

Il est recommandé de rédiger une note d’honoraires qui pourra être adressée à la mutuelle, en sachant que beaucoup d’organismes complémentaires refusent également de rembourser la MAPA.

Si le holter tensionnel est branché au décours d’une consultation, celle-ci fera l’objet comme d’habitude d’une feuille de soins avec la cotation correspondante (C2+DEQP003, ou CSC, ou Cs suivant les cas), mais la MAPA devra être tarifée à part, là aussi sur une note d’honoraires séparée (art. 4.1.1.3 de la convention: « Dans les situations où le médecin réalise des actes ou prestations remboursables et non remboursables au cours de la même séance, il porte les premiers sur la feuille de soins et les seconds sur un support ad hoc. »)

Dans l’état actuel des intentions des caisses, il est peu probable que cette situation change. La MAPA peut donc être considérée pour le cardiologue comme un petit espace de liberté tarifaire.




Lettre ouverte à mon directeur de CPAM

324 – Monsieur le Directeur

Mes associés et moi-même, comme, je pense, l’ensemble des cardiologues, ont reçu votre courrier à propos des bénéficiaires de la CMU. Vous écrivez que le taux de refus de prise en charge par les spécialistes serait de 41 %. C’est la troisième fois que l’on nous assène ce chiffre fantaisiste : une première fois lors de la publication du rapport Chadelat en 2006, une seconde à l’occasion de la circulaire du 30 juin 2008 de la Caisse Nationale, et une troisième fois dans votre lettre. Croyez-vous sincèrement que 41 % des spécialistes relevant de votre caisse refusent de soigner les bénéficiaires de la CMU ?

J’ai appris que ce type de courrier serait envoyé aux médecins qui, d’après les statistiques des caisses, ne feraient pas suffisamment d’actes pour les bénéficiaires de la CMU. Pourtant, si j’en crois les TSAP établis par vos services, mon cabinet est régulièrement dans la moyenne régionale, et même souvent un peu au-dessus. Nos chiffres seraient d’ailleurs un peu plus élevés si tous les rendez-vous que nous donnons étaient honorés par les intéressés. En fait, les bénéficiaires de la CMU sont en général plutôt jeunes, et les clients des cardiologues plutôt âgés. C’est ainsi et nous n’y pouvons rien.

Je dois dire que, comme bon nombre de mes confrères, je commence à être lassé par ces assertions moralisatrices et bien-pensantes et par ce discours culpabilisant vis-à-vis des médecins. Ces accusations, qui font le bonheur des journaux, sont basées sur des « études » à la méthodologie douteuse et qui ne reflètent pas la réalité quotidienne.

Un exemple : une enquête parue en mai 2009 a fait grand bruit. En ce qui concerne notre région, les cardiologues sont très vertueux : 100 % de prise en charge. Cela représente bien, à mon avis la réalité, mais la méthode employée pour obtenir ce résultat fait sourire : si l’on regarde en détail le dossier de presse, ce taux de 100 % repose sur un coup de téléphone adressé à seulement deux cardiologues lillois. Par contre, honte aux Normands : 100 % de refus de prise en charge. Sur quoi est basé ce 100 % ? sur un coup de téléphone adressé à un seul cardiologue de Rouen, choisi et interrogé on ne sait d’ailleurs pas comment. Plus récemment, à partir de quelques coups de téléphones adressés à des cabinets des beaux quartiers parisiens, on titre qu’il y a 25 % de refus de soins. Sans doute y a-t-il quelques médecins qui refusent de suivre les bénéficiaires de la CMU et je condamne cette attitude. Personnellement, je n’en connais pas, mais je veux bien croire qu’il en existe. Pourquoi ne pas leur appliquer les sanctions prévues par la loi ? Pourquoi préfère-t-on jeter l’ostracisme sur l’ensemble de la profession ? Pourquoi vouloir faire croire, comme vous l’écrivez, que presque la moitié des spécialistes manquerait à ses devoirs ? _ On peut comprendre, sans l’admettre, les motivations d’une certaine presse qui pense surtout à ses ventes. Je suis étonné que l’Assurance Maladie se mêle à ce concert.

La véritable question est en fait la suivante : y aurait-il un problème de santé publique lié à une prise en charge médicale insuffisante des bénéficiaires de la CMU ? _ Un très beau travail (Prise en charge de l’infarctus du myocarde- 28 avril 2009) réalisé par le service médical de l’Assurance Maladie apporte une réponse. L’étude porte sur les conditions de prise en charge médicale de l’ensemble des assurés sociaux du régime général hospitalisés pour infarctus du myocarde pendant tout le premier semestre 2006, soit 14 000 dossiers, et se prolonge sur les six mois qui suivent le séjour hospitalier. Elle a un volet médical, mais aussi un volet social, avec une évaluation du suivi médical des bénéficiaires de la CMU.

Je vous en cite quelques conclusions :

– Selon les données de l’Assurance Maladie, la prise en charge médicale des patients CMU-C est similaire à celle des autres patients,

– Les patients bénéficiaires de la CMUC sont accueillis dans les mêmes proportions que les autres patients dans les différents types d’établissements de santé, y compris les cliniques privées.

– Les taux de coronarographie (91,8%) et de pose de stents (72,4%) sont également équivalents, témoignant du bon niveau de prise en charge médicale des malades relevant du dispositif de la CMU-C.

– il n’existe pas de différence significative en matière de suivi spécialisé, par un cardiologue libéral notamment, entre les bénéficiaires de la CMU-C et les autres assurés. La qualité scientifique de ce travail est telle qu’il a été publié dans les Archives of cardiovascular diseuses. Il s’agit à ma connaissance de la seule publication sérieuse réalisée sur le sujet. Elle démontre parfaitement que dans « la vraie vie », pour une pathologie donnée, les bénéficiaires de la CMU reçoivent le même haut niveau de soins que le reste de la population.

Pourquoi, dans sa communication, l’Assurance Maladie occulte-t-elle cette très belle étude de son service médical et privilégie-t-elle les chiffres très douteux du rapport Chadelat ?  Il est certain que le suivi des bénéficiaires de la CMU est parfois un peu complexe, mais les critiques ne doivent pas être à sens unique. La circulaire du 30 juin 2008 de la Caisse Nationale, comme d’ailleurs vous le rappelez, énonce un certain nombre de situations où les professionnels de santé ont lieu d’être irrités, et notamment les retards injustifiés aux rendez-vous, les rendez-vous manqués et non annulés, les traitements non suivis ou interrompus, les exigences exorbitantes. C’est la première fois à ma connaissance qu’une circulaire de Sécurité Sociale détaille de façon aussi précise des faits qui relèvent habituellement du dialogue singulier entre le médecin et son patient. Même s’il ne faut pas généraliser, cela montre qu’il existe réellement des problèmes dont le corps médical n’est pas responsable.

Cette même circulaire insiste sur la nécessité pour les caisses de porter une attention particulière et de traiter en priorité les réclamations portées par les professionnels de santé relatives au remboursement des soins pratiqués avec dispense d’avance des frais. Faire cette recommandation, c’est admettre que, là aussi, il existe des difficultés. Il aura d’ailleurs fallu un avenant conventionnel (l’avenant n° 21), pour rappeler que « les professionnels qui assurent la dispense d’avance de frais ont droit à un remboursement rapide des soins assurés », ce qui, normalement, aurait dû aller de soi. La circulaire établit bien que l’on se trouve en présence de trois partenaires : les bénéficiaires de la CMU, l’Assurance Maladie et les médecins, chacun ayant des droits et des devoirs, et qu’il ne faut pas que les droits soient uniquement pour les uns et les devoirs uniquement pour les autres.

Les multiples réactions engendrées actuellement par la CMU sont souvent disproportionnées et excessives. Il n’est pas sûr que le foisonnement de textes législatifs et réglementaires la concernant contribue à la sérénité. Les diverses déclarations, et votre courrier en fait partie, donnent l’impression désagréable que toutes les difficultés ponctuelles sont instrumentalisées pour donner une image négative du corps médical. J’ai bien compris évidemment, Monsieur le Directeur, que vous appliquez des consignes nationales, et ma lettre ne s’adresse pas directement à vous. J’aimerais que la Caisse nationale comprenne que ce type de mise en garde, adressée à des médecins non concernés, risque finalement de se montrer contre-productif et d’entraîner des réactions de rejet.

Ce serait regrettable, car, dans mon expérience en pratique quotidienne, sur le plan médical, les choses se passent plutôt bien. Il y a évidemment de temps à autre des difficultés relationnelles avec des bénéficiaires de la CMU. Il s’agit en général de patients plutôt jeunes, en bonne santé, et dont on se demande ce qu’ils viennent faire dans un cabinet cardiologie. C’est heureusement une minorité. Pour l’immense majorité, et en particulier pour ceux qui nécessitent un suivi cardiologique, il n’est constaté aucun problème particulier, aussi bien pour le malade, pour trouver un cardiologue, que pour celui-ci, pour suivre son patient, ce que confirme le travail du service médical de l’Assurance Maladie évoqué précédemment.

Je vous prie, Monsieur le Directeur…




Que faut-il penser des Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisations des accidents médicaux (CRCI) ?

323 – Historique de la création des CRCI

Les années 1990 ont été marquées par une pression croissante exercée sur les médecins. Face à des patients lourdement handicapés lors de soins médicaux et pour pallier aux carences évidentes de la prise en charge du handicap dans notre pays, les tribunaux ont prononcés des décisions de plus en plus sévères à l’encontre des médecins alors que la faute médicale n’était pas flagrante.

Dans plusieurs dossiers sans aucune faute médicale, le problème de l’information a été largement exploité pour tenter d’obtenir une indemnisation. En 1997, l’arrêt Hédreul, imposait désormais aux médecins de prouver qu’ils avaient informé leurs patients, d’où l’apparition de documents d’information élaborés par les sociétés savantes. Si le droit à l’information n’est bien entendu pas contestable, ces nouvelles modalités ont très certainement rigidifié la relation médecin/ malade.

En matière d’infections nosocomiales, les tribunaux civils et administratifs ont institué une « obligation de sécurité-résultat ». Peu importent les conditions médicales de prises en charge, les établissements et les praticiens étaient automatiquement condamnés en cas d’infection nosocomiale. Même les États- Unis, pourtant en pointe en matière d’indemnisation des victimes, n’appliquaient pas cette obligation !

Indiscutablement, cette dérive n’augurait rien de bon pour la qualité de la relation médecin/malade et faisait peser un risque d’explosion des primes d’assurances, dans un système où les honoraires médicaux sont contrôlés, contrairement aux États-Unis.

C’est donc sous l’impulsion de Bernard Kouchner qu’est née la loi du 3 mars 2002, qui porte son nom, dont l’objectif initial était de prendre en charge, par la solidarité nationale, les accidents médicaux non fautifs, aléas thérapeutiques. Face à des délais de résolution souvent supérieurs à 5 ans lors des procédures judiciaires, le second objectif de la loi était de pouvoir raccourcir les délais d’instruction et d’indemnisation des accidents médicaux graves, qu’ils soient fautifs ou non, dans un processus « amiable ».

Déroulement de la procédure

Le patient ou ses ayant droit doivent déposer une demande auprès de la CRCI dont ils dépendent et désigner les établissements et praticiens qu’ils pensent en cause dans l’affaire. C’est une procédure gratuite. Ils peuvent s’adjoindre l’aide d’avocat ou conseils médicaux dont une partie des honoraires est remboursée. Ã l’appui des courriers et documents médicaux transmis, la CRCI peut rejeter d’emblée la demande si la gravité des préjudices n’est pas manifeste.

Par la suite, la CRCI va mandater un expert médical, qui devra convoquer toutes les parties pour retracer l’historique des faits et déterminer la causalité des préjudices. Chaque partie est sensée transmettre ses pièces de façon contradictoire. Les parties peuvent être assistées de conseils (médicaux essentiellement) pour débattre.

L’expert remet directement à la CRCI son rapport, qui sera ensuite transmis aux parties. Mais, les parties ne peuvent plus alors discuter avec l’expert désigné. Elles doivent alors envoyer des observations écrites ou les faire par oral en réunion CRCI.

Après audition des parties, la CRCI rendra son avis par écrit. Ã condition d’être compétente, la CRCI demandera aux payeurs de faire une proposition d’indemnisation à la victime dans un délai de 4 mois. L’ONIAM (organisme payeur de la solidarité nationale) intervient en cas d’aléa thérapeutique. En cas de faute médicale, c’est l’assureur du médecin ou de l’établissement qui devra faire la proposition d’indemnisation. En cas de refus d’indemnisation par l’assureur, l’ONIAM est chargée d’indemniser la victime, mais pourra exercer un recours contre l’assureur, cette fois-ci par la voie judiciaire. En cas de condamnation définitive du médecin ou de l’établissement, l’assureur devra verser une pénalité complémentaire de 15 %.

Conditions de compétence de la CRCI

L’objectif de la loi étant de venir en aide aux patients les plus gravement atteints, elle a établi des critères de compétence, qui sont : soit une incapacité permanente partielle (IPP) supérieure à 25 % (exemples : perte d’un oeil, ou insuffisance cardiaque modérée), soit une durée d’Incapacité Temporaire Travail (ITT) supérieure à 6 mois, ou des troubles graves dans les conditions d’existence.

Décisions de la CRCI

Globalement, dans 48 % des dossiers, la CRCI se déclare incompétente (pas de lien de causalité, pas de gravité ou pas de faute ou d’aléa). Quand elle se déclare compétente, les dossiers sont soit orientés vers l’ONIAM pour une indemnisation au titre de l’aléa thérapeutique (68 millions d’euros en 2008, avec un coût moyen par dossier de 100 000 €) dans 52 % des cas, soit orientés vers l’assureur des médecins ou des établissements, considérés comme fautifs dans 46% des cas, le reste étant une association de faute et d’aléa. Si une faute a été commise, mais sans atteindre les seuils de gravité, la commission propose aux parties une conciliation, indépendante de la CRCI et de l’ONIAM, sans obligation d’y participer.

Droits de la défense

On y déplore des carences fréquentes dans la communication des pièces entre les parties, ce qui altère indiscutablement le principe théorique du contradictoire et donc la fiabilité des expertises CRCI.

La CRCI ne prévoit pas la rédaction d’un pré-rapport par l’expert. Lorsque l’expert refuse d’engager la discussion sur les responsabilités éventuelles des praticiens pendant l’expertise (non exceptionnel), ce n’est qu’à la lecture de son rapport que le médecin découvre les reproches qui lui sont fait. Il n’est alors plus possible d’argumenter ces critiques avec l’expert. Il pourra seulement faire part à la CRCI de ses observations, tout en sachant que les membres de la commission sont majoritairement non-médecins et que les quelques médecins présents sont rarement spécialistes de la discipline en cause. Ainsi, le praticien aura toutes les difficultés à se faire comprendre et convaincre la CRCI du caractère injustifié des critiques de l’expert, qui parfois est d’une autre spécialité que la sienne !

Comme les magistrats des tribunaux, la commission n’est pas tenue aux conclusions d’expertise et peut donner un avis différent ou redemander une contre-expertise.

En cas de faute, il est rare que la faute soit intégralement à l’origine de tous les préjudices. En cas d’erreur de diagnostic de syndrome coronarien aigu évoluant depuis plus de 10 heures au moment du contact médical, l’existence d’une insuffisance cardiaque est avant tout en rapport avec la maladie et secondairement avec le retard diagnostique. Il est regrettable que les experts ou la commission ne se donnent pas toujours les moyens de faire un chiffrage rationnel de la perte de chance imputable au médecin. Certaines évaluations se font par un tour de table des membres de la commission, n’ayant pas la culture médicale suffisante.

L’avis de la CRCI ne faisant pas force de loi, il n’est pas rare que les médecins en cause et leurs assureurs refusent l’avis de la CRCI, lorsque l’expertise et l’avis ne sont pas médicalement motivés. Cela oblige alors l’ONIAM à indemniser les victimes et à engager une procédure judiciaire contre le praticien et son assureur pour se faire rembourser avec un résultat incertain.

Conclusion

La création des CRCI a permis d’organiser une indemnisation rapide et simplifiée de l’aléa thérapeutique sans faute pour des patients gravement handicapés, dans le cadre de la solidarité nationale. Elle a partiellement permis de limiter la tentation de certains magistrats de vouloir systématiquement « trouver » la faute ou d’en créer de nouvelles, alors que le bon sens n’en indiquait aucune, dans le but unique de permettre une indemnisation.

L’objectif louable de rapidité des CRCI se fait malheureusement parfois au détriment des droits élémentaires de la défense. En voulant aller trop vite et à coût réduit, cela aboutit à des décisions discutables, dont la contestation occasionne des contre-expertises, des prises en charge systématiques par l’ONIAM, puis des recours coûteux en justice contre les médecins par l’ONIAM, sans forcément de succès, avec un coût global très probablement plus onéreux à la charge de la solidarité nationale.

à l’avenir, la rédaction systématique d’un pré-rapport, une demande d’évaluation argumentée médicalement des chances statistiques d’éviter la complication en cas de manquement, et le recours plus fréquent à des collèges d’experts (actuellement 43 %) donneraient assurément plus de légitimité aux avis rendus et donc une meilleure acceptation par toutes les parties.




Maurice Druon et la nomenclature

322 – Maurice Druon est décédé en avril dernier. À cette occasion, tous les médias ont rappelé notamment Les Rois Maudits et le Chant des Partisans qu’il avait co-écrit avec Joseph Kessel. Le Cardiologue sera sans doute le seul organe de presse à évoquer son rôle positif à deux reprises dans deux longs conflits qui nous ont opposé aux caisses de Sécurité Sociale.

Le premier litige portait sur l’interprétation de l’article 8 des dispositions générales de la nomenclature, et le second sur celle de l’article 11-B. Dans les deux cas, il y avait un différend sur le sens d’un mot de la langue française. Il s’agissait de la définition du mot « soin » pour l’article 8, et celle du terme « séance » pour l’article 11-B. L’avis de celui qui était alors Secrétaire Perpétuel de l’Académie Française avait été sollicité par le Syndicat des Cardiologues et ses réponses très claires nous avaient fortement aidés à gagner nos procès contre les caisses.

Au-delà de l’anecdote, ce rappel est intéressant pour montrer que l’action syndicale doit parfois être imaginative et sortir des sentiers battus. C’est aussi l’occasion de montrer que le sens des mots a une importance dans les textes réglementaires et que nous ne devons pas nous laisser imposer l’interprétation erronée que peuvent parfois en donner les caisses. Enfin, le recadrage que nous avions pu obtenir par les arrêts favorables de la Cour de Cassation a pu, plus récemment, être retranscrit dans les dispositions générales de la C.C.A.M., et nous en bénéficions encore. Litiges à propos de l’acte global

L’argument des caisses, qui s’appuyaient sur une conception erronée de l’article 8 des dispositions générales de la nomenclature, en vigueur à l’époque, était de prétendre que les ECG, ou les surveillances monitorisées, pratiquées au décours d’une implantation de pace-maker, d’une angioplastie coronaire, voire de n’importe quelle intervention chirurgicale, étaient des soins post-opératoires, inclus dans la cotation de l’acte principal, considéré comme acte global, et ne pouvant faire l’objet d’aucune rémunération. Notre position était que les ECG et les surveillances monitorisées ne sont pas des « soins », la notion de « soin » impliquant une considération thérapeutique, ce qui n’est pas le cas d’actes de diagnostic.

Cette interprétation du sens du mot nous a été confirmée par une lettre du 29 avril 1988 de Maurice Druon que nous avions sollicité, et qui nous écrivait : « Le dictionnaire de l’Académie suggère que l’usage du mot « soin » répond essentiellement à des actes thérapeutiques et non diagnostiques : soin se dit particulièrement du traitement que l’on fait à un malade, des remèdes qu’on lui donne, des attentions que l’on a pour le soulager. Ainsi, c’est par une extension discutable que les examens pratiqués pour établir un diagnostic, y compris l’examen physique, l’auscultation, la palpation, etc. sont parfois qualifiés de soins. La distinction entre le simple examen du malade et les diverses techniques destinées à compléter cet examen fait donc appel à des considérations étrangères à la définition stricte du mot « soin » ».

Forts de cette définition, nous avons pu obtenir 44 jugements favorables, dont 14 en Cassation. Cet historique a un intérêt concret actuel. La rédaction des dispositions générales de la C.C.A.M. en a tenu compte, avec une meilleure définition du concept d’acte global.

En effet, l’article I-6 des D.G. de la C.C.A.M., outre une définition plus précise, ajoute : « Pour un acte chirurgical sanglant non répétitif réalisé en équipe sur un plateau technique lourd ou un acte   interventionnel, dont la réalisation en établissement de santé est nécessaire à la sécurité des soins, le tarif recouvre, pour le médecin qui le réalise :

• pendant la période pré-interventionnelle, les actes habituels en lien direct avec l’intervention en dehors de la consultation au cours de laquelle est posée l’indication ;

• la période per-interventionnelle ;

• la période postinterventionnelle et, ce, pendant une période de quinze jours après la réalisation de l’acte, pour un suivi hors complications et en ce qui concerne les conséquences directes liées à cet acte, que le patient soit hospitalisé ou non ». Deux différences importantes par rapport à l’ancien texte :

• le concept d’acte global concerne uniquement le médecin qui a réalisé cet acte ;

• il s’agit uniquement des conséquences directes liées à cet acte.

Depuis, nous n’avons plus observé un seul litige sur ce thème grâce, finalement, à une bonne définition du mot « soin » postopératoire dans la langue française. Litige à propos de la notion de « séance »

Chacun se souvient du motif du conflit : l’article 11B des dispositions générales de la nomenclature imposait lorsque deux actes techniques étaient pratiqués dans la même « séance », une demi-cotation pour l’un des deux, et, s’il y en avait plus de deux, la gratuité pour les suivants.

Cette disposition, qui n’a aucune justification rationnelle est déjà pénalisante. Les caisses l’avaient interprété de façon plus restrictive encore, en prétendant que deux actes différents faits dans la même journée devaient être considérés comme pratiqués « dans la même séance », avec les règles de demi-tarification qui en découlaient. Il s’agissait manifestement d’une dérive sur le sens du mot « séance » et nous avons de nouveau demandé l’avis de l’Académie Française.

Dans sa réponse du 12 janvier 1994, Maurice Druon, Secrétaire Perpétuel, nous informe que la Commission du dictionnaire s’est penchée sur notre question au cours de sa réunion du jeudi 6 janvier :  « L’idée de séance implique celle d’un temps limité et déterminé. C’est ainsi qu’on ouvre une séance et qu’on la ferme.

… il est clair que séance désignera un acte ou une action dont les limites temporelles sont déterminées. La durée d’une séance sera donc, comme vous le pensez vous-même, équivalente à la durée de l’acte médical pratiqué ».

Si deux actes de nature différente étaient réalisés successivement, il s’agissait donc de deux séances différentes et il était abusif de prétendre qu’ils avaient été faits dans la même séance. L’Académicien, manifestement outré de ce mésusage de la langue française ajoutait :  « Au cas où persisterait votre différend avec la Sécurité Sociale, nous vous suggérons d’inviter les responsables de cet organisme à s’adresser directement à nous ». (Au passage, il est remarquable de constater que notre demande avait été faite fin décembre, et que nous avions reçu une réponse dès le début janvier).

Avec cette argumentation, il a été possible d’obtenir en justice de nombreuses décisions favorables, douze au T.A.S.S., deux en Cour d’Appel, et deux en Cour de Cassation.

Là aussi, l’expérience du passé a servi pour la rédaction des D.G. de la C.C.A.M., qui remplacent l’ancienne réglementation, Maurice Druon écrivait en outre : « La Commission du Dictionnaire estime qu’il conviendrait dans le domaine médical, d’éviter le mot séance chaque fois que cela sera possible ».

Cette recommandation a été retranscrite dans le nouveau texte puisque l’on ne parle plus d’actes pratiqués « dans la même séance », mais « dans le même temps » (art.I-11) : Surtout, l’article III-3 prévoit qu’il est désormais possible de tarifer à taux plein deux actes pratiqués dans la même journée, avec le code d’association 5 : « Si pour des raisons médicales ou dans l’intérêt du patient, un médecin réalise des actes à des moments différents et discontinus de la même journée, à l’exclusion de ceux effectués dans une unité de réanimation ou dans une unité de soins intensifs de cardiologie en application des articles D. 712-104 et D. 712-115 du code de la santé publique, sur un même patient et qu’il facture ces actes à taux plein, il doit le justifier dans le dossier médical du patient qui est tenu à la disposition du contrôle médical ».

Si l’on ne craignait pas les raccourcis osés, on pourrait donc écrire que Maurice DRUON a été à l’origine du code d’association 5 des dispositions générales de la C.C.A.M…

Vincent Guillot




Entre le risque et la faute : quel avenir pour la responsabilité médicale ?

321 – La problématique de l’accident médical se prête d’ailleurs bien à cette situation. En effet, la médecine véhicule deux concepts également erronés mais largement partagés :

– d’abord la croyance d’une partie du public en la toute puissance de l’homme de l’art, croyance qui se nourrit notamment des remarquables progrès de la science ;

– ensuite le caractère d’anormalité souvent conféré par notre société à l’échec thérapeutique, à la maladie et à la mort.

L’ambiguïté actuelle résulte en partie d’une inadéquation entre l’état du droit et l’attente sociétale, attente sociétale complaisamment nourrie de l’illusion du risque zéro. Empreinte du droit canon, la responsabilité civile repose pourtant sur la matérialité du triptyque faute – préjudice – lien de causalité. La réparation du préjudice reste donc le plus souvent subordonnée à l’existence, en amont, d’une faute commise. Mais la société change et se complexifie. Les accidents sont plus rares et aussi plus graves. Nous vivons désormais dans l’ère des sinistres sériels.

En même temps, bercés du discours sur les progrès sans limite de la science, nous ne percevons plus le risque de la même façon. De normal et prégnant, il devient singulier. On assiste ainsi à un glissement vers le compassionnel, glissement au titre duquel on s’intéresse davantage à la réparation du préjudice qu’à la recherche de la faute ou à la constatation d’un aléa. La recherche sociétale de l’indemnisation aussi systématique que possible qui inquiète tant les assureurs de responsabilité civile repose certes sur le louable et noble désir de soulager une détresse et c’est cela « le compassionnel ». Mais au fond, l’essence de cette recherche se situe ailleurs. « En indemnisant, j’efface l’accident ; d’une certaine façon je le nie. Il n’existe pas. Il n’a jamais existé… ».

La faute médicale apparaît à l’ère industrielle

Au centre du débat se trouve la faute, épouvantail gênant qui rappelle à chacun ses propres limites, voire ses turpitudes. Il est utile, pour la suite de la démonstration de rappeler à grand trait certains repères quant à cette évolution.

Un peu d’histoire : du droit canon…

Dans l’ancienne France, qui court des Francs jusqu’au Moyen-âge, le droit de la responsabilité puise sa légitimité dans trois sources : les coutumes germaniques, le droit romain, le droit canon. Ã la fin le droit canon l’emportera en contribuant au développement des aspects liés à la moralité de l’auteur du dommage, ce qui tendra à conférer au concept de faute une position éminente. Puis, au fil du temps, entre le XIIe et le XVIIe siècle les préceptes que nous connaissons encore aujourd’hui se mettront peu à peu en place. Ã ce titre, les rédacteurs des articles 1382 et 1383 du Code civil devront beaucoup à Domat, juriste du bien nommé siècle des Lumières qui estimera que « toutes les pertes et tous les dommages, qui peuvent arriver par le fait de quelque personne, soit imprudence, légèreté, ignorance de ce qu’on doit savoir, ou autres fautes semblables si légères qu’elles puissent être, doivent être réparées par celui dont l’imprudence ou autre faute a donné lieu… ». Et le grand juriste de conclure… « Car c’est un tort qu’il a fait, quand même il n’aurait pas eu l’intention de nuire ».

Comment ne pas saluer l’aspect profondément humaniste et visionnaire d’une telle réflexion ? Ã près de 300 ans de distance, Domat invente le droit de la responsabilité tel que nous le connaissons aujourd’hui. Appliqué à la médecine, l’évolution de ce droit sera plus lente parce que la médecine est un art aux contours incertains. Le médecin lui, conservera par-delà les siècles un statut d’intouchable. On lui pardonnera beaucoup et longtemps. Et gare à ceux qui comme Molière, le trublion de génie, oseront mettre à mal ce statut. Il leur en cuira ! Mais quel chemin parcouru entre l’impunité quasi-totale d’Ambroise Paré auteur de la célèbre phrase « Je le pansai, Dieu le guérit » et les grands arrêts compassionnels de la fin du siècle dernier…

… à la genèse de la théorie du risque

Au XIXe siècle, les choses commencent à changer avec l’application aux médecins d’une responsabilité délictuelle basée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil. « Chacun est responsable des dommages qu’il a causés non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». En 1830, il se passe, dans la sphère médico-légale, un événement considérable dont on ne peut aujourd’hui mesurer l’ampleur : un médecin est poursuivi par l’un de ses patients. La chose est incroyable. L’arrêt de cassation du 18 juin 1835 qui en résulte, prend soin de distinguer les actes que l’on ne saurait reprocher aux médecins, c’est-à-dire « les actes médicaux réservés aux doutes et aux discussions de la science », de ceux qui relèvent « de négligence, de légèreté ou d’ignorance des choses qu’on devrait nécessairement savoir… ». Et le procureur d’enfoncer le clou, si besoin, précisant que les faits de science et de doctrine purement médicaux échappent à l’appréciation des juges. « La question est entre Hippocrate et Gallien. Elle n’est pas judiciaire ». En clair, seule la faute lourde, témoignage « d’une incompétence crasse », selon le qualificatif de l’époque ou d’une violation délibérée de l’humanisme médical, est ici susceptible d’entraîner une mise en cause. Autant dire jamais. Pourtant un tabou est tombé. Une porte s’entrouvre qui laisse deviner une possible responsabilité des médecins. Mais nous sommes dans le domaine de la symbolique, à des années-lumière de la philosophie résolument compassionnelle des arrêts Bianchi d’avril 1993 en matière d’aléa thérapeutique, Bonnici d’octobre 1996 en matière d’infections nosocomiales, Perruche de novembre 2000 à la suite d’une naissance handicapée et de beaucoup d’autres.

En conclusion : quel avenir pour la responsabilité médicale ?

L’avenir n’est bien entendu écrit nulle part. Chacun peut réfléchir à son aise et apporter sa propre vision des évolutions à moyen et long terme de la responsabilité médicale. Mais une chose demeure certaine. Ces évolutions dépendront pour une très large part de la prise en compte (ou non) et du traitement (ou non) par la société dans son ensemble de plusieurs pistes d’égal intérêt.

Voici quelles sont ces pistes.

– Une veille législative permanente intégrant une réflexion éthique de tous les instants. Ainsi ne doit-il plus être question de laisser la jurisprudence décider, seule ou presque, des contours de la responsabilité médicale. Tous, médecins, patients, juristes ont besoin d’un cadre défini aussi clairement que possible, ce que seule la loi est susceptible de fixer.

– Sinon le rejet – c’est impensable – de l’omnipotence d’une médecine « technicienne » ancrée sur la maladie et non le malade, du moins la consécration d’une médecine de doute, de proximité et d’écoute.

– La redéfinition précise de la place de l’homme de l’art dans notre société, tâche qui reste à accomplir tant celui-ci est parfois considéré, à grand tort, comme un prestataire de service comme les autres.

– Enfin, il faut lever le malentendu qui pèse sur la médecine. Du fait de ses innombrables succès dont chacun sait que les plus extraordinaires sont encore à venir, elle véhicule en effet idées fausses et fantasmes ainsi qu’en témoignent ce qui suit : « Vas-tu me sauver… murmure le garçon en sanglotant, ébloui par cette toute puissance sévère apte à percer les plus insondables mystères ? C’est comme cela que sont les gens de mon pays ; au médecin ils demandent toujours l’impossible. Ils ont perdu la foi ancienne ; le curé est assis, chez lui, à réduire en charpie les vêtements de messe l’un après l’autre : mais du médecin on attend qu’il fasse tout, de sa main fragile de médecin… ».

On pourrait penser que ces quelques lignes, d’une haute tenue littéraire ont été écrites hier tant elles semblent d’une brûlante actualité. Ce n’est pourtant pas le cas. Elles sont tirées d’une nouvelle de Franz Kafka (Un médecin de campagne) écrite en 1919, il y aura bientôt 100 ans. Ainsi, le saisissant malentendu dont nous parlons ici n’est pas seulement de notre temps, ni du temps de Kafka d’ailleurs. Il remonte précisément aux Lumières, époque à laquelle la science s’est affranchie du divin.

Quant au garçon, hélas, il ne sera pas sauvé.

Jean Vilanova




Questions posées par des cardiologues

321 – Forfait de cardiologie niveau 1

QuestionNous sommes un groupe de quatre cardiologues. Nous exerçons dans une clinique qui dispose de huit lits de surveillance continue monitorées par télémétrie. Il n’y a pas de garde sur place, mais nous sommes d’astreinte au téléphone. Nous avons une convention avec l’U.S.I.C. d’un établissement voisin qui nous adresse ses patients dès qu’ils sortent de soins intensifs. Quel acte pouvons-nous coter pour cette surveillance ?

Réponse – Forfait de cardiologie niveau 1 (YYYY001). Cet acte est tarifé à 26,88 €. Ses limites :

– deux actes au maximum par médecin et par jour ;

– sept jours au maximum par malade ;

– pas d’association possible avec un autre acte, hormis un choc électrique externe, une montée de sonde d’entraînement électro-systolique ou la pose d’un cathéter pour prise de pression dans les cavités droites.

Si l’état du malade nécessite de coder un autre acte, par exemple, un électrocardiogramme, ou un échocardiogramme, il ne faudra pas coder ce jour là de YYYY001.

Facturation d’un acte hors nomenclature

QuestionIl m’arrive parfois de poser une MAPA au décours d’une consultation. Je note sur la feuille de soins les honoraires de la CSC et un montant supplémentaire correspondant à l’acte hors nomenclature. La caisse vient de me reprocher de faire des dépassements d’honoraires interdits. Pourquoi ? Réponse – Effectivement, contrairement à ce qui se passait avant 2005, les actes non remboursables ne doivent plus être mentionnés sur la feuille de soins mais sur un document à part.

Vous devez donc remettre à votre patient une feuille de soins mentionnant la CSC (+ MCC) et elle seule, et une note d’honoraires pour la MAPA. Préalablement à la réalisation de l’acte, le patient doit être informé qu’il n’en sera pas remboursé.

Aide médicale d’État (A.M.E.) et parcours de soins

QuestionJ’ai facturé à un patient bénéficiaire de l’A.M.E. la cotation CS + MPC + MCS + DEQP003. La Caisse ne m’a pas remboursé la MCS. Est-ce une erreur ?

Réponse – Non, la Caisse a raison. Les bénéficiaires de l’A.M.E. ne sont pas concernés par le parcours de soins. Ils n’ont donc pas de médecin traitant déclaré et par conséquent, il n’est pas possible de leur appliquer la majoration MCS qui est liée au parcours de soins (l’avenant conventionnel numéro 21 ne concerne que les bénéficiaires de la CMU) ni de leur coter un C2 qui nécessite un adressage par le médecin traitant au sens de la Convention.

La MPC est par contre possible, de même que la MPJ pour les jeunes de moins de 16 ans.

Le D. E. est autorisé en cas d’exigence particulière.

Rappel – Les bénéficiaires de l’A.M.E. sont des personnes de nationalité étrangère qui résident en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois, mais ne disposent pas d’un titre de séjour, et qui justifient de ressources annuelles ne dépassant pas le plafond applicable pour l’admission à la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire.

Ils bénéficient obligatoirement du tiers payant.

Cette couverture de santé bénéficie aussi aux personnes à la charge du demandeur.

Pour le médecin, il y a donc à la fois les contraintes du tiers payant et une tarification moindre.

|– CCAM – YYYY001 Forfait de cardiologie niveau 1 1 0 26,88 1 ATM| | Surveillance monitorée continue et traitement d’un ou deux malades au maximum hospitalisés sous la responsabilité d’un médecin avec surveillance du tracé électrocardiographique, sur oscilloscope et du cardiofréquencemètre y compris éventuellement les actes habituels d’électrocardiographie et de réanimation et les prises continues ou intermittentes de pression avec ou sans enregistrement et ce quelle que soit la technique.

Facturation : par patient, par 24 heures, par médecin ; 7 jours au plus peuvent être facturés.

Facturation éventuellement en supplément :

– choc électrique externe quel qu’en soit le nombre ;

– pose ou changement de cathéter endocavitaire pour stimulation électrosystolique ;

– pose de cathéter endocavitaire pour prise de pression dans les cavités droites. |

| Convention 2005 – 4.1.1.3. – Facturation des honoraires | | « Lorsqu’il réalise des actes ou prestations remboursables par l’Assurance Maladie, le médecin est tenu de mentionner ces actes sur la feuille de soins ou tout autre support en tenant lieu.

Lorsque le médecin réalise des actes ou prestations non remboursables par l’Assurance Maladie, ce dernier n’établit pas de feuille de soins ni d’autre support en tenant lieu, conformément à l’article L 162-4 du code de la Sécurité sociale.

Dans les situations où le médecin réalise des actes ou prestations remboursables et non remboursables au cours de la même séance, il porte les premiers sur la feuille de soins et les seconds sur un support ad hoc. » |




Comment optimiser la sécurité du transport pour une hospitalisation ?

319 – L’analyse de ces différents paramètres permet probablement de mieux les anticiper et donc d’optimiser la prise en charge.

Évaluer le risque de la maladie

Par une haute technicité et une parfaite codification de la pratique cardiologique, nous avons la chance de disposer d’une littérature riche et un grand nombre d’échelles de stratification de risque des maladies : Braunwald, TIMI, GRACE, CHADS…

Si l’expérience et le « flair » donne la première impression au praticien, il faut ensuite analyser méthodiquement et froidement le risque évolutif de son patient, car c’est sur cette base qu’il va falloir être convainquant et ferme pour réussir à lui apporter la stratégie la plus sûre pour sa sécurité et sa sauvegarde.

Évaluer le risque de précipitation de la maladie

Si les études et les recommandations donnent des indications sur le risque évolutif d’une maladie, à partir de critères cliniques ou paracliniques, cela n’intègre pas le contexte d’environnement et le tempérament des patients.

L’annonce de cardiopathie n’a pas le même impact chez le « lymphatique » que chez « l’hypochondriaque », ou chez l’hyperactif professionnel que chez le retraité oisif. Le stress psychologique sera majoré par les bouleversements immédiats de l’hospitalisation, mais également le changement du mode de vie probablement nécessaire à long terme.

Évaluer le risque de fuite du patient

Très rapidement, le comportement de certains patients laisse à penser qu’ils ne vont pas forcément suivre à la lettre les consignes données par le cardiologue. Il est alors nécessaire d’adapter sa stratégie, d’une part pour augmenter les chances d’acheminement véritable à l’hôpital et d’autre part pour assurer une traçabilité du conseil donné, si le patient décidait de ne pas s’y rendre. Combien de vieilles dames donnent la priorité à leurs chats, ou d’entrepreneurs indépendants à l’activité de leurs entreprises. Pour être convainquant, il ne faut pas hésiter à expliquer que l’aggravation de l’état de santé peut compromettre la relation avec l’animal chéri ou aboutir à la cessation définitive de l’entreprise…

Délai pour l’hospitalisation

Le choix de la date doit en premier lieu reposer sur la stratification du risque du patient dans sa maladie. L’urgence n’est pas la même entre un angor « stable » et un angor de novo.

Bien entendu, le manque de disponibilités hospitalières peut rendre la coordination difficile, mais ne doit pas être à l’origine d’un maintien périlleux d’un patient à domicile. Il faut savoir soit imposer son hospitalisation « en demandant de pousser les murs » avec des arguments solides, soit adresser son patient vers une autre structure hospitalière si la première n’est pas disponible. La loi et le bon sens imposent l’obligation de moyens avant toutes autres considérations.

Quand l’hospitalisation ne se fait pas dans la foulée de la consultation au cabinet, il est préférable d’en fixer d’emblée la date pour éviter les errances des patients, avec une traçabilité.

Choix du mode de transport : sécurité ou rapidité ?

Le sacro-saint « principe de précaution » voudrait à l’excès que l’on demande systématiquement un transport par SAMU en cas d’hospitalisation immédiatement nécessaire. La réalité du terrain fait que ces équipes sont en nombre restreint et qu’il convient de hiérarchiser ses demandes avec rationalité, surtout si l’on veut rester crédible à l’avenir.

Devant un tableau manifestement instable (syncope sur BAV, syndrome coronarien aigu…), la sécurité doit primer sur la rapidité, en privilégiant l’appel du SAMU.

L’envoi d’un patient par ses propres moyens dans un souci de rapidité est une stratégie hasardeuse qui a toute les chances d’être considérée comme fautive par les experts et les tribunaux en cas de décès ou d’accident pendant le trajet. Il faut prendre conscience que l’annonce de la maladie, de son risque évolutif, la peur d’arriver en retard, les difficultés pour localiser l’établissement de soins (ou le service), les difficultés de stationnement sont autant de facteurs de stress adrénergique susceptibles de déstabiliser la pathologie sous jacente. Plusieurs généralistes ou cardiologues ont été condamnés pour avoir conseillé ce mode de transport. Dans un des cas, le patient a fait un malaise au volant à l’origine d’un accident entraînant pour lui : une plaie oculaire, un traumatisme thoracique avec retard thérapeutique de sa coronaropathie (motif de sa consultation initiale) et pour son épouse (passagère) : une paraplégie et une colectomie. Le conducteur dans son malaise aurait pu également faucher quelques piétons…

Si le SAMU n’a pas d’équipe disponible (mais l’appel du cardiologue aura été consigné et enregistré), il faut envisager les autres moyens suivants.

Le transfert par les pompiers (non médicalisé) est un moyen offrant une sécurité certes moindre, mais ces équipes connaissent l’emplacement des établissements de soins. Elles sont surtout rompues aux techniques de réanimation avec à leur disposition des défibrillateurs semi-automatiques et un lien permanant avec une régulation. L’ambulance apporte un peu moins de sécurité que les précédents moyens. Cependant, comparativement à un transport « familial », le transport en ambulance permet au patient de réduire son effort physique (chaise roulante ou brancard), ainsi que son stress, lié à la peur d’être en retard, aux difficultés d’un itinéraire non connu et du stationnement toujours difficile aux alentours des hôpitaux. Ces différents avantages permettent en somme de réduire le délai d’acheminement et d’offrir au médecin une garantie supplémentaire que le patient ne va pas opter pour une hospitalisation retardée de quelques heures ou jours (pour aller nourrir le chien ou couper du bois pour la chaudière !).

Si le transport par le SAMU n’est pas possible chez un patient manifestement très instable, le médecin, de façon exceptionnelle, ne doit pas hésiter à accompagner son patient dans l’ambulance ou le camion des pompiers, jusqu’au relais hospitalier. A défaut, il risquerait une sanction pénale pour non-assistance à personne en danger.

Préparer l’accueil du patient dans la structure hospitalière

Si une situation requiert une hospitalisation, l’obligation de moyen ne se borne pas au seul envoi vers l’hôpital. Il convient de vérifier que le patient va pouvoir être pris en charge dans le service approprié (cardiologie classique ou USIC). Une bonne coordination des acteurs permet d’optimiser les délais de prise en charge. En matière de coronaropathie, le passage par le service des urgences rallonge classiquement les délais.

Dans un tel contexte anxiogène, le patient est toujours reconnaissant envers son cardiologue s’il bénéficie d’un accueil personnalisé par l’équipe hospitalière, qui connaît aussi bien son nom, ses problèmes et le nom du cardiologue prescripteur.

Courrier de liaison et traçabilité

Comme toujours, le cardiologue doit veiller à transmettre le maximum d’informations à l’équipe hospitalière. La rédaction du courrier permet de remplir ce premier objectif. Il permet également de signifier la détermination du cardiologue vis-à-vis de l’hospitalisation et les délais envisagés. Il n’est pas rare que des patients tardent à se rendre à l’hôpital et présentent un incident grave dans l’intervalle. Face à la mauvaise foi d’un plaignant ou en cas de décès, seul le courrier d’hospitalisation (gardé en double !) permettra de défendre la stratégie définie.

Conclusion

Bien plus que les difficultés dans l’établissement d’un diagnostic complexe, le risque médico-légal concerne souvent des défauts dans la stratification du risque des patients et dans la sécurisation du transport pour une hospitalisation. L’étape la plus aléatoire reste bien sûr de réussir à convaincre les patients du bien-fondé de cette stratégie. Ã défaut, il faut mettre les patients devant leurs responsabilités par une information ferme et sans équivoque, tout en assurant une traçabilité du conseil donné, pour se prémunir d’une action judiciaire future.

Cédric Gaultier




Le cardiologue et la CMU

319 – L’application de la CMU par les cardiologues se réfère à un certain nombre de textes, et notamment : – la loi du 27 juillet 1999 qui l’instaure ; – la convention de 2005 ; – l’avenant conventionnel n° 21 du 19 avril 2007 ; – la circulaire du 30 juin 2008 de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Nous verrons quelques points pratiques qui en découlent.

Tiers payant

Il est inutile de rappeler que le bénéficiaire de la CMU a droit au tiers payant systématique.

CMU et absence de médecin traitant

Il a été reconnu que l’adhésion au dispositif du médecin traitant chez les bénéficiaires de la CMU était inférieure à celle du reste de la population.

Il en résultait un préjudice financier pour les médecins qui étaient moins bien honorés, puisqu’ils ne pouvaient pas coter de majoration conventionnelle MCS.

L’avenant conventionnel 21 a levé cet inconvénient et prévoit que la majoration de coordination sera réglée par la caisse, même si le patient n’a pas désigné son médecin traitant. « Ã la suite du troisième alinéa de l’article 7.2 de la convention nationale, est ajouté : « Par dérogation, à titre transitoire et au plus tard jusqu’à la fin de la présente convention, lorsqu’à l’occasion d’une consultation auprès d’un bénéficiaire de la CMU complémentaire, le médecin correspondant, indépendamment de son secteur d’exercice, a facturé une majoration de coordination et qu’il est constaté que l’assuré n’avait pas déclaré de médecin traitant, cette majoration est versée par l’organisme d’Assurance Maladie au praticien au titre de la dispense d’avance des frais ».

Par contre, depuis cet avenant, il interdit de facturer un DA aux bénéficiaires de la CMU. Cette possibilité était en fait peu pratiquée.

CMU et secteur 2

La convention de 2005 autorise les médecins de secteur 2 à coter les majorations conventionnelles pour les bénéficiaires de la CMU : – MPC et MCS (art. 7.2) ; – MCC (art. 7.3).

D.E.

Il est possible, comme à tout assuré social, de demander au bénéficiaire de la CMU (art. 4.1.3.1 de la convention) un DE en cas de circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade non liée à un motif médical (art. 4.3 de la convention). Le montant du dépassement, qui n’est pas remboursable, est librement fixé, en respectant le principe du tact et de la mesure (cf. article de J.-P. Durand dans le n° 318 du Cardiolologue).

Droits et devoirs de chacun

Une circulaire de la C.N.A.M. du 30 juin 2008 établit un certain nombre de règles et de critères précisant les droits et devoirs des professionnels de santé vis-à-vis des bénéficiaires de la CMU, de ceux-ci, vis-à-vis des premiers, et des caisses.

Devoirs des professionnels de santé

La circulaire précise un certain nombre de situations pouvant être assimilées à un refus de soins et pouvant faire l’objet de sanctions : – la fixation tardive, inhabituelle et abusive d’un rendez-vous ; – l’orientation répétée et abusive vers un autre confrère, un centre de santé ou la consultation externe d’un hôpital, sans raison médicale énoncée ; – le refus d’élaborer un devis (cela concerne les chirurgiens-dentistes) ; – le non-respect des tarifs opposables (sauf en cas d’exigence particulière du patient ou, pour les actes dentaires, la facturation d’actes « hors panier de soins » ou hors nomenclature, sous réserve d’obtenir l’accord du patient et de lui remettre un devis) ; – l’attitude et le comportement discriminatoire du professionnel de santé ; – le refus de dispense d’avance des frais…

Devoirs des bénéficiaires de la CMU

Les caisses ont estimé qu’un certain nombre de griefs des professionnels de santé sont admissibles et la circulaire liste des exemples de ce qui doit être considéré comme un non respect de leurs devoirs par les bénéficiaires de la CMU : – retard injustifié aux rendez-vous ; – rendez-vous manqués et non annulés ; – traitements non suivis ou interrompus ; – exigences exorbitantes…

Le bénéficiaire de la CMU doit également présenter son attestation mise à jour.

Devoirs des caisses

Ils sont rappelés dans la circulaire : « Il est demandé aux caisses de porter une attention particulière et de traiter en priorité les réclamations portées par les professionnels de santé relatives au remboursement des soins pratiqués avec dispense d’avance des frais ».

L’avenant conventionnel n° 21 précise en outre que « Les professionnels qui assurent la dispense d’avance de frais ont droit à un remboursement rapide des soins assurés ». (Dans sa grande prudence, le texte ne va pas jusqu’à donner une définition précise de la « rapidité »…).

Conséquences d’une attitude discriminatoire vis-à-vis d’un bénéficiaire de la CMU

La circulaire du 30 juin 2008 décrit toute une procédure menée par un « conciliateur » de la caisse, en cas de plainte.

Les suites peuvent être, pour le médecin concerné : – un simple rappel des sanctions possibles ; – la saisine du Conseil de l’Ordre ; – la saisie de la direction départementale de la concurrence et des prix en cas de refus de soins ; – la saisie de la HALDE (haute autorité contre les discriminations et pour l’égalité).

Commentaires

Les réactions engendrées par la CMU sont souvent disproportionnées. Il n’est pas sûr que le foisonnement de textes législatifs et réglementaires la concernant contribue à la sérénité. Les diverses déclarations donnent l’impression désagréable que toutes les difficultés ponctuelles sont instrumentalisées pour donner une image négative du corps médical.

Tout est excessif. Deux exemples :

– la circulaire du 30 juin 2008 de la CNAM énonce en préambule que 41 % des spécialistes refusent de prendre en charge les bénéficiaires de la CMU. Cette affirmation est évidemment erronée et ne repose sur aucune étude sérieuse sur l’ensemble du territoire. Elle permet de stigmatiser ceux que l’on présente d’emblée comme des coupables et de justifier les sanctions proposées ; – le projet ministériel de la loi H.P.S.T. (le texte définitif n’est pas encore connu lors de la rédaction de cet article) prévoit d’inverser la charge de la preuve en cas de plainte d’un bénéficiaire de la CMU contre un professionnel de santé. En d’autres termes, celuici est considéré a priori là aussi comme coupable et c’est à lui de se justifier s’il ne veut pas être condamné. Certains députés, grâce d’ailleurs à un intense travail de lobbying des syndicats médicaux, commencent à penser (merci Messieurs pour votre perspicacité…) que cette mesure risque d’être considérée comme inutilement vexatoire pour le corps médical et proposent de la supprimer.

Les cardiologues doivent être conscients des conséquences très désagréables que peut avoir pour eux ce climat de suspicion.

Deux exemples à nouveau : – dans la presse : un cabinet de cardiologie, nommément désigné, a été mis au pilori dans un grand quotidien régional, sur cinq colonnes et une demi-page à propos d’une prétendue attitude discriminatoire vis-àvis d’un bénéficiaire de la CMU. Il s’agissait d’une calomnie, mais l’état d’esprit est tel que le journaliste n’a pas cherché à vérifier ses sources, ni croiser ses informations, ni même interroger les cardiologues incriminés. Le Syndicat Régional a pu démontrer la supercherie, mais sa réponse n’a eu droit qu’à quelques lignes en bas de page ; – au niveau de l’Ordre : un cardiologue a été récemment condamné à un avertissement par la section disciplinaire de son ordre régional pour « interruption de soins pour des raisons pécuniaires ». En fait, il s’était trouvé devant un patient prétendant bénéficier de la CMU, mais ne disposant d’aucune attestation. Notre collègue a pratiqué un premier acte gratuit, afin de s’assurer de l’absence de toute situation urgente et il a reporté de quatre jours le reste du bilan, afin que l’intéressé puisse entre temps régulariser sa situation administrative. Là aussi, les conseillers ordinaux ont perdu le sens de la mesure et il faut espérer qu’en appel l’Ordre National se montrera plus objectif.

Les excès se produisent d’ailleurs dans les deux sens. La proposition de la circulaire de la CNAM, suivant laquelle un médecin pourrait se plaindre auprès de sa CPAM qu’un bénéficiaire de la CMU ne suit pas son traitement, est très choquante. Ces faits relèvent du dialogue singulier médecin-malade et sont couverts par le secret professionnel. Devant une telle suggestion, on a envie d’être trivial et de demander aux caisses de quoi elles se mêlent.

En pratique quotidienne, heureusement, les choses ne se passent pas ainsi. Il y a évidemment de temps à autre des difficultés relationnelles avec des bénéficiaires de la CMU. Il s’agit en général de patients plutôt jeunes, en bonne santé, et dont on se demande ce qu’ils viennent faire dans un cabinet cardiologie.

Pour l’immense majorité, et en particulier pour ceux qui nécessitent un suivi cardiologique, il n’est constaté aucun problème particulier, aussi bien pour le malade, pour trouver un cardiologue que, pour celui-ci, pour suivre son patient.

La principale difficulté, en fait, provient des caisses qui ne respectent pas toujours leur engagement conventionnel de régler rapidement les honoraires, qui ne sont pas toujours rigoureuses dans le respect de la facturation (CSC réglées sur la base d’un CS, incapacité pour certaines à gérer le forfait de 18 €, etc.) et qui ne répondent pas toujours aux réclamations qui leur sont adressées.




Communication à la famille du dossier médical d’un patient décédé

318 – C’est un sujet sur lequel le syndicat est régulièrement interrogé.

Chacun sait que tout patient a droit à la communication de son dossier médical. Ce droit est formalisé dans l’article L.1111-7 du Code de la Santé publique qui précise : « Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. »

En cas de décès, ce droit peut-être transféré à des membres de la famille, mais dans des conditions plus restrictives qu’il faut connaître.

DEUX GRANDES REGLES

1. L’accès au dossier est limité strictement aux « ayants droit ».

La définition de l’ayant droit a été apportée par l’arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l’arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès : « Art. 1er – « En ce qui concerne la portée de la qualité d’ayant droit, il s’agit dans tous les cas des successeurs légaux du défunt, conformément au Code Civil, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé ».

2. Les ayants droit n’ont qu’un accès limité au dossier du défunt, comme le mentionne ce même article L.1111-7 du C.S.P. : « En cas de décès du malade, l’accès des ayants droit à son dossier médical s’effectue dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article L. 1110-4 ».

Cet article L.1110-4 limite le champ des informations délivrées à trois objectifs : _ • la connaissance des causes de la mort ; _ • la défense de la mémoire du défunt ; _ • la défense des droits des ayants droit.

« Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. »

L’article 2 de l’arrêté du 3 janvier 2007 confirme cette restriction : « L’ayant droit qui se trouve dans cette situation a accès aux seuls éléments du dossier médical nécessaires à la réalisation d’un tel objectif ».

SUR LE PLAN PRATIQUE

L’ayant droit doit motiver sa demande

Art. R.1111-7 du C.S.P. : « L’ayant droit d’une personne décédée qui souhaite accéder aux informations médicales concernant cette personne, dans les conditions prévues au septième alinéa de l’article L. 1110-4, doit préciser, lors de sa demande, le motif pour lequel elle a besoin d’avoir connaissance de ces informations ».

Le médecin doit alors : _ • apprécier si cette demande entre bien dans le cadre du champ d’information défini par l’article L.1110-4 du C.S.P. évoqué précédemment ; _ • extraire du dossier les seuls éléments entrant dans ce cadre.

Le médecin doit refuser la communication des informations demandées dans certain cas : _ • si le demandeur n’est pas un « ayant droit » ; _ • si la demande n’entre pas dans le cadre défini par la réglementation ; _ • si le patient décédé avait exprimé son refus de communiquer des informations médicales le concernant ; _ • si les informations mentionnent qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernent un tel tiers.

Toutefois (art. R.1111-7 du C.S.P) : _ • « Le refus d’une demande opposé à cet ayant droit est motivé. » _ • « Ce refus ne fait pas obstacle, le cas échéant, à la délivrance d’un certificat médical, dès lors que ce certificat ne comporte pas d’informations couvertes par le secret médical. »

C’est ainsi, par exemple, qu’en matière d’assurance décès, lorsque le contrat exclue le suicide, il suffit, si on le demande, d’établir un certificat attestant que le décès était de cause naturelle, sans mentionner de diagnostic, ce qui permet à la famille de bénéficier de ses droits sans qu’il soit nécessaire de dévoiler des renseignements confidentiels d’ordre médical.

Délais

Ce sont les mêmes (Art L.1111-7 du C.S.P.) que lorsqu’un patient veut accéder à son propre dossier : _ • dans les huit jours suivant la demande et au plus tôt après qu’un délai de réflexion de quarante- huit heures aura été observé ; _ • deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans.

Ce délai de huit jours ou de deux mois (art. R.1111-1 du C.S.P. ) court à compter de la date de réception de la demande ; lorsque le délai de deux mois s’applique en raison du fait que les informations remontent à plus de cinq ans, cette période de cinq ans court à compter de la date à laquelle l’information médicale a été constituée.

Sous quelle forme doit se faire la communication des informations ?(art. R.1111-2 du C.S.P.

Au choix du demandeur : _ • soit par consultation sur place, avec, le cas échéant, remise de copies de documents ; _ • soit par l’envoi de copies des documents. Une précision : « Les copies sont établies sur un support analogue à celui utilisé par le professionnel de santé, l’établissement de santé ou l’hébergeur, ou sur papier, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques du professionnel ou de l’organisme concerné ».

Vérification de l’identité du demandeur

Art. L.1110-4 du C.S.P « Avant toute communication, le destinataire de la demande s’assure de l’identité du demandeur et s’informe, le cas échéant, de la qualité de médecin de la personne désignée comme intermédiaire ».

Le texte ne précise pas comment le médecin doit apprécier la qualité d’ayant droit, c’est-à-dire d’héritier, quand il s’agit d’un demandeur qu’il ne connaît pas.

Règlement des frais

Art. L.1111-7 du C.S.P. : « La consultation sur place des informations est gratuite. Lorsque le demandeur souhaite la délivrance de copies, quel qu’en soit le support, les frais laissés à sa charge ne peuvent excéder le coût de la reproduction et, le cas échéant, de l’envoi des documents ».

La transmission à une famille d’informations concernant un patient décédé est rarement un acte anodin, surtout quand on ne connaît pas les demandeurs. La loi ne l’autorise que dans certains cas bien définis et impose un choix des documents fournis. Il s’agit donc d’un acte médical (non rémunéré), pour lequel il faut prendre le temps de la réflexion, malgré la brièveté du délai imposé.