Les cardiologues sont prêts pour le P4P

349 – Depuis le début de l’année, comme les praticiens de toutes les spécialités qui n’ont pas signifié par écrit à l’Assurance Maladie qu’ils refusaient le système de rémunération à la performance instauré par la dernière convention, les cardiologues sont entrés dans l’ère du P4P à la française. Mais comme tous les spécialistes, à l’exception des spécialistes de médecine générale, ils ne sont concernés que par la partie « organisation du cabinet et qualité de service ». En effet les indicateurs relatifs à « la qualité de la pratique médicale » inscrits dans la convention ne concernent pour l’instant que les généralistes. Cette option conventionnelle « a cependant vocation à s’étendre à toutes les spécialités par avenants afin de prendre en compte la spécificité de pratique des différentes spécialités cliniques et techniques et d’adapter les indicateurs susceptibles d’être retenus ainsi que les modalités de calcul », précise le texte de la convention.

Un projet déjà élaboré dans le Livre blanc de cardiologie _ C’est dans la perspective de cette généralisation du dispositif que les cardiologues se sont mis rapidement au travail pour élaborer des indicateurs pertinents pour leur spécialité. Rien d’étonnant à cela, puisque, dès 2000, le deuxième Livre Blanc de la cardiologie libérale avançait, parmi les dix propositions pour les dix prochaines années, l’idée d’un « secteur conventionnel d’excellence fondé sur la soumission volontaire et régulière de ses membres à une procédure d’évaluation des pratiques », clause obligatoire pour pouvoir accéder à ce secteur autorisant des dépassements d’honoraire.

Huit ans plus tard, dans la troisième édition du Livre Blanc, le SNSMCV persistait dans son projet avec le « secteur Qualité + » dont le contenu reprendrait « les critères traditionnels de la qualité de la pratique » : engagement dans les objectifs de santé publique, engagements d’efficience économique, engagement dans le suivi des malades chroniques, amélioration de l’environnement du cabinet. Autant de critères retenus par le nouveau texte conventionnel à propos de la rémunération à la performance.

Interrogé par Le Cardiologue, Eric Perchicot, chargé du dossier au sein de SNSMCV et de l’UMESPE, pointait la diffi culté d’élaborer « des indicateurs forcément complexes, mais qui devront être simples d’utilisation pour que les médecins s’approprient le dispositif ».

Des indicateurs médicalement utiles et incontestables _ Quelques mois plus tard, et après cinq réunions de travail avec la CNAMTS, un projet est en cours de finalisation qui comporte une dizaine d’indicateurs pour commencer. « Nous avons proposé une trentaine d’indicateurs au départ, explique Eric Perchicot. Mais n’ont pu être retenus que ceux qui étaient exploitables par l’actuelle base de données de l’Assurance Maladie. Ainsi, il n’est pas possible pour l’instant de retenir des indicateurs concernant les actes techniques, comme l’échographie cardiaque, par exemple, puisque l’Assurance Maladie de peut les relier à des diagnostics. »

Une dizaine d’indicateurs ont donc été retenus, qui concernent les pathologies chroniques, la santé publique et l’effi cience (bonnes pratiques de prescription). A ces indicateurs relatifs à la qualité de la pratique médicale s’ajoutent bien sûr les quatre indicateurs relatifs à l’organisation du cabinet. « Le travail reste ouvert, indique Eric Perchicot. Nos interlocuteurs de l’Assurance Maladie ont été à l’écoute de notre préoccupation d’avoir des indicateurs médicalement utiles et incontestables. Et à ce jour, les indicateurs retenus sont des indicateurs de bonnes pratiques contre lesquels nul ne peut honnêtement s’élever. »

Après une ultime réunion de travail, le projet en l’état sera soumis à l’examen de la commission paritaire nationale. « Les syndicats pluricatégoriels ont leur mot à dire, puisque au final, ce sont eux qui signeront l’avenant », précise Eric Perchicot. Une signature qui devrait intervenir avant la fin du moins de mars. ■

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Un quart des ménages pense qu’il ne pourra plus assumer ses frais de santé

348 – CardioNews – Selon une étude menée en France en mai dernier par Ipsos pour le cabinet Deloitte, un Français sur quatre – et un sur trois parmi les plus modestes – estime qu’il ne pourra pas assumer ses frais de santé dans l’avenir. Un résultat qui laisse songeur, surtout si l’on considère que l’enquête a précédé l’augmentation de la taxe sur les contrats d’assurance, qui devrait se traduire par une augmentation moyenne de 4,7 % des cotisations : en mai 2011, 57 % des Français déclaraient avoir “atteint” (45 %) ou “dépassé” (12 %) leur imite budgétaire concernant leur complémentaire santé… D’ailleurs, cette crainte des Français n’est pas directement corellée à leur niveau de couverture, puisque près de la moitié d’entre eux (47 %) jugent leur couverture santé actuelle “bonne” ou “convenable”.

En revanche, leur inquiétude est inversement proportionnelle à leurs revenus annuels : si seuls 15 % sont inquiets dans la tranche de revenus annuels supérieurs à 36 000 euros, 38 % le sont dans la tranche des moins de 12 000 euros annuels de revenus.

Pour près de deux tiers des ménages, la crise économique a eu un retentissement sur le budget qu’ils consacrent à leur santé, surtout quand leur revenus sont faibles et leur couverture maladie insuffisante. Pour 6 % d’entre eux, l’impact a été “très significatif”, “significatif” pour 19 %, “modéré” pour 41 % et nul pour 35 %). Conséquence de cette répercussion de la crise ? Un quart de Français déclare que son état de santé s’est dégradé l’année précédent l’enquête.




Y aura-t-il un secteur optionnel au printemps ?

348 – CardioNews – Depuis le 22 janvier dernier et en l’absence d’un accord conventionnel, le Gouvernement a jusqu’au 22 mars pour instaurer, par arrêté, une option de coordination renforcée pour les chirurgiens, les gynécologues-obstétriciens et les anesthésistes réanimateurs de secteur 2, conformément à la LFSS 2012. Cette perspective ne satisfaisant personne, il y a donc urgence à trouver une entente sur le secteur optionnel. Deux réunions ont eu lieu les 20 et 27 janvier dernier entre l’Assurance Maladie, l’UNOCAM et les syndicats signataires de la convention, CSMF, SML, FMF et MG France. Du côté de l’Assurance Maladie et des syndicats, les choses ont un peu avancé. La première s’engage à revaloriser le tarif des actes d’obstétrique et de chirurgie des praticiens du secteur 1 et de ceux du secteur 2 s’engageant dans le secteur optionnel. La CSMF et le SML sont prêts à signer et, à défaut d’unanimité au sein de l’UNOCAM, proposent que le nouveau secteur soit “optionnel” pour les organismes complémentaires d’Assurance Maladie: le prendront en charge celles qui le voudront. _ Car c’est bien en effet du côté de l’UNOCAM que les choses se compliquent. Forte de tout son poids, la Mutualité s’oppose toujours au secteur optionnel. Elle a toujours en travers de la gorge le refus que le législateur lui a opposé pour l’expérimentation de remboursement gradué au sein de réseaux de ses soins. En outre, elle n’estime pas le secteur optionnel, en l’état, capable de réguler efficacement le secteur 2, et trouve anormal que l’Assurance Maladie ne rembourse pas à leur juste valeur les actes des trois spécialités concernées. “En réalité, la Mutualité joue la montre, commente Jean-François Rey, président des spécialistes confédérés (UMESPE). Elle attend les pésidentielles et parie sur l’élection de François Hollande.” Une analyse à lequelle on peut souscrire sans trop de risque d’erreur. _ L’avènement du secteur optionnel n’est donc pas encore pour tout de suite. Il faudrait que le président de l’UNOCAM, Fabrice Henry, parvienne à convaincre la Mutualité de signer pour le dispositif en l’état. On n’y croit guère. Ou que Xavier Bertrand passe en force, et instaure par arrêté le secteur optionnel dans les conditions inscrites dans la LFSS, ce qui serait, politiquement parlant, se tirer une balle dans le pied à trois mois des présidentielles.




Communauté hospitalière de territoire : la Normandie ouvre la voie

348 – CardioNews – Créée par la loi HPST, la communauté hospitalière de territoire (CHT) a pour objectif de favoriser les complémentarités entre les établissements publics de santé, en dépassant les cloisonnements et en développant une stratégie de groupe. Les différentes parties d’une CHT peuvent ainsi un projet médical commun, déléguer et transférer entre elles des compétences, des activités, et des cessions d’équipements lourds, de biens meubles ou immeubles nécessaires au projet médical. Ne disposant pas de la personnalité morale, la CHT peut organiser le transfert de moyens (y compris de personnels) et d’activités, mais elle ne peut pas les mutualiser.

A la fin de l’année, une convention constitutive de la première CHT de Basse-Normandie a été signée entre l’ARS et les centres hospitaliers de Saint-Lô, Coutances et Carentan, trois villes du département de la Manche. Par avenant à cette convention, les centres hospitaliers spécialisés (CHS) de Saint-Lô et de Picauville en sont « membres partenaires », et parmi les membres associés figureront essentiellement des établissements d’hébergement pour personnes âgées. « C’est donc l’ensemble des établissements publics de santé et médico-sociaux du Centre Manche qui sont concernés », soulignent les trois centres hospitaliers réunis dans la CHT, qui annoncent la rédaction prochaine du projet médical commun, dont les bases sont déjà jetées.




Les actes techniques des cardiologues libéraux en 2010

348 – CardioNews – En 2910, 94,6 millions d’actes techniques ont été réalisés en libéral, soit une augmentation en volume de 3,2 %, inférieure à leur taux d’évolution de 4,6 % en 2009. Cela représente une croissance de 1,9 % en honoraires remboursables (contre 4,3 % en 2009) y compris les forfaits techniques d’imagerie (1,1 % hors forfaits techniques). Ce frein dans la croissance des honoraires remboursables s’explique par la modification de la règle de facturation des associations d’actes de radiologie conventionnelle entre eux et de mammographie et échographie du sein (abattement de 50 % de l’acte le plus bas). Il s’explique aussi par la suppression des suppléments pour archivage des images numériques.

Quatre spécialités génèrent à elles seules 59 % des honoraires remboursables facturés en CCAM : la radiologie, la chirurgie, les cardiologues et l’anesthésie-réanimation. En 2010, les cardiologues du secteur privé ont effectué 8 291 actes techniques – soit une évolution de 2,1 % par rapport à 2009. Ces actes ont généré 526 732 milliers d’euros d’honoraires remboursables, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à l’année précédente. Comme les années précédentes, la contribution la plus forte à la croissance des honoraires remboursables issus des actes techniques est le fait des ophtalmologues (0,5 point). Les cardiologues arrivent derrière les oncologues et radiothérapeutes (0,3 point), avec une contribution de 0,2 point à la croissance des honoraires, à égalité avec les omnipraticiens et les gynécologues.




« Sommes nous prêts à accepter les événements indésirables » : un débat toujours nécessaire

348 – D’Alembert et Diderot ont eu sur la variolisation un vif débat. Le premier se méfiait beaucoup de cette nouvelle technique. Invoquant l’ « affreux reproche » ([D’Alembert, Opuscules mathématiques, T.II, Réflexions sur l’inoculation (1761), cité dans C. Doron, « Le principe de précaution : de l’environnement à la santé », in Cahiers du Centre Georges Canguilhem, n°3, La santé face au principe de précaution, dir. Dominique Lecourt, PUF, Paris, 2009)] que le père aurait à se faire d’avoir provoqué la mort de son fils en l’inoculant, il soutenait qu’il valait peut-être mieux s’exonérer de la responsabilité de tuer des milliers d’hommes, quitte à ce qu’au total moins fussent sauvés. Face à ce qu’il considérait déjà comme des peurs irrationnelles, Diderot voyait au contraire dans la variolisation un moyen sûr et efficace de contribuer au bien public et rejetait avec force l’argument de D’Alembert, en intégrant l’inaction dans l’ordre de la responsabilité humaine. Ne pas intervenir, c’était pour lui déjà agir.

Mais dans un monde où l’homme se targue d’avoir triomphé de la nature, où il maîtrise de mieux en mieux les conditions de son existence, de sa naissance et de sa mort, les événements indésirables, qu’ils soient le fait de l’inaction ou d’une intervention malheureuse, paraissent de toute façon insupportables. Voire immoraux lorsque, pense-t-on, ils auraient pu être évités et que la responsabilité peut en être imputée à un agent moral : l’Etat, le patient, l’industrie pharmaceutique, etc. Que le malheur provienne d’un acte (crise de la vache folle) ou d’une inaction (crise de la canicule), l’homme est tout autant responsable. Diderot, en ce sens, l’a emporté sur D’Alembert.

Malgré ce point de consensus, c’est peu de dire que la gestion des événements indésirables continue aujourd’hui de faire débat. Ce n’est cependant plus la causalité de l’événement indésirable, mais le critère de la décision à l’origine de l’intervention ou de l’absence de l’intervention qui est devenu l’objet d’un affrontement continuel. La décision était-elle la plus raisonnable possible compte tenu des circonstances ? Pour répondre à cette question, deux rationalités sont tour à tour mobilisées dans les débats actuels : – une rationalité objective fondée sur la probabilité d’occurrence de l’événement indésirable. Elle suppose de rapporter les bénéfices d’une intervention ou d’une absence d’intervention aux risques qui lui sont associés pour évaluer la décision. Celle-ci est jugée pertinente lorsqu’elle maximise le nombre d’années de vie. C’est le raisonnement traditionnel de la santé publique. – Une rationalité subjective, que l’on pourrait aussi appeler rationalité de précaution ([Précaution est ici employée au sens large puisqu’à proprement parler, la précaution porte plutôt sur des risques seulement possibles, et non pas certains ou avérés. Il est ici question d’une rationalité qui anticiperait des risques aussi bien certains que possibles.)] . Elle repose, quant à elle, sur le degré de l’indésirabilité de l’événement indésirable. Peu importent les bénéfices de l’intervention, peu importent la probabilité et l’évitabilité des risques : seule compte la possibilité de l’événement, fût-elle infime.

Bien souvent, les défenseurs du calcul bénéfices/risques prétendent avoir le monopole de la raison, laissant à ceux qui invoquent le caractère inacceptable de l’événement indésirable le monopole de l’affect. Mais ces deux rationalités se mettent au service de fi ns qui n’ont rien de rationnel : vouloir vivre longtemps ne l’est pas davantage que vouloir éviter à tout prix un événement indésirable. Elles ne sont donc qu’instrumentales, elles ne visent qu’à agencer au mieux les moyens dont elles disposent pour atteindre ces fins préalablement données.

La limite morale de la liberté individuelle _ C’est pourquoi aucune des deux n’a toujours raison mais chacun s’adaptent plus ou moins aux situations rencontrées, selon les fins poursuivies. Le recours systématique à la première supposerait que nous puissions définir objectivement le bien-fondé d’une stratégie sanitaire dans une population en fonction du nombre d’années sauvées et ce, sans nous soucier aucunement des circonstances des morts ou des événements indésirables provoqués par l’intervention. On perçoit bien l’argument censément raisonnable qui en est l’origine : l’application du calcul bénéfices/risque est favorable à tous, et donc à chacun. Mais si l’on poussait le raisonnement jusqu’à l’absurde, et même jusqu’à l’horreur, prendre la vie d’une personne choisie au hasard pour donner deux de ses organes vitaux à deux autres qui en ont impérativement besoin nous apparaîtrait comme une intervention hautement morale puisque nous obtiendrions alors, en soustrayant le nombre de victimes ([D’Alembert, Opuscules mathématiques, T.II, Réflexions sur l’inoculation (1761), cité dans C. Doron, « Le principe de précaution : de l’environnement à la santé », in Cahiers du Centre Georges Canguilhem, n°3, La santé face au principe de précaution, dir. Dominique Lecourt, PUF, Paris, 2009)] au nombre de vies sauvées ([Précaution est ici employée au sens large puisqu’à proprement parler, la précaution porte plutôt sur des risques seulement possibles, et non pas certains ou avérés. Il est ici question d’une rationalité qui anticiperait des risques aussi bien certains que possibles.)], un solde positif ([D’Alembert, Opuscules mathématiques, T.II, Réflexions sur l’inoculation (1761), cité dans C. Doron, « Le principe de précaution : de l’environnement à la santé », in Cahiers du Centre Georges Canguilhem, n°3, La santé face au principe de précaution, dir. Dominique Lecourt, PUF, Paris, 2009)]. La limite morale du calcul bénéfices/ risques se situe précisément là où commence la liberté individuelle : nous ne pouvons pas exiger d’un individu qu’il accepte de sacrifier sa vie pour que d’autres vivent à sa place. Chacun doit être en mesure de refuser ou de contester la mise en oeuvre d’une stratégie sanitaire si ses effets possibles lui paraissent insupportables, aussi peu probables soient-ils.

Il est tout aussi insensé d’adopter en toutes circonstances une rationalité subjective, et de faire reposer nos décisions sur le seul sentiment de l’inacceptable. La rationalité subjective confi ne au déni lorsqu’elle ignore qu’on ne peut vivre, même respirer, sans prendre des risques qui engagent notre vie même. Quand nous traversons la rue, quand nous mangeons, nous choisissons plus ou moins inconsciemment de prendre le risque minime de mourir sur la base d’un calcul bénéfices/risques : le bénéfice de la vie suppose la prise de risques. Du reste, il est des cas de traitement où le fonctionnement même de la société ne peut se passer du consentement de chacun à un risque collectif. La plupart des vaccins en font partie. Le recours systématique à une rationalité subjective nous laisserait presque penser que nous sommes seuls au monde.

Ni la rationalité objective ni la rationalité subjective ne peuvent donc prétendre incarner un modèle de décision universel en matière de santé publique. Il faut se résoudre à ce que, selon les cas, l’une ou l’autre soit plus raisonnable. De toute évidence, le risque présenté par un médicament de donner des maux de tête passagers ne peut suffire à justifier son retrait du marché si bien que dans ce cas, le calcul bénéfices/risques joue à plein. Mais sitôt que l’événement indésirable envisagé dépasse un certain seuil d’acceptabilité, sitôt qu’il devient un risque létal aisément évitable, par exemple, la rationalité subjective règne en maîtresse.

Quant à déterminer un seuil d’acceptabilité qui soit rationnel, c’est là un projet bien déraisonnable, tant ce seuil dépend de la manière toujours particulière et fluctuante dont les individus appréhendent les risques qu’ils encourent et de la nature des événements indésirables considérés. L’acceptabilité du risque constitue donc pour les individus et les sociétés un point d’interrogation permanent.

A l’incertitude sur la dangerosité de l’événement indésirable, que l’on met parfois trop tard au jour, s’ajoute ainsi l’incertitude sur son acceptabilité future : pourrons-nous le tolérer ? C’est cette double incertitude qui fait naître et renaître les crises dans ce théâtre de l’affect qu’est le champ de la santé publique. Mais c’est surtout à combler la première, et peut-être d’autant plus qu’elle ne peut pas combler la seconde, que s’attèle la loi récente sur le médicament, en rendant plus transparent le processus de mise sur le marché des médicaments, par la lutte contre les conflits d’intérêt notamment.

Une part des crises sanitaires que nous vivons s’explique pourtant aussi par cette incertitude radicale, inéliminable, qui réside précisément dans l’acceptabilité des événements indésirables et qui appelle des capacités d’anticipation et de concertation. Nous ne devons pas seulement nous interroger sur les conséquences de l’événement indésirable mais sur nous-mêmes et notre aptitude à le supporter. A fuir ce questionnement pour se réfugier dans la recherche de la vérité, à ne pas l’assumer ni l’institutionnaliser comme l’objet d’un choix démocratique et serein, nous nous réservons sans doute de belles crises à venir.




Philippe Lamoureux : « Une stigmatisation de l’industrie sans précédent »

348 – Le Cardiologue : Quelle réflexion générale vous inspire la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire adoptée par le Parlement en fin d’année ?

Philippe Lamoureux : Le Leem a toujours soutenu tous les aspects de la loi qui concernent la sécurité des patients et le renforcement de la transparence. Nous avons donc partagé les objectifs de ce texte, en regrettant néanmoins que les débats aient été l’occasion d’une stigmatisation sans précédent de l’industrie pharmaceutique.

Le Cardiologue : D’une façon générale, la loi accroît les contraintes vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Les conséquences de ces exigences accrues vont-elles entraîner pour les industriels de la santé ?

Ph. L. : Nous souhaitions une réforme euro-compatible, lisible et prévisible. Le renforcement de la transparence représente un énorme travail à effectuer dans des délais exigeants, même si beaucoup d’industriels travaillant aux Etats-Unis sont déjà largement familiarisés avec ce dispositif à travers le Sunshine Act. Certes, les règles d’évaluation évoluent et le cadre juridique change, mais dans la pratique, une partie de ces nouvelles règles est déjà une réalité pour beaucoup d’industriels.

Le Cardiologue : L’instauration par la loi d’un Sunshine Act à la française va-t-elle poser des problèmes aux industriels du médicament pour réunir des experts ?

Ph. L. : Je ne le pense pas. Le texte fait un distinguo très clair entre le conflit d’intérêts et le lien d’intérêt. Un débat a eu lieu pour savoir si devaient être écartés de l’expertise tous les experts liés à l’industrie d’une façon ou d’une autre, et la réponse apportée est plutôt négative. Fort heureusement, on a reconnu que dans certains domaines très complexes, il serait compliqué d’évaluer des produits de haute technicité sans faire appel à des experts très « pointus », qui ont forcément un lien avec l’industrie, puisqu’ils participent à leur développement. Ces liens ne sont pas prohibés. En revanche, il est essentiel qu’ils soient déclarés et connus.

Le Cardiologue : Avez-vous des regrets concernant ce texte de loi ?

Ph. L. : Nous avons deux regrets et un point qui cristallise toute notre vigilance. Nous déplorons, autour de ce texte, une stigmatisation du secteur qui a atteint un degré jamais vu, et qui nous préoccupe. De même, dans la continuité de la loi, nous regrettons un niveau de taxation de l’industrie pharmaceutique jamais atteint lui aussi. Enfin, nous restons très vigilants à ce que le déploiement du texte permette à la France de maintenir une position forte en Europe. Il faut que les patients puissent continuer d’accéder aux produits innovants. Pour cela, la formule « Le doute doit profiter aux patients » ne doit pas s’ériger comme une barrière à ces innovations, mais signifier qu’elles doivent être mises à leur disposition le plus rapidement possible, et dans les meilleures conditions possibles de qualité et de sécurité.




Formation : le compagnonnage en cardiologie de ville

348 – Un regard sur les derniers atlas de la démographie médicale établis par l’Ordre confirme ce que les praticiens installés constatent amèrement : les jeunes médecins désertent la pratique de ville au profit de l’exercice hospitalier. Paris n’est pas la France, mais enfin, l’année dernière, aucun jeune cardiologue ne s’est installé en ville dans la Capitale, et partout ailleurs le pourcentage de ceux qui optent pour ce mode d’exercice ne dépasse guère 5 %. Les responsables de la profession s’émeuvent de ce que demain, la population risque de ne plus avoir accès à un cardiologue de ville. Ils estiment que cette désertion s’explique, notamment, par une méconnaissance des jeunes praticiens de la réalité de cet exercice, qui ne font quasiment plus de remplacements, tout juste un peu en dernière année d’internat. Pour tenter de corriger cela, l’idée à germer, il y a quatre ou cinq ans, d’organiser des stages de sensibilisation en cabinet pour les internes de cardiologie. « A l’époque, l’idée n’a pas été plus loin, mais elle est reprise aujourd’hui », commente Jean-Claude Daubert. Cardiologue au CHU de Rennes et président du Collège national des enseignants de cardiologie, il est l’un des initiateurs d’une première expérience qui va démarrer au cours du premier semestre de cette année dans le Grand Ouest dans trois universités volontaires, Nantes, Poitiers et Rennes.

Concrètement, comment cela vat- il se passer ? « Ce stage vise les étudiants de 3e année d’internat, et se déroulera au cours du 5e semestre, si possible, précise Jean- Claude Daubert. Les internes volontaires partiront en stage trois à cinq jours durant dans un cabinet libéral indépendant – pas un établissement – ayant un exercice diversifié, pour y vivre la vie du cabinet et se familiariser avec la cardiologue clinique, les explorations de base, ainsi qu’avec les diverses tâches administratives. » En fin de stage, le cardiologue volontaire pour l’accueil d’un stagiaire rédigera un rapport sous forme de questionnaire, ainsi que le stagiaire qui indiquera en quelques lignes la façon dont il a perçu le stage en précisant si ce contact avec la cardiologie libérale générale lui a permis d’entrevoir une possibilité de carrière autre qu’hospitalière.

« Ce stage n’est pas destiné à devenir autre chose qu’une sensibilisation, souligne Jean-Claude Daubert. Si cela marche et si l’évaluation par les praticiens et les internes se révèle positive, l’expérience pourrait se généraliser en 2013. Etant entendu que ce stage repose sur le volontariat de tous : libre aux universités, cardiologues libéraux et aux internes d’y participer . » Accueillie un peu froidement au départ par les universités, l’expérience les séduit davantage aujourd’hui. Quant aux internes, ils y sont plutôt favorables. L’expérience bretonne démarre en ce début d’année avec une douzaine de cardiologues libéraux qui se sont portés volontaires pour y participer, et initier une semaine durant un interne à la réalité de la cardiologie en cabinet de ville. ■

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Sécurité sanitaire : le Sunshine Act à la française entre en vigueur

348 – L’année 2011 qui s’est ouverte avec l’affaire du Mediator s’est clos avec l’adoption par l’Assemblée Nationale de la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, dans la version initialement votée par les députés le 23 novembre, sans aucune modification.

 « Cette réforme est capable de redonner aux Français davantage confiance dans le système du médicament », s’est félicité le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Exit l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), place à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), avec des missions élargies et des pouvoirs de sanction renforcés en cas de non-respect de ses demandes par les acteurs du système, les industriels notamment. La loi instaure un Sunshine Act à la française, qui oblige les experts et personnels des agences sanitaires à déclarer leurs liens d’intérêt sur cinq ans. Par ailleurs, devront être rendus publics tous les avantages consentis par l’industrie pharmaceutique aux différents acteurs de la santé, au sens très large, puisque cela englobe les professionnels de santé, bien sûr, mais aussi les étudiants en médecine, les associations d’usagers de la santé, les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et l’ensemble des médias (presse écrite, radio, télévision…).  Les travaux des agences sanitaires seront enregistrés et leurs comptes-rendus publiés. 

Un Groupement d’Intérêt Public (GIP) « Etudes et santé » est créé pour la réalisation d’études de vigilance et d’épidémiologie sur les produits de santé. Les Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU) et les prescriptions hors AMM font l’objet d’un nouvel encadrement, et le suivi post-AMM est renforcé. Quant à l’obtention du remboursement pour un médicament, elle dépendra désormais du résultat de la confrontation d’essais cliniques avec les stratégies thérapeutiques déjà sur le marché.

La communication sur le médicament fait, elle aussi, l’objet d’un sérieux encadrement par la nouvelle loi, notamment par l’instauration du contrôle – a priori – de la publicité sur les produits. Quant à la visite médicale hospitalière, elle devient collective, à titre expérimental et pour trois ans. Cette visite collective ne concernera cependant pas les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière, ainsi que les dispositifs médicaux. Des restrictions qui ne satisfont pas Xavier Bertrand, qui l’a dit aux députés. « Ce que je veux, c’est que, lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments et de dispositifs médicaux, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé », a indiqué le ministre, qui s’est également engagé à revenir devant l’Assemblée en début d’année pour faire un point sur les décrets d’application et la mise en place de l’ANSM, notamment. Comme le diable est toujours dans les détails et qu’on jamais vu que la rédaction des dits décrets se fasse sans débat, nous aurons sans doute l’occasion de reparler de la nouvelle loi.




Sécurité sanitaire : le Sunshine Act à la française entre en vigueur

348 – «Cette réforme est capable de redonner aux Français davantage confi ance dans le système du médicament », s’est félicité le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Exit l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), place à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), avec des missions élargies et des pouvoirs de sanction renforcés en cas de non-respect de ses demandes par les acteurs du système, les industriels notamment. La loi instaure un Sunshine Act à la française, qui oblige les experts et personnels des agences sanitaires à déclarer leurs liens d’intérêt sur cinq ans. Par ailleurs, devront être rendus publics tous les avantages consentis par l’industrie pharmaceutique aux différents acteurs de la santé, au sens très large, puisque cela englobe les professionnels de santé, bien sûr, mais aussi les étudiants en médecine, les associations d’usagers de la santé, les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et l’ensemble des médias (presse écrite, radio, télévision…). Les travaux des agences sanitaires seront enregistrés et leurs comptes rendus publiés.

Un Groupement d’Intérêt Public (GIP) « Etudes et santé » est créé pour la réalisation d’études de vigilance et d’épidémiologie sur les produits de santé. Les Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU) et les prescriptions hors AMM font l’objet d’un nouvel encadrement, et le suivi post-AMM est renforcé. Quant à l’obtention du remboursement pour un médicament, elle dépendra désormais du résultat de la confrontation d’essais cliniques avec les stratégies thérapeutiques déjà sur le marché.

La communication sur le médicament fait, elle aussi, l’objet d’un sérieux encadrement par la nouvelle loi, notamment par l’instauration du contrôle – a priori – de la publicité sur les produits. Quant à la visite médicale hospitalière, elle devient collective, à titre expérimental et pour trois ans. Cette visite collective ne concernera cependant pas les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière, ainsi que les dispositifs médicaux. Des restrictions qui ne satisfont pas Xavier Bertrand, qui l’a dit aux députés. « Ce que je veux, c’est que, lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments et de dispositifs médicaux, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé », a indiqué le ministre, qui s’est également engagé à revenir devant l’Assemblée en début d’année pour faire un point sur les décrets d’application et la mise en place de l’ANSM, notamment. Comme le diable est toujours dans les détails et qu’on jamais vu que la rédaction des dits décrets se fasse sans débat, nous aurons sans doute l’occasion de reparler de la nouvelle loi. ■




Claude Le Pen : « L’avènement d’une médecine sociale n’est pas à exclure »

348 – Le Cardiologue : Selon vous, la crise économique que nous traversons aura-t-elle des répercussions sur la santé ? _ Claude Le Pen : Sans doute, elles prendront différents aspects. Y a-t-il une pathologie de la crise ? Nous n’avons pas de certitude à ce sujet, seulement des présomptions. On peut légitimement penser que l’incertitude quant à l’avenir, la croissance du chômage, les difficultés matérielles engendrées par la crise, peuvent avoir des conséquences somatiques. Cela est difficile à cerner précisément, mais sans doute réel. Les autres conséquences concernent le financement de la santé.

Le Cardiologue : A quoi peut-on s’attendre à ce sujet ? _ C. L P : Il faut s’attendre à une crise du financement public pendant les deux ou trois ans qui viennent. Après, tout dépend de la durée de la crise. Si nous entrons dans une période de crise économique grave ; les répercussions seront fortes. Dans l’hypothèse d’une croissance économique inférieure à 1 %, même avec une inflation à 1 % ou 1,5 %, nous aurons du mal à rester dans le cadre actuel des dépenses de santé fixé par l’Ondam. Avec une croissance du PIB à 3 % en valeur, un Ondam à 3 %, c’est jouable à condition de dégager annuellement une économie de 2,5 à 3 milliards d’euros. Le problème est : où les trouver ? Cette année, plus de la moitié des économies proviennent du médicament, l’on a « grappillé » sur plusieurs autres postes. Mais ce sont des sources de financement qui ne sont pas renouvelables tous les ans.

Le Cardiologue : Dans ce cas, à quoi doit-on s’attendre ? _ C. L P : Un modèle plus strict n’est pas inenvisageable, dans lequel l’Assurance Maladie se replie, par exemple, sur les pathologies lourdes et les personnes les plus défavorisées. C’est un modèle de médecine sociale que l’on a refusé jusqu’à présent, mais c’est un scénario dans lequel on est déjà entré, doucement, avec le système des ALD, avec des économies à faire là aussi d’ailleurs. C’est un scénario très attentatoire aux valeurs traditionnelles de solidarité sur lequel est fondé le système français.

Le Cardiologue : Quelles conséquences aurait ce scénario pour les médecins ? _ C. L P : Pour les médecins, cela signifierait un système de rémunération par les assurances privées via une politique de réseaux agréés et de contrats, avec un contrôle renforcé de leur activité et un changement notable de leur rapport avec le patient. Un peu sur le modèle américain de protection sociale, redistributif et sélectif. Cela changerait fondamentalement les bases de notre système, qui a déjà amorcé un changement dans ce sens, même si les valeurs de solidarité restent. Si nous allons vers un tel modèle, ce sera un choc, avec l’apparition d’une médecine à deux vitesses clairement instaurée.

Le Cardiologue : Selon vous, la crise économique sera-t-elle longue ? _ C. L P : En 1974, la crise pétrolière a eu pour conséquence la diminution de moitié du taux de croissance économique. Les politiques – à de rares exceptions – disaient : « Ce n’est pas grave ». Mais en fait, nous ne sommes jamais revenus au taux de croissance antérieur à la crise. Si nous vivons un phénomène similaire, il est possible que nous soyons entrés dans une période de ce type. Combien de temps les choses mettront-elles à se restructurer ? Nul ne le sait. Ce qui est certain, c’est qu’on ne voit pas les années 2012 et 2013 meilleures que 2011. Le système de santé va s’ajuster sous la pression de la rareté de l’argent, et il changera par la force des choses, sans que personne ne l’ait véritablement décidé. ■

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Les faits marquants 2011

348 – Convention : la « révolution » du P4P _ Grande première dans la vie conventionnelle : pour la première fois, les trois principaux syndicats, la CSMF, le SML et MG France ont signé en juillet une nouvelle convention. La FMF l’ayant signé en décembre, jamais convention n’aura réuni autant de signataires ! Convention de rigueur, les revalorisations y sont rares : pour la première fois depuis que le système conventionnel existe, le texte ne prévoit aucune revalorisation du C des généralistes, et les spécialités cliniques, à quelques exceptions près, devront encore attendre. La vraie nouveauté du texte, c’est l’instauration de la rémunération à la performance inspirée du P4P anglo-saxon – une généralisation du CAPI en quelque sorte – qui concerne pleinement, dans un premier temps, les seuls généralistes. Mais les spécialistes entreront progressivement dans le dispositif, et les cardiologues devraient être les premiers à inaugurer ce nouveau mode de rémunération, dont le principe est d’inciter financièrement les médecins à respecter les recommandations et bonnes pratiques en vigueur.

ASV : ça va faire mal ! _ Les syndicats signataires de la dernière convention en avaient fait un préalable aux négociations. Ils ont obtenu gain de cause et la réforme de l’ASV est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Mais le sauvetage va coûter chers aux médecins. Egale pour tous, et d’un montant actuel de 4 140 euros, la cotisation forfaitaire va augmenter de 17 % à partir du 1er juillet 2012 et sur quatre ans. Ainsi, un médecin de secteur 1 qui paie actuellement 1 380 euros (un tiers de la cotisation) en paiera 1 617 en 2017, et un praticien de secteur 2 qui paie aujourd’hui 4 140 euros en paiera 4 850 à cette date. En 2017, la cotisation forfaitaire sera revalorisée en fonction du revenu moyen des médecins libéraux. La cotisation proportionnelle « d’ajustement » est proportionnelle aux revenus, et son assiette est limitée à cinq fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale (176 760 euros). Elle passera de 0,25 % des revenus l’année prochaine 2,80 % en 2017. Le nombre des points de retraite obtenus au titre de l’ASV reste fixé à 27 points, mais la valeur du point va diminuer progressivement les trois prochaines années, passant de 15,55 euros en 2012 à 14 euros en 2015. Sa revalorisation n’est prévue qu’à partir de 2020. Opposée à cette réforme, la CARMF a demandé à être déchargée de la gestion de l’ASV.

RCP : une réforme satisfaisante, mais il faudra payer… _ Fin décembre, les députés ont adopté dans sa version définitive la création d’un fonds de garantie pour les sinistres élevés des professionnels de santé opérationnel depuis le 1er janvier 2012. Le fonds de garantie, alimenté par une cotisation de tous les professionnels et auxiliaires médicaux libéraux, prendra en charge les indemnités supérieures à 8 millions d’euros accordées aux victimes de dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé libéraux et relevant de l’aléa thérapeutique ou de la responsabilité sans faute. Le seuil de 8 millions d’euros qui ne figure pas dans la loi sera précisé par décret. Il correspond à la garantie la plus élevée actuellement proposée par les assurances en Responsabilité Civile Professionnelle (RCP).

La cotisation de chaque professionnel sera de 15 à 25 euros en fonction de sa rémunération et de son niveau de risque. Cette contribution sera perçue par les organismes d’assurance et sera reversée au fonds dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

La pose de valves aortiques percutanées confirmée par la HAS _ Des arrêtés de 2009 autorisaient la pratique de cette intervention dans 33 centres habilités et son remboursement dans le cadre du GHS 1522 pour une période de deux ans, jusqu’au 31 décembre dernier. Au total, 3 400 patients ont été implantés conformément aux bonnes pratiques, les centres ont rempli leurs missions et 96 % des patients ont été suivis. Après évaluation de cette expérimentation, la Haute Autorité de Santé, qui a félicité la profession pour la qualité du registre France II, a donné son feu vert pour la poursuite de cette activité. Martine Gilard, professeur de cardiologie à l’hôpital de Brest et coresponsable, avec le Dr Lascar, du registre France II, juge l’évaluation de la HAS sur l’implantation de valves aortiques transcutanées « plutôt positive ». Le Dr Thierry Lefèvre, cardiologue interventionnel à l’hôpital privé Jacques Cartier de Massy-Palaiseau, et président du Groupe Athérome coronaire et Cardiologie Interventionnelle (GACI) de la Société Française de Cardiologie (SFC) se montre plus réservé quant aux conditions édictées par la HAS pour la pose des valves aortiques percutanées (Le Cardiologue n°346).

L’affaire Médiator _ Depuis le très sombre épisode du sang contaminé, la France n’avait plus connu une affaire provoquant une telle onde de choc et mettant les pouvoirs publics en demeure de légiférer pour restaurer la confiance des Français dans un système de sécurité sanitaire mis à mal. Etats généraux du médicament, rapports d’experts et missions parlementaires ont débouché sur un projet de loi renforçant la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Le texte définitif a été adopté par l’Assemblée nationale, qui a eu le dernier mot après l’échec de la Commission mixte paritaire pour cause de Sénat passé à gauche l’année dernière… En instaurant la transparence à tous les étages, la nouvelle loi instaure un Sunshine Act à la française.

Lent démarrage du DMP _ En janvier, le DMP devient en théorie accessible dans toute la France pour les professionnels de santé munis d’une carte CPS et d’un logiciel métier « DMP compatible », via le portail national dmp.gouv.fr. L’objectif affiché était la création de 2 millions de DMP en 2011. Mais compte tenu des « incertitudes » sur le déploiement et, en particulier, sur le rythme auquel les éditeurs seront en mesure d’équiper les médecins avec des logiciels DMP compatibles, Jean-Yves Robin, le directeur général de l’Asip-Santé, faisait montre de réalisme lors du lancement : « Nous préférons de loin 500 000 DMP qui remplissent pleinement leur fonction que 2 millions de DMP pour l’affichage ». Reste que le site @ du DMP n’affiche aucun nombre à ce jour…

Le ratage du secteur optionnel _ Faute d’un accord entre les syndicats médicaux, l’UNCAM et l’UNOCAM, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, Xavier Bertrand, a opté pour le passage en force en introduisant dans le PLFSS l’obligation pour les organismes complémentaires de prendre en charge le secteur optionnel dans les contrats responsables pour les seuls spécialistes en chirurgie, anesthésie-réanimation et obstétrique de secteur 2. Un passage en force qui ne satisfait ni les complémentaires santé, ni les médecins libéraux. Dans ces conditions, le nouveau secteur ne risque pas d’attirer beaucoup de praticiens, et le problème des dépassements d’honoraires et d’accès aux soins qu’ils suscitent de rester un problème à résoudre…

Un Nobel français _ Le prix Nobel de physiologie et médecine 2011 a été décerné à trois spécialistes de l’immunologie, l’américain Bruce Beutler, le canadien Ralph Steinman et le français Jules Hoffmann. Agé de 70 ans, luxembourgeois de naissance, Jules Hoffmann a étudié et fait toute sa carrière en France où il a dirigé l’institut de biologie moléculaire et cellulaire à l’université de Strasbourg. « Les lauréats ont révolutionné notre compréhension du système immunitaire en découvrant des principes clés de son activation », a indiqué la Fondation Nobel.

La loi Fourcade raccourcie par les Sages _ En août, les Sages du Palais Royal censurent partiellement 4 articles et 36 totalement des 65 articles de la loi Fourcade modifiant la loi HPST adoptée par le Parlement en juillet. Disparaissent ainsi les dispositions concernant la RCP, mais qui seront reprises dans le PLFSS (voir ci-dessus). Restent quelques motifs de satisfaction dans la loi Fourcade pour les médecins libéraux. Ainsi l’obligation de déclaration de congés à l’Ordre disparaît, comme disparaissent les pénalités prévues par le contrat santé solidarité, et qui menaçaient les médecins des zones dites surdotées refusant d’aller aider ponctuellement leurs confrères des zones déficitaires. Et l’un des articles relatifs aux ARS inscrit dans la loi sur la non-opposabilité des Sros ambulatoires aux médecins libéraux, comme ils le souhaitaient.

Retrait de deux recommandations par la HAS _ Après la requête en annulation déposée devant le Conseil d’Etat par l’association Formindep au motif de conflit d’intérêts de certains experts ayant participé à leur élaboration, la HAS retire la recommandation sur le diabète de type 2 et celle sur la maladie d’Alzheimer. C’est parce que les recommandations de la HAS s’intègrent à l’obligation déontologique du médecin qu’elles constituent nécessairement une norme réglementaire qui « fait grief », selon le Conseil d’Etat, dont l’avis rend les recommandations juridiquement opposables.

Crise économique _ La France a commencé l’année au chevet d’une Grèce anéantie et acculée à un régime de rigueur dont on ne sait si elle s’en remettra, et dans le club de plus en plus fermé des pays « 4 étoiles ». Sous la menace d’en sortir, et sur fond de croissance en berne (1 %), le Gouvernement a élaboré un premier plan de rigueur budgétaire, puis un second, encore plus strict. Dans la foulée, le PLFSS 2012 a mis le monde de la santé à la diète : établi à 2,8 % dans première mouture, l’Ondam a été ramené à 2,5 % et pour les cinq ans à venir. « Compte tenu d’une évolution tendancielle, en l’absence de toute mesure, légèrement supérieure à 4 %, cela signifie un effort d’économie de plus de 2,5 milliards d’euros chaque année », précise le rapport annexé au PLFSS adopté par les députés. Des économies qui seront « justement réparties entre efforts de maîtrise médicalisée des dépenses de soins de ville, baisse des coûts des médicaments par le développement des génériques et l’action sur les prix des produits, amélioration de l’efficience hospitalière et convergence tarifaire : les mesures viseront prioritairement à renforcer l’efficacité et la performance du système de soins. » Les recettes sont connues, qui sont appliquées depuis des années pour contenir le déficit croissant de l’Assurance Maladie. Mais suffiront-elles si crise, s’installe durablement ? L’économiste Claude Le Pen avance des hypothèses pour une équation à une inconnue, mais de taille : combien de temps durera la crise et à quand la reprise ? ■